C’était inimaginable. Je suis rentrée de vacances il y a un peu plus de deux mois à présent. Le boulot, ça va bien mieux, je ne peux pas dire, ces vacances-là m’ont fait un bien fou. Je n’ai plus besoin de hurler pour me faire respecter, et ça soulage. Seulement il y a quelques semaines, j’ai commencé à avoir des nausées, absence de règles totales, et oui, je me suis un peu inquiétée. Surtout lorsque les nausées commencèrent à être assez fréquentes. Je n’ai pas eu le réflexe tout de suite, après tout, cela faisait des années que j’étais persuadée ne pas pouvoir tomber enceinte. Mais en passant devant une pharmacie, je n’ai pas hésité un seul instant, et le test de grossesse était acheté. Je ne voulais rien m’imaginer, mais c’est vrai que je n’ai pas fait attention pendant les vacances avec Gabriel. Pourquoi avait-il fallu qu’on se voie là-bas, aux Seychelles ? Je ne comprends toujours pas comment ça a pu se produire. Toujours est-il qu’il a su tenir sa promesse. Aucun contact depuis. Depuis, je me sentais comme une coquille vide. Malgré tout, j’avais des espoirs que ce test soit bon, que je sois enceinte. La quarantaine arrive tellement vite, que je me dis, tant pis pour les gênes parfaits, si je tombe enceinte je ne pourrais que le garder et le chérir. Seulement, déception totale, le test était négatif. Mais les nausées persistaient et je prenais du poids. Je pensais donc être malade. Mon médecin était persuadé que j’étais enceinte, alors j’ai fait une échographie, et choc, je suis bien enceinte. Oui, moi, Becca Priest, je suis enfin enceinte. Je me suis littéralement mise à chialer pendant l’échographie, moi qui ne pleure jamais, j’ai bien cru que je n’arriverais plus à l’arrêter. Le gynéco me rassurait du mieux qu’il pouvait avec ses excuses sur les hormones, mais je voulais juste arrêter de pleurer. La joie et la peur mélangée donnait un cocktail assez explosif. Personne d’autre que les médecins étaient au courant. J’envoyais alors du mieux que je pouvais un message à ma sœur, avant de me rendre compte que j’avais supprimé le numéro de Gabriel et que j’étais loin de le connaître par cœur. Parce que oui, c’était lui le père, cela ne faisait aucun doute. Mais comment le lui annoncer ? Je ne pouvais pas garder ça pour moi, il mérite forcément d’être au moins au courant, qu’il veuille assumer son rôle de père, peu m’importe au final. Je m’étais mise en quête de le pister à sa galerie, chez lui, mais ce jour-là, il était accompagné d’un de ses amis depuis le lycée que je ne pouvais pas mieux encadré. Tant pis, je les piste jusqu’à temps qu’il soit enfin tout seul.

Without you.

Rebecca, Donovan & Gabriel

 

 En rentrant à Brisbane, Gabriel avait reprit le cours de sa vie « avant » Rebecca. De plus, Donovan était rentré également ce qui l'empêcher de penser constamment à la jolie blonde. Cela faisait donc un moment que son train-train quotidien s'était remit en marche. Il travaillait dans sa galerie se penchant des heures sur une toile parfois avec et parfois sans l'inspiration. Ce midi là comme souvent, Donovan poussa la porte de sa galerie pour venir le chercher. Ils allaient mangé ensemble, c'était un peu le seul moyen de faire sortir Gabriel de son monde.

La journée était plutôt belle et c'était pour le mieux, ainsi, pas besoin de prendre la voiture. Donovan commençait à s'impatienter et Gabriel laissa tomber sa paire de lunettes sur son bureau, celles qu'il portait uniquement lorsqu'il peignait depuis de nombreuses heures, pour enfin se lever.

- C'est bon, c'est bon, on y va !

En sortant de la galerie qu'il prit soin de verrouiller derrière lui, leur échange commença et une nouvelle fois Gabriel se retrouvait dans une bulle mais cette fois-ci avec son ami. Rien d'autre ou presque ne comptait autours de lui. Celui-ci lui expliquait combien un divorce engendrait de papier et de frais d'avocat et Gabriel se sentait vraiment heureux de ne pas être marier. La vie semblait parfois tellement compliquer que sa petite vie d'artiste lui paraissait bien confortable après tout. Ils traversèrent une route, c'est là qu'ils passèrent pas très loin de Rebecca qu'il n'avait pas vu. Le visage de son ami lui avait changer.

- Quoi ? A quoi tu penses ?

Gabriel secoua légèrement la tête en levant les yeux au ciel puis il se mit à réfléchir où ils pourraient manger tous les deux. Aucune chance que Donovan le traîne encore dans un restaurant qu'il ne connaissait pas et où il ne pourrait presque rien manger puisqu'il était végétarien depuis presque un an maintenant. Son ami ne comprenait pas toujours son choix soudain de ne plus manger de viande mais avec Gabriel on ne pouvait décidément pas toujours tout comprendre le concernant.

By Phantasmagoria

Spoiler:

Quelle idée j'avais eu, je me sentais si stupide, si désarmée tout à coup. De toute façon, depuis que ces fichus sentiments ont commencé à grandir pour Gabriel, c'est l'état dans lequel je me retrouve sans arrêt. Et là c'était encore pire. Je respirais à fond, je passais ma main sur mon ventre alors que j'étais totalement incapable de sentir ce petit bout qui grandissait en moi. Mais au moment où je redressais la tête pour voir où en était les deux compères, voilà que le grand ami de Gabriel me vit. Je me cachais derrière le mur, encore plus stupide que jamais, et soufflais un bon coup. Fallait que je me jette à l'eau, je n'avais plus le choix, que l'ami en question soit encore là ou non. Je m'avançais, du haut de mes talons, me rendant compte que bientôt je ne pourrais plus en mettre avec mon ventre qui va grossir. Mes yeux ne se détachait plus à présent de Gabriel et me sentais anxieuse et pleine d'adrénaline en même temps. C'était vraiment étrange comme sensation. Certainement les hormones, oui, on va dire ça. J'arrivais à côté de Gabriel, le voyant consulter la carte d'un restaurant et disais Tes goûts étaient bien meilleurs la fois dernière … Lui fis-je remarquer, en mémoire à notre rendez-vous au resto où était exposé ses œuvres, pour me sentir bien plus à l'aise et en puissance dans cette confrontation alors que j'étais incapable de savoir comment j'allais lui annoncer ça, surtout qu'on était loin d'être en tête à tête. Peut-être que si idiot d'ami nous fichait la paix, je pourrais en profiter pour lui sélectionner un bien meilleur resto et lui annoncer cette si grande nouvelle qui m'en met la boule au ventre.

Il valait mieux pour tout le monde que je snobe totalement l’ami qui est au côté de Gabriel. Je le faisais exprès bien sûr, en guise du bon vieux temps, parce que lui aussi je le martyrisais et je ne voulais pas le côtoyer, lui donner de l’importance, le plus important était Gabriel. Mais je ne voulais pas créer de scandale non plus, je ne voulais pas qu’il me jette parce que j’enverrais chier son ami. Je respecte tout de même ça, je peux le comprendre, même si je ne vois pas l’intérêt qu’il lui porte. En même temps, je ne trouve pas l’intérêt que j’ai pour Gabriel. Ca ne s’explique pas, j’en ai bien peur. Même si pour l’heure, je voulais juste informer le brun qu’il allait être père. Mais comment introduire le sujet quand il y a un parasite dans les parages. Alors forcément j’abordais le sujet que je pouvais, à savoir le choix du restaurant qu’ils semblaient vouloir faire. Vous avez pourtant un fast-food non loin de là qui serait parfait pour vous. Bien sûr que j’en rajoutais, même si je n’en pensais pas moins pour celui qui l’accompagnait. Je ne pouvais pas lui parler de ma grossesse, je ne sais toujours pas comment faire, si seulement il pouvait jerter son grand ami. Peut-être valait-il mieux que je repasse plus tard. Mais voilà que Gabriel me lança à son tour une sacrée pique. Je fronçais des sourcils, comme si j’allais le foudroyer Tu as raison, je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Peu importe ce qu’il m’arrive. Tu préfères davantage déjeuné avec ce demeuré. C’était sorti tout seul, une attaque bien placé, pas vraiment mesuré et je tournais les talons avant d’en avoir les répercutions, mais je me doutais bien que je ne risquais pas de m’en sortir si facilement. Mais ça ne coute rien d’essayer.

Quelle erreur j’avais faite. Je n’aurais jamais du oser y aller maintenant. Surtout à cause de cet autre type qui ne faisait que tâche dans le décor. Oui j’étais déçu, j’étais frustrée et en colère en même temps. Je n’avais pas eu le culot de faire ce que je voulais, d’habitude, je m’en fiche pas mal d’avoir les yeux braqués sur moi, mais là, je ne voulais pas que ça soit le cas avec mon bébé. Je me sentais honteuse à vrai dire, oui, ça ne pouvait être que ça. Mais voilà, je n’avais pu faire que quelques pas, que Gabriel m’avait déjà rattrapé. Je le regardais d’un air interrogateur et peut être un peu agressif, surtout quand il me demandait quand est-ce que j’enterrerais la hache de guerre avec son grand ami. Parce qu’il n’a rien à voir avec toi. C’était comme avouer que oui, Gabriel était important pour moi, qu’il m’intéresse, en tout cas bien plus que son idiot d’ami. Je pensais alors que ça allait lui suffire, qu’il me laisserait repartir dans mon coin et qu’il repartirait manger avec son ami. Mais non, il avait envie de m’agacer encore plus. Et ça fonctionnait. Je me suis alors mis à rouler des yeux tellement sa remarque était stupide et vraie malheureusement. Si ce n’était que ça, je ne serais pas là aujourd’hui. Je soufflais une bonne fois puis je m’arrêtais. Il me faisait trop en dire. J’avouais en quelque sorte qu’il m’avait manqué, mais je n’arrive plus à lui mentir, à cacher la vérité, tellement que j’ai envie d’exploser en gueulant au monde entier que je suis enceinte de lui. Je lui ai alors attrapé la main, je l’ai tiré avec moi au coin d’une rue bien tranquille et j’ai posé sa main sur mon ventre. Ca, c’est grâce à toi. Je ne savais pas quoi dire d’autre, je n’arrivais pas à lui dire concrètement la chose, je ne pouvais que lui faire deviner. Est-ce qu’il allait deviner ? Est-ce qu’il allait deviner que j’avais énormément de mal à contenir ma joie ? Alors qu’au fond, rien n’allait, quelque chose clochait, ce n’est pas ce qu’il me fallait.

C’était logique ce que je voulais dire, non ? Je n’en savais trop rien, je savais juste que je n’arrivais pas à dire clairement à Gabriel que j’étais enceinte de lui. Alors à la place, je lui avais fait comprendre. Je vis dans son regard qu’il finit par le comprendre. Un simple petit temps de compréhension et il savait. Je sentais qu’il voulait sourire, mais qu’il se retenait. Après tout, si je lui avais sauté dans les bras pour lui annoncer la nouvelle, il aurait réagi de façon bien plus spontanée et naturelle. Je ne faisais donc rien pour l’aider. Mais je ne pouvais pas me réjouir totalement de cette grossesse, je ne l’avais pas prévu et je n’arrivais pas à me faire à cette idée. Pourtant mes sentiments envers Gabriel sont bien présents, mais je n’ai pas confiance en eux. Il me demandait forcément si j’étais heureuse. Je relâchais sa main quand il me confirmait bien qu’il s’adaptait à ma réaction. C’est vraiment adorable de sa part, comment il peut aussi adorable. Je soufflais un bon coup de désespoir. Je ne m’y attendais pas à vrai dire. Certes, je veux de cet enfant, mais … Tu sais bien. Et pourtant j’ai envie d’être heureuse … Ok, ça ne voulait absolument rien dire là. Je sens bien que je suis totalement paumée, que je ne sais plus quoi penser. Je ne sais plus comment je devrais réagir. Est-ce vraiment utile de choisir l’homme « parfait » pour mon enfant ? Ne devrais-je pas plutôt faire comme toutes les autres femmes et choisir celui que m’indique mon cœur ? Inconsciemment, c’est ce que j’avais fait. Parce que j’étais enceinte de Gabriel. Mais voilà, je sens que je vais encore me faire briser le cœur. Et si cette grossesse ne fonctionnait pas et qu’il m’abandonnait lui aussi ? Je ne le supporterais très certainement pas.

Evidemment qu’il savait quel homme j’attendais dans ma vie. Non pas qu’il y en avait un en particulier, du moins, plus maintenant, mais c’était un genre d’homme que je désirais, un de ce tellement intelligent et riche qu’il se ficherait d’avoir un autre enfant quelque part, histoire que je puisse l’élever à ma manière, selon mes règles. Mais le stress remontait énormément à la surface et j’avais peur, peur de ne pas réussir, peur d’être trop celle que j’ai été toutes ces années et que cet enfant devienne pire que moi. Je me rendais compte aujourd’hui que ce n’était pas ce que je voulais pour mon enfant. Je veux qu’il ait des amis, qu’il ait une vie de famille normale, avec une mère, et un père. Il se trouve que ce père est en face de moi. Mais je secouais honteusement de la tête quand il me demandait confirmation pour le fait que j’aurais voulu prévoir cette grossesse. Il me demanda alors ce qu’il m’empêchait d’être heureuse. Je ne savais même pas quoi lui répondre. C’est vrai, il touchait un point sensible. Je n’en sais rien. Répondais-je stupidement. J’en ai marre d’être seule, mais l’idée même de devoir souffrir de nouveau me révulse tellement que je ne peux pas prendre de risque. Je répondais enfin une vraie réponse suite à sa question et remarque suivante qui me touchait énormément et me faisait accélérer considérablement le rythme cardiaque. Ma respiration en était coupée et j’avais même envie d’en pleurer tellement les émotions se mélangeaient et s’entrechoquaient. J’ai peur de souffrir et ne pas être à la hauteur. C’était très étrange comme réaction, j’en ai conscience, comment Rebecca Priest peut ne plus avoir de confiance en elle ?! Même moi je me surprenais, surtout à en parler à cœur ouvert face à Gabriel. Je n’appréhendais même pas sa réaction, et ça aussi, ça me surprenait.

J’ai toujours voulu être maman, oui. Mais c’était inattendu, là, maintenant, je ne n’y étais pas préparé. Encore moins avec le père. Moi qui avais tout fait pour ne pas être engrainée de nouveau dans une histoire d’amour qui finira mal, c’était vraiment mal parti. Comme si le destin s’acharnait à me faire souffrir. Parce qu’élever cet enfant, ce n’était pas possible sans voir le père. Je m’étais déjà bien trop prise d’affection pour lui, une sorte de lien que je ne pouvais plus briser, que j’avais déjà eu du mal à couper après ce séjour en été qu’on avait passé ensemble. Je crois bien que le vrai problème venait de là, et peut-être un peu de la trouille de devenir mère et de savoir si j’allais savoir l’être ou non. Gabriel me réconfortait, me disait que j’allais assurer, mais je n’en étais pas plus convaincue. J’appréciais tout de même son effort. Je finissais par même me mettre à rire, plus de façon nerveuse à vrai dire, lorsqu’il me signifiait que je ne pouvais qu’être à la hauteur vu ma renommée. Je me suis par la suite fait prendre de court quand il m’invita à manger. Que pouvais-je dire ? Non ? Impossible, je n’y arrivais pas, je le suivais simplement, où qu’il m’emmène, je me sentais bien trop bouleversée pour dire quoique ce soit, pour râler sur le choix du restaurant, je me sentais d’humeur perdue et totalement flexible. Ce serait avec quelqu’un d’autre, certainement que mon comportement différerait. Je te préviens, j’ai une faim de loup. Lui prévenais-je alors avant qu’il ne se décide sur un restaurant bien trop cher. J’avais aussi terriblement envie de lui dire que j’allais être invivable, qu’au fond de lui, il ne devrait pas vouloir de cet enfant avec moi, qu’il méritait une femme bien mieux. Mais bien entendu, dire ce genre de choses, je ne l’ai jamais faite, et ce n’est pas demain la veille que j’y arriverais. De toute façon, cet enfant est là, et rien n’y changera.