Ton arrivée à Brisbane ne s’était pas faite dans les meilleures conditions possibles. Tu te souvenais des premiers temps que tu avais passés dans cette ville et tu n’étais pas vraiment fière de toi sur ce coup là. Mais tu avais eu besoin de cette période noire pour te relever et te relancer. Et tu avais fini par rencontrer des personnes formidables que tu comptais aujourd’hui encore parmi ton entourage donc tu ne pouvais pas vraiment le regretter. Le petit rire jaune que laissa échapper ton interlocuteur quand tu lui dis qu’il avait dû retrouver des personnes à qui il avait manqué pendant son séjour en France te fit comprendre que le retour de ton interlocuteur sur sa terre natale n’était peut-être pas le retour que tu imaginais. Peut-être avait-il fui une situation particulière ? Après tout, c’était ce que toi tu avais fait. Tu ne le sauras certainement jamais car tu compris que l’homme à tes côtés n’avait nullement envie de parler de son entourage ou de son retour vu qu’il resta silencieux face à ta remarque. Et tu pouvais le comprendre, vous n’étiez que des inconnus et même si se confier à un inconnu est des fois plus simple que de parler à un proche, il y a certaines situations qu’un inconnu ne peut pas comprendre, certaines situations qui nécessitent d’avoir un historique. Tu n’eus pas le temps d’y réfléchir beaucoup plus longtemps car le prochain arrêt de votre visite se trouva être le théâtre de l’université. Autant dire que ton sang s’était glacé et que cette première visite d’un théâtre depuis ta fuite de New York était un choc auquel tu ne t’attendais pas vraiment ou plutôt que tu aurais préféré avoir seule, sans spectateur. Tu pouvais voir le regard inquiet de l’homme à tes côtés qui se demandait sans aucun doute ce qui dans ce lieu avait changé l’ambiance de votre soirée auparavant si joyeuse. Tu t’en voulais de réagir ainsi, cela faisait trois ans maintenant que tu avais quitté New York mais il y a des blessures qui ont du mal à s’effacer et celle-ci en était une. Tu aurais préféré ne pas avoir à expliquer quoi que ce soit à ton interlocuteur mais son silence et son regard inquiet finirent par te faire lâcher une partie de l’histoire. Du moins, les gros traits de ce qui t’avait amené à ne plus pouvoir aller dans un théâtre sans faire une crise d’angoisse. Tu ne lui donnais pas les détails bien entendu mais il comprit malgré tout si son :
« Oh. » était une quelconque indication. Il était évident que vous ne pourriez désormais pas retrouver la légèreté de vos échanges passés et c’était bien dommage. Ton interlocuteur ne savait pas comment réagir à tes paroles et toi, tu essayais de calmer le rythme de ton cœur alors que l’angoisse que tu avais ressentie quelques minutes plus tôt se dissipait légèrement. Les images qui t’étaient revenues si claires et si réelles avaient du mal à se dissiper mais elles le feront au bout d’un certain temps.
« Je suis désolé. Si j'avais su... C'était une mauvaise idée. » Jamais il n’aurait pu savoir. Quand on vient de rencontrer une personne, il n’est pas possible de connaître ses secrets, de connaître ses faiblesses.
« Vous ne pouviez pas le savoir. Et j’adore Broadway, sans cet épisode malheureux j’aurais adoré visiter ce théâtre. » Dis-tu à l’homme en face de toi pour le rassurer. Tu ne lui en voulais pas, il n’avait aucun moyen de savoir dans quoi il t’embarquait, il n’avait pas cherché à te faire de mal, il ne savait juste pas.
« Je suis sûr qu'il ne vous méritait pas. Et vous voulez une bonne nouvelle ? Une fois tombé, on ne peut que se relever. Alors, le temps fera son oeuvre. Et un jour, vous verrez, vous adorerez cet endroit. » Oh combien de fois avais-tu entendu ces deux phrases ? Un nombre de fois tellement important que tu avais préféré arrêter de les compter. Il y avait une part de vérité derrière ces paroles, Tom ne te méritait pas en effet mais cela n’empêchait pas que ça faisait toujours aussi mal.
« C’est la beauté de l’être humain, notre instinct de survie sera toujours plus fort et nous permettra de traverser les épreuves. » On peut se relever de toute situation, tu ne le sais que trop bien. Tu as vu tes amis se relever de toutes les situations possibles et inimaginables et tu t’es relevée toi aussi de cette histoire. Car même s’il en reste des traces, tu as réussi à te reconstruire et à avancer. Tu ouvris la bouche pour rajouter quelque chose quand une voix t’interrompit :
« Qu'est-ce que vous fichez là vous deux ?! Dehors ! La fête des pingouins c'est plus loin, allez oust ! » Un petit sourire sur les lèvres, tu suivis ton interlocuteur jusqu’à la salle que vous aviez quittée quelques temps plus tôt. Elle n’était pas si loin que ça finalement et le retour au milieu du brouhaha fut brutal. La soirée battait toujours son plein et était loin d’être terminée.
« Je vous prie de m'excuser, une fois encore, pour cette malencontreuse visite. Il est déjà tard, et je pense que j'en ai assez fait pour ce soir. Je vous souhaite de passer une bien meilleure fin de soirée, ils comptent sur vous. Et merci. » Tu n’étais pas surprise que ton interlocuteur décide de prendre la fuite. Lui qui n’avait pas eu envie de venir à cette soirée. Un petit sourire se dessina sur ton visage et tu lui répondis :
« Merci à vous pour cette soirée et cette visite. Vous ne pouviez pas savoir, ce n’est pas grave. » Lui dis-tu sincèrement. Car même si ton cœur battait encore plus rapidement que d’habitude, il allait se calmer maintenant que tu revenais en territoire connu.
« Rentrez bien et passez une bonne fin de soirée également. » Lui dis-tu avant d’être entraînée dans un groupe de personnes que tu avais quitté auparavant. En venant à cette soirée, tu n’aurais jamais pensé faire la rencontre de cet homme mais tu ne le regrettais nullement et tu ne pouvais t’empêcher d’espérer que le hasard fasse bien les choses et que vous puissiez vous recroiser à l’avenir.
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