Malgré le fait d’en avoir parlé à ma sœur, je me sentais mal, soulagée mais mal. Quelque chose n’allait pas. J’étais certes incapable de savoir si ça allait mieux, mais je savais que cet état n’était pas normal. Mais c’était certainement un état par lequel je me devais de passer. Mais aurais-je vraiment pu en parler à ma jumelle sans lui dire le fond du problème ? Je n’aurais pas pu Delilah … Comment aurais-je pu ?! Lui demandais-je d’une façon rhétorique. Déjà, rien que maintenant elle me mettait presque le couteau sous la gorge pour lui dire ce qui n’allait pas, je suis persuadée qu’elle aurait fait la même chose si j’avais tenté de lui exprimer mon mal être. Et puis je me sens tellement honteuse et j’avais tellement peur qu’elle ne me croit pas, que ça m’empêchait toute tentative de parole. Je tentais alors de lui expliquer ça, au moins à propos de la honte. Ce qu’elle me répond alors me soulage, même si je ne suis pas aussi sûre qu’elle, même si je n’arrive pas à boire ses paroles comme j’en aurais besoin. J’eus tout de même un pic dans le cœur. C’est moi qui m’étais toujours considéré comme un monstre. J’avais fini par croire que c’était de ma faute, que c’est moi qui l’avait aguiché et que je n’avais eu que ce que je méritais. Comment pouvais-je alors porter plainte si je me sais coupable ? Bien sûr, tout ce que j’ai pu lire, voir ou même écouter me prouve que tout cela est faux, mais je n’ai jamais réussi à vraiment m’en convaincre. Tu me crois alors ? J’ai tellement peur depuis … Depuis toujours. Rien que de l’imaginer derrière ma porte me terrifie. Et quelque part, je me sens coupable, je ne vais pas non plus porter plainte contre moi. Répondais-je dans un rire terrifiant et nerveux, tout en laissant de nouvelles larmes s’échappaient de mes yeux.

Il est évident que ma sœur aurait voulu le savoir bien plus tôt. Mais j’avais déjà du mal à lui en parler aujourd’hui, je ne m’imaginais pas du tout capable de lui dire avant cela. C’était impossible. Je faisais tout pour oublier. Et ça marchait. Par moment. Lui avouais-je honnêtement. Parce que oui, c’est la seule façon de s’en sortir, ou du moins, la seule que j’avais trouvé. Me repencher dessus me faisait du mal, comme si je revivais tout cela. Là, je souffrais, vraiment, je me sentais mal comme jamais, alors que je suis sensée être heureuse, j’ai un enfant qui grandit en moi et je lui fais subir ça. Non, je n’ai pas le droit, il faut que j’oublie tout ça, il faut que Delilah oublie tout ça. Je pensais vraiment dur comme fer qu’elle ne me croirait pas. C’est tellement dur à croire avec mon caractère de feu. Mais après tout, elle est la seule à savoir que j’étais différente quand notre mère était en vie, que j’ai commencé à défaillir à peu près à cette époque, alors que notre père continuait d’abuser de moi. Mais ma mère m’avait abandonné dans cette effroyable aventure, alors je ne voulais plus que rien m’atteigne. Ca avait été une réaction poussée, mais jusque-là, elle m’avait plutôt bien réussi. Seulement, face à ma sœur aujourd’hui, j’avais l’impression que tout s’écroulait, comme si tout était de nouveau à refaire. Je haussais donc les épaules face à la question de ma sœur, et hochais légèrement la tête pour bien appuyer le fait que je n’étais sûre de rien. Tout comme je ne savais pas si j’avais la force de le trainer en justice. Parce que oui, ma jumelle voulait en arriver là, et je ne pouvais que la comprendre, moi aussi je voudrais que ça soit le cas s’il touchait à Noëllie ou même s’il avait touché ma sœur, mais moi ? Non, j’ai bien trop la trouille, je me fais dessus rien qu’en y pensant, je sens même des sueurs froides rouler sur mon front. Je ne me sens pas bien, pas bien du tout. J’étais déjà assise par terre, mais je sentais le néant m’envahir, j’étais incapable de répondre quoi que ce soit.

J’avais entendu dire que pour ce genre de problématique, il fallait en parler, il fallait voir un psy, quelqu’un d’apte à nous aider pour nous en sortir. Sauf que j’étais persuadée que je m’en étais sortie, même encore aujourd’hui tout va bien, c’est juste quand il est dans les parages que je me sens terriblement mal. Et forcément, c’était le moment de tout avouer à ma sœur, parce que oui, j’en avais parlé une fois, à une psy totalement inconnue et que je n’avais jamais revu Une fois. C’est grâce à cette personne que j’ai pu t’en parler aujourd’hui. Ca fait des mois que j’essaie, mais ce n’était jamais le bon moment … En même temps, pour ce genre d’annonce, quand était exactement le bon moment ? Je n’en sais absolument rien. Faut dire aussi que Noëllie est souvent là quand on se voit, et je n’allais bien sûr pas critiquer ça, j’adore tellement ma nièce que j’aurais pu attendre encore longtemps avant de tout avouer à ma jumelle. Mais maintenant, je savais qu’elle allait la tenir loin de notre géniteur. Et en soit, c’était un grand soulagement. A présent, je sentais que ça allait aller mieux, même un peu, ça me suffisait, je me sentais soutenue par mon double et c’est tout ce qui importe pour ma survie. Je l’entendais s’excuser et je lui tendais la main pour qu’elle vienne m’aider à me relever. Avec ce gros bide, mon sens de l’équilibre était parti aux oubliettes. J’essuyais mes larmes de mon autre main, parce que je suis forte, et que j’ai toujours su montrer le côté positif de ma personnalité, même si très souvent, on peut le comparer à de l’ignorance et à de l’arrogance. Mais oui, c’est ma façon de me protéger. Ne te sens pas désolée Delilah, tu ne pouvais pas deviner, je faisais tout pour que rien ne se voit, pour te protéger. Oui, c’était débile dis comme ça, mais c’est vraiment ce que je ressentais.

Il est évident que je ne pouvais pas me mettre à la place de ma sœur. Comment j’aurais réagi à sa place ? Je ne peux pas émettre d’hypothèse, mais je suis quasiment sûre que sa réaction aurait été la mienne. Parce que je n’imagine même pas de quoi je serais capable s’il avait osé toucher à un seul cheveu de ma nièce. Mais le fait que ma jumelle aurait du le voir, même si elle est flic, était impossible, et jamais je ne pourrais lui en vouloir pour cela. Jamais. Aujourd’hui, je lui en suis tellement reconnaissante d’être là pour moi, de me relever et surtout de me croire avec cette histoire loufoque et improbable, mais pourtant vraie. Je n’insistais tout de même pas auprès d’elle, ça ne servirait à rien. De toute façon, on ne peut pas défaire ce qui a été fait. Tout ce qu’on peut faire, c’est d’aller de l’avant. Même si en soit, pour Delilah, ça voulait dire le trainer en justice. Et rien qu’à cette idée, j’en avais des frissons. Je crois bien que je ne serais jamais prête à affronter ce qu’il m’avait fait subir, je n’étais prête à raconter tout ce qu’il s’était passé, parce que je ne savais pas si j’étais encore capable de me souvenir de tous les détails, tellement j’ai essayé de les enfouir au plus profond de moi durant toutes ces années. Et oui, j’avais réussi. Alors l’idée même de devoir les ressortir, ça me faisait peut, terriblement peur. Je me retrouvais alors debout, face à ma sœur, sentant tout son amour et sa souffrance pour moi, que je ne pus m’empêcher de venir me blottir dans ses bras. Oui, ça me réconfortait, ça me rassurait de savoir encore plus qu’elle était là, présente pour moi. Même si je n’allais pas pouvoir rester bien longtemps debout, tellement mes jambes sont encore fragiles.