Alors que la conversation continuait, les conséquences de ce silence pendant douze ans se faisaient sentir peu à peu. Tu ne savais pas où travaillait Amelia, tu ne savais pas ce qu’elle avait fait toutes ces années. Vous vous parliez pratiquement comme deux inconnus parce que malgré le fait que vous étiez de la même famille, vous n’étiez rien d’autre que des étrangers l’un pour l’autre, des étrangers avec un passé commun voilà tout. Tu en avais toujours eu conscience, particulièrement quand Agathe laissait échapper des fragments de ces moments qu’elle partageait avec Amelia sans qu’elle ne s’en rende compte. Mais vous ne pouviez pas revenir en arrière alors il allait falloir aller de l’avant. Amelia disait que c’était ce qu’elle voulait, qu’elle allait faire des efforts mais tu avais malgré tout du mal à le croire. Tu avais développé un scepticisme qui vu de l’extérieur devait très certainement faire peur quand il s’agissait de ta famille. C’était ridicule parce qu’avant aujourd’hui Amelia n’avait jamais fait d’efforts et n’avait jamais dit qu’elle allait en faire donc au moins elle ne pouvait pas te décevoir de ce côté là mais tu ignorais comment les choses pouvaient changer aujourd’hui. « Oui j’en ai bien peur aussi.. » Longtemps, certains diront trop, d’autres peut-être pas assez. Maintenant seul l’avenir pourra vous donner des réponses à vos questions. La vérité c’est que tu es terrifié, terrifié de décevoir de nouveau Amelia alors que tu as oublié ce que veut dire le mot famille, comment être réellement une famille depuis tout ce temps. Il faudra de la patience des deux côtés, de la patience et de la compréhension. Vous ne pouviez pas tout réussir du premier coup.

En fait, vous alliez devoir réapprendre à vous connaître. Car vous aviez tous les deux grandis depuis douze ans, vous aviez changé et aujourd’hui vous ne saviez plus rien l’un de l’autre. Il ne vous restait que des souvenirs à raccrocher à certains évènements présents. Comme dans ton cas. Tu étais devenu professeur de mathématiques mais mettre le baseball complètement derrière toi n’était pas une option, pas avec l’amour que tu portais à ce sport. « Ah sérieux ? Le baseball également ? Je suis contente de savoir que tu en fais toujours. Ou du moins que tu entraînes les jeunes de ta passion. On peut au moins remercier papa pour quelque chose.. » Ton cœur se serre. Votre père … Oui, c’était de lui que tu tenais cette passion et c’était certainement la dernière chose qui te restait de lui, la dernière chose qui te rappelait qu’il existait quelque part dans le monde. Tu n’y pensais pas souvent, toi cela ne t’intéressait nullement de le retrouver et de savoir ce qu’il était devenu. « J’ai failli devenir joueur professionnel, j’aurais pu mais j’ai choisi autre chose. Mais je n’aurais jamais pu laisser complètement tomber. » Dis-tu sans ajouter un mot sur votre père. Tu n’étais pas certain qu’il mérite ce terme d’ailleurs car vous aviez grandi sans lui finalement. Amelia te fit ensuite remarquer que tu pourrais avoir Lily comme élève un jour. Et tu n’as pas envie de l’imaginer. « Oui, en espérant que ces neufs années à venir ne passent pas trop vite ! » Tu ne pouvais que l’espérer, cela allait dépendre des surprises que vous réservaient ces neuf années certainement. Regardant rapidement ta montre, tu vis qu’il était temps pour toi de partir. Orion t’attendait pour une soirée, il fallait que tu partes. Tu te lèves donc avant de dire : « Faut que j’y aille, mon coloc m’attend. Du coup … à bientôt ? » Demandas-tu à la jeune femme avant de quitter son appartement. Les cartes étaient maintenant entre ses mains.

the end