Nouvelle soirée à l'Electric Playground. Elles se ressemblaient toutes, en ce moment. Des pas de danse un peu trop endiablés, de l'alcool, des gens en tous genre et des chansons dans la rue - pieds nus, sinon ce n'était pas drôle - jusqu'à environ six heures du matin. Ce soir, j'accompagnais des amis d'une promo de Droit. J'accompagnais souvent cette petite bande. Un de leur membre était une fille que je fréquentais depuis un moment. Une femme un moins moins âgée que moi, au caractère jovial et très enthousiaste. Ses épais cheveux blonds s'agitaient souvent dans tous les sens et elle s'attirait les commentaires parfois désagréables de ses camarades tant elle dégageait une énergie débordante, parfois envahissante - selon eux, pas selon moi. J'aimais cette énergie, chez elle. Elle était dense, bavarde, lumineuse. J'avais plaisir à discuter de tout et de rien avec elle. Pourtant, nos échanges s'étaient toujours résumé à des chansons alcoolisées et à des rires, rien de plus. Je ne voulais rien de plus, de toute façon. Je ne pouvais pas non plus la compter parmi mes amis. Elle était ce que les autres n'étaient pas, comme une pièce de puzzle que l'on ne pouvait ajouter à aucune autre, libérée et volage. Fragile, aussi. Je sentais que son humeur joyeuse, même si elle paraissait forte et continue, pouvait se briser si on ne l'alimentait pas un peu. Je me contentais de répondre à ses blagues et de lui sourire quand nos regards se croisaient. Nous nous comprenions bien, elle et moi. Je m'entendais moins avec son mec, avec qui j'avais déjà failli me battre en soirée. Enfin, la baston et moi, ce n'était pas ça, de toute façon. Mon poignet encore parfois douloureux me le rappelait bien assez.

La joyeuse bande s’égosillait à propos d'une affaire qu'ils avaient eu à traiter en cours. J'avais fait du Droit. Je comprenais pourtant à peine ce dont ils parlaient. Leur vocabulaire n'était pas celui des humains. Quatre d'entre eux se déchiraient pour savoir qui était le père putatif d'un petit garçon dont il avaient certainement étudié le cas en cours. Moi, je me contentais de lever les yeux au ciel, mains dans les poches. Mon amie vint passer son bras dans le creux de mon coude. Sa respiration faisait de petites volutes de fumée. « Ils vont me flinguer ma soirée, ces cons. », marmonnait-elle, la mine boudeuse. J'avais un petit rire. « T'as qu'à pas les écouter. Concentre toi sur la musique sur laquelle on dansera d'ici... quinze minutes. » Elle opina du chef et nous continuâmes de marcher un petit moment encore, jusqu'à la boîte de nuit. Là, la musique me prit tout de suite aux tripes. Mes camarades allèrent se chercher à boire au bar et je faisais de même. Nous dansions un moment et enchaînions les verres. Le corps débridé, chemise entre-ouverte, je me déhanchais sur une musique électro dont je ne connaissais pas le nom. Mon énième Cuba Libre en main, je me dirigeais vers un endroit plus tranquille de la boîte, où j'étais certain d'avoir aperçu un visage connu. « Alors on fête quoi ce soir ? » Mais il s’avérait qu'au final, ces visages ne m'étaient pas si connus que ça. Je fronçais les sourcils et observais tour à tour les deux jeunes hommes qui se trouvaient devant moi. « Ah merde, sorry les boys, j'ai mélangé. Bonne soirée, kiddo. », lançais-je à celui qui me paraissait le plus jeune des deux. Et je retournais sur la piste, le cocktail à la main et habité de la fièvre de la nuit.  

: