Appuyez sur pause. Maintenant, remontez la pellicule. Encore, reculez encore. Nous y voilà. Alors que la conquête de l'ouest faisait rage aux Etats-Unis, l'Australie n'était pas en reste de son côté. La fin du dix-neuvième siècle marque le début de la ruée vers l'or, s'installant au centre de l'ère des cowboys, des saloons et des épopées dans les desserts poussiéreux australiens. Une belle époque que fut celle des soirées à se bourrer la gueule au bar au whisky pas cher et tiède, que d'être un bandit connu et redouté, que d'habiter dans un ranch reculé au milieu du désert sans eau courante.

Cependant, c'est bien beau de se croire seuls au monde à faire régner sa loi, lorsque vos voisins les plus proches sont des aborigènes, prêts à défendre leurs terres sacrées corps et âme. Eux, ils sont bien moins drôles. Leurs peintures faciales vous feraient même faire des cauchemars à vous réveiller en sueur en plein milieu de la nuit. Ou à vous réveiller en hurlant parce-qu'ils viennent de vous arracher le coeur avec une lance, aussi. Ils sont pas commodes, les aborigènes. Peut-on les blâmer ? Ils défendent leur territoire, leur mode de vie, leurs vies tout court aussi. Car être un cowboy signifie aussi la soif du territoire, la rage de vaincre, celle d'être le meilleur et le plus riche, quitte à se montrer cruels, sans foi ni loi.

Dès lors où les premiers colons ont posé le pied sur un gros caillou qu'ils ont nommé Australie, dès qu'ils ont planté un drapeau sur un bout de terre devenu Brisbane, les aborigènes ont contre-attaqué. Face à la menace, ils ont pointé l'os sur la ville naissante, maudissant chaque bâtiment sorti du sol, chaque être y vivant et ceux qui y verraient le jour. Une malédiction qui prit bien des formes à travers les années : une grande inondation, deux terribles incendies... Tous plus meurtriers les uns que les autres, créant leurs lots de fosses communes débordantes d'anonymes et de tombes gravées au nom des bien aimés.

Brisbane convulse, elle agonise. Vestiges et rares survivants témoignent de cette période sombre. Certaines parties de la ville sont encore évitées par les habitants, alors que des années se sont écoulées et installent la paranoïa. Certaines personnes entendraient encore les cris des victimes en passant trop près de la rivière, l'écho des comptines des bambins disparus au détour d'une rue. Il paraît que l'on peut humer dans l'air les cendres encore crépitantes de l'ancienne école, la décomposition avancée des chevaux qui jonchaient le paysage, carbonisés et attaqués par les vers. Qu'au détour de cette maison toujours abandonnée, jamais détruite, jamais reconstruite, le vent froid comme la mort vous invite à entrer, pour ne jamais ressortir.

Beaucoup refusent d'y croire, et pourtant tout ceci est bien réel. La malédiction poursuit son œuvre macabre. Il n'était pas suffisant que la ville souffre, il fallait que son passé vienne la hanter - et les habitants ayant payé de leur vie, jamais honorés selon les coutumes sacrées de la terre, reviennent prendre possession des lieux. Les cris ? Ils ne sont pas imaginés. Les ombres ? Elles sont bien réelles. Les courants-d'air ? ...Quels courants-d'air ?
Bienvenue dans la dimension fantôme.