"Mais où est-ce que je l'ai mis...." 2h du matin un samedi; Maze était en train de pester toute seule au milieu d'un parc désert du quartier sud. Elle venait de réussir à s’éclipser discrètement d'une soirée à laquelle elle n'avait jamais eu l'envie d'aller en premier lieu. En effet, cela faisait maintenant deux jours que la jeune femme était malade. Deux jours qu'elle allait faire la loque dans son lit au milieu de ses couvertures dès la porte de chez elle passée, une fois rentrée du boulot. Elle avait l'impression que sa tête allait exploser, que son nez ne cesserait jamais de couler et que sa toux ne lui permettrait jamais plus de dormir ne serait-ce qu'une seconde.
Mais voilà que l'un de ses amis lui avait rappelé à la dernière minute la fête qu'il organisait ce soir-là. Il lui avait bien fait comprendre qu'il s'attendait à ce qu'elle soit présente, d'autant plus qu'elle avait déjà annulé l'un de leur rendez-vous à la dernière minute quelques jours plus tôt. Et le coup de la culpabilité, cela fonctionnait décidément bien avec Maze. Elle détestait plus que tout décevoir les gens, et c'était ainsi qu'elle s'était retrouvée à cette fameuse soirée, bien habillée et maquillée mais rien qui ne permettait de cacher sa tête de déterrée malade. Elle avait fait acte de présence et avait fini par craquer et décider de rentrer chez elle à 2h du matin. Evidemment, elle n'avait plus assez d'argent pour payer un taxi et elle se retrouvait maintenant au milieu d'un parc qu'elle ne reconnaissait pas du tout de nuit. Personne dans les environs, les ombres des arbres formant ce qui pourrait parfaitement ressembler à la silhouette d'un homme prêt à surgir pour l'égorger. Oui, l'imagination de Maze était plutôt fertile et cela faisait environ 10 minutes qu'elle avait commencé à s'imaginer les pires scénarios possibles. Pour couronner le tout, elle avait un sens de l'orientation absolument déplorable. Elle ne pouvait pas vivre sans GPS.

Voilà donc pourquoi elle était en train de chercher frénétiquement son téléphone portable dans son sac à main : pour activer Google Maps. Elle était malade, avec une tête comme une citrouille, irritée, effrayée et complètement perdue. Un cocktail du tonnerre !
Dans sa tête, elle était déjà en train d'imaginer la meilleure façon d'assassiner son ami qui l'avait forcée à se rendre à cette soirée. Il n'allait définitivement pas s'en tirer comme ça. En plus de se sentir coupable assez facilement, Maze était également très rancunière. Toute cette situation n'était évidemment pas la faute de son ami qui, après tout, voulait simplement la voir à la soirée. Mais l'état actuel de la jeune femme ne lui permettait pas vraiment de faire la part des choses et de réaliser tout cela. Pour le moment, elle voulait simplement mettre la main sur son téléphone et cela semblait assez mal parti. Elle avait cherché absolument dans les moindres recoins de son sac et de ses vêtements et ne l'avait pas trouvé. Génial, perdue et sans téléphone. Qu'est-ce qu'elle en avait fait bon sang ? Est-ce qu'en plus elle allait devoir retourner à cette soirée pour vérifier qu'elle ne l'avait pas laissé là-bas ? Maze soupira à cette idée, quand soudain elle sentit une main se poser sur son épaule. Elle n'avait ni vu ni entendu qui que ce soit depuis qu'elle était entrée dans le parc et était donc persuadée d'être seule. Son cerveau lui souffla presque immédiatement qu'elle était en train de se faire agresser et, sans qu'elle réalise réellement ce qu'elle était en train de faire, Maze se retourna brusquement en balançant son bras en avant avec la ferme intention de mettre un coup de poing dans la figure de la personne derrière elle. Cependant, elle n'avait jamais pris de cours de boxe ou de self-defense et n'était pas certaine que cette histoire allait bien se terminer....

Malade et fatiguée, Maze gardait tout de même de bons réflexes et elle en était très certainement la première surprise. Ceci étant dit, si elle s'attendait à ce que son poing laisse le nez de son adversaire cassé, le résultat en était tout autre. Voilà qu'elle s'était retrouvée à basculer sur son agresseur. Dans son état, elle ne se voyait pas trop reprendre ses esprits, regrouper ses affaires, se relever et s'échapper en vitesse. Non, au lieu de ça elle fixa avec des yeux vitreux la personne sur laquelle elle était maintenant affalée de tout son long. Maze était en train de jauger du mieux qu'elle pouvait le degré de dangerosité de la jeune femme en face d'elle. Honnêtement, elle avait beau être malade et ne pas avoir toute sa tête, elle la visualisait très mal en chef de file d'un quelconque gang de truands. En plus de ça, elle avait l'air de lui avoir sérieusement fait mal en lui tombant dessus. En réalisant cela, Maze s'écarta brusquement et se releva difficilement en poussant quelques jurons. Il ne manquait vraiment plus que ça pour finir sa soirée en beauté. Bon sang, pourquoi n'était-elle pas restée chez elle, sous ses couvertures, à regarder une série toute la journée ?! Elle n'avait fait qu'enchaîner les contrariétés depuis qu'elle était sortie de son appartement.
Son regard fut soudain attirée par un objet que la jeune inconnue venait de sortir de sa poche. Son téléphone ! Ses neurones se mirent enfin en marche et elle comprit qu'elle venait d'agresser une personne qui souhaitait simplement lui rendre son téléphone. Téléphone qui était maintenant cassé, par la faute de son imagination débordante et de son côté en permanence angoissé. "Franchement, je suis plus à ça près....je le remplacerai." lâcha-t-elle d'un ton désabusé en regardant l'écran brisé de son portable. Même si elle l'avait voulu, elle n'avait pas présentement la force de s'énerver. En plus cela aurait été plutôt mal venu étant donné que la jeune femme souhaitait simplement lui rendre son téléphone. Enfin, c'était le scénario le plus plausible en tout cas.

Elle finit par lui tendre la main pour l'aider à se relever. "Ça va...et vous ? Je suis désolée, j'ai un peu....paniqué. Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un m'interpelle dans un parc à 2h du matin." Elle tenta un sourire, malgré la fatigue qu'elle ressentait. "Et puis, je suis malade, ça n'aide pas." Elle s'était sentie obligée de le préciser, des fois que sa tête de déterrée ne soit pas assez flagrante. "Je m'appelle Maze. Et j'étais justement en train de chercher désespérément mon téléphone pour essayer de retrouver mon chemin. Mon sens de l'orientation est déjà déplorable en plein jour alors de nuit...." Combien de fois s'était-elle déjà retrouvée perdue sur un chemin qu'elle avait parcouru maintes et maintes fois ? Et combien de fois était-elle arrivée en retard à un rendez-vous parce qu'elle avait sous-estimé la durée du temps de trajet ? Ok, elle partait assez tôt pour respecter la durée indiquée par google maps. Par contre, elle oubliait toujours de prendre en compte les minutes supplémentaires qu'il allait lui falloir pour rattraper l'itinéraire proposé par son GPS. Elle manquait à coup sûr les intersections qu'il lui indiquait. C'était assez pathétique.

La situation était à peine croyable. Pour une personne qui ne demandait qu'à rester au fond de son lit, l'équation de la soirée de Maze était loin d'être simple : un mal de crâne amplifié, un coup de stress au beau milieu d'un parc à 2h du matin, un téléphone portable cassé, une Maze complètement pommée, et une Blaze visiblement blessée. Quelle réussite ! Ironiquement, cela rappela à la jeune femme le dernier épisode d'une série Netflix qu'elle avait regardé juste avant de partir - et de se traîner, malade et fatiguée, à cette fabuleuse soirée-. Le titre de l'épisode ? "Nothing good happens after 2 a.m". Et cela venait effectivement de se vérifier...Si Maze était restée chez elle à comater, rien de tout cela ne se serait jamais produit. Honnêtement, elle avait très envie de se laisser choir par terre, là, maintenant, en plein milieu du parc, et de ne plus bouger. Son cerveau n'était pas actuellement en état de lui suggérer une meilleure option que celle-ci. Elle fit néanmoins un effort pour se concentrer sur la conversation et y répondre au mieux. "Non vraiment, vous n'avez pas à vous en vouloir. Si vous m'aviez appelée, j'aurais probablement fui en courant...je ne suis pas particulièrement courageuse en journée, alors à 2h du matin au milieu d'un parc déserté..." C'était effectivement ce qui se serait produit. Cette situation lui était d'ailleurs déjà arrivée. Elle se souvenait très bien d'un après-midi -il ne faisait même pas nuit cette fois-ci !- où elle se promenait seule dans les rues. Elle avait soudainement eu l'impression d'être suivie et avait fini par entendre quelqu'un l'interpeller. Alors que la réaction logique eut été de se retourner pour voir qui cherchait à lui parler, la jeune femme avait décidé d'accélérer le pas sans jeter un seul coup d'oeil derrière elle. Ce cirque avait duré quelques minutes avant que son interlocuteur ne finisse par la rattraper. Il s'agissait d'un ami de Maze qui, l'ayant aperçue de loin, avait simplement voulu prendre des nouvelles...Elle s'était sentie particulièrement stupide ce jour là ; la bonne nouvelle étant que son ami ne s'était visiblement rendu compte de rien, si ce n'est qu'elle marchait très vite.
Nul doute que si Blaze l'avait interpellée à 2h du matin dans ce parc, elle aurait couru à toutes jambes droit devant elle, malade ou non. Les prouesses physiques que l'on était capable de faire sous le coup du stress étaient absolument phénoménales.

Maze récupéra son téléphone complètement cassé. Il faisait peine à voir. Elle se demandait bien ce qu'elle allait en faire, mais cela était un problème à charge de la future Maze guérie et capable de réfléchir. La Maze présente et malade glissa simplement son téléphone dans la poche arrière de son jean : si jamais elle tombait à nouveau, il ne risquerait de toutes façons plus grand chose. Et elle n'avait par ailleurs pas prévu de faire d'autres cascades ce soir-là. "Blaze ?! Enchantée." Malgré son état de fatigue avancé, la jeune femme ne put réprimer un sourire en réalisant à quel point leurs deux prénoms se ressemblaient. L'ironie de la situation n'en était que plus grande encore. "Oh, vous allez définitivement sauver ma soirée si vous êtes capable de vous repérer et de me ramener chez moi ! Je commençais sérieusement à songer à dormir sur un banc..." Mais aurait-elle vraiment été capable de mieux se repérer le lendemain matin ? Elle en doutait. Maze se rendit soudain compte de l'état de la jeune femme. Elle ne s'était pas juste égratignée en tombant ; elle avait l'air de s'être véritablement blessée. En même temps, avoir amorti sa chute n'avait clairement pas dû lui faire le plus grand bien. Ceci dit, Maze lui en était reconnaissante -mais elle était polie et elle allait se garder de lui en faire la remarque et d'en rajouter une couche-. "Heu...je suis désolée, je vous ai vraiment fait mal en fait ?!" Elle grimaça en constatant la souffrance de Blaze. La jeune femme avait beau être diabétique et forcée de se soigner au quotidien, elle était absolument lamentable quand il s'agissait de s'occuper d'autrui. Elle ne savait jamais comment se comporter, ce qu'il fallait dire, ce qu'il fallait faire : elle se sentait complètement gauche dans ce type de situation. "Il faudrait peut-être vous emmener à l'hôpital pour faire examiner tout ça ?" Elle n'y connaissait rien. Peut-être que cela serait passé d'ici demain...ou bien au contraire cela aurait pu empirer. Elle n'avait pas vraiment d'autres solutions que l'hôpital actuellement. Et comment allaient-elles s'y rendre ? En taxi ? En appelant les urgences ? Son téléphone était hors-service et Maze se voyait plutôt mal sonner chez des inconnus à 2h du matin pour leur demander si elle pouvait emprunter leur téléphone...  

"Je note que les écureuils sont donc les seuls à craindre dans ce parc, c'est toujours bon à savoir !" Encore que, vu son état et l'heure tardive, un écureuil aurait très bien pu l'effrayer tout aussi facilement qu'un être humain.  En ce qui concernait le peu de confort que les bancs auraient pu lui offrir pour la nuit selon Blaze, la jeune femme était à peu près certaine que son esprit embrumé et son état de fatigue avancé auraient fait qu'elle n'aurait strictement rien remarqué. Et avec la possible fièvre qu'elle devait avoir, Maze n'aurait pas réellement eu froid. Finalement, à bien y réfléchir, son rhume avait plutôt de bons côtés : il lui permettait de dormir à la belle étoile sur un banc sans avoir besoin de quelconque équipement pour se sentir à l'aise et au chaud. Quelle découverte ! Si elle avait été seule à cet instant précis, elle aurait très certainement succombé à l'appel du banc en pierre inconfortable. Mais Blaze lui proposait maintenant de la raccompagner chez elle et cette solution lui semblait tout de même plus satisfaisante...Par ailleurs elle n'allait pas laisser la jeune femme en face d'elle seule alors qu'elle était en train de souffrir le martyr.
"J'habite le quartier de Redcliffe ! Et pas de problème pour le tutoiement." A cette heure tardive, le fait que Blaze la tutoie avait même plutôt pour effet de la rassurer. Elle n'insista pas quand son nouveau GPS ambulant lui expliqua qu'elle avait déjà vécu pire et que l'hôpital n'était pas nécessaire. Maze avait la nette impression que Blaze souffrait terriblement mais, n'ayant pas de solution de repli à lui proposer à cet instant, elle pensa que cela ne leur coûterait rien d'essayer d'avancer puis d'improviser quelque chose d'autre plus tard si cela s'avérait nécessaire. Elle aurait pu proposer à Blaze de la porter sur son dos...mais elle avait déjà suffisamment de mal à porter le propre poids de son corps. Ses muscles étaient douloureux, elle avait l'impression de peser une tonne et, depuis le début de la soirée, elle n'avait fait que se traîner très littéralement d'un point A à un point B. Elle se sentait actuellement plus proche que jamais d'une limace. D'ailleurs, est-ce qu'elle n'avancerait pas plus vite en rampant par terre finalement ? Le cerveau de Maze avait donc une capacité à lui souffler des idées complètement stupides, même lorsqu'elle était au bout de sa vie.

Les deux jeunes femmes commencèrent à marcher vers le quartier de Redcliffe. Maze surveillait Blaze du coin de l'oeil pour vérifier qu'elle tenait le coup et qu'elle n'allait pas s'évanouir. Elle avait l'air de tout faire pour continuer d'avancer mais sa respiration semblait tout de même de plus en plus saccadée. Il ne manquerait plus que Maze se retrouve seule au milieu d'une rue, dans la nuit, sans téléphone, avec une Blaze inconsciente à ses côtés. Lorsque cette dernière lui demanda de faire une pause, la jeune femme réfléchit un instant avant de lancer : "Reste-là, je reviens." Elle s'assura que Blaze soit assise et puisse reprendre son souffle avant de filer vers un immeuble voisin. Elle appuya ensuite sur plusieurs sonnettes, jusqu'à ce qu'une voix endormie se fasse finalement entendre à l'interphone. "Heu...excusez-moi mais il y a le feu en bas de votre immeuble, je crois que vous devriez venir voir !" Elle n'avait pas trouvé mieux comme mensonge. Elle avait besoin que la personne qui lui avait répondu descende afin de pouvoir lui expliquer correctement la situation. Si elle avait tenté de raconter tout cela par interphone interposé, nul doute que l'inconnu aurait raccroché sans scrupule.
Elle attendit quelques instants jusqu'à ce que la porte de l'immeuble s'ouvre. En voyant qu'il n'y avait strictement aucun feu, le jeune homme qui lui faisait maintenant face s'énerva et amorça un geste pour refermer la porte. Trop tard, Maze avait été plus rapide et avait glissé son pied dans l’entrebâillement. Elle expliqua vivement la situation et pointa Blaze du doigt. Elle avait simplement besoin d'un téléphone pour appeler une ambulance.  Après plusieurs minutes et quelques éclats de voix, le jeune homme sortit un téléphone portable de sa poche et le tendit à Maze. Considérant l'état dans lequel elle était, ce qu'elle venait de faire tenait pratiquement du miracle. Elle en était d'ailleurs la première surprise. A croire que, même malade, ses capacités à convaincre (et baratiner) étaient encore acceptables.

Une fois le coup de téléphone passé et l'inconnu retourné se coucher, elle retourna vers Blaze. "Une ambulance arrive. Direction l'hôpital."