Place à la seconde cérémonie. Aussitôt la salle fu vidée, aussitôt il fallait la remplir à nouveau avec les nouveaux invités. Ce serait comme ça pendant toute la journée, pas de temps à perdre, ni pour l’équipe technique, ni pour les employés municipaux qui se donnaient du mal pour que tout se passe pour le mieux, n’ayant pas l’habitude d’un rythme aussi effréné et surtout en présence de caméra. Car mine de rien, pour la mairie de Brisbane c’était également une belle vitrine que de participer à cette émission.
Pour le couple qui allait se dire oui – ou pas – May avait longuement réfléchi. Car si elle n’avait pas eu d’atome crochu avec le marié au premier abord, elle avait eu une vrai coup de cœur pour la demoiselle qui portera sa robe blanche – en réalité, May avait eu un coup de cœur pour toutes les candidates qui défileraient dans cette salle ce jour – mais si elle n’étais pas une grande fan de Léo Ivywreath , elle senti que finalement, il pourrait se passer quelques chose d’intéressant avec elle. Et l’optimisme de la jeune femme allait sans doute redonner un peu plus de sourire à ce Léo qui semble être si cynique. May attend d’ailleurs avec impatience l’arrivée de la fameuse meilleure amie qui l’avait inscrit au casting pour un coup de théâtre magistral juste au moment de passer la bague au doigt. Mais elle restait partagée, elle n’avait pour autant pas envie de blesser la douce Molly Oakheart qui d’ailleurs, faisait tout juste son entrée. May la trouvait magnifique dans sa robe et avec son léger voile sur le visage. Au moment où Molly avait posé un pied sur le parquet de la salle, tout le monde ferma sa bouche et se contenta d’observer la demoiselle. Le stress était palpable et on voyait dans les yeux des invités du marié une sorte de satisfaction et de soulagement en la voyant entrer. Ouf, ce n’était pas un laideron, elle avait peut-être sa chance. Alors, lune de miel ou pas lune de miel ?


petite note: n'importe qui peut participer à ce sujet en tant qu'invité aussi mais laissons d'abord les mariés répondre une première fois

Je ne sais pas vraiment ce que je fais là. Je suis toute seule devant cette grande porte. Je sais qu'on m'attend, que tout le monde m'attend. Mais est ce que je ne vais pas partir en courant ? Je suis tellement stressée. Mes mains sont moites, et tout mon corps est en train de trembler. Qu'est ce que je fais ? Je ne peux pas être lâche et partir comme ça. Et je sais que si je pars, Sky me fera la peau et arrivera à me rattraper dans tous les cas. Et je ne veux pas dire non à cette nouvelle expérience. Peut-être que ça me permettra d'oublier Pete, enfin. Et voilà que je pense à Pete maintenant. Qu'est qu'il dirait de tout ça ? Est ce que quelqu'un l'a mis au courant ? Parce que je me mari. Oh mon Dieu je vais me marier. C'est terrifiant, mais c'est tellement beau. Un mariage, c'est tout ce dont j'ai toujours rêvé. Un belle robe blanche, cette promesse que je trouve parfaite. La promesse d'aimer une personne tout au long de ma vie. Je ne l'imaginais pas comme a, je n'imaginais pas faire cette promesse à un parfait inconnu.

Je prend mon courage à deux mains, et j'avance. Je pousse la porte et je tiens mon bouquet de fleurs colorées entre mes mains. Je suis un peu mal à l'aise, je n'aime pas être le centre de l'attention. Et je suis perturbée par toutes ces caméras qui me filment. Mais je fais abstraction, je dois paraître le plus naturel possible. J'arrive à ma place, et je respire calmement. L'attente est presque insupportable, mais je reste positive. Je fais confiance à May, elle a trouvé quelqu'un qui me correspond, et qui pourrait m'aider à tourner la page. Alors j'attends, et je souris, parce que je souris toujours. Ça me rassure, et a doit sûrement rassurer l'assemblée en même temps. J'attends qu'il arrive, que l'homme inconnu qui va devoir partager ma vie arrive devant moi.

Ok, le nœud papillon rouge m'étouffe. J'ai l'impression que je vais me liquéfier sur place. Le stress me fait presque hyper-ventiler. Et ce costume, je le déteste aussi. Tout est prêt, je crois. C'est drôle quand on y pense, parce que je n'ai jamais assisté à trop de mariages. Et puis, là, c'est moi le marié. C'est. Moi. Le. Marié. Quelque chose sonne faux. Je ne pensais pas pouvoir arriver à cette étape là du processus de la vie, jamais, et surtout pas pour m'unir à une parfaite inconnue. Ma mère me tuerait, si elle savait.

Mes manches me grattent. Il y a des lustres que je n'ai pas mis de chemise. Je les ai empêché de me plaquer les cheveux, parce que le tout me faisait trop ressembler à un garçon de messe. Ils sont drôles, aussi, à me laisser seul avec les caméras devant cette grande porte qui ne fait rien d'autre qu'agrandir la quantité de stress que contient mon corps - trop disproportionnée, cette quantité, entendons-nous bien sur ce point. L'une de mes jambes bat la mesure alors qu'ils m'annoncent que la mariée est dans la pièce. C'est à mon tour d'entrer en scène, devant des gens que je ne connais pas. Un vrai parterre d'inconnus. Dans ma tête, un grand frère énervé m'a déjà tué dix fois, et une grande sœur trop protectrice a empoisonné mon verre au repas qui viendra sûrement après - c'est la moindre des choses. J'aurais besoin d'un grand verre de champagne - youpi, on se sent festif, je vais me marier. Avant de rentrer, j'observe mes doigts. J'ai retiré mes bagues. L'anneau qui ornera désormais mon annulaire gauche doit attendre quelque part dans une boîte bien clichée en espèce de daim rouge.

Et voilà que je m'avance, que mes yeux se posent immédiatement sur ce point de lumière - la mariée. Sa robe éclaire toute la salle de sa blancheur. C'est à ce moment que je mobilise toute mon énergie pour ne pas m'étaler devant tout le monde à cause du stress. C'est qu'elle est vraiment jolie, cette mariée, dans sa grande robe. Et je ne connais pas encore son prénom mais je ne peux pas m'empêcher de sourire, les lèvres légèrement pincées, lorsque enfin je me plante devant l'autel - devant elle. Le cœur au bord des lèvres, je laisse échapper une salutation. Seules mes lippes s'agitent, sans le son. Le stress comprime mes cordes vocales. Et maintenant quoi ? Est-ce qu'il faut que je lui tienne les mains ? Que je dise un truc ? Qu'est-ce qu'on attend tous, à se regarder en chiens de faïence ? « Je m'appelle Léo. » C'est un truc qu'il faut dire ? Pas dire ? Et qu'est-ce que je fiche ici, alors que l'esprit est là, mais que le cœur est ailleurs ?

Je suis là. Et j'attends. Il n'y a plus rien qui existe autour de moi, je ne vois plus personne. Mes yeux se fixent sur la porte. Peut-être que ma vie va changer, vraiment. Peut-être qu'il va y avoir quelqu'un qui me correspond vraiment. Je laisse mes bras tomber pour replacer ma robe. Robe que j'ai mis du temps à choisir. Même si je ne savais pas vraiment si je devais prendre toute cette expérience au sérieux. Mais j'ai joué le jeu. J'ai passé des heures dans une grande salle avec Allie et Sky pour m'aider à faire mon choix. Elles savent que je suis indécise, que j'aurais été incapable de partir avec une robe toute seule. Je ne l'imaginais même pas, je n'avais jamais pensé avoir à la choisir. Parce que c'était pas une obligation pour moi le mariage, un rêve, bien sûr. Mais que je ne pensais pas déjà réaliser. Mais j'ai trouvé la robe parfaite, blanche, éclatante. Avec des manches en dentelle et un dos nu. La plus belle robe que j'avais jamais vu.

Tout est arrivé tellement vite. J'ai revu Pete, et quelque heures plus tard Sky me disait que j'allais participer à cette émission. Tout est allé bien trop vite dans ma tête. Mais je l'ai suivi, parce que je lui fais confiance. Et peut-être parce que j'avais besoin d'un nouveau souffle. De quelque chose de nouveau dans ma vie, une expérience inédite. Je ne peux plus bouger, je suis scotchée sur place. Il entre enfin. Et je le regarde en souriant, un sourire rassurant. Parce qu'il est vraiment beau, et il a l'air gentil. Il me salue et mon sourire s'agrandit, il a l'air aussi stressé que moi, donc je me sens moins seule. Les regards sont tous rivés vers nous. Est ce que c'est réellement mon futur mari ? Je baisse un peu les yeux et je l'écoute me parler. « Moi c'est Molly. » Je chuchote, parce que ça aurait été impoli de ne pas répondre non ? Et je ne sais pas quoi faire, l'attente semble interminable et le silence bien trop pesant. « Tu sais ce qu'on est censé faire ? » Parce que je n'ai jamais assisté à un mariage. C'est ma toute première fois, et je me demande si c'est pareil pour lui.

Léo fait son entrée dans la salle et May a comme la sensation que lui aussi il est stressé. Alors il est où le petit étudiant en psychologie, arrogant et sûr de lui ? Envolé on dirait bien. Il se pourrait même que sa fébrilité touche May, au point qu’elle ait l’impression de s’être trompée sur lui.
Elle jette un œil rapide à la salle, la sœur de Molly est bien présente, elle semble l’avoir soutenu tout au long de l’aventure et May avait revu les enregistrements de l’annonce face caméra, elle avait plutôt bien réagi. De l’autre côté de la salle, cette rousse dont May ne se souvenait pas, qui semblait prendre du plaisir à voir son ami Léo trembler sur place alors qu’il n’avait pas encore croisé le regard de la mariée. Et concernant cette fameuse meilleure amie, elle était arrivée presque à la bourre, se hissant à l’arrière de la salle pour se faire discrète. May s’en frottait les mains, allait elle surgir au beau milieu de la cérémonie pour crier son grand amour à Léo ? Même si réellement, elle ne s’y attendait pas, l’imaginer la faisait quand même rêver.
Ca y est, les deux protagonistes viennent de croiser leurs regards et May Glitters est à l’affut du moindre signal de leurs part. Que pouvaient-ils bien penser à ce moment précis ? Se voyait-ils dans les bras l’un de l’autre ? Elle n’a pas l’impression de voir du dégoût sur leurs visages, ils sont simplement gênés et mignons à voir aussi. Léo arrive à la hauteur de la demoiselle en robe blanche et se présente, bêtement. « Tu sais ce qu'on est censé faire ? » - vous taire aurait eu envie de répondre aussitôt May, mais elle devait se faire discrète, presque transparente.
Le maire se rapprocha du bureau qui les séparait et se racla la gorge avant de lancer les hostilités. « Bonjour à tous. Nous sommes ici aujourd’hui pour célébrer le mariage de Molly et Léo. » il les regarde un à un et on pouvait lire sur son visage l’incompréhension. Il s’habituerait peut-être au troisième. « En ce jour particulier, à la fois pour vous et aussi pour moi je vous l’avoue… je vais procéder par la lecture de la loi et des engagements réciproques que vous aurez l’un envers l’autre en tant que époux et épouse. Puis, nous procéderons à la question fatidique… » il poursuivi son blabla répétant un discours qu’il connaissait par cœur. Barbant pour tous, la salle attendait qu’une seule chose… « Monsieur Léo Ivywreath, voulez vous prendre pour épouse Mademoiselle Molly Oakheart ? » tous les regards étaient à présent rivés sur le jeune homme…

« Moi c'est Molly. » Okey Molly, nous sommes dans le même bateau, ce nœud papillon m'étouffe et j'ai actuellement envie de courir à l'autre bout de la planète - mais tout va bien. J'opine du chef, ne m'essaye même pas à un petit sourire, de peur de ne parvenir qu'à faire une grimace, et pose mes yeux dans les siens. C'est vrai qu'ils sont jolis, ses yeux. D'ici, ils ne semblent plus vraiment d'un brun simple, mais plutôt d'un chocolat épicé. On les distingue qui brillent derrière le voile qui tombe en cascade sur ses épaules, comme deux pierres sombres. Je me racle la gorge, impatient d'en finir, coupé dans mes observations par la voix de celle qui - et c'est fou de l'admettre - porte le drôle de titre de "ma fiancée". Ne faut-il pas faire une demande en mariage, pour être la ou le fiancé de quelqu'un ? « Tu sais ce qu'on est censé faire ? » Attendre, je suppose. Je me tais, risquant simplement un regard du côté des invités. Charlie et Ariane au premier rang, deux visages rassurants. Ma part de calme dans la tempête. Une grande inspiration plus tard, je braque à nouveau mes yeux vers la mariée. Molly. C'est un joli prénom.

« Bonjour à tous. Nous sommes ici aujourd’hui pour célébrer le mariage de Molly et Léo. » Oh que c'est étrange, de l'entendre dire. Jusque là, personne n'avait accolé nos prénoms, jamais. Elle n'était qu'hypothétique cette épouse, tout ce mariage restait une farce. Je sens encore mes doigts parcourir le papier d'admission - ce questionnaire tordu - je m'entends en rire, envoyer des messages à Charlie pour en plaisanter. Et me voilà planté devant une femme vêtue d'une robe de mariée, qui doit être autant paumée que moi. C'est scientifique leur truc, c'est ce qu'ils disent. Je n'y crois pas une seule seconde. Est-ce pareil de son côté ? Sommes-nous plantés là à rire intérieurement de la même situation ? Demain, après demain, dans une semaine ou deux, retournerons-nous à nos petites vies, en réduisant cette histoire de mariage à une anecdote à raconter avec un gramme d'alcool dans le sang ? Même le maire semble croire à une mauvaise, très mauvaise plaisanterie. « En ce jour particulier, à la fois pour vous et aussi pour moi je vous l’avoue… je vais procéder par la lecture de la loi et des engagements réciproques que vous aurez l’un envers l’autre en tant que époux et épouse. Puis, nous procéderons à la question fatidique… » 'Engagements réciproques'. 'La loi'. 'Époux et épouse'. Mes yeux ne savent plus où se poser. Pas dans ceux de Molly. Je cherche à nouveau Charlie du regard, me ravise avant d'éclater de rire. Pour sûr que si nos pupilles se croisent encore, c'est ce que je vais faire - éclater de rire. Mourir là, les larmes aux yeux, secoué d'un fou rire, devant un parterre d'invités qui me sont étrangers et devant des caméras - les yeux hypothétiques de tous les spectateurs.

« Monsieur Léo Ivywreath, voulez vous prendre pour épouse Mademoiselle Molly Oakheart ? »

Et je les sens, les yeux, braqués sur mes épaules comme des revolvers. Mes pupilles à moi retrouvent celles de Molly qui, derrière son voile, semble un peu mieux protégée du reste du monde. Le stress noue ma gorge si fort que je peine à respirer correctement. Qu'est-ce qu'ils font, dans les mariages ? Est-ce qu'ils ne se tiennent pas les mains, un truc comme ça ? Avec un temps de décalage, je me tourne complètement vers Molly, pour lui faire face. Rien n'a jamais été plus impressionnant que ce moment bizarre. On me confie une décision, la première, et j'ai pour habitude d'éviter les décisions qui comportent trop de cases cachées. J'ai toujours la flemme de lire les contrats, sans parler des petites lignes de bas de page. C'est à mon tour d'essayer de les lire, les petites lignes, même s'il est trop tard : je suis probablement en train d'essayer d'en trouver les réponses, le sens, dans les yeux de Molly. Le voile vaporeux qu'elle porte lui donne un aspect irréel, fantomatique. Le temps devient un peu long, sans que je ne sois même responsable d'un suspens ménagé de façon préméditée. C'est simple. Un mot. Oui, ou non. Trois lettres à chaque fois, pas besoin de tirer à pile-ou-face.

Lance le comme ça et ça sera terminé, comme un pansement que l'on arrache.
Vite et bien.
Dis-le qu'on en finisse.

Un.
Deux.
Tro-

« Oui. », que je murmure d'une voix enrouée, avant de me reprendre. « Je le veux. »

Et c'est à elle que revient maintenant l'autre morceau de la décision; elle dont les yeux chocolats semblent percer la brume du voile qui lui tombe sur le visage.

Le maire venait de poser la question fatidique à Léo, c’était à présent à lui de prendre la parole et de donner sa réponse. Tous les regards étaient braqués sur lui et May se demandait comment pouvait se sentir Molly. Quelle pression… May s’était toujours demandé comment elle aurait réagit à la place des candidats. Bon, même si elle n’aurait jamais participé à ce genre d’émission, n’ayant jamais cru aux valeurs du mariages – et encore moins quand on sait que ce concept peut exister d’ailleurs – mais si elle avait du être à cette place, elle aurait difficilement accepté une réponse négative. Ca fait toujours mal, à l’égo sans doute. Elle aurait mis tout possible retour en arrière de côté, elle n’aurait pas un seul instant pensé qu’une réponse négative pouvait être le fruit d’une réflexion longuement murie, d’un manque énorme de confiance en soit, d’un refus de l’engagement. May l’aurait pris directement pour elle et rien que pour elle. Pas assez séduisante ? Trop grande ? Trop blonde ? Repoussante ? C’est violent, bien plus qu’un simple vent en soirée, qu’une veste dans la rue.
May regarde Léo, elle se demande à quoi il pense lui aussi. Il met le temps pour répondre, il doit réfléchir et se poser encore milles questions puis enfin. « Oui. » et au son de ce tout petit mot, elle eut des frissons, qui l’aurait cru ?  « Je le veux. » yes ! Maintenant, toute l’attention était reportée sur Molly. Qu’allait-elle répondre à son tour ? Le maire sans attendre, lui retourna la question. « Mademoiselle Molly Oakheart , voulez vous prendre pour époux  Monsieur Léo Ivywreath? » roulement de tambour… la demoiselle allait-elle humilier publiquement le jeune homme ? Une chose est sûre, si c’est le cas, il ne s’en remettrait pas de sitôt.

Léo ne répond rien, et c'est le maire qui parle à sa place. La tension est à son comble. Je crois que je suis à deux doigts de tomber tellement mes jambes tremblent. Et les même questions qui tournent toujours dans ma tête. Est ce que ce mec est réellement fait pour moi ? Est ce qu'on peut vraiment faire confiance à la science pour quelque chose d'aussi complexe et flou que l'amour ? Est ce que j'ai envie de me marier avec un inconnu ? Parce que j'étais bien loin d'imaginer un mariage pareil. Je m'étais toujours imaginée un mariage simple, sans trop de monde. Juste ma famille et les gens qui comptent le plus pour moi. Ça aurait été un moment magique rempli d'amour et de tendresse. Mais je suis là, dans la robe de mes rêves, une horde de personnes que je ne connais pas derrière moi et des caméras dans chaque coin de la pièce. Moi qui déteste être au centre de l'attention, je ne savais pas vraiment ce que je pouvais bien faire là.

Mais le visage de Léo est rassurant, il a quelque chose d'inexplicable qui m'apaise un peu. Qui me permet de me raccrocher à quelque chose en dehors du regard d'Allie ou de Sky. Parce que je dois m'intéresser à lui, parce que ce moment est censé être le notre. Je suis perdue, et il a l'air de l'être autant que moi. Alors je lui souris timidement, je n'écoute même pas vraiment ce que le maire dit. J'ai bien trop peur de paniquer encore plus. Mon voile me cache encore un peu du monde, une dernière barrière entre moi et toute cette émission.

« Monsieur Léo Ivywreath, voulez vous prendre pour épouse Mademoiselle Molly Oakheart ? » Je peine à respirer, on y est, on y est vraiment. Et j'ai l'impression que la question résonne dans toute la pièce. J'essaie d'éviter le regard de Léo. Et si il disait non ? Est ce que je serais déçue ou soulagée ? Je ne sais pas, mes émotions sont bien trop contradictoires pour que je puisse donner une réponse cohérente. Et il se tourne vers moi. Je le regarde dans les yeux, je plonge dans son regard comme si il n'y avait personne autour de nous, j'essaie de comprendre ce qu'il peut bien penser. « Oui » Quoi ? « Je le veux. » Il a vraiment dit oui, il a dit oui à une fille qu'il ne connait pas. Est ce qu'il a ressenti quelque chose entre nous quand il est entré dans cette pièce ? Je n'en sais rien. Je ne veux pas me faire d'idée sur ce qu'il peut bien penser de moi, c'est peut-être juste pour l'émission qu'il fait ça.

« Mademoiselle Molly Oakheart, voulez vous prendre pour époux Monsieur Léo Ivywreath ? » Qu'est ce que je fais ?

Toute les pression, tous les regards sont sur moi. Aucune échappatoire possible, je ne peux pas fuir, je peux juste sourire. Mais je réfléchis aux pour et aux contre et je sens que je mets bien trop longtemps à répondre à la question. Le silence est lourd. Je plonge de nouveau mes yeux dans ceux de Léo et je m'accroche à ce petit quelque chose de rassurant, ce truc qui fait que je n'ai pas envie de dire non. « Oui » Je hoche légèrement la tête au cas où on ne m'aurait pas entendu. « Je le veux. » Je plonge la tête la première dans cette expérience. Quitte à me briser un peu plus en chemin. Pourquoi ça ne marcherait pas après tout ?

Ma petite sœur allait se marier. L'ange de la famille, la douce et positive Molly, dévolue à un homme mystérieux et étranger. J'étais extrêmement méfiante de l'expérience : comment étais-je supposée protéger ma cadette contre l'inconnue totale dans laquelle elle s'était consacrée tête baissée ? Je comprenais et soupçonnais la teneur des motifs qui l'avaient motivée à s'inscrire à cette stupide émission, je la soutenais sans limite dans ses choix car ils étaient siens et que Molly ne recherchait que le bonheur qu'elle méritait dans toute cette histoire, mais réellement, si l'homme qu'on lui avait attribué lui faisait du mal, je me chargeais personnellement de faire de sa vie un enfer. Il ne mourrait pas, non, ce serait beaucoup trop doux pour une telle vermine. Il souffrirait, cent fois plus que ce qu'il aurait osé faire subir à ma sœur.

Michael, à mes côtés, connaissait très bien mes ambitions si mon futur beau-frère se révélant être un homme ne méritant pas Molly - et la barre était très haute. Peut-être serait-il assez fou pour me venir en aide dans un quelconque plan de vengeance si besoin était, mais présentement, il était surtout assez raisonnable pour ne pas me contrarier. Il avait conscience que la brune faisait partie des rares personnes intouchables à ma vie et que ce rôle était susceptible de générer en moi des démarches redoutables.

Molly était sublime dans sa robe d'un blanc éclatant. Elle lui allait si bien, cette tenue immaculée, aussi pure que son âme. La vétérinaire avait toujours été resplendissante, mais aujourd'hui, elle avait tout de la princesse, celle qui attirait tous les regards sans peine aucune, la star du moment. Mes sourcils se fronçaient sans vergogne lorsque Léo fit son entrée. Je le scrutais, le dévisageais éhontément. Si mes yeux avaient été des revolvers, il serait présentement en lambeaux sur la petite estrade. Malgré tout, il fallait que je le reconnaisse : ils allaient bien ensemble.

La cérémonie se poursuit, le gringalet accepte de prendre la main de Molly, mes pupilles le quittent pour se river sur la silhouette de ma petite sœur. Elle est nerveuse, je le sais, je le sens, pourtant, elle consent une ultime fois à se lancer dans cette immense et gigantesque aventure, la courageuse cadette que j'ai toujours connue et admirée. J'inspire profondément, émue contre mon gré, et détourne le regard tandis qu'elle se penche pour embrasser son époux. « S'il lui fait du mal, j'le torture. » Je répète pour la énième fois à Michael, sans desserrer les dents. « R'garde-le, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. On dirait un chérubin avec ses boucles. Si ça se trouve c'est que des apparences trompeuses et c'est une ordure en-dessous. Un psychopathe. » Je persifle, avant de plonger mon regard noir dans celui de mon propre époux. « J'espère qu'ils font des contrôles sur les candidats avant. » L'hôpital qui se moque de la charité, quand pour ma part un casier judiciaire bien fourni devrait m'être attribué et qu'il n'en est rien. Je soupire discrètement, pince mes lèvres, conservant le reste de mon venin pour plus tard. Aujourd'hui pouvait être le plus beau jour de la vie de ma sœur et je refusais de le gâcher parce que je l'aimais beaucoup trop pour accepter qu'elle puisse souffrir. Dès je voyais le sourire béa naître sur ses lèvres, mon cœur s'emplit d'amour et de bonheur pour elle et mes doigts vinrent retrouver ceux de Michael, émotive et touchée par le contentement plus que méritée que ressentait ma cadette.

Elle était à l’heure, promis, jusqu’à ce qu’un des bébés décide qu’il n’avait pas vomi sur elle depuis au moins trois jours et qu’il était donc largement temps d’inverser la tendance - mais quelle merveilleuse idée Gabriel, vraiment, sur la nouvelle robe de maman laquelle était accordée à celle de Léo et qu’ils avaient acheté ensemble il y a une vie de ça (c’est à dire deux mois). Charlie a donc gagné une douche express, un rattrapage de maquillage express ainsi qu’un choix de robe par défaut express avec le fameux chignon coiffé-décoiffé ; plus décoiffé qu’autre chose. En somme, elle ressemble à une fille qui vient de se réveiller d’un lendemain de soirée. Elle n’a pas le fun ni même les vieilles musiques en tête mais au moins le nombre total d’heures de sommeil y est semblable.
Enfin bref, elle est en retard au mariage de son meilleure amie et ça craint un max.

Bravant les regards noirs de l’équipe de télévision et de leurs caméras devant lesquelles elle se pose allègrement, elle arrive une seconde à peine avant que Léo ne fasse son entrée pour venir se placer face à la fille. Sa femme. Oh, elle ne s’en remettra jamais. Léo qui ne se pose jamais devient un Léo marié - qui l’eût cru. Les yeux bleus de la blonde ne perdent pas une seconde de plus pour scruter la future mariée de la tête aux pieds et essayer de deviner si elle sera quelqu’un de bien pour lui. Parce que c’est Léo, c’est le meilleur petit gars de la Terre et pour sûr qu’il ne mérite rien d’autre que la meilleure fille de la Terre entière (la seconde en tout cas, Charlie étant la première).

Du premier rang de la salle vers lequel elle s’est faufilé sans discrétion aucune, elle fait du mieux pour attraper le regard de son meilleur ami au vol pour tenter de le rassurer. Il fait bonne figure, c’est certain, mais elle sait aussi qu’il est paniqué à l’idée de se marier, avec une inconnue qui plus est. Ils auraient dû se marier ensemble, elle le savait, ça aurait été un genre de crash test et ça lui aurait permis d’être sûr et certain de savoir sur quel doigt mettre la bague à sa femme. La blonde l’imagine déjà en train de paniquer à ce sujet là et celui-ci seulement, même pas le fait de possiblement avoir à passer le restant de ces jours avec cette même femme brune au teint de porcelaine. Elle a tout d’une petite femme parfaite, elle a le sourire qui va avec, elle a les doigts qu’elle ne cesse de se triturer à cause du stress. La seule chose que Charlie espère c’est qu’elle ne soit pas réellement parfaite puisque le cas échéant Léo risquerait de demander le divorce bien plus tôt que prévu sans que cela n’étonne aucune de ses connaissances.

Les pouces en l’air, un sourire confiant sur le visage, elle se fait fureur pour ne pas crier le nom de son meilleur ami depuis le fond de la salle comme le ferait une cheerleader. Elle aurait pu amener des pompons à froufrous, merde. ”Elle s’appelle Molly comme la drogue, c’est bien ce qu’elle a dit là ?” Qu’elle trouve quand même le temps de demander à Ariane, juste pour être réellement sûre et certaine à 100% qu’elle va pouvoir se moquer du prénom de sa femme avant même de la connaître.

Finalement il y a des mots, beaucoup de mots, et un grand très grand sourire qui grandit sur le visage de la blonde au fur et à mesure que les “oui” sont échangés entre les deux époux, en plus d’alliances et autres yeux pleins d’étoiles. Ils sont beaux, eux deux, ils sont mignons, ils sont attentifs. Elle les aime déjà alors qu’elle devrait prendre un peu de recul mais la vérité est qu’elle en est incapable : si Léo est heureux alors elle l’est aussi. Et là, il est réellement heureux, pour la première fois depuis longtemps.

Je ne suis jamais en retard. J'ai horreur de faire attendre les gens et déteste, de mon côté aussi, attendre. Ce doit être de famille je pense car mon père m'a toujours dit « être à l'heure c'est déjà être en retard ». Sans doute a-t-il entendu ça a l'armée quand il faisait ses reportages. Dans tous les cas, c'est une phrase qui m'est restée toute mon enfance, m'a suivi pendant mon adolescence et qui m'a beaucoup aidée lors du lancement de ma carrière de comédien.

Mais ne dit-on pas non plus qu'il ne faut jamais dire « jamais » ? Oui. Et ce jour là marque la première fois où je me retrouve à courir dans la rue pour essayer de rattraper mon retard. Et il fallait que ça tombe sur un jour si particulier ! Car aujourd'hui, c'est le grand jour : Léo va se marier. Genre, pour de vrai. L'homme qui a partagé mon quotidien pendant plusieurs semaines, cet esprit dans ce corps que j'ai si souvent aimé explorer, celui-là même va dire oui. Ou dira-t-il non ? Si au début j'étais assez peu enchanté à l'idée que mon ex copain puisse se marier avec quelqu'un, j'avoue que je suis maintenant plus excité qu'autre chose.

Arrivé devant la salle, je pousse la porte et me faufile discrètement à l'intérieur de la pièce ...au moment même où Léo prononce ce mot qui a tant de signification en cet instant là. Oui. Trois petites lettres mais qui signent son avenir pour ...toujours ? Je ne sais absolument pas quoi penser de tout ce qui se passe là devant, mais Léo a l'air tellement heureux que tout cela m'est bien égale.

Toute l'attention de la salle est donc maintenant portée sur cette Molly et, en attendant la réponse de cette dernière, je balaie la pièce du regard à la recherche de la seule personne qui, je le sais, sera obligatoirement là. Et ça ne faillit pas, un sourire sincère s'affichant sur mon visage lorsque mes yeux se posent sur Charlie. Je ne la vois que de trois quarts de dos mais je me doute fortement qu'elle rayonne. Bizarre, non ? En vrai j'aimerais beaucoup la voir en face pour savoir si je ne pourrais pas lire de la jalousie dans son regard lorsqu'elle observe Molly qui s'empresse d'annoncer que, oui, elle accepte le mariage.

C'est le moment d'applaudir, là, non ? Levant les mains, je suis sur le point de frapper mes paumes l'une contre l'autre, mais je me ravise au dernier moment, voyant que le reste des invités ne semble pas enclins à le faire -et qu'un des gars de l'équipe de tournage me fait silencieusement comprendre de ne rien tenter de ce genre. Affichant un sourire contrit, je croise simplement les bras et attend la suite avec une certaine impatience.

« Je le veux. » C'est dit. Elle aussi, elle se lance dans un truc improbable dont elle ne connaît pas l'issue. Je ne sais pas si je suis soulagé ou si au contraire, ces mots là me donnent encore plus envie de m'évanouir. Charlie est au premier rang, heureusement. Et je suis à ça de demander ce qu'il faut faire après, comme si je n'en avais aucune idée. Mes yeux n'ont pas quitté ceux de Molly. Je le sens, pourtant, que la salle s'agite. Nos mots ont libéré une attente, comme si on relâchait à l'unisson un grand soupir de soulagement. C'est Glitters, qui doit s'en frotter les doigts. En vision périphérique, je suis certain de reconnaître Clément. Clément a qui j'ai parlé du mariage, que j'ai placé sur la liste d'invités sans vraiment être convaincu qu'il s'y présenterait. Et c'est étrange, honnêtement, de le voir ici. Étrange mais rassurant, dans un sens. Il n'est pas fâché contre moi, ou peut-être cette déception s'est-elle dissipée au profit d'autre chose.

Et je toussote, alors que le maire n'a rien prononcé de plus. Je m'avance un peu, pour déposer un baiser timide sur la joue de Molly. « Désolé. Vous n'avez pas dit d'embrasser la mariée. », que je dis sans lâcher les mains de Molly, les yeux plantés dans ceux du maire. Et je crois qu'il fallait échanger les alliances, avant. Je ne sais plus. Je suis paumé. Je me suis auto-briefé, pourtant: j'ai bien étudié les scènes de mariage des films sur Netflix - à m'en donner mal à la tête. J'enfile doucement l'alliance au doigt de Molly, en essayant de ne pas laisser tomber l'autre au sol. Je l'ai sentie, sous mes doigts, la gravure à l'intérieur de la bague. Une gravure en lettres penchées, minuscule, qui donne sûrement la date de notre mariage et notre nom - parce que nous portons le même désormais, n'est-ce pas ? Je jette un regard à l'assemblée et leur lance un discret signe de la main, avant de me rappeler des caméras. Le sourire contrit, je tends la main gauche à Molly. « Je vais m'améliorer. Promis je suis moins dispersé que ça, en vrai. » Tellement pas. Et je crois que c'est bientôt terminé. Que lorsqu'on nous aura "unis par les liens du mariage", on pourra enfin se diriger vers la réception. Qu'ensuite, nous serons tranquilles un moment.