AVENGEDINCHAINS

  Stephen ne sembla pas vouloir s’embarrasser de remords concernant les dérapages à haute fréquence qu’ils avaient pu avoir durant sa relation avec Carter. Leah s’efforçait d’adapter la même conduite, même si au fond d’elle-même elle se sentait tout de même coupable. Agir contre sa conscience, uniquement parce qu’elle n’avait pas réussi à faire fi de son attirance pour le brun, n’était clairement pas quelque chose dont elle avait l’habitude. Elle avait passé la plupart de sa vie à haïr les filles qui agissaient exactement de la façon dont elle-même l’avait fait, une belle leçon d’hypocrisie de sa part. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne parvenait même pas à avoir des remords. Elle se sentait coupable, oui, vis-à-vis de Carter et de la peine qu’elle avait pu lui causer. Mais pas pour ce qu’il s’était passé avec Stephen… Leur relation avait beau rester floue et sans étiquette, tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle lui faisait un bien fou. Quand bien même, elle ne put s’empêcher de penser à voix haute qu’elle avait le don d’attirer les problèmes là où il n’y en avait pas. "Arrête de dire des bêtises" Leah fit la moue mais décida de ne pas continuer sur ce sujet. La conclusion de celui-ci était simple : cette relation était vouée à l’échec, avec ou sans intervention. Disons qu’elle avait sans doute un peu précipité l’inévitable. De plus en plus, le kiné avait des gestes envers auxquels elle n’était pas habituée, comme ces petits pas de danse improvisés par exemple. Il l’avait attirée contre lui, installant une nouvelle proximité qui n’était pas pour lui déplaire. Elle ne savait jamais comment réagir à ses côtés… Parfois elle cédait à ses envies et ne réfléchissait pas, et parfois elle se forçait à une certaine retenue. Elle se laissa aller contre lui, discutant avec amusement de ce que leur escapade sur l’île d’à côté avait représenté pour elle, pour eux. Leur petite danse ne dura qu’un court instant, et Stephen finit par se diriger vers le frigo pour entamer leur repas du soir, car il commençait à se faire tard. La brune plaisanta à nouveau sur les mésaventures du kiné en Tasmanie, prétextant avoir été l’instigatrice de cet évènement afin d’éviter une énième randonnée. "Ah... j'me disais aussi." Elle sourit à nouveau avant de le rejoindre au salon, pressée de commencer à attaquer ces sushis qui lui faisaient de l’œil depuis qu’elle était rentrée de son service. A peine commencèrent-ils à installer tout ça que le kiné entama un sujet qui devait lui brûler les lèvres depuis quelques jours déjà. Ses dettes, au pluriel du coup, parce que la brunette croulait littéralement sous celles-ci. Le pot au rose avait été découvert le soir de Noël, lorsque Leah avait finit par lui avouer la raison pour laquelle elle n’avait pas rejoint la famille Baumann pour les fêtes. Au-delà de son agacement – car elle avait gardé ses problèmes pour elle – Stephen avait lourdement insisté pour faire table rase de ses dettes afin qu’elle ne porte plus ce poids toute seule. Il en avait été hors de question, mais le brun avait réussi à trouver les arguments pour la faire céder. Depuis lors, le sujet n’avait plus été abordé, laissant une lueur d’espoir à la jeune femme qui espérait secrètement qu’il ait oublié toute cette histoire. Raté. Il avait contacté sa banque et les fonds arriveraient d’un jour à l’autre sur son compte. Partagée entre un sentiment de soulagement et de résignation, Leah le remercia avant d’ajouter qu’évidemment, elle ne manquerait pas de le rembourser, quitte à devoir se prêter à des activités douteuses pour y parvenir. Son ton amusé contrastait avec le sérieux du sujet, mais Stephen finit par lui aussi éclater de rire face aux conneries qu’elle débitait pour alléger l’ambiance. "T'es bête.."Leah lui tira simplement la langue avant d’attaquer avec bonne humeur leur repas de Nouvel An. "Tu savais que les sushis étaient en fait hyper caloriques ?" Mâchant justement un de ces sushis, la brunette releva la tête en haussant un sourcil. « Parce que tu crois que je m’en soucie Holloway ? » Lui demanda-t-elle avec le plus grand sérieux avant de laisser un sourire en coin étirer ses lèvres. Au-delà du fait qu’elle prenait difficilement le moindre gramme, la jeune femme était une sportive affirmée. Ce n’était pas quelques sushis qui allaient l’inquiéter, d’autant que son alimentation au complet était loin d’être un exemple, entre les plats préparés qu’elle s’achetait et les repas de traiteurs qu’elle se faisait livrer. 

Leur soirée passa plutôt vite, comme toujours lorsqu’ils passaient du temps ensemble. En dehors des escapades qu’ils faisaient en dehors de Brisbane, les deux n’avaient pas beaucoup l’occasion de passer des soirées comme celle-ci tous les deux. Ils avaient beau partager le même appartement, Stephen était un maniaque du travail qui ne comptait pas ses heures, et Leah ne bossait définitivement pas sur le même réseau horaire que lui. Ils en profitèrent pour discuter de tout et de rien, continuant leur bilan de cette année à la fois désastreuse mais aussi pleine de surprises. La nuit finit par tomber, et avec elle se profila le feu d’artifice annuel qui suivrait les douze coups de minuit qui annonceraient le début de cette nouvelle année tant attendue. Presque comme une enfant, Leah se précipita sur le balcon pour pouvoir profiter du spectacle du jeu de lumière que les feux allaient provoquer. Le brun ne tarda pas à la rejoindre, l’encerclant avec tendresse de ses bras tandis que leurs regards se portaient vers le feu d’artifice qui se déroulait sous leurs yeux. Grisée, Leah senti l’excitation monter tandis que la fin du décompte laissa place aux cris et aux explosions de pétards, tandis que tout le monde se souhaitait avec joie la bonne année. Enfin, le ciel sembla exploser dans une centaine de couleurs tandis que le feu d’artifice se lança, à la plus grande joie de la brune qui retombait toujours un peu en enfance dans ces moments là. "Tu crois que cette année sera meilleure ?" Stephen murmurait à son oreille, et la jeune femme se tourna vers lui pour lui répondre par l’affirmative, persuadée qu’on ne pouvait de toute façon pas faire pire que ces derniers mois. Leurs regards se croisèrent et soudain, ce fut comme si le temps était suspendu l’espace de quelques secondes. Dans un bruit sourd, elle entendait en arrière plan les explosions dans le ciel, mais plus rien n’importait plus que les bras du kiné qui l’attiraient à nouveau vers lui avant de poser ses lèvres sur les siennes avec avidité. Ils n’en étaient plus à leur premier coup d’essai, et pourtant ces baisers lui faisaient toujours autant d’effet que la première fois. Frissonnant, Leah se mit à fondre complètement tandis qu’elle lui rendait son baiser avec une passion équivalente à la sienne. "Leah.."Au départ, la brune prit cet appel de son prénom comme une invitation au lâcher prise, et ne put s’empêcher de se coller toujours plus contre lui, transportée par cette étreinte inattendue. "... je... merde, faut que j'accepte l'idée de te laisser vivre ta vie." La brunette se senti presque repoussée alors que Stephen reculait d'un pas, comme pour mettre une barrière invisible entre eux. Désarçonnée et pas tout à fait sûre de ce qu'il voulait dire, Leah leva de grands yeux interloqués vers lui. "Je peux pas continuer à me perdre dans tes bras alors qu'on est justement en train de se dire que 2019 sera un nouveau départ. Je suis pas un nouveau départ pour toi" Est-ce qu'il plaisantait? Ne sachant trop sur quel pied danser, la jeune femme avança pour rétablir une certaine proximité entre eux, posant doucement ses mains sur son torse en levant la tête vers lui. "Tu dis des conneries." Leah soupira doucement, s'apprêtant sans doute à dire quelque chose qu'elle allait regretter. "Mais si justement, c'est toi mon nouveau départ. Je... Je sais pas ce qu'il se passe, à vrai dire je m'en fous. Tout ce que je sais, c'est que t'es la seule personne à me rendre comme ça Stephen." Les mots sortaient alors même qu'elle avait l'impression de se heurter à un mur. Ses lèvres tremblaient, et la seule chose qu'elle espérait, c'est qu'il la prenne dans ses bras pour qu'ils puissent terminer cette soirée de la même façon qu'ils l'avaient commencée. Mais une petite voix au fond d'elle lui soufflait qu'elle allait probablement déchanter. 

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Cette soirée se déroulait exactement comme la brunette se l’était imaginé tout le long de son service interminable au MacTavish. Stephen avait tout prévu : les hors d’œuvres, les sushis ainsi que ce merveilleux champagne – hors de prix – qui se buvait pour ainsi dire tout seul. Comme d’habitude, les sujets ne tarissaient pas entre eux. Au-delà des quelques rétrospectives dont ils discutaient et débattaient, ils prenaient toujours autant plaisir à se taquiner que quelques mois plus tôt. On ne changeait pas une équipe qui gagne. Les heures passèrent à toute vitesse et minuit arriva rapidement, ce qui les poussa à se diriger ensemble vers ce balcon duquel ils pourraient observer le spectacle que la ville allait leur offrir, au milieu des feux d’artifice, des coups de klaxons et des effusions de joie. Ses grands yeux émerveillés reflétaient les couleurs qui explosaient dans le ciel, tandis que Stephen l’encerclait de ses bras tout en reposant sa tête contre la sienne. Oui vraiment, cette soirée se passait comme elle l’avait prévu. A un détail près. Elle ne s’était pas vraiment attendue à ce qu’il fasse de nouveau un pas vers elle, à croire que l’environnement festif et les quelques coupes de champagnes avaient rendu cet instant propice au laisser aller. L’attirant à lui, il s’était empressé de l’embrasser avec force, réveillant en elle un feu d’artifice similaire à celui qui se déroulait en arrière plan derrière eux. La brune avait lutté ce soir, comme souvent, pour ne pas donner suite à cette envie qu’elle ressentait dès que leurs mains s’effleuraient, que leurs corps se touchaient d’un peu trop près… Mais là, faire machine arrière était impossible. Déjà, la brune s’embrasait alors que leurs lèvres se touchaient à peine et que les mains du kiné se posaient sur sa taille, chuchotant son prénom entre deux baisers. Son corps réagissait presque avec réflexe, se rapprochant de lui pour rétablir cette proximité qui lui manquait depuis la dernière fois qu’ils avaient franchi cette limite. Leurs cerveaux étaient en ébullition, mais cette fois-ci, leurs pensées étaient loin de coïncider. Comme si une force invisible s’était mise entre eux, le brun s’écarta d’un seul coup, mettant ainsi une certaine distance entre eux. Désarçonnée, Leah écouta ses craintes sur cette nouvelle année qui s’amorçait, lui expliquant qu’il ne se voyait absolument pas comme un nouveau départ pour elle. La jeune femme commençait à bien le cerner depuis le temps, et était habituée à sa façon d’être, de toujours vouloir faire ce qui était bien. Alors, elle s’approcha de nouveau de lui avec douceur, lui expliquant doucement qu'à son sens, il était tout à fait ce nouveau départ dont elle avait besoin. Si elle avait eu peur de se l’avouer tout ce temps, c’est tout simplement parce que leurs retrouvailles s’étaient faites dans la douleur, alors même qu’ils vivaient un enfer chacun de leur côté. Elle n’avait jamais voulu confondre cette amitié et cette reconnaissance qu’elle avait à son égard avec de quelconques sentiments mal interprétés. Mais plus le temps passait, et plus elle commençait à se rendre à l’évidence. C’est ce qu’elle tenta de lui faire comprendre, avec la plus grande maladresse comme à son habitude. "Je peux pas l'être." Lança-t-il simplement, faisant abstraction de tout ce qu’elle avait pu lui dire quelques secondes plus tôt. Il s’approcha d’elle, posant ses lèvres sur son front avant de replacer ses cheveux avec tendresse derrière son oreille… autant de gestes d’une banalité flagrante, mais qui n’avait plus le même sens tout à coup."... et je tiens à toi, je peux pas t'enfermer avec moi dans un cocon. T'as besoin de voir des gens, de sortir avec un autre mec. Tu peux pas avancer en restant avec moi, je peux pas avoir toutes les casquettes pour toi. Je tiens à toi…et je peux jouer tous les rôles que tu veux pour t'aider à te sentir mieux. Ton ami, ton coup d'essai, ton kiné, mais ... j'ai pas droit d'interferer dans ta reconstruction." Il lui souriait, avec ce sourire qui sonnait faux et qui contrastait avec ce qu’il était entrain de dire. Ce qu’il était entrain de faire. Leah senti quelque chose se briser en elle alors même que son visage se ferma en une seule fraction de seconde. Une fraction de seconde, c’est exactement le temps qu’il aura fallu au kiné pour mettre à mal tout ce qu’ils avaient pu construire au fil des semaines. D’un geste, elle repoussa la main que le brun avait toujours sur elle et recula d’un pas, les sourcils froncés. « Depuis le temps, j’pensais que t’avais compris que j’étais encore assez grande pour décider moi-même de ce que je voulais faire de ma vie Stephen. T’as pas le droit de prendre cette décision pour nous deux. T’es pas dans ma tête, tu… tu sais rien du tout. » Sa voix tremblait, mais au-delà de l’émotion, c’est la colère qui prenait le pas sur le reste. « Mais tu sais quoi, si tu ne peux pas… alors arrête. Juste, arrête. » Arrête de me faire tourner la tête pour ensuite me rejeter en disant que tu ne peux pas être là pour moi. Arrête de me briser le cœur. Se mordant la lèvre, Leah se débattait en son for intérieur pour ne pas fondre en larmes. Elle tourna la tête et retourna vers l’intérieur de l’appartement, attrapant au passage ses clés et son sac. « T’avais raison… » Commença-t-elle en regardant une dernière fois vers le balcon où se trouvait le brun, probablement surpris de sa réaction. « … J’aurais vraiment mieux fais de passer cette soirée avec des amies. » Sans plus de cérémonie, elle passa la porte de l’appartement qu’elle claqua derrière elle avec force avant de se diriger à toute vitesse vers sa voiture. Il ne manquerait plus qu’il ait la mauvaise idée de la suivre après ce qu’elle venait de lui dire. La jeune femme bouillonnait intérieurement. C’était probablement la première fois que Stephen la voyait dans cet état… il était bien au courant de son tempérament, mais elle n’avait jamais eu de raison de s’emporter face à lui. Jusqu’à aujourd’hui. Elle ne parvenait pas à comprendre sa réaction, pourquoi il s’obstinait à penser qu’il n’était pas assez bien pour elle, pour sa reconstruction comme il le disait si bien. Ou peut-être que tout ceci n’était qu’une vague excuse, un prétexte pour lui dire ce qu’il n’osait pas exprimer à voix haute. C’est elle qui n’était pas assez bien. Une fois dans sa voiture, la brunette soupira longuement. Elle n’avait, en vérité, aucune envie de retrouver qui que ce soit. Elle voulait juste être seule. Leah abandonna donc sa voiture, privilégiant une promenade nocturne. Ce qui n’était sans doute pas plus mal au vu de l’alcool qu’elle avait ingéré au cours de la soirée. Il lui faudrait quelques heures pour se calmer, et elle attendrait dans tous les cas pour être sure de ne pas recroiser Stephen le lendemain. Marmonnant, elle regretta soudain cette colocation qui les forcerait à parler à un moment où l’autre. 

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