| #23 - jalya + we set the world on fire |
| | (#)Mer 1 Juil 2015 - 14:48 | |
| Les événements étaient allés à une vitesse… Ce n'est plus vraiment étonnant pour Joanne et moi, le temps n'est jamais passé assez vite pour que nos ambitions aient l'air normales. Nous voulions croire que la Terre était trop lente, et non que nous allions à toute vitesse. Aujourd'hui, plus que jamais, il faut avouer que nous avons eu tort. La voilà partie, depuis une semaine maintenant. Pas d'appels, pas de messages, pas de signes de vie. Rien. Elle a laissé quelques affaires dans son armoire, comme pour signifier qu'elle reviendra, après avoir fait le point de son côté. Je me force à ne pas trop y croire tant qu'elle ne me contactera pas. Elle a déjà retourné sa veste tant de fois en quelques jours, je ne sais plus à quoi m'attendre. Je préfère ne pas y penser. J'ai bien assez à faire avec moi-même. La semaine de repos exigée par mon médecin après mon passage à tabac touche à sa fin. Je reprends le travail demain, et j'avoue avoir hâte. Retrouver mon autre maison, mon autre famille. Me noyer dans mon boulot pour garder mon esprit occupé. Je me doute bien que les premiers jours seront difficiles. Mon esprit est loin d'être en bon état. Face au miroir de ma salle de bains, m'apprêtant à prendre une douche, j'avale pour la dernière fois le médicament qui a su calmer mes migraines suite à mon coup sur la tête. Normalement, les maux et les bourdonnements devraient cesser. Je tourne légèrement la tête pour admirer ce qu'il reste de ma blessure, non loin de ma tempe. Pas grand-chose. Elle aura bientôt totalement disparu, laissant derrière elle une fine marque blanche que personne ne remarquera. J'avale deux autres cachets. Nouvel essai de traitement de ma personnalité extrême. Le premier n'a pas été un franc succès au bout d'un mois seulement. Le médecin a donc révisé les doses afin que je me sente moins atonique et plus apte à travailler -sans oublier de me marteler que la période d’accommodation peut durer des semaines, voire des mois. Je dois faire preuve de patience. Patience. Maître mot de ma vie en ce moment. Et ce n'est pas une de mes qualités. Je n'ai qu'à prendre sur moi. Je défais ensuite l'écharpe autour de mon cou, servant à maintenir mon épaule en état de repos. Je la porte encore de temps en temps, histoire de ne pas trop forcer sur cette articulation que je sens encore fragile. J'effectue quelques mouvements pour la faire rouler, tends mon bras. Pas de grimace, tout va bien. Je pense que je n'en ai plus besoin. Je me débarrasse du reste de mes vêtements et passe sous le jet d'eau une bonne vingtaine de minutes. Je me fais à l'idée qu'il y a une chose que je dois faire, et dont je ne peux pas me défausser. Aller voir Kelya. Celle qui a finalement réussi à éloigner Joanne de moi. Je prends pas mal de soin dans le choix de ma tenue pour lui rendre visite. On peut dire que je me fais beau pour elle, oui. Mais au final, je fais simple. Une tenue grise surmontée d'une veste blanche. Les rares habits qui me restent de Londres à vrai dire. J'ai donné tout le reste. Le route jusqu'à la maison de la thérapeute me semble particulièrement long. Le bon nombre de feux rouges s'étant dressés devant moi doivent y être pour quelque chose. Quoi qu'il en soit, j'y suis. Je n'ai pas annoncé mon arrivée, préférant l'effet de surprise. Sa voiture m'indique qu'elle est bien chez elle. Je prends quelques minutes avant de descendre de mon propre véhicule et m'approcher. Je suis partagé entre l'appréhension et l'impatience. L'envie de foncer et celle de repartir. Une seconde, je me dis que je ferais mieux de m'en aller. Mais ma promesse me retient. Je fais finalement ces quelques pas vers la porte d'entrée. Là encore, il m'est difficile de savoir si je dois frapper, sonner, retourner sur mes pas. Elle ne sera peut-être pas seule -encore une fois. Et alors, tout tomberait à l'eau. Me mordillant la lèvre inférieure, je décide finalement d'appuyer sur la sonnette en prenant une grande inspiration. Quelques (trop) longues secondes passent avant que la porte ne s'ouvre sur Kelya. Sans un mot, et sans même demander la permission, je fais un pas en avant afin qu'elle se mette sur le côté pour me laisser entrer. J'esquisse un léger sourire, faisant quelques pas dans le salon pour constater qu'il n'y a personne. Juste elle et moi. Mon sourire s'agrandit. Cette fois, je marche en sa direction. « Félicitations. » dis-je une fois face à Kelya. « Tu as très bien joué. Tu as été brillante. Parfaite, je dirais. » Mes mains prennent les siennes, puis glissent doucement le long de ses bras jusqu'à se poser sur ses épaules. « Elle est partie. Joanne est partie. Il n'y a plus que toi et moi. » Je glisse délicatement une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, tendre. Mes doigts glissent sur son visage, mon pouce caresse sa joue. Je relève son menton pour qu'elle me regarde dans les yeux. Mon rythme cardiaque a sensiblement accéléré. Lentement, j'approche mon visage du sien. Puis, je dépose un long baiser sur ses lèvres alors que mon corps la plaque contre le mur derrière elle.
Dernière édition par Jamie Keynes le Jeu 2 Juil 2015 - 0:04, édité 1 fois |
| | | | (#)Jeu 2 Juil 2015 - 0:00 | |
| Je me passe de l’eau sur le visage. Il fait particulièrement chaud aujourd’hui et je suis exténuée. Ma matinée n’a pas été facile. Un de mes patients s’est mis à pleurer pendant dix longues minutes, sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Je me suis sentie tellement impuissante. J’essayais de le prendre dans mes bras et de lui dire que tout allait bien, mais il continuait de pleurer, encore et encore. J’avoue que cela m’a affecté et m’a un peu sapé le moral. Heureusement, j’ai terminé le travail. Après m’être rincé le visage, je troque ma jupe droite et mon haut en soie pour un short à motifs et un débardeur. J’attache mes cheveux en chignon et retire mes bijoux. Voilà, je me sens beaucoup mieux comme ça. Je descends dans la cuisine et me prépare un bagel et un smoothie. Pendant que les fruits sont en train de mixer, je regarde autour de moi. Cette villa est si immense et si vide. Certes l’odeur de Kyrah est présente et cela atténue un peu ce sentiment de vide mais il est toujours présent. Je devrais peut-être songer à emménager dans une plus petite maison. Je suis sure que ça ne changerait pas grand-chose au final. Je soupire. J’ai toute l’après-midi de libre et je n’ai aucune idée de ce que je vais faire. Après avoir tout préparé je mange le repas tranquillement. Je débarrasse la table et m’installe sur le canapé avec mon smartphone. Et maintenant quoi ?
Je n’ai pas le temps de réfléchir une seconde que la sonnette retentit. C’est bizarre, je n’attends personne. En tout cas, qui que ce soit, je bénis cette personne car au moins je n’ai pas eu à rester trop longtemps à rien faire. J’ouvre la porte et je vois Jamie. Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que celui-ci est déjà dans l’entrée et a fermé la porte. C’est une jolie surprise. « Félicitations. » dit-il. Il est étrange. Il a l’air… vide. « Tu as très bien joué. Tu as été brillante. Parfaite, je dirais. » Je le regarde, intriguée. Que se passe-t-il ? « Elle est partie. Joanne est partie. Il n'y a plus que toi et moi. » Mon cœur s’arrête de battre pendant un instant. Oh mon dieu. J’y suis arrivée ? Est-ce grâce à moi qu’elle est partie ? Je le regarde, choquée. Je suis ravie mais je suis étonnée. La rencontre avec Joanne m’avait laissé un goût amer. Elle m’avait clairement fait comprendre qu’elle ne lâcherait pas Jamie, pas aussi facilement. Alors pourquoi est-elle partie ? Pourquoi maintenant ? Je me pose des milliards de questions. Mais je n’ai pas le temps de parler parce que Jamie s’approche de moi et dépose un long baiser sur mes lèvres et me plaque contre le mur. Je sens que mon cœur va exploser. Cela fait quatre ans que j’attends ce moment, et ce moment est arrivé. Je ferme les yeux et je ne réfléchis plus. J’apprécie l’instant et ce moment de tendresse que nous sommes en train de partager. Hors du temps. L'odeur de Jamie, le goût de ses lèvres, le petit picotement de sa barbe... Tout cela m'avait terriblement manqué. J'ai l'impression d'être une addict qui vient de recevoir sa dose de drogue. Oui c'est ça : Jamie est comme une drogue dont je ne peux plus me passer maintenant que je l'ai consommée. Au bout de quelques secondes, je me défais un peu de son étreinte et plonge mon regard dans le sien. Quelque chose a changé. Il n’y a plus cette flamme qui brillait auparavant. Je le regarde, intriguée. Quelque chose ne va pas. J’ai l’impression de ne pas faire face au même Jamie que d’habitude. A contrecœur, je ne continue pas notre étreinte. Je lui demande alors d’une voix douce : « Qu’est-ce qu’il se passe Jamie ? Tu as l’air bizarre… » Il n’avait sans doute pas prévu de parler en venant ici. Et tout ce que je demande, c’est d’embrasser Jamie, encore et encore. Et à ce moment précis, j’en ai l’opportunité. Alors pourquoi je ne continue pas ce moment magique ? Je ne veux pas que ça soit comme ça. Plus maintenant. Je ne veux pas être la fille qui accepte le baiser de celui qu’elle aime juste parce qu’il se sent seul et qu’il a besoin de quelqu’un. Je ne veux pas être le second choix. Et je perçois très clairement qu’il ne va pas bien et que quelque chose cloche. Je comprends très bien qu’il est venu pour oublier ses problèmes dans les bras d’une autre femme, d’une femme qu’il sait disponible. Mais je refuse d’être faible. Je refuse d’être dictée par mes sentiments. Et par-dessus tout, je refuse qu’on joue avec mes sentiments de cette manière-là. Je vaux bien plus que ça et Jamie le sait. C’est juste qu’il est… perturbé. Je veux comprendre. Je veux être celle qui lui fera se sentir mieux, mais pas en ayant des relations sexuelles banales, qui ne dureront que pour un moment. Je veux être celle qui lui fera se sentir mieux par sa présence, sur le long terme. Je veux compter pour lui. J’ai l’impression d’avoir changé en ne prenant pas l’opportunité que Jamie m’a donnée. En n’acceptant pas si facilement ce baiser. Il y a quelques mois de cela, je l’aurais embrassé en retour et je l’aurais déshabillé en une minute. Sans réfléchir. Mais depuis que je suis arrivée à Brisbane, j’ai rencontré des personnes formidables qui m’ont montré une autre façon de voir les choses et j’ai eu le temps de me poser les bonnes questions. Je ne suis plus celle qui demande l’amour à tout prix. Enfin si, je veux encore l’amour, mais je veux y accéder de la bonne manière. Pas en contournant le chemin et en passant par des voix sinueuses. Ce n’est comme ça que ça marche. Je soupire, et tout en ne lâchant pas le regard de Jamie, je lui demande : « Pourquoi est-elle partie ? » Jamie semble intrigué. Il sait que j’attendais ce moment depuis longtemps. Mais au fond de lui, il sait que continuer ce baiser aurait été une erreur. Pour tous les deux. Je veux être claire avec lui, alors je lui dis : « Mon comportement te semble peut-être étrange. Bien sûr que je veux continuer de t’embrasser, c’est ce que je veux plus que tout au monde. Mais pas de cette façon… Je sens qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez toi, alors aujourd’hui, je préfère parler. » Je lui souris un peu tristement. Je crois que ce qui me ferait le plus mal, ça ne serait pas tant que Jamie refuse de m’embrasser et d’être avec moi, ça serait plutôt le fait qu’il perde sa confiance en moi et qu’il refuse de me parler. Ça, ça me briserait. Je peux me passer de relations charnelles, c’est ce que je fais depuis quatre ans. Mais ce dont je ne peux pas me passer, c’est de sa confiance.
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| | | | (#)Jeu 2 Juil 2015 - 12:19 | |
| Le baiser dure de longues secondes. Je me rends compte que, quelque part, ses lèvres m'ont manqué. Son odeur, ce parfum qui n'a pas changé, la douceur de sa peau hâlée sous mes doigts, la chaleur d'un souffle qui lui est propre. Le coeur battant, le corps contre elle, quelques souvenirs de Londres me reviennent. Nous avons passé de bons moments, Kelya et moi. Je ne peux pas renier toutes les années passées ensemble, lorsqu'elle était la femme la plus importante de ma vie. En dehors de la relation de psychologue à client, au-delà de la relation physique, quelque chose nous liait à cette époque, et déjà alors je ne savais pas quoi. Quelque chose de fort, d'intense, qui nous attirait irrémédiablement l'un vers l'autre. N'importe qui de normal aurait considéré cette relation comme un couple. Pourtant, ce n'était pas mon cas. J'ai grandi avec elle, je suis passé de garçon à homme sous sa garde ; bizarrement, pour moi, elle était plus comme partie de ma famille qu'autre chose. Une mère que j'aurais aimé avoir, une grande sœur, à l'écoute, me comprenant, me guidant comme j'aurais dû l'être toute ma vie. Mais cette idée ne faisait que rendre tout ceci entre plus étrange et malsain que ça ne l'était déjà. Dix ans. Cela a duré presque dix ans. Et être amoureux de m'a jamais effleuré l'esprit. Je ne suis toujours pas amoureux. Je n'oublie pas la raison de ma venue. Contre toute attente, Kelya met fin au baiser, me repousse légèrement. Je la scrute, plongé dans l'incompréhension. Elle a ce qu'elle veut, ce qu'elle est venue chercher depuis l'autre bout du monde, et elle n'en veut pas. Je plante mon regard dans le sien, l'air de ne pas comprendre ce qu'elle me dit. Jusqu'à ce qu'elle demande la raison du départ de Joanne. Ma mâchoire se serre. Elle n'a pas osé poser cette question. Non. Celle qui lui a expressément ordonner de quitter la ville ne peut décemment pas être celle qui va faire mine de s'inquiéter de son départ. Elle se fiche de qui ? Mes yeux se plissent, ne quittent pas ses yeux sombres. « Quelque chose qui ne va pas chez moi ? » je répète, un sourire apparaissant peu à peu sur mes lèvres. « Je n'ai jamais rien entendu plus ridicule de ta part. » Je reste face à elle comme un roc, les mains fermement posées sur ses épaules, afin qu'elle ne bouge pas de ce mur. Je comptais bien lui faire comprendre tout ce que j'ai sur le coeur en m'invitant chez elle. Puisqu'elle souhaite parler… « De la part de quelqu'un qui a tout quitté de sa vie pour débarquer sans prévenir dans une ville qu'elle ne connaît pas, retrouver un homme qu'elle qui ne veut pas d'elle. Quelqu'un qui reste malgré ça, qui s'obstine. » S'obstiner n'est pas le mot. Elle s'est acharné. Mais pire que cela, elle m'a menti. J'accorde une importance démesurée à la parole -surtout à la mienne, mais je pensais pouvoir faire confiance à Kelya. Compter sur elle. Comme je l'avais toujours fait. Je ne sais pas s'il y a un mot plus fort que la trahison. « Quelqu'un qui va voir une autre femme qu'elle ne connaît absolument pas pour la menacer, pensant qu'il s'agissait bien évidemment du meilleur moyen qui soi pour avoir ce qu'elle veut. Une petite pourriture égocentrique, manipulatrice et calculatrice. » Ma poigne s'est resserrée sur ses bras. Elle ne s'échappera pas. « A ton avis, chez qui, ici, il y a quelque chose qui ne va pas ? » je demande avec un sourire. Mais la réponse est évidente. Il faut avoir perdu l'esprit pour agir comme elle l'a fait, et oser jouer les anges, se présenter comme une confidente juste après. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond sous cette chevelure brune ? « Tu as failli la tuer. » dis-je en gardant mon visage à quelques centimètres à peine du sien. « Tu as terriblement réussi à lui faire peur. C'était ce que tu voulais, hm ? » Bien sûr. C'était son intention. Qu'elle me quitte, qu'elle quitte Brisbane. Kelya n'avait sûrement pas idée de ce qu'elle déclencherait en allant voir Joanne directement au musée. Jouer les prédatrices. « Elle a paniqué, jusqu'à ne plus respirer. » Ce qu'elle doit être fière de son coup. Brillant. Elle n'aurait pas pu faire mieux. Ce devait être au dessus de ses espérances. Mes mains glissent doucement le long de ses bras, sur ses épaules. Attrapent son cou. Et serrent. « Juste comme ça. » Mon coeur s'affole et tambourine dans chaque partie de mon corps vide, me rendant légèrement fébrile. Mais largement capable de maintenir l'étreinte sur sa gorge malgré ses gigotements. « Et elle aurait pu mourir au milieu de la rue. Uniquement par ta faute. Tu aurais adoré ça je suppose. Je n'en sais rien. Je ne sais plus rien de toi. » Mais je me suis sûrement laissé complètement manipuler moi aussi, depuis le début. J'avais trop besoin d'être sauvé pour douter d'elle. Un genou entre les jambes de la jeune femme, je l'empêche de glisser, d'aller où que ce soit. Je suis loin de l'étrangler avec autant de force que je le pourrais. Il ne faudrait pas qu'elle tombe dans les pommes trop rapidement. Mais elle gigote trop, alors je reserre. « Est-ce que ce n'est pas une manière atroce de mourir ? Se savoir manquer d'air, et ne rien pouvoir y faire. Sentir son cerveau partir en vrille. » Ma propre gorge se serre. Certes, Joanne n'est pas morte ce jour là. Mais cette seule possibilité suffisait à motiver mon geste. Sa pâleur cadavérique dans son lit d'hôpital. Kelya ne peut pas s'en sortir qu'avec de simples mots pour la réprimander. Appelons ça une thérapie de choc. Je m'approche un peu plus de son visage, la maintenant plaquée contre ce foutu mur. « Suffoquer. » je souffle à son oreille. J'écoute une seconde ses poumons mettant tout en œuvre pour attraper la moindre bribe d'oxygène. Finalement, je la lâche. Je fais quelques pas pour m'éloigner d'elle. Je suppose que maintenant, on peut supposer que quelque chose ne va pas chez moi non plus. « Comment tu as pu croire que ça me ferait revenir dans tes bras, hein ? » |
| | | | (#)Jeu 2 Juil 2015 - 14:06 | |
| Je le savais. Je savais que ce baiser était trop beau pour être vrai. Les mots de Jamie sont blessants. Ils sont comme un poignard dans mon cœur. Et j’ai l’impression que Jamie prend un malin plaisir à retirer ce poignard pour le replanter plus profondément, encore et encore. Je ne sais pas combien de temps je vais réussir à supporter ces coups. Jamie a un regard froid, dur, effrayant même. D’une seconde à une autre, je me retrouve bloquée contre le mur, suffoquant sous l’emprise de ses mains sur mon cou. Je suis certaine qu’il ne met pas toutes ses forces mais c’est déjà assez pour me donner du mal à respirer. Je gigoge dans tous les sens, incapable de dire quoi que ce soit. Jamie continue de parler, à me traiter comme une manipulatrice, à me traiter comme si je n’étais qu’une moins que rien. Mon cœur s’accélère à chaque mot qu’il prononce. Il me dit qu’il est au courant pour notre conversation avec Joanne. Je savais que cette idiote ne pouvait pas garder sa bouche fermée. Evidemment qu’elle est partie se plaindre auprès de Jamie, à quoi je m’attendais ? Il me dit également qu’elle est partie à l’hôpital. Qu’elle a fait une crise de panique. Au fond de moi, je jubile. Mais Jamie ressert encore ses mains sur mon cou alors je me concentre pour essayer de me débattre. Mais c’est inutile. Seul lui décidera quand il me relâchera. Oui, il a raison. C’est ce que je voulais. Je voulais qu’elle se sente mal, qu’elle sache que je suis une vraie menace. Je voulais qu’elle ait peur de moi. Et apparemment, cela a été un franc succès. Elle n’était pas obligée de finir à l’hôpital non plus. Je lui ai juste balancé des menaces, elle aurait pu relativiser, se dire que je n’étais pas sérieuse. Je ne l’ai presque pas touché. Comment a-t-elle pu faire une crise de panique aussi facilement ? Elle est beaucoup plus faible que je ne le pensais. C’est triste. Finalement, Jamie me relâche. Je porte mes mains à mon cou et essaie de reprendre une respiration à peu près normale. J’ai envie de pleurer. J’ai envie de le frapper. D’hurler de colère. Comment a-t-il pu me faire ça ? Comment a-t-il pu poser ses mains sur moi de cette manière-là ? Mais je ne dois rien laisser transparaître. Je ne dois pas me montrer faible. Pas aujourd’hui. Parce que sinon, ça voudrait dire qu’il aura obtenu ce qu’il voulait : me voir déboussolée. Mais non Jamie, après ce que tu viens de faire, je ne vais pas te faire le plaisir de me voir bouleversée. Ça te ferait plaisir, hein ? Devine-quoi : je suis bien plus forte que tu ne le penses. Je me demande comment c’est possible d’aimer quelqu’un et le haïr autant en même temps. Je n’en reviens toujours pas. Il va le payer. Oh que oui. « Comment tu as pu croire que ça me ferait revenir dans tes bras, hein ? » Je parviens finalement à avoir une respiration lente. Je passe une main dans mes cheveux et le regarde. « Je ne sais pas Jamie, c’est toi qui vient de m’embrasser. » Je ne peux pas m’empêcher d’avoir un léger sourire. Ce baiser a été vraiment fantastique. Je sais que je n’en aurais pas un autre de sitôt. Mais celui-ci, je m’en rappellerai pour toujours. Parce qu’il signifie que quelque part, j’ai déjà tout gagné. Parce qu’il signifie que je suis celle vers qui Jamie se tournera toujours, même s’il est énervé contre moi. Il aurait simplement pu venir et me crier dessus. M’embrasser n’était pas utile. Pourtant, il l’a fait. Quelque part, il en avait envie, même s’il ne veut pas l’avouer. Maintenant, ça me paraît évident : Jamie ne peut pas se passer de moi.
Il n’empêche que je suis énervée contre lui. Et visiblement lui aussi est en colère. Bon au moins, nous sommes sur la même longueur d’ondes. Je le regarde et lui dis, d’un ton ferme : « Tu dis que Joanne est partie à cause de moi ? C’est que des conneries. » Je ne le lâche pas du regard. Il doit comprendre que de nous deux, c’est moi la plus forte. Jamie ne me fait pas peur. Pas une seconde. En tout cas, c’est ce qu’il doit croire. « Quand je l’ai vu, elle m’a très clairement fait comprendre qu’elle ne te lâcherait pas. Tu crois vraiment que c’est une simple crise de panique qui l’a fait fuir ? » Je lâche un rire sadique. Il est soit naïf soit idiot. « Non Jamie, à mon avis, c’est toi qui l’a fait partir. Je ne sais pas ce que t’as fait, mais ça a dû être assez grave pour qu’elle s’éloigne de toi. » Je continue ma tirade avec confiance. Je suis vraiment douée pour faire ça, je crois. « Tu peux me blâmer autant que tu veux, je m’en fiche. Mais au fond, tu sais que ce n’est pas de ma faute. J’étais juste un élément perturbateur dans votre relation. J’ai peut-être envenimé les choses entre vous, mais ce n’est pas à cause de moi que tout a merdé. » Je me rapproche un peu de lui et le fusille du regard. Je déteste la façon dont il me traite constamment. Je ne sais pas comment je fais pour supporter ça. « Peut-être que tout ça arrive pour une bonne raison. Peut-être que vous n’étiez pas fait pour être ensemble, tout simplement. » Je soupire et me radoucis un peu. « Pour ce que ça vaut, je n’ai jamais voulu la précipiter dans un lit d’hôpital. » Je dois avouer que je ne m’y attendais pas. Je savais que je lui avais fait peur, mais de là à faire une crise de panique ? Je ne pouvais pas savoir. Mais bon, le mal est fait et je ne vais pas passer mon temps à culpabiliser. Je regarde Jamie. Il dit qu’il ne sait plus qui je suis. C’est juste qu’il n’a jamais cherché à me connaître vraiment. Mais lui par contre, il a changé. Il n’est plus même. J’ai l’impression de ne plus reconnaître mon Jamie. J’ai l’impression de faire face à un inconnu, et ça m’effraie. |
| | | | (#)Ven 3 Juil 2015 - 16:09 | |
| Kelya retrouve rapidement contenance. Je ne peux pas en attendre moins de la part d'une psychologue. Elle devine facilement ce que je suis venu chercher, et sait exactement quoi faire pour ne pas me le donner. Je ne l'aurais pas à mes pieds ce soir, demandant pardon. Elle est plus forte que ça, et je dois l'avouer, sûrement plus forte que moi à ce jeu là. Surtout contre moi. Qu'importe, je ne compte pas m'avouer vaincu. J'ai un problème, une mauvaise herbe sur mon territoire, que je dois arracher à la racine. Je n'ai pas le choix. C'est la seule raison de ma venue. Mais Kelya semble persuader que le baiser que je lui ait donné était réel. J'ouvre la bouche de surprise, riant légèrement, la regardant, il est vrai, comme la dernière des idiotes. « Simple diversion. » Faire en sorte qu'elle ne se doute pas de ce qui allait lui tomber dessus. Lui donner de l'espoir. Et le reprendre. « Tu y as cru en plus, c'est dingue. » dis-je en passant une main sur mon visage. Elle a réellement pensé, et pense encore, que le départ de Joanne, qu'il ait lieu par sa faute ou non, m'aurait fait revenir vers elle. Il y a véritablement quelque chose qui ne tourne pas rond chez elle. Néanmoins, la prendre pour une idiote est grandement la sous-estimer. Kelya comprend rapidement que, si je suis seul, ce n'est pas entièrement sa faute. Je le sais bien. Je sais exactement ce qui l'a fait fuir. Qu'elle déchiffre tout ceci avec cette simplicité réussit à me déstabiliser un instant. Mâchoire serrée, mon regard est plein de haine. « La ferme, Kelya. » je siffle entre mes dents. Mais elle ne se tait pas. Elle sait qu'elle a touché un point sensible, elle ne le lâchera pas. Elle maintient qu'elle n'est pas la cause du départ de Joanne. Je lâche un rire mauvais. Je souhaiterais savoir ce qu'il se passe dans son crâne ; si elle est réellement persuadée qu'elle n'y est pour rien, ou si elle joue simplement la carte du déni afin de m'enfoncer. « Ce n'est pas de la faute de l'élément perturbateur ? Tu réalises ton incohérence ? » Du grand n'importe quoi. « Tout a commencé à foirer quand tu as débarqué de nulle part. Quand tu es allée voir Joanne. Tu as tout déclenché. Tous les événements qui ont suivi et qui m'ont fait arriver là sont entièrement de ton fait. Parce que tu pensais avoir le droit d'aller la voir pour réclamer ta propriété. » Si la dégringolade n'est pas de sa faute, alors à qui est-elle ? Non, son intervention a été le premier domino. Sans son attitude de sociopathe, je ne serais pas ici ce soir. Je serais chez moi, avec la femme que j'aime. « Mais devine quoi ? Je ne t'appartiens pas. » Ce sont peut-être les quinze années de thérapie, et les dix années de relations sexuelles qui lui ont incrusté l'idée que je suis à elle. Mais elle ne pourrait pas avoir plus tort. Elle aurait pu avoir une influence folle sur moi si seulement elle avait accepté la place que je lui offrais dans ma vie. Si elle ne s'était pas entêté à vouloir ce qu'elle n'aura jamais. « Pour ce que ça vaut, j'en ai rien à foutre. Tu aurais pu avoir tes propres mains sur sa gorge que c'aurait été pareil. » dis-je en gardant un grand calme. Depuis l'épisode de l'hôpital, je ne suis même plus capable d'être en colère. Pourtant, ça pourrait être utile à cet instant. Lui faire assez peur pour qu'elle se taise et s'excuse à quatre pattes. Je la toise, cette inconnue destructrice, cette cinglée que j'ai face à moi. « Et dire que tu ne sembles même pas avoir une once de remords. » Rien. Dans son regard, il n'y a que la fierté ; celle de savoir Joanne hors jeu, et celle de réussir à parfaitement me tenir tête. Mais aussi peine à l'idée d'avoir quasiment tué quelqu'un. Un intense sentiment de dégoût s'empare de ma gorge. Je fais quelques pas pour m'éloigner d'elle. Je ne peux plus la regarder. « J'ai vraiment essayé de te trouver des excuses, tu sais. Me persuader que ça n'était qu'un pas de travers et que tu regrettais. J'ai pensé que tu y étais allée droguée, que tu avais perdu les pédales. Que la Kelya que je connais, avec qui j'ai grandi, avec qui j'ai passé quinze ans de ma vie, n'aurait jamais fait une chose pareille. » J'ai été aveugle et naïf, moi et mon envie d'avoir foi en elle. De croire que la femme qui a toujours veillé sur moi pourrait réellement avoir quelque chose à faire de mon bonheur. « Tu m'a menti. Tu m'a sorti le grand jeu pour m'amadouer. Tu m'a manipulé. Et ensuite, tu es allée menacer la femme que j'aime. » Je trouve qu'il y a beaucoup trop d'émotion dans ma voix. Mon timbre tremblant, entre la rage et la peine. « Tu n'as aucune excuse. Aucun regret. Et tu n'as rien à voir avec la personne que je pensais connaître. » |
| | | | (#)Sam 4 Juil 2015 - 16:13 | |
| Je le déteste. Je le déteste de jouer avec moi comme ça. De considérer mon cœur comme un vulgaire objet. Il ne se rend pas compte. Il ne se rend pas compte à quel point tout ce qu’il dit m’affecte et me blesse. Constamment. Et plus le temps passe, plus la blessure devient profonde. Je ne suis pas sûre de pouvoir tenir encore longtemps. Loghan avait peut-être raison. Peut-être que Jamie ne me mérite pas. Cette perspective m’effraie mais le fait qu’elle soit là, quelque part dans ma tête, me fait tout remettre en question. « Tu y as cru en plus, c'est dingue. » C’en est trop. Je ne peux pas supporter ça. Jamie dépasse les bornes. Je ne réfléchis pas et je viens lui coller une gifle. Pfou, ça fait plus de bien que je ne l’aurais pensé. « Va te faire foutre Jamie ! » Je suis furieuse. Jamais je n’aurais cru ressentir autant de haine envers lui. Jamais. « Tu te crois meilleur que moi ? Tu crois que c’est mieux de me traiter comme tu le fais ? En te foutant ouvertement de mes sentiments ? Mais tu sais quoi Jamie ? Tu ne vaux rien. » Je suis tellement énervée que je ne sais plus ce que je dis. Je suis dure mais il l’a mérité. Il est venu chercher mes larmes, il ne les aura pas. A la place, je lui fais découvrir un autre visage de moi. Un visage sombre qu’il n’était pas censé découvrir. Mais le mal est fait et maintenant je ne peux plus reculer. « Tout a commencé à foirer quand tu as débarqué de nulle part. Quand tu es allée voir Joanne. Tu as tout déclenché. Tous les événements qui ont suivi et qui m'ont fait arriver là sont entièrement de ton fait. Parce que tu pensais avoir le droit d'aller la voir pour réclamer ta propriété. » Je reste silencieuse parce que je sais qu’il a raison. C’est à cause de moi que tout a foiré. Et j’en suis fière, parce que ça a mis beaucoup moins de temps que je ne le pensais. Peut-être qu’à cause de ça, je ne pourrais jamais avoir Jamie, mais au moins, j’aurais gagné. Et je gagnerai toujours. C’est bien ça le problème. Je serai toujours là, quoi qu’il arrive. Il pourra bien trouver la femme la plus parfaite du monde, je réussirai toujours à la faire partir. Toujours. Et quand elles seront toute parties, il ne restera que moi. Peut-être que Jamie ne m’aimera jamais, qu’il me haïra même. Mais quand il n’y aura plus personne, quand il n’y aura que moi, il n’aura plus le choix. Je ne sais pas si je vais encore avoir la force de continuer à faire ça. J’aimerais me concentrer sur moi et sur ce qui me rend heureuse pour le moment. Et vu la réaction de Jamie, je ne sais plus trop où j’en suis. Bien sûr que je l’aime, mais là tout de suite, j’ai juste envie de l’étrangler. Vraiment. Je ne sais pas trop ce qui me retient. Je suis complètement paumée et je suis un bordel à moi toute seule, je le sais. Je ne sais pas quoi faire ni quoi dire. J’ai juste envie de le faire souffrir de la même manière qu’il m’a fait souffrir. « Mais devine quoi ? Je ne t'appartiens pas. » Si, justement. Peut-être qu’il s’en rendra compte un jour. Quand il cessera de se faire des illusions. « Tu m'a menti. Tu m'a sorti le grand jeu pour m'amadouer. Tu m'a manipulé. Et ensuite, tu es allée menacer la femme que j'aime. » Je fronce les sourcils. Que des conneries. Cela me met hors de moi. « Je ne t’ai jamais menti Jamie. Tout ce que j’ai fait, c’est te dire ce que je ressentais pour toi. » Mais à présent, je ne suis pas sûre de ce que je ressens pour lui. De la colère. Oui, beaucoup de colère. « Tu n'as aucune excuse. Aucun regret. Et tu n'as rien à voir avec la personne que je pensais connaître. » Je soupire. Cette discussion me donne mal à la tête. Je vais sans doute regretter ce que je vais dire mais tant pis. Je ne peux plus tout garder pour moi. Plus maintenant. « Tu ne me connais pas Jamie. Pas vraiment. Tu t’es fait une image parfaite de moi, parce que je suis celle qui t’a aidé, celle qui t’a permis d’être celui que tu es aujourd’hui. De remonter la pente et de trouver le bonheur. Mais tu n’as jamais cherché à réellement me connaître. Tu n’as aucune idée de ce que j’ai vécu et de ce que je ressens tous les jours. Et quand bien même je t’ai avoué mes sentiments, que je souffrais à cause de ça, tu n’as pas cherché à en savoir plus. Tu te sentais coupable alors tu as préféré fuir la situation. Aucun appel, aucune visite, rien. Je comprends Jamie, c’est tellement plus simple pour toi comme ça. Donc non, tu ne me connais pas et tu t’en fiches de savoir si je vais bien ou non. Je l’ai bien compris à présent. C’est pas grave, tout le monde a ses défauts. Mais je t’interdis de porter un jugement sur ce que j’ai fait, parce que ce n’est rien par rapport à ce que toi tu m’as fait. Tu as ruiné ma vie et je me sentirais toujours aussi mal à cause de toi. Je sais que tu vas l’oublier en partant d’ici, parce que ce n’est pas toi qui souffre depuis des années. » Je ne peux plus m’arrêter de parler. Je n’ai même pas envie de pleurer. Je veux juste qu’il sache tout. Absolument tout. Je ne veux plus rien garder pour moi parce que c’est trop pesant. « Je ne sais pas si on va se reparler un jour parce que tu me détestes maintenant, mais sache une chose : tout ce que j’ai fait, ça a toujours été pour toi. Et ça ne changera jamais. Peut-être que je n’ai souvent pas réfléchi, que j’ai fait n’importe quoi, je l’admets. Mais je l’ai fait par amour. C’est vraiment ce que je pense. Tu peux me traiter de folle, de psychopathe, tu peux me dire que la fin ne justifie pas les moyens, à vrai dire je m’en fiche. Je le sais au fond. Et je ne peux pas changer qui je suis, même pas pour toi. » Je voudrais bien changer, être quelqu’un de meilleur. Mais je ne crois pas au changement. Pas pour moi en tout cas. « Je ne sais pas ce que tu attends de moi Jamie. Je voudrais bien te dire que je suis désolé mais je ne le suis pas. Mais je suis désolé de ne pas l’être. » Voilà, maintenant je ne sais pas ce qu’il va se passer. Je ne suis pas dupe : je sais que je ne verrais peut-être plus jamais Jamie. Mon cœur se serre rien qu’en y pensant. Mais maintenant qu’il a découvert qui je suis et qu’il sait de quoi je suis capable, je ne suis pas certaine qu’il veuille me revoir à nouveau. Et c’est tout à fait compréhensible. Après tout, peut-être que j’ai mérité tout ça. |
| | | | (#)Lun 6 Juil 2015 - 15:24 | |
| « Et tu m'as fait croire que tu pourrais accepter que je n'ai pas les mêmes sentiments que toi. » Bien sûr, je l'ai cru, naïvement. Idiot et inexpérimenté. J'aurais du savoir qu'on ne demande pas à une femme de simplement effacer ses sentiments, faire comme si de rien n'était, et accepter moins que ce qu'elle réclame. Face à ce genre de femme, il n'y a pas mille solutions : mettre les choses à plat, et tourner les talons. Ce que j'aurais dû faire dès le début. Plutôt que d'avoir foi en elle, croire toutes ses belles paroles sur son souhait de me voir heureux. Non, tout ce qu'elle désire, c'est m'avoir. Et elle est prête à sacrifier mon bonheur plutôt que de me voir après quelqu'un d'autre. Tout est clair aujourd'hui, limpide. Il est bien trop tard pour me rendre compte que j'ai été trompé par Kelya. Mais tout est encore si nouveau pour moi, je ne fais qu'apprendre de mes erreurs, encore et encore. Des erreurs parfois énormes. Irréparables. Je pensais la connaître par coeur. Au bout de quinze ans à côtoyer la même personne, comment croire qu'il peut y avoir quoi que ce soit qui puisse nous échapper ? Pourtant, je me rends compte qu'il n'est pas un seul trait de caractère chez la thérapeute sur lequel je ne me sois pas fourvoyé. Elle aussi, elle l'a bien compris. Et je reste cloué sur place face à la véracité de sa tirade. Ses mots qui tordent mon coeur. L'émotion serre ma gorge. Cette femme qui a tout été pour moi, à qui je dois tout, n'a toujours été qu'un mirage. Elle n'existe pas. Elle n'a jamais existé. Le choc est difficile à encaisser. C'est vrai, je n'ai jamais cherché à la connaître, ni elle, ni sa peine. J'ai uniquement projeté sur elle la sauveuse dont j'avais besoin, et je lui ait soutiré, arraché toute l'affection qu'il me manquait alors. Puis j'ai fui face à ce que j'avais créé en agissant ainsi. Je me suis défaussé, encore une fois. Comme je l'ai fait avec James. Comme je l'ai toujours fait. Néanmoins, je n'accepte pas qu'elle continue à me mettre sur le dos la dépression par laquelle elle a pu passer. « Je n'ai jamais cherché à te faire souffrir, je n'ai rien fait pour ça, je ne savais pas, mets-le toi dans le crâne ! » dis-je, poings serrés, en colère cette fois. Je lui ait déjà présenté des excuses, expliqué la situation, et même si j'ai conscience que cela est loin de suffire, je ne peux pas faire plus. Je ne peux pas remonter le temps, je ne peux pas m'inventer des sentiments pour elle. Je me force à prendre une profonde inspiration, cherchant à me calmer. « Au final, tu as brisé mon couple et notre amitié avec brio. » dis-je dans un soupir. Si amitié il y avait eu. Je ne sais même plus. Au fond, nous avons toujours été deux étrangers en cohabitation, cherchant chez l'autre ce qui n'existait pas. Désorienté, je m'appuie contre un mur de l'entrée, mon front posé sur mon bras, les yeux fermés afin de réfléchir. Je l'écoute terminer sa tirade en justifiant ses actes insensés, les mettant sur le compte de l'amour. « Et parce que tu estimes que j'ai ruiné ta vie, tu t’octroies le droit de ruiner la mienne ? » Bien sûr, puisqu'elle est persuadée que je lui appartiens. « Tu appelles ça de l'amour ? » Je ris, sarcastique. Puis me tourne, le dos appuyé contre le mur, dépité. « Quelqu'un qui t'aime t'accueille chez lui sans te juger quand tu débarques à pas d'heure, complètement shootée. Il te console le temps nécessaire, t'offre un lit et veille sur toi toute la nuit. Et toi, par amour, tu me détruis ? » Chacun sa définition, disons. « Non, tout ce que tu veux, c'est posséder. Me posséder. Ca n'arrivera jamais. » Petit à petit, je me sens de retour à l'état de vide, les émotions me quittant une à une. Je n'ai plus de plan, plus de colère, même plus de peine. Rien d'autre que la résignation. Je dois tirer un trait sur quinze années qui n'ont, finalement, jamais existé. « Crois-moi, tu ne me connais pas non plus. Je n'ai rien à voir avec ton patient à Londres. » Quelques années à Brisbane ont réussi à me changer du tout au tout. J'ai quitté l'Angleterre lorsque j'ai ressenti le besoin vital de devenir moi-même. Et cette personne, Kelya ne l'a jamais vue. Mais je n'ai pas envie de me battre pour qu'elle la découvre, ni de me pencher sur elle, sur qui elle est réellement. A vrai dire, je veux partir. Tout a été étalé sur la table, il n'y a plus rien à dire. J'hausse les épaules. « Contentes toi de rester loin de moi et de Joanne. » J'inclus la jeune femme afin qu'elle n'ait pas en l'idée d'aller la narguer, brandissant son incroyable victoire. « Parce que, figure-toi que je compte bien la récupérer. Je l'aime. » C'est sûrement la seule idée qui me permet de toujours tenir sur mes jambes. L'avoir de retour un jour. « J'aurais aussi pu t'aimer telle que tu es, si tu avais su te contenter de mon amitié. Je n'ai rien d'autre à offrir. Ce n'était sûrement pas assez bien pour toi. Maintenant… Tu n'es plus rien. » J'attends de savoir ce qu'elle peut avoir à ajouter, avant de me diriger vers la porte. |
| | | | (#)Lun 6 Juil 2015 - 17:02 | |
| J’ai envie de mourir. J’ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Et par dessus tout, j’ai envie de fumer. Encore et encore. Parce que plus cette discussion avance et plus j’ai l’impression que Jamie s’éloigne de moi. Ça me tue. Mais je sais que c’est en grande partie à cause de moi et que je ne peux rien faire pour lutter contre l’issue qui me semble inévitable. Malheureusement. « Je n'ai jamais cherché à te faire souffrir, je n'ai rien fait pour ça, je ne savais pas, mets-le toi dans le crâne ! » Pourquoi doit-il toujours me crier dessus ? Je ne suis pas une gamine de cinq ans, il peut me parler de façon décente. Je lui en veux parce qu’il remet toujours tout sur ma faute. Comme s’il était parfait. Bien sûr que j’ai fait des erreurs, mais ça ne veut pas dire que tout ce qui lui arrive est à cause de moi. Et puis, ça ne va pas être de ma faute de l’aimer tout de même ! C’est insensé. Mais je ne vais pas me lancer dans un débat inutile pour savoir à qui est la faute. Alors je reste silencieuse tout en encaissant les coups. J’ai l’habitude maintenant. « Au final, tu as brisé mon couple et notre amitié avec brio. » On n’a jamais été amis. Je n’ai jamais voulu ça. J’ai essayé bien sûr, pour lui faire plaisir, mais c’est juste impossible. Et puis je l’écoute parler, me dire que j’ai ruiné sa vie, qu’il compte récupérer Joanne, qu’il l’aime. Je lève les yeux au ciel. C’est toujours la même chose. Il ne sait rien. Il ne sait pas ce que ça fait de perdre pied et sentir qu’on est plus proches de la mort que de la vie. Je n’ai pas ruiné sa vie, je lui ai juste enlevé l’affection d’une femme pendant un moment. Je sais qu’elle va revenir, elle avait l’air de tellement l’aimer. Alors pourquoi en faire tout un plat ? Bientôt tout reviendra à la normale pour Jamie. Il sera heureux de nouveau et il m’aura oublié. Voilà ce qu’il va se passer. Moi ? Je ne sais pas. Je suis juste fatiguée de toujours me faire lâcher. Je me sens impuissante. Toujours aussi seule. « J'aurais aussi pu t'aimer telle que tu es, si tu avais su te contenter de mon amitié. Je n'ai rien d'autre à offrir. Ce n'était sûrement pas assez bien pour toi. Maintenant… Tu n'es plus rien. » Tu n’es plus rien. Ces mots sont le dernier coup qui manque de m’achever pour de bon. J’en ai assez. J’en ai assez d’être celle qui ne fait que recevoir des coups comme un vulgaire punching-ball. J’en ai assez de la vie que je mène. Ce n’est même pas une vie. Je regarde Jamie. Peut-être que c’est la dernière fois que je le vois. Alors je fixe chaque trait de son visage pour ne pas les oublier. Résignée, je lui dis : « J’aurais aimé que les choses se soient passées autrement. » C’est un peu trop tard maintenant. Le mal est fait. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Maintenant je n’ai plus qu’à assumer les conséquences. Je n’ai plus qu’à accepter ma punition. Jamie s’en va. Peut-être pour de bon cette fois. Il ne dit rien, il se contente juste de passer le perron de la porte et disparaître. Comme un éclair. Tout d’un coup, je sens le vide s’effondrer sur mes épaules. Tout d’un coup, toute la douleur que j’essaie d’effacer depuis que je suis arrivée à Brisbane reprend le dessus et me tord le ventre. A nouveau, je me retrouve abandonnée. Seule et désemparée. Seule face au néant. Je n’ai même plus de force pour pleurer, ni pour faire quoi que ce soit d’ailleurs. Je me contente simplement de laisser le vide s’emparer de mon corps et de mon cœur. |
| | | | | | | | #23 - jalya + we set the world on fire |
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