Every life’s a movie We got different stars and stories We got different nights and mornings Our scenarios ain’t just boring
C'était le projet caché de son année 2020. Un projet qu'il a dû conjuguer avec ses nombreux shows à honorer au théâtre et pour lequel il a dû trouver du temps, et une énergie qu'il n'avait pas toujours. Eddie n'en a parlé à personne de ce film qu'il préparait parce qu'il ne voulait pas offrir à ses collègues une raison de plus de le regarder de travers en lui reprochant de se disperser après avoir causé du tort à d'autres par opportunisme. On ne lui fait plus de cadeau et c'est bien normal, il a été le premier à tirer dans les pattes des autres pour se hisser aussi haut qu'il le pouvait. Le monde du cinéma semble être tout aussi impitoyable mais un acteur peut espérer bien mieux gagner sa vie qu'un danseur, ça Eddie s'en est fait une nette idée avec le généreux cachet qu'il a touché et durement négocié auprès d'Halston, son agent. Il n'a jamais été rémunéré à cette hauteur pour une représentation, et pourtant il y a fort à parier que son rôle et sa prestation ne marqueront pas bien longtemps les esprits. Un rôle qui n'étonnera personne car Eddie reste fidèle à lui-même et à la passion qui l'anime, il ne se voyait pas accepter d'incarner autre chose qu'un danseur et c'est justement durant un show qu'il a tapé dans l'œil du réalisateur. Ça le surprend encore qu'on ait pu penser à lui pour ça et même autant insister pour l'avoir, en plus de ne pas être très bon pour son égo. Il n'a jamais songé et encore moins aspiré à passer une tête dans le milieu de l'acting car ses ambitions sont ailleurs et définitivement sur un parquet de danse. Seulement il ressent le besoin constant de se challenger et il se trouve qu'Halston a aligné les bons arguments pour le convaincre, ce qui était loin d'être gagné d'avance comme elle a pu s'en rendre compte. Il a pas mal tergiversé avant de dire oui, et par extension fait pas mal de fausses joies et de frayeurs à Halston car sous plein d'aspects ce film ne tombait pas au bon moment dans sa vie. Mais il s'est arrangé avec lui-même et si c'était à refaire il le referrait sûrement pour l'expérience que ça lui a apporté, même s'il a encore du mal à le percevoir comme quelque chose de réel aujourd'hui.
C'est vraiment un autre monde, pour lui, le cinéma. Rien de tout ce qu'il vit présentement ne lui semble naturel et alors qu'Eddie se prépare pour la première du film il peine toujours à intégrer qu'on pourra bientôt profiter de sa petite performance dans les salles obscures, lui que l'on venait jusqu'ici applaudir dans un théâtre. Il ne s'attend pas à un tapis rouge digne de celui d'une grosse production hollywoodienne tout comme il est loin d'être la star du film, mais il n'en néglige pas pour autant sa tenue. Il faut dire qu'Eddie tient à marquer le coup car ce n'est en principe pas demain la veille que l'on reverra son nom au générique d'un film et donc sa carcasse par ici. « Mon premier red carpet, demain si tout va bien j'aurai ma page imdb. » il glisse à l'oreille d'Halston dans un trait d'humour bien à lui. Si le film réalise un nombre satisfaisant d'entrées il en sera le premier content et elle pourra se féliciter d'avoir grandement insisté auprès de lui suite à leur rencontre au théâtre il y a plusieurs mois de ça, mais plus sérieusement Eddie est à des années lumières d'espérer tirer la moindre reconnaissance de ce petit rôle tout comme il n'envisage pas une seconde une reconversion comme acteur. Ils n'ont jamais vraiment discuté de la suite tous les deux car à ses yeux il n'y en a tout simplement pas, aux yeux d'Halston en revanche c'est peut-être moins sûr.
La première terminée, c'est au restaurant l'Interlude que l'équipe termine la soirée. Ils sont exténués et ont le ventre vide mais la projection a rencontré son petit succès alors les sourires sont de sortie, au même titre que la carte bleue du réalisateur qui offre le repas à tout le monde. Ça arrange bien Eddie car la réparation de sa moto lui a coûté bonbon l'autre jour, sans parler des frais vétérinaires pour son nouveau matou récemment adopté qui ont été plus importants que prévus. Pas mal de plats sur la carte lui font envie mais dans l'immédiat c'est un toast qu'Eddie souhaite porter, après tout ils ont une très bonne raison de trinquer tous ensemble ce soir. Le réal a justement commandé pour eux un Château Latour de 1999, un choix que Dani aurait à tous les coups approuvé si elle avait été là. « Au film et à notre collaboration. » Et comme sa mère lui a farci la tête toute sa vie avec ses croyances et ses superstitions il a pour réflexe de regarder chaque membre de l'équipe dans les yeux au moment où leurs verres s'entrechoquent. C'est une façon d'honorer sa rencontre avec Halston aussi, qui fut une belle surprise pour Eddie même s'il n'a pas toujours raffolé de sa ténacité. Elle fait son job et elle le fait bien, on ne pourra pas le lui reprocher et peut-être aussi qu'elle a trouvé une proie particulièrement coriace en sa personne. « C'est quoi du coup ton prochain projet ? » il l'interroge entre deux gorgées car il suppose qu'elle a déjà sa prochaine graine de star en vue, et sûrement aussi le film qui va avec. De là à ce que le scénario soit lui aussi déjà écrit ça ne l'étonnerait même pas, business is business et pour les gens accros à leur travail comme eux l'expression selon laquelle le temps c'est de l'argent ne pourrait pas être plus véridique. « Si t'as de nouveau besoin de danseurs à l'avenir passe me voir, j'ai des élèves que ça pourrait potentiellement intéresser. » Il pose ça là, réellement prêt à lui recommander les plus prometteurs d'entre eux. Et si elle vise des profils plus professionnels, comme le sien, il devrait pouvoir lui trouver ça du côté de la Northlight - en débauchant discrètement il ne devrait pas y avoir de problème. Pour avoir travaillé à ses côtés ces derniers mois il peut attester que ce qu'elle fait est parfaitement réglo et s'il peut lui faire un peu de pub auprès de ses connaissances dans la milieu il n'hésitera pas non plus même si elle sait où trouver des gars comme lui en cas de besoin, le théâtre en est rempli tous les jours.
Dernière édition par Eddie Yang le Dim 4 Juil 2021 - 18:24, édité 2 fois
here comes my reality check, there’s nowhere higher
feat Halston & Eddie
Avoir l’œil, c’était quelque chose de tout bonnement indispensable dans le métier d’agent de stars. Il fallait prendre le temps d’observer pour cela, une ressource précieuse qui était bien souvent accaparée par d’autres choses, mais lors d’un spectacle de danse qui avait eu lieu il y a quelques mois, Halston n’avait pu avoir que les yeux grands ouverts, en direction de la scène. Il était rare que la brune fasse des infidélités au grand écran, mais cette fois-ci elle avait merveilleusement bien fait, puisque cela lui avait permis de repérer quelqu’un. Il semblait mener la danse et ce n’était pas pour rien, il avait plus de charisme que tous les autres alors qu’il paraissait bien jeune. Difficile de lui donner un âge précis car il s’agissait d’un asiatique, mais cela ne lui donnait que plus de charme, car son agence manquait cruellement de ce qu’on appelait la diversité, qui était pourtant de plus en plus réclamée et appréciée. L’américaine voyait bien en se baladant sur diverses plateformes, que les dramas gagnaient de plus en plus de terrain, montrant que la Corée avait le vent en poupe. Elle n’avait jamais mis les pieds dans ce pays, hélas, mais après quelques visionnages elle comprit ce nouvel engouement. La jeune femme incita un ami réalisateur en recherche de danseur à aller le voir et il eut le même avis qu’elle, il lui fallait cet homme pour son film. Il avait confirmé que son idée était bonne et c’était tout ce qu’il lui fallait pour se lancer dans la pêche. La brunette profita d’un passe-droit, pour se rendre dans les coulisses et s’approcher de la troupe. Elle encensa sa cible et ira droit au but, elle voulait qu’il soit acteur au moins le temps d’une œuvre. Il se montra récalcitrant, alors que beaucoup d’autres se seraient jetés sur cette occasion d’exercer ce métier qui faisait tant rêver. Il avait une passion et voulait se consacrer à celle-ci, elle le comprenait, mais elle ne jettera pas l’éponge pour autant, elle lui fit comprendre que cette expérience ne pourrait que lui être bénéfique. Halston finit par l’obtenir, son oui, preuve que ce petit bout de femme duquel on se méfiait peu était particulièrement tenace.
Elle s’était quelque peu pavanée dans son agence ce jour-là, certains de ses collègues lui diront qu’elle s’emballait trop vite, que le film n’était pas encore sorti, mais elle était si persuadée qu’il allait cartonner qu’elle n’y prêtera pas attention. Halston avait réussi à aider son ami et avait déniché un nouveau talent, c’était ce qui comptait le plus pour le moment. La première avait lieu dans quelques heures, mais elle n’était aucunement stressée, elle avait juste hâte de le découvrir dans son entièreté comme tous les autres invités. Cette exclusivité, elle ne s’en lassait jamais, même si elle était souvent source d’angoisse, il y avait toujours une certaine magie, qui lui rappelait qu’il existait encore une enfant au fond d’elle. Elle s’était parée d’une robe Weatherton, noire, qui était à la fois un clin d’œil à son ami James, mais aussi l’une des couleurs qu’elle portait le plus souvent. C’était habillé sans être clinquant, élégant mais pas assez tape à l’œil pour capter beaucoup l’attention, c’était juste parfait pour elle. Les stars c’était son ami et son équipe et accessoirement Eddie, même s’il ne devait pas apparaître plus de dix minutes, il était présent sur une scène assez importante pour avoir le droit au red carpet. Il lui paraissait drôlement détendu, il valida cette pensée en lui lançant une petite phrase au creux de son oreille. Elle eut un petit rire et lui répondit : « Ne sous-estime pas les fanbases, voyons. » Il ne fallait parfois pas grand-chose pour que la populace ne s’embrase, crée quelques pages et ne lui fasse des déclarations d’amour. Était-ce effrayant ou gratifiant ? Cela c’était à lui de le juger, après tout ce n’était pas à elle que cela allait arriver.
Les applaudissements avaient été nombreux, les critiques seront bonnes, c’était une certitude. Heureux de cette nouvelle, le réalisateur fit la petite folie d’inviter tout ce bon monde dans un restaurant gastronomique. Cela ne se refusait pas, non pas seulement à cause de la gratuité, mais aussi parce qu’Halston ne se voyait pas finir cette soirée seule, à se priver de toute cette belle compagnie. Une fois servie en vin, elle lança un regard à Eddie et leva son verre. « À ma trouvaille. » S’autocongratuler de temps en temps, cela ne faisait pas de mal non ? Elle avait bien assez fait sa modeste durant sa carrière, elle n’était plus la petite jeune qui débutait et ne savait pas trop où se mettre. L’agent de stars avait fait du chemin, mais elle savait qu’il lui en restait encore beaucoup à parcourir, si elle voulait laisser sa patte sur le cinéma australien et surtout finir à la tête d’une agence, un rêve qu’elle nourrissait en secret. Lorsqu’il lui demanda quel était son prochain projet, il l’extirpa rapidement de ses pensées. « Si seulement je n’en avais qu’un. » En réalité c’était une fausse complainte, si elle n’en avait qu’un seul elle s’ennuierait bien vite. « Agrandir mon vivier de talents, repérer les prochains films qui cartonneront, aider ma protégée à enfin gagner les récompenses qu’elle mérite tant… » Elle parlait bien évidemment de sa chère colocataire, Sophia qui avait manqué de peu un award avant leur départ des États-Unis. Halston n’était pas la seule à penser à ses poulains, puisqu’il lui proposa de faire appel à ses élèves si besoin. « J’en prends bonne note. Sinon quels sont tes prochains projets à toi ? Chorégraphier un nouveau spectacle ? » Dit-elle juste avant de laisser glisser ses lèvres sur sa coupe. « Ou bien… céder de nouveau aux sirènes du cinéma ? » Elle lui rentrait clairement dans le lard, mais là au moins il ne pouvait que difficilement prendre ses jambes à son cou. Des oreilles indiscrètes s’étaient attardées sur leur conversation, celles de l’actrice principale, un peu éméchée qui se montra familière avec le danseur, en se plaçant derrière lui et en déposant ses mains sur ses épaules. « Ah cette Halston, toujours à parler travail. Néanmoins, si tu comptes tourner dans une romance bientôt, pense à moiii pour être ta partenaire. » La brunette eut un sourire en coin, elle ne savait pas si c’était encourageant pour lui ou non. Elle n’arrivait pas à savoir s’il faisait partie de cette catégorie d’homme, toujours enchantée à l’idée d’être un Don Juan ou s’il était plutôt du genre à ne jurer que par son travail.
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Si on avait dit à Eddie il y a un an qu'il s'essayerait à un autre métier que le sien le temps d'un film, il n'y aurait pas cru. Le cinéma ne lui a jamais fait les yeux doux avant l'apparition d'Halston dans sa vie et il continue de penser que c'est un heureux concours de circonstances, et que ça aurait tout aussi bien pu ne jamais se faire si le réalisateur s'était rendu au théâtre un autre jour et avait craqué sur un autre danseur. Ce rôle c'est à Eddie qu'on l'a proposé mais il n'a pas été écrit pour lui alors il ne se voit pas comme l'élu, simplement comme un petit chanceux qui a su choper en vol une opportunité quand elle s'est présentée à lui - et qui a quand même fait son difficile avant d'accepter. Si le milieu du septième art reste très éloigné de ses ambitions actuelles il ne crache pas sur cette nouvelle expérience, c'est même gratifiant pour lui de se dire qu'on a été le chercher dans sa passion pour le téléporter dans un tout autre registre en pensant qu'il serait aussi à la hauteur là-dedans. Ce n'est pas comme s'il avait un jour pris le moindre cours d'acting en plus de ça, Eddie a débarqué tel un novice le premier jour de tournage et même s'il n'avait pas beaucoup de répliques à sortir il semblerait que le peu qui lui ait été attribué a bénéficié d'une prestation honorable de sa part. C'est évident que son apparition dans le film ne lui vaudra pas le moindre rookie award et ne marquera pas les esprits longtemps après la sortie de celui-ci, mais Eddie estime avoir rempli sa part du contrat et s'en tire au passage avec les louanges de l'équipe or la reconnaissance de professionnels du milieu a une sacrée valeur à ses yeux. Il n'a vraiment pas besoin de plus, et prévoit déjà un retour à son quotidien de danseur une fois qu'il aura terminé ce qu'il a commencé, soit après la première censée boucler proprement cette petite parenthèse dans sa vie.
Halston mérite bien sa part du gâteau dans le chaleureux accueil fait au film à la fin de la projection, ces applaudissements lui reviennent aussi car elle n'a pas chômé cette année pour constituer le casting de ses rêves et assurer derrière la qualité de celui-ci. Le simple fait d'être parvenue à rallier Eddie à un projet pareil relève de l'exploit quand on sait qu'il était au départ franchement réticent, car plein d'aprioris comme à son habitude sur tout et tout le monde. Il ne connait pas de femme dotée d'une telle force de persuasion en dehors d'Halston, quelqu'un capable d'insister auprès de lui sans pour autant le braquer et qui trouve toujours le bon argument pour faire pencher la balance du côté qui l'arrange. Il se demande s'il est seulement possible de lui résister, car elle ne semble pas s'avouer facilement vaincue ni être prête à relâcher sa proie quand elle en tient une. Avec Eddie elle n'a jamais capitulé, il n'était pas le plus facile à convaincre et pourtant elle est parvenue à l'avoir, comme quoi rien n'est impossible avec une bonne dose de volonté et beaucoup de persévérance. Des projets après ça Halston n'en manque pas et c'est le contraire qui l'aurait étonné à vrai dire. « Ta protégée ?.. J'ai l'honneur de la connaitre ? » Il rebondit là-dessus avec curiosité car Halston semble faire d'une priorité l'ascension de cette mystérieuse actrice, qu'il a peut-être déjà été amené à croiser dans les couloirs de son agence sans le savoir. Il lui souhaite en tout cas de connaître la réussite à laquelle elle aspire dans ces différents projets, ce ne serait pas volé vu l'énergie qu'elle investit dans son travail et le mal qu'elle se donne pour lancer la carrière des autres. De son côté Eddie a bien quelques projets aussi, dont il ne fera pas non plus un secret ce soir. « Tout juste. » Il confirme dans un hochement de tête au sujet d'un nouveau spectacle dont il pourrait prochainement prendre en charge la chorégraphie, puisque c'est précisément ce dans quoi il se lance dès la semaine prochaine. « On a un très gros show de prévu pour le printemps et en terme de choré c'est un sacré défi qui m'attend. Des danses au sol et d'autres suspendues, le tout autour d'un thème céleste. C'est la première fois que je vais composer de cette façon avec la gravité et la notion de pesanteur, je vise quelque chose de vraiment impactant visuellement, mais je sais que ce sera complexe à articuler. » Eddie s'arrête là, car il est à deux doigts de s'aventurer dans des explications techniques que personne n'ira lui réclamer à cette table. C'est un passionné et ça s'entend, il mise d'ailleurs beaucoup sur ce nouveau spectacle pour prendre un vrai beau départ en tant que chorégraphe puisque c'est une fonction qu'il vient tout nouvellement d'acquérir, avec seulement une grosse production à son actif et reconnue officiellement à cette heure-ci. « T'es pas sérieuse, Halston. » Un fin sourire fait son apparition tandis qu'il ne peut pas réellement croire ce qu'il entend, ni cacher que ça l'amuse plus qu'autre chose. Aurait-elle de nouvelles ambitions pour lui dont il ne serait pas encore informé ? Ce n'est pas ce qu'ils avaient convenu à l'origine, même si elle n'a jamais affirmé non plus qu'elle ne tenterait pas de le retenir dans le milieu une fois cette première collaboration terminée. « Tu sais déjà ce que j'en pense. Passer une tête dans le cinéma d'accord mais en tant qu'expérience unique, moi je suis fait pour la danse. » Et il ne s'attend pas à recevoir de nouvelle proposition de rôle après ça, à moins que là encore Halston détienne des informations que lui n'a pas. Toujours est-il que poursuivre dans cette voie ne l'intéresse pas, il pensait d'ailleurs qu'elle l'avait compris en ayant eu autant de mal à l'amadouer mais visiblement non, ou alors elle a tout récemment décidé qu'il méritait un vrai lancement comme acteur pour une raison qui lui échappe. Sa performance est-elle si réussie que ça ? Il n'en sait rien, mais ce qu'il sait par contre c'est qu'il ne veut pas se disperser. L'actrice principale du film jusque là plutôt silencieuse intervient à son tour et se plait même à poser ses mains sur lui comme aucune femme ne le fait habituellement. Il est surpris Eddie, et il a aussi l'impression que la situation lui échappe un peu. « T'as trop bu je crois Lisa. » il souffle en retirant calmement les mains de celles-ci de ses épaules, car ils ont beau avoir été collègues de travail pendant plusieurs mois il n'a pas signé pour une telle proximité. Il n'y a pas de romance de prévue, ni de partenaire à lui trouver puisqu'il ne compte pas réitérer l'expérience. De plus s'il parvient à être à peu près convaincant en tant que danseur dans un film car c'est son métier, il ne se voit pas le moins du monde dans une production à l'eau de rose et dans le rôle d'un minet hyper lisse dont on suivra les péripéties amoureuses avec passion. Non vraiment, très peu pour lui. « On devrait commander à manger. » Il propose dans une tentative pas franchement subtile de détournement d'attention, en se disant qu'elles ne retrouveront pas la raison tant que leur ventre sera vide et de son côté il est vrai qu'il passerait bien aussi à la suite.
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Peu de personnes se rendaient compte qu’il fallait être un couteau suisse pour être acteur, un grand nombre pensaient qu’il suffisait d’être beau et d’avoir une bonne articulation. Alors oui, le physique comptait énormément, Halston n’avait pas de contradictions à apporter à ce niveau, même si elle trouvait ce point fort regrettable. Cependant, elle avait toujours su qu’il fallait quelque chose en plus, du charisme, un talent en plus et plus il était rare et mieux c’était. Elle pouvait ranger la danse dans cette catégorie, car mine de rien être à l’aise avec son corps et savoir en faire quelque chose de poétique ce n’était pas donné à tout le monde. L’agent de stars faisait d’ailleurs partie de ces personnes, elle ne détestait pas son corps mais elle avait un niveau très basique, la seule fois où elle réussit à se surpasser fut lors de son mariage. Elle avait trouvé le temps de caser quelques cours en secret, pour pouvoir épater son mari et depuis elle avait tout oublié. Halston n’avait de toute manière besoin de savoir faire quelques bons pas de danse et elle ne risquait pas d’en avoir la nécessité de sitôt, puisque ce n’était pas elle qui allait enseigner cette matière à ses protégés. D’ailleurs sa conversation avec Eddie, qui se centra soudainement sur sa protégée lui provoqua un déclic. « Non, tu ne la connais pas, mais tu pourrais la rencontrer à l’avenir. Elle s’appelle Sophia et elle tient vraiment à être polyvalente. Elle a travaillé le chant, mais pas la danse. Si jamais tu es prêt à la lui enseigner… ou le faire pour d’autres personnes. » Il allait lui falloir une patience folle pour réussir à supporter sa rouquine, mais ça elle allait bien le garder de le lui dire. Il serait peut-être même plus intelligent qu’il commence par prendre un autre de ses poulains comme élève, plus discipliné pour ne pas le dégoûter d’office. Le chorégraphe lui raconta dans quoi il allait se consacrer prochainement, elle ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux lorsqu’elle entendit les détails. « Effectivement c’est… ambitieux, même si je n’aimerais pas être à la place des danseurs, j’aimerais bien voir ça. » Elle avait peur du vide, mais elle aimait voir ceux qui n’avaient peur de rien, capables de prouesses qu’elle ne ferait certainement jamais, alors qu’elle était toujours la première à pousser les autres à essayer. « Je suis toujours sérieuse, c’est mon deuxième prénom. » Plaisanta-t-elle, même s’il était vrai qu’elle ne blaguait pas souvent, voir presque jamais lorsqu’il s’agissait de travail.
Halston s’empara de son verre et laissa sa tête baisser légèrement lorsqu’elle entendit sa réponse. Il était entêté, il avait beau avoir goûté à l’un des plus beaux et intéressants des métiers qui puissent exister, il ne voulait pas y retourner. Il était fou, mais elle se reconnaissait en lui, car elle se voyait mal délaisser son activité pour une autre, surtout qu’elle avait dû attendre une éternité avant de pouvoir s’y lancer corps et âme. Elle n’aura pas le temps d’argumenter, coupée par l’intervention d’une femme, qui au lieu de l’aider lui mettra plutôt une épine dans le pied. Il était resté de marbre face à son envie qu’il soit son partenaire sur grand écran, il la rejeta calmement, mais Halston sentit de l’agacement chez lui. Elle ne savait pas ce qui lui déplaisait le plus, qu’elle se permette d’être tactile avec lui et ou l’idée d’être la tête d’affiche d’un film pour midinettes ? L’actrice le traita à voix basse de rabat-joie avant de s’en aller. L’agent de stars ne cherchera pas à en savoir plus et saisit un menu à sa demande, pensant que lui donner satisfaction le détendrait un peu. Elle découvrit une carte composée uniquement de mets européens, ce qui n’était pas pour lui déplaire, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas manger français. La brunette surprit la salle en prononçant le mot pintade dans cette langue, elle provoqua même quelques rires. « Hey ne vous moquez pas, c’est un grand chef parisien qui m’a dit qu’un bon vin devait s’accompagner d’une volaille au goût plus prononcé. » Le serveur vola à son secours, en lui donnant raison et elle le remercia, même si elle n’avait pas été vexée par la situation il était toujours agréable de recevoir une validation. « Et puis vous devriez me féliciter pour mon excellent français, je suis sûre que je suis la seule personne à cette table, à savoir prononcer ce mot à la perfection. » Dit-elle avec une fausse prétention, ce n’était pas un terme aussi peu élégant qui allait lui décrocher la moindre fierté, mais il avait au moins le mérite d’avoir amélioré l’ambiance. Elle se focalisa de nouveau sur Eddie, une question saugrenue lui vint à l’esprit. « Comment dit-on pintade en coréen ? » C’était peut-être tout aussi drôle, elle n’avait pas la moindre notion de cette langue. « En y repensant, j’ai pratiquement fait le tour de l’Asie, mais je n’ai jamais mise un seul pied en Corée, c’est dommage. » Ses voyages se portant presque intégralement sur les pays où elle devait assister à des avants premières ou des tournages, ce n’était pas vraiment elle qui décidait où elle se rendait.
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Eddie est aux anges ce soir et non pas parce que la première du film était une réussite, mais parce qu'il a enfin l'occasion de discuter boulot à table sans qu'on lui reproche de n'avoir que ce sujet-là à la bouche. C'est un luxe qu'il peut rarement se payer avec ses proches et notamment sa famille, qui n'en peut plus d'entendre causer de la danse et de tous les projets autour de celle-ci. Ces « tu ne veux pas parler d'autre chose ? » qui le frustrent tant, déjà qu'il a le sentiment qu'on ne s'est jamais vraiment réjoui de sa réussite simplement parce que depuis le départ la voie qu'il a choisi d'emprunter ne plait pas à grand monde. Avec Halston il a trouvé une autre acharnée de travail alors c'est tout naturellement que la discussion s'engage là-dessus, et ces deux-là n'ont pas tellement cherché à savoir s'ils avaient d'autres points en commun, leur relation n'ayant à ce stade pas encore vraiment quitté le cadre professionnel. Mais il n'y a qu'à voir la décontraction avec laquelle il s'adresse à son boss et les grandes libertés qu'il prend à la Northlight pour comprendre que "professionnel", avec Eddie ça n'a pas le caractère guindé et strict qu'on s'imagine. Il n'a jamais adhéré aux systèmes de hiérarchie, dès son plus jeune âge il défiait n’importe quelle autorité se dressant devant lui à commencer par celle de sa mère, et son besoin d'ascension parfois démesuré vient peut-être aussi de là. Eddie ne veut personne au-dessus de lui dans une vie dont il désire tirer toutes les ficelles, et c'est tout aussi vrai qu'il ne tolère personne en travers de son chemin lorsque son accomplissement professionnel, et par extension personnel vu la place que la danse occupe dans sa vie, est en jeu. La protégée d'Halston par exemple, cette fille répondant au nom de Sophia et dont la réussite semble être la prochaine grosse priorité de l'agent, elle aurait pu être une concurrente directe d'Eddie s'il avait choisi de poursuivre dans la voie de l'acting. Or la concurrence on sait ce qu'il en fait, dans le passé ça n'a pas été très joli à voir. Il sait qu'elle ne viendra pas lui faire de l'ombre sur son terrain de prédilection et qu'ils n'auront pas à se battre à l'avenir pour un rôle alors ses questions sont désintéressées, du moins pour le moment. Il tend l'oreille quand elle mentionne les ambitions de Sophia, qui aimerait donc s'essayer à la danse en plus du chant qu'elle travaille apparemment déjà. Halston glisse la possibilité d'une rencontre et pourquoi pas aussi de cours qu'Eddie pourrait lui donner, et d'un coup il ne sait plus s'il lui a déjà parlé de son activité de professeur en dehors du théâtre, qu'il assume sur son temps libre comme si la danse ne prenait pas déjà assez de place dans sa vie. « Tu peux toujours me filer ses coordonnées, si elle est partante on verra ça. Je donne des cours à des élèves de tous âges et de tous niveaux alors pour elle ou pour d'autres, ça peut s'arranger. » Il n'est pas fermé à l'idée Eddie car quand il s'agit d'enseigner ce qu'il aime le plus au monde il parvient toujours à trouver du temps, malgré un train de vie sans retenue où concilier sa vie à la Northlight et sa vie en dehors est parfois un véritable défi. Les cours sont un bonus qu'il s'accorde tant qu'il le peut, mais la priorité sera toujours donnée à sa principale activité de danseur tout nouvellement passé chorégraphe. Il contient son enthousiasme tandis qu'il détaille son prochain grand projet, qui ne doit pas évoquer grand-chose à Halston mais celle-ci reste néanmoins à l'écoute avant de laisser entendre que c'est ambitieux de sa part, et qu'elle n'envie pas franchement les danseurs qui seront amenés à prendre place dans ce tableau suspendu. Il étire finalement un sourire quand elle démontre de l'intérêt pour son travail. « Eh bien considère que tu es invitée à la première représentation, prévue pour septembre. » Le printemps peut paraître loin mais il faut bien ça pour un spectacle d'une telle ampleur, entre les chorégraphies à monter et les nombreuses répétitions qui s'ensuivront, les costumes à penser et à élaborer, et les décors qui demanderont un travail considérable compte tenu de ce à quoi Eddie aspire. Il serait ravi de la compter dans le public d'un show qu'il aura pour la première fois orchestré de A à Z, histoire de lui montrer que sa place est réellement sur les planches d'un théâtre et non dans un décor de cinéma au cas où elle en douterait encore. Et visiblement certaines choses ne sont pas claires, car la voilà qui semble encore s'accrocher à l'idée d'en faire un acteur au-delà de ce projet unique, ou en tout cas censé l'être.
Halston est pleine d'ambition le concernant et il apprécie, vraiment, que l'on puisse croire assez en lui pour l'imaginer capable de briller en dehors de sa zone de confort. C'est aussi une marque de confiance, elle mise sur lui et bien sûr ça le flatte, ils ne sont juste pas sur la même longueur d'onde et Eddie ne la laissera pas dans le flou simplement pour éluder le sujet ce soir. Il l'a déjà faite suffisamment mariner au début de leur collaboration, à présent il préfère annoncer directement la couleur s'il sait qu'il ne changera pas d'avis, et quitte à ce que l'ambiance en pâtisse un peu à table. À vrai dire ce n'est pas tant cette petite tentative de la part de l'agent que la légèreté avec laquelle l'autre actrice présente ce soir se permet d'agir avec lui qui change quelque peu le ton de l'échange. Lisa est un peu trop tactile et avenante à son goût, il tente de ne pas la rembarrer trop fermement mais Eddie n'est pas connu pour être le roi de la subtilité. Il constate surtout que l'alcool ne réussit pas beaucoup à la véritable star du film, et c'est heureux qu'ils ne soient pas tous arrivés avec leur propre moyen de locomotion car là c'est sûr, il était bon pour lui confisquer ses clés à la fin de la soirée. Eddie se sauve comme il peut de cette situation en proposant à tout le monde de commander, histoire de détourner un peu l'attention et de remplir par la même occasion leurs estomacs bien vides. Halston qui tente de décrypter la carte en français a au moins le don de détendre un peu l'atmosphère, même si Eddie n'est pas de ceux à qui l'agent extirpe un rire. Il tente de revenir dans la conversation qu'il a momentanément quittée, car il est assez facile de perdre le danseur quand les choses ne tournent pas exactement comme il l'aimerait. « Je vais prendre la même chose, mais je te laisse le prononcer pour moi vu que tu te débrouilles si bien. » Dans sa mauvaise foi légendaire Eddie aimerait surtout s'épargner le fait d'être ridicule, en s'essayant à une langue qu'il ne maitrise pas du tout. Il la gratifie d'un clin d’œil qui pourrait laisser penser qu'il n'est pas sérieux alors qu'il l'est bel et bien, car il n'est vraiment pas fan de l'idée que le premier mot en français qu'il prononcera de sa vie soit pintade - on a quand même vu plus glamour. « Oui, allez, levons tous notre verre au français impeccable d'Halston. » Il lance le mouvement pour entrer dans son jeu et si elle continue il lui demandera bientôt de lire l’entièreté de la carte - la partie des vins semble être la plus coriace avec des noms à rallonge à en choper le tournis, et à part Dani il ne connait personne qui puisse s'y retrouver là-dedans. La question d'Halston le fait subitement lever le nez de sa carte, car il était pour ainsi dire loin de s'y attendre. « On dit ppuldalg-gwa (뿔닭과), en faisant bien la liaison, tu vois : ppuldalg-gwa. » il répète pour qu'elle puisse l'assimiler, et pourquoi pas l'imiter histoire de voir si ses qualités de prononciation ne sont propres qu'au français ou si elles s'appliquent aussi à d'autres langues. « Tu te sens d'essayer ? » Ce n'est pas lancé sur le ton du défi mais elle peut le prendre comme tel si elle veut, Eddie prévoit juste d'être particulièrement tolérant sachant que le coréen n'est pas une langue évidente à s'approprier et quand il y pense, il aurait presque un business à jouer là-dessus aussi s'il trouvait le moyen de rallonger ses journées de plusieurs heures pour pouvoir y caler des cours de coréen en plus de tout le reste. Halston déplore le fait de ne jamais avoir mis les pieds en Corée du Sud alors qu'elle a pourtant fait le tour de l'Asie, mais elle n'a qu'à le voir comme un prochain projet de voyage à concrétiser. « Si tu y vas un jour rappelle-toi de passer par Daegu, c'est une ville rafraichissante qui devrait te plaire. Les marchés traditionnels et le temple de Donghwasa sont notamment très sympa à découvrir si tu connais pas du tout le pays. » Daegu est aussi et surtout la ville d'origine de ses parents, où il détient une partie de sa famille même si Eddie peine à se remémorer la dernière fois qu'il y a mis les pieds. Ce n'est pas tout récent, de même que sa dernière venue à Séoul date sacrément. Il ne trouve pas tellement le temps de voyager et lorsqu'il le fait c'est dans le cadre de son travail, qui l'envoie partout en Europe mais certainement pas de ce côté-là du globe. « Ça va sûrement t'étonner mais j'y ai très peu été de mon côté. Je connais pas aussi bien que les gens se l'imaginent quand je me présente en tant qu'australo-coréen. » Et souvent il doit rappeler qu'il est né en Australie, comme si sa parfaite maitrise de l'anglais et son absence d'accent n'en donnait pas une nette indication. Sa sœur y a fait ses études et ses parents y sont nés, à côté Eddie peine presque à se sentir légitime tant ses venues sur le sol du pays du matin calme se font rares. Il aimerait vraiment s'y rendre plus souvent mais la vie qu'il mène aujourd'hui, et qu'il a choisie, ne lui permet tout simplement pas. Les sacrifices faits pour vivre de sa passion passent aussi par là, et pourtant dieu sait qu'il rêve de vacances en Corée avec sa famille et Dani. « Je t'ai jamais demandé, t'es mariée toi ? » Il passe du coq à l'âne en songeant au fait qu'il ne connait Halston qu'à travers son rôle d'agent, et puisqu'ils en sont à partager des anecdotes de voyages Eddie est tenté d'en apprendre davantage sur elle même s'il s'avance sacrément en l'interrogeant sur sa situation maritale. Il s'aventure même peut-être sans le savoir sur un terrain miné mais il n'est déjà pas assez adroit d'ordinaire pour s'en rendre compte, et encore moins ce soir alors qu'il commence lui aussi à avoir un petit coup dans le nez.
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feat Halston & Eddie
Halston voyait un certain enthousiasme de la part d’Eddie, qui semblait enchanté de parler travail, il fallait dire que dès qu’ils s’éloignaient du cinéma pour se centrer sur la danse, le visage de celui-ci s’éblouissait. Il n’avait pas peur d’accumuler les activités et se permettait même d’être professeur, il fallait dire qu’il n’y avait rien de mieux que de former les personnes pour avoir ce que l’on souhaite. Elle pensa également que c’était plutôt quelque chose de risqué, car les élèves allaient prendre exemple sur lui et donc s’emparer d’une partie de son style. Finir par dépasser le maître, cela pouvait prendre du temps mais c’était possible et c’était en grande partie pour cela qu’elle rechignait à apprendre le métier à quelqu’un. La brunette voulait devenir la meilleure, prendre la place du calife, mais ça elle ne le criait pas sur tous les toits, elle était plus subtile que cela, ainsi ses collègues dormaient sur leurs lauriers en sa présence. Ils avaient bien évidemment les mêmes ambitions qu’elle, de voir leurs acteurs remporter des récompenses prestigieuses, mais rares étaient ceux qui parvenaient à y réussir. Elle vit en Eddie un moyen de gagner le saint graal pour sa rouquine, qui ne demandait qu’à s’instruire malgré un caractère qui ne le montrait pas forcément. Cependant, depuis qu’elles vivaient toutes les deux en Australie, elle avait remarqué que sa motivation avait décuplé, elle semblait plus déterminée que jamais à réussir, ce qui lui donnait de la force à elle aussi. « D’accord. Elle voudra sûrement te voir à l’œuvre avant de te faire confiance, mais je ne m’en fais pas trop pour ça. » Halston savait que Sophia avait de nombreuses craintes, plutôt légitimes, encore plus lorsqu’il s’agissait de travailler avec des hommes de manière plus ou moins isolée. C’était plus que justifié, avec ce qu’elle avait vécu, elle ne voulait pas reproduire ce qu’il s’était passé en Californie. Elle était devenue plus prudente et l’agent de stars également, même si cela lui donnait plus de travail, elle se renseignait de plus en plus sur les personnes avec qui elle travaillait. Il était hors de question qu’elle soit une nouvelle fois éclaboussée, parce qu’elle n’avait pas assez bien ouvert les yeux, surtout qu’à présent elle avait été sensibilisée aux violences sexuelles. L’américaine n’avait donc plus d’excuses, mais étant donné qu’elle avait fréquenté un minimum le danseur, elle pensait pouvoir lui confier son actrice sans problèmes. Elle eut un sourire en coin lorsqu’il lui lança une invitation pour la première représentation de son futur spectacle. « Je ne manquerai pas de m’y rendre. » Halston trouvera le temps pour, elle le faisait toujours lorsqu’il s’agissait d’assister à des premières. Elle en avait toujours beaucoup de programmées, car en plus de voir les films de ses protégés, elle voyait aussi ceux de ses collègues. C’était à la fois à cause de son appétit insatiable pour le cinéma, mais aussi par pure stratégie, pour pouvoir faire mieux que les autres, faire tourner ses acteurs dans des œuvres plus audacieuses. Il n’y avait nul doute que le spectacle d’Eddie allait lui donner des idées, la description de celui-ci lui avait d’ailleurs immédiatement fait penser au cirque, un thème qui n’était pas très utilisé ces derniers temps, mais qui pourrait l’être si elle soufflait l’idée à un réalisateur.
La jeune femme avait soupiré intérieurement, pourquoi Lisa avait mis son grain de sel ? Pourquoi avait-elle tout gâchée ? Sa mission n’était-elle pas assez compliquée comme cela ? En tous cas, elle ne risquait pas de jeter son dévolu sur elle, elle avait horreur des personnes qui ne savaient pas se tenir, même si elle avait parfaitement le droit de boire en cette soirée de célébration, elle l’avait coupé dans son élan et cela elle ne le lui pardonnerait pas. Il fallait être maître de soi et donc savoir faire preuve de modération, chose qu’elle ne semblait pas connaître. Halston la jugeait de manière un peu dure, car elle n’avait jamais été saoule mais surtout, à cause de son éducation, on avait toujours veillé à ce qu’elle se comporte de manière exemplaire. N’ayant pas envie de s’attarder plus que cela sur cette perturbatrice, elle se mit à lire le menu. Alors qu’elle aurait pu choisir la facilité en se contentant des traductions, elle mit à profit quelques-unes de ses connaissances et se transforma en comique de la table malgré elle. Il ne fallait pas grand-chose pour faire rire les convives de la table, mais ce n’était pas plus mal puisque cela lui avait permis de faire oublier l’incident qui s’était produit un peu plus tôt. En réalité, le danseur s’était déjà perdu dans ses pensées et sa petite boutade lui avait permis de le faire revenir parmi eux. « Une pintade pour le monsieur qui ne veut pas s’essayer au français. » Elle avait vu clair dans son jeu et n’avait pas manqué de le faire comprendre. Halston avait l’impression de l’avoir quelque peu piqué, mais elle n’avait pas peur que celui-ci ne lui lance le moindre défi, le français étant une langue qui l’avait particulièrement intéressé. La brunette l’avait d’ailleurs pratiqué avec un acteur parisien, mais cela personne ne pouvait le savoir puisque le projet de celui-ci était tombé à l’eau, ce qui était certainement l’un des plus grands échecs de l’américaine. Elle préféra s’intéresser à la deuxième langue de son interlocuteur, plutôt que de trop penser à cette ancienne mésaventure. L’agent de stars écouta attentivement le mot qu’elle avait demandé, elle plissa des yeux et le répéta dans sa tête. « P-ppuldalg-gwa. Je m’en sors bien ? » Halston ne s’était pas trop mal débrouillée à son sens, mais si elle devait le prononcer une deuxième fois elle n’était pas si sûre de réitérer l’exploit, ce qui n’était pas bien grave puisque cette connaissance ne lui servira sûrement jamais. La Corée avait beau n’être pas très loin de l’Australie, les acteurs de ce pays ne s’attelaient pas à cette industrie, vu qu’ils ne s’essayaient déjà que peu au cinéma américain, cela ne l’étonnait pas. L’agent de stars ne pouvait donc compter que sur Eddie, pour avoir la diversité qu’elle recherchait. Néanmoins, elle n’en profitera pas pour remettre le sujet sur le tapis, elle préféra continuer de parler de banalités. Il se transforma soudainement en conseiller de voyage, ce qui n’était pas pour lui déplaire. « Je n’ai jamais entendu parler de cette ville, mais je ne suis pas réfractaire à l’idée d’aller ailleurs qu’à Séoul, bien au contraire. Je préfère les endroits où je ne serai pas embêtée. » Sa dernière phrase lui fit l’effet d’un mauvais rappel, puisqu’elle lui fit prendre conscience qu’elle n’était déjà plus importunée, maintenant qu’elle était célibataire. Après tout ce n’était pas elle qui était connue, mais son ex-mari dont les films s’étaient exportés mondialement. Fort heureusement Eddie parlait de lui-même, ce qui lui permettait de ne pas trop se plonger dans ses mauvais souvenirs. « C’est vrai qu’on a tendance à faire ce genre de raccourcis, comme s’il n’était pas possible que vous soyez nés ici. Moi à l’inverse, si je n’avais pas cet accent je me fondrais facilement dans le décor. J’espère que les préjugés ne te mènent pas trop la vie dure. » La fiction n’abordait que peu ce genre de questions, il restait assez centré sur l’homme blanc et ses petits problèmes, ce qui était assez regrettable. Elle avait donc du mal à s’imaginer ce qu’il pouvait vivre au quotidien, elle ne savait pas si ce nouveau pays était aussi raciste que sa terre natale. Halston espérait sincèrement que ce n’était pas le cas, il avait l’air d’avoir plutôt bien réussi sa vie donc même s’il avait dû avoir plus d’obstacles que les autres, il les avait surmontés. Alors qu’elle ne s’y attendait pas le moins du monde, il lui posa une question très personnelle, qui s’avéra être une des pires qu’il pouvait avoir. L’agent de stars se figea, n’était-ce pas évident qu’elle n’était pas mariée ? Elle n’avait aucune alliance au doigt, Eddie avait des cours à prendre en matière d’observation. Il s’imaginait sûrement qu’arrivée à son âge, elle s’était déjà engagée, ce qui n’était pas une réflexion stupide en soi, mais dont elle se serait bien passée. « Non, je ne le suis plus. » Si on devait décerner la palme de celui qui avait le mieux mis les pieds dans le plat, il n’y aurait nul doute qu’Eddie la gagnerait haut la main.
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C'est qu'il pourrait gagner une nouvelle cliente pour ses cours Eddie, alors il s'attarde bien volontiers sur le sujet Sophia qui avait été à l'origine simplement abordé dans un élan de curiosité. Halston en parle comme de sa petite protégée donc il imagine bien qu'elle ne la confierait pas à n'importe qui, et il y voit une fois de plus une marque de confiance de sa part. Eddie est un professeur assez réputé dans son domaine et dont les cours rencontrent leur petit succès aujourd'hui, au point qu'il lui arrive même de mettre des aspirants danseurs sur liste d'attente car il ne peut pas gérer plus d'un certain nombre de groupes ou de cas individuels à la fois. Sophia pourrait vouloir se faire une idée de ce qu'il peut lui apporter avant de franchir le pas des cours et ça ne le dérange pas, il a de toute façon bien trop foi en lui et en ses compétences qui ont fait plus d'un miracle dans ce monde pour paniquer à l'idée d'être évalué par une parfaite inconnue. Si elle a besoin de ça pour se lancer alors il lui montrera ce qu'elle veut voir, et même plus que ça encore. « Dis-lui de passer à mon studio, ce sera plus tranquille que le théâtre. Je te griffonne l’adresse, attends. » Sur ces mots il sort un vieux stylo de son sac et écrit l'adresse sur une serviette qu'il tend ensuite à son agente, car le seul environnement de travail qu'Halston lui connait aujourd'hui c'est le théâtre où a eu lieu leur rencontre alors qu'Eddie passe aussi beaucoup de temps dans son studio, qui est un peu sa deuxième maison. Là-bas il est plus libre car il ne dépend de personne, contrairement à la Northlight où il y a toujours quelqu'un sur son dos malgré les libertés qu'il se plait à prendre et le concept de hiérarchie qui ne lui parle pas trop. Sa petite invitation à venir voir son prochain spectacle convainc en tout cas Halston, qui garantit d'ors et déjà sa présence à la première prévue dans plusieurs mois. Si Eddie se débrouille bien ce show devrait être sur pieds courant septembre, en plein printemps australien car c'est une saison que le danseur affectionne tout particulièrement, et une période de l'année qui l'a toujours aussi beaucoup inspiré pour ses créations. C'est en gardant celle-ci en tête qu'il charbonne actuellement sur son spectacle aux influences célestes, dont il assure la promotion très en avance autant auprès de ses collaborateurs qu'après de ses proches mais dont le nom, par contre, ne sera pas divulgué avant un bon moment.
La tentative de l'agente visant à donner suite à la carrière naissante d'Eddie dans le cinéma se voit malencontreusement avortée par l'intrusion de l'actrice principale, mais connaissant la détermination d'Halston il ne serait pas étonnant qu'elle tente de revenir à la charge un peu plus tard. C'est comme ça après tout qu'elle a eu Eddie la première fois, en insistant juste ce qu'il faut pour ne pas le braquer et c'est peut-être aussi la stratégie qu'elle emploiera avec lui cette fois encore, même s'il voit maintenant très clair dans ses intentions et n'est pas franchement partant pour continuer dans ce milieu. C'est une première expérience pour laquelle il ne regrette pas d'avoir signé, mais si elle était aussi cool c'est bien parce qu'elle avait ce côté inédit et unique aux yeux du danseur. Il n'a pas opposé de refus net et définitif toutefois car Halston a plus insinué les choses qu'elle ne les a formulées clairement, alors le dossier n'est peut-être pas clos et cette discussion pourrait simplement être mise de côté. Eddie est tout de même un peu refroidi par tout ça mais il ne le reste pas bien longtemps, les pirouettes de langage d'Halston autour du menu parvenant à capter son attention et à le remettre dans l'ambiance de la soirée. Il ne prend pas le risque d'écorcher la langue de Molière lui - et d'avoir l'air ridicule en prime - car la simple lecture de la carte lui fait dire qu'il ferait mieux de s'abstenir, tandis qu'Halston n'a pas peur de s'attaquer directement à un mot assez complexe, et s'en sort d'ailleurs plutôt bien. À présent c'est au coréen, la langue maternelle d'Eddie, que l'agente souhaite s'essayer alors il lui indique l'équivalent de pintade en Hangeul (alphabet coréen) en ne soupçonnant vraiment pas qu'elle puisse restituer la bonne prononciation du premier coup. Non pas qu'il remette en doute ses capacités, mais il s'agit certainement du tout premier mot coréen qu'Halston va tenter de formuler dans sa vie alors il comprendrait que ce soit laborieux. Et contre toute attente elle relève le challenge haut la main, tout du moins du point de vue d'Eddie qui est quand même le mieux placé à cette table pour en juger. « Ta prononciation est nickel, tu prends des cours en secret ou quoi ? » Il ne se fout pas d'elle et n'exagère pas non plus, ça l'impressionne vraiment. Halston parait décidément bien à l’aise avec les langues étrangères, le français et maintenant le coréen qui sont quand même deux langues dont l’apprentissage est réputé comme étant particulièrement difficile alors réussir un exercice de prononciation comme celui-ci est déjà un exploit en soi.
Il saisit ensuite l'occasion de promouvoir la ville de ses parents lorsqu'Halston parle de découvrir un jour la Corée, car Daegu mérite bien ce petit coup de pub selon lui. C'est une ville charmante qui a beaucoup à offrir, et où il aimerait lui-même beaucoup retourner bien qu'aujourd'hui ce soit compliqué avec son travail, Eddie ne pouvant pas trop se permettre de partir sur un coup de tête. Halston prend note de sa recommandation, et il n'est pas mécontent de lui avoir appris l'existence de Daegu sachant que comme tout étranger la première image qui lui vient du pays est bien évidemment sa capitale. « Oui ce serait sacrément dommage de se limiter à Séoul. » il approuve dans un léger hochement de tête car ceux qui ont dans l’idée de visiter la Corée du Sud se mettent bien souvent en tête d’aller à Séoul et rarement ailleurs, alors que ce pays regorge d’endroits à explorer en dehors de l'immense métropole. Ce serait comme par exemple croire que les seules choses à voir en France sont à Paris, or il sait grâce à Dani que ce n’est pas le cas et que la richesse du pays se trouve un peu partout. La Corée c’est pareil, du moins à en croire ses parents qui la connaissent bien mieux que lui pour y avoir vécu très longtemps avant de tout plaquer pour cette vie en Australie. Halston fait brièvement référence à son accent américain, et il n'en faut pas davantage au danseur pour s'engouffrer dans la brèche. « Los Angeles te manque parfois ? J’imagine que les moyens pour le cinéma ne sont pas les mêmes ici. » Hollywood ça lui inspire tout de suite d’énormes productions et des acteurs raflant des cachets mirobolants, et la plupart des films de référence pour plus d’un mortel sont américains, aussi. Elle a sûrement vu un changement au niveau du paysage également même si lui ne saurait pas dire en quoi la vie à Brisbane peut être très différente de la vie dans la capitale du cinéma, qu'il visualise au final assez peu en dehors de la colline qui a fait sa renommée et d’ailleurs il n’a jamais précisément su pourquoi Halston avait repris sa vie de zéro ici. Il y a bien quelques rumeurs qui circulent quand on y prête un peu l’oreille mais Eddie n’est pas de ceux qui s’intéressent à tout ça, et il est aussi loin d’être un lecteur averti de la presse people. Quant aux raccourcis faciles et autres préjugés, Eddie estime avoir quand même été relativement épargné toute sa vie car ses parents ont sûrement opté pour l'un des pays les plus ouverts et tolérants en la matière. « Ça va. Y’a beaucoup plus d’immigrés asiatiques qu’on le croit en Australie. Ici je dénote pas trop, rien qu’à Brisbane on a une communauté coréenne assez conséquente. » Naitre ici ne fait pas tout, s'il n'a eu aucun mal à s’intégrer sur le sol australien c'est aussi et surtout parce qu'il a initié à l’anglais très jeune, et il est reconnaissant envers ses parents d’avoir fait cet effort-là pour sa sœur et lui sachant qu’eux ne maîtrisaient pas vraiment la langue et étaient particulièrement attachés à leur éducation coréenne. Sa mère trouve cependant encore le moyen de dire que chez eux c’est Daegu mais non, aux yeux d’Eddie c’est ici qu’ils sont chez eux. Ses repères se trouvent à Sydney et Brisbane aujourd’hui, il ne connaît pas d’autre ville comme il connaît ces deux-là, où il a grandi pour l’une et où il s’est accompli pour l’autre. Il est coréen de sang mais australien de cœur Eddie, ce sera toujours comme ça et il chérira toute sa vie ces deux cultures. Tout le monde n’a pas en sa possession un double passeport et la maîtrise parfaite de deux langues, et il le considère d’autant plus comme une chance quand il voit que ça lui permet notamment de décrocher des petits rôles comme celui qui lui vaut d'être ici ce soir.
Et puis il commet manifestement une petite bourde Eddie, en lançant son agente sur le sujet du mariage puisqu'il ignore tout de sa situation et que quitte à sortir du cadre professionnel ce soir, autant le faire pour de bon. Mariée apparemment elle ne l'est plus, mais s'il avait été un poil observateur il aurait bien vu qu’Halston ne porte pas d’alliance, lui qui en plus se fie souvent beaucoup aux apparences et accepte rarement de voir plus loin que celles-ci. « Sujet sensible ? » il demande comme si l’évidence n’était pas devant ses yeux. Halston semble gênée par la tournure que prend leur échange, et sur l’échelle de la maladresse allant de un à dix il ne serait pas étonnant qu’Eddie soit actuellement sur un bon huit. « Je t’ai déjà dit que j’étais l’heureux papa de deux fils moi ? » Il n’est définitivement plus question du boulot, et oui, sorti de son contexte c’est sûr que ça peut surprendre. Les gens sont toujours assez déconcertés quand il présente les choses sous cet angle, de par son âge forcément, et avant qu’il ne précise que ses fils sont en réalité deux chats recueillis il y a un an et un an et demi. Un troisième est d’ailleurs sur le point d’être adopté c’est le tout nouveau projet d’Eddie en ce début d’année, la famille va donc encore s’agrandir pour le plus grand bonheur du danseur qui ne s'arrêtera probablement pas là. « Tiens d’ailleurs les chats ça fait pas partie des graines de stars dont tu t’occupes ? Car mon Poby est très photogénique, je le verrais bien en égérie d’une marque de croquettes. » Difficile de dire s’il est sérieux ou non, lui-même n’a plus vraiment de recul sur tout ça mais ce n’est pas dit qu’il assumera cette partie de leur discussion quand il aura un peu dégrisé. Même certains collègues déjà pas mal éméchés à sa table le regardent d’un œil circonspect, comme si Eddie était en train de s’égarer et qu’ils ne le suivaient plus du tout. Quand il se lance tout seul sur le sujet de ses chats mieux vaut le stopper dans son élan, car il pourrait en parler des heures de ces petits êtres poilus qui partagent sa vie et auxquels il consacre chaque seconde de son temps dès qu’il pose un pied chez lui le soir. C’est aussi une chose qu’une partie de ses proches n’a jamais trop compris, comment un beau jour il a pu se réveiller animé d’une passion telle pour les chats alors qu’il n’a pas grandi entouré d’animaux, et que pendant longtemps il a très bien vécu sans la moindre présence féline dans sa vie. « Vas-y mollo sur le vin Eddie. » lance un autre acteur assis en diagonale du danseur et jusqu’ici assez discret, celui-ci incarnant l’un des personnages un peu plus secondaires du film. Eddie lorgne sur la bouteille et ne dirait pourtant pas non à un autre verre, et dire que quelques minutes plus tôt c’est lui qui faisait la morale à Lisa.
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Eddie n’avait pas compris où Halston voulait en venir lorsqu’elle parlait de confiance, mais c’était plutôt normal car premièrement il ne connaissait pas les problématiques féminines et deuxièmement parce qu’il ne devait rien connaître de leur situation. Du moins, c’est ce qu’elle s’imaginait, parce qu’elle ne le voyait pas s’amuser à faire des recherches sur elle et son actrice, même si cela était à portée de main grâce à internet. Ce n’était pas plus mal à vrai dire, c’était même rafraîchissant que leurs passés ne soient pas connus de tous, ainsi on ne leur parlait pas des sujets qui fâchent, on ne se concentrait que sur le moment présent. Elle ne s’attendait pas à ce que le danseur ne lui donne son adresse personnelle, surtout pour voir une inconnue pour la première fois. La colocataire de la brune n’aimera sûrement pas ça, de se rendre directement chez quelqu’un plutôt que de le voir sur son lieu de travail, cela allait donc nécessiter qu’elle l’accompagne pour qu’elle soit rassurée. Cependant, si elle déclinait d’office cette proposition, elle allait devoir expliquer la raison de son refus et donc mettre son vécu sur la table et ça il en était hors de question, du moins pas ce soir. Elle se contenta de prendre la serviette sur laquelle il avait écrit, de la ranger dans son sac et de le remercier. Cela démontrait quand même une certaine motivation de sa part, de vouloir la mettre dans ce qu’il jugeait être les meilleures conditions possibles, elle n’allait donc pas faire la difficile à part si la rouquine se montrait vraiment trop réticente.
Être la boute en train de la soirée, c’était quelque chose qui ne lui ressemblait pas, encore plus en étant entourée d’une majorité de personnes qu’elle ne connaissait pas. Elle était la discrétion incarnée, jamais un mot de travers, elle ne se mettait en avant que si cela lui était demandé. Halston était loin de se douter qu’elle attirerait l’attention de tout le monde juste en prononçant un mot étranger, mais il fallait dire qu’elle l’avait fait lorsqu’ils étaient quasiment tous concentrés sur le menu, il y avait donc un joli silence à ce moment-là. Si elle avait été plus jeune, elle aurait certainement été gênée, elle se serait mise à rougir d’avoir toute cette attention sur elle. Maintenant qu’elle baignait dans l’univers du cinéma depuis plusieurs années, elle s’était quelque peu habituée, en s’affichant auprès de ses acteurs elle avait eu le droit d’être photographiée et interrogée, ce qui la forçait à sortir de l’ombre de temps en temps. Le serveur lui permit de retrouver sa tranquillité, en validant ses propos mais surtout en commençant à prendre les commandes une par une. Après avoir donné celle de son interlocuteur, elle s’intéressa à la deuxième langue de celui-ci, qu’elle ne connaissait pas du tout. Elle lui demanda la traduction du nom de la volaille star de la soirée, mais elle l’avait presque regretté lorsqu’elle se rendit compte qu’elle était plutôt compliquée, si elle lui avait demandé un mot plus commun elle ne se serait sûrement pas retrouvée face à une telle difficulté. L’agent de stars ne se démontera pas pour autant, parce qu’elle n’était pas du genre à baisser les bras aussi facilement, mais aussi parce qu’elle s’était essayée à bien des langues alors pourquoi pas celle-ci ? Elle se fit instantanément complimentée par Eddie, ce qui lui donna une petite fierté parce qu’elle pensait qu’il n’était pas du genre à le faire s’il ne le pensait pas vraiment. « Non. J’ai eu des cours sur de nombreuses langues, mais pas celle-ci. » Son ambition l’avait amenée à se diversifier, pour se démarquer de ses rivaux qui ne faisaient pas autant d’efforts pour s’approcher de célébrités étrangères. Il suffisait seulement parfois de quelques phrases, pour faire plaisir à l’autre et lui montrer que l’on s’intéresse à sa culture, cela faisait souvent son petit effet. « Le coréen s’approche pas mal du japonais non ? J’ai dû l’apprendre avant de me rendre à Tokyo, ce n’était pas une mince affaire. » Les habitants du pays du soleil levant et l’anglais cela faisait souvent deux, alors elle avait fait l’effort de le manier suffisamment pour pouvoir collaborer avec eux.
Il n’était pas commun qu’Halston s’intéresse à un pays de manière purement touristique, il fallait dire qu’on ne lui laissait pas souvent le temps de flâner. Maintenant qu’elle était bien plus proche géographiquement de l’Asie, elle allait peut-être pouvoir s’y rendre quelques jours pour s’aérer l’esprit, chose qu’elle n’avait pas beaucoup faite depuis qu’elle se trouvait à Brisbane. Eddie l’invita à parler de son autre pays à son tour, en lui demandant si son ancienne ville lui manquait. Il était impossible de dire non, il venait d’ailleurs d’énoncer une des raisons pour laquelle ça l’était. « Oui, Los Angeles me manque. Les moyens ne sont clairement pas les mêmes ici, mais il y a tout du même du positif, parce qu’à présent je n’ai plus le droit aux films qui parlent des USA comme s’il s’agissait du centre de l’univers. Ce nombrilisme a fini par m’exaspérer. » L’agent de stars était une personne curieuse et ouverte sur le monde, qui s’intéressait à pas mal de choses, le septième art et la lecture l’aidaient énormément à s’enrichir à ce niveau. « Et puis il y a toujours ma famille là-bas… Mon petit frère me manque beaucoup. » Elle avait également une sœur et un frère, mais elle était loin d’en être aussi proche que de son cadet, qui lui écrivait tous les jours. Halston ressentait de temps en temps une certaine culpabilité vis-à-vis de lui, elle avait l’impression de l’avoir abandonné. Il ne lui en avait jamais tenu rigueur, du moins c’est ce qu’il lui disait, mais peut-être qu’il finira par se montrer plus honnête quand il sera lassé qu’elle refuse ses invitations. Cette interrogation l’avait un peu trop plongé dans ses pensées, elle faillit passer à côté des dernières paroles d’Eddie, qui le rassurait sur le fait qu’il ne dénotait pas trop. « Tant mieux. » Lui répondit-elle le plus simplement du monde. Elle ne s’était pas rendue compte que les asiatiques étaient si nombreux, cela lui fit penser qu’elle ne sortait peut-être pas assez de son bureau et des lieux de tournage. Halston ne consacrait pas assez de moments à sa vie sociale, chose que sa colocataire n’avait de cesse de lui répéter.
Le pourquoi du comment fut soudainement mis en avant par Eddie de manière involontaire, puisqu’il lui demanda si elle était mariée. Cette question ne lui avait pas été posée depuis un certain temps, parce que la plupart des gens savaient qu’elle était divorcée, étant donné qu’elle fréquentait presque que des personnes de son milieu il était difficile pour eux d’être passés à côté de cette information. Le fait qu’il ait besoin de lui demander si c’est un sujet sensible, lui donnait l’envie de rouler des yeux voire de le traiter d’imbécile. Fort heureusement pour lui, la brunette savait se maîtriser. « Ce n’est pas un sujet que j’aime aborder. Tu aimes parler de tes échecs toi ? » En réalité il ne pouvait pas deviner qu’elle s’était séparée de Nolan, mais d’une certaine manière il insistait pour creuser la question puisqu’il n’avait pas lancé un autre thème de conversation. Il manquait de délicatesse et elle espérait que son interrogation allait le lui faire comprendre. Il se mit à lui faire une drôle de révélation, en lui parlant de deux fils. « Non ? » Les sourcils de la brunette s’étaient haussés, elle ne le voyait pas du tout père et puis elle jeta un œil à la bouteille de vin, qui semblait bien entamée. Elle ne s’en était pas servie une seule fois et elle ne se souvenait pas que ses voisins s’en soient servis plusieurs fois. Les nouvelles paroles du danseur confirmèrent ses soupçons, il commençait à perdre son sérieux. Il était encore un peu tôt pour boire autant, le serveur venait à peine de montrer le bout de son nez avec les plats dans ses mains. « J’ai déjà bien assez de graines de stars à mon actif, mais si ton chat s’avère plus docile que toi, pourquoi pas… » Elle avait bien entendu le conseil de l’acteur qui était intervenu, elle allait l’aider à le suivre en s’emparant de la bouteille pour la terminer. Halston bu une gorgée et reprit la parole. « Tu as des goûts raffinés en matière de vin on dirait bien, mais il faut penser à partager tu sais ? » Les plats étaient enfin déposés face à eux, ça tombait bien parce que son ventre allait finir par faire un bruit indécent. « Bon appétit. »
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Eddie voit passer l’occasion de gagner une nouvelle élève ou peut-être même plusieurs, alors forcément il ne la laisse pas filer et saute dessus sans attendre. C’est d’ailleurs là qu’il se dit que ce ne serait pas du luxe d’investir dans des cartes de visite, car ce n’est quand même pas très professionnel de griffonner l’adresser de son studio sur une serviette même s’il n’est techniquement pas dans son rôle de professeur ce soir. Son studio, justement, à l’entendre on y entre un peu comme dans un moulin et tout le monde peut y venir pour le voir répéter mais ce n’est à vrai dire pas tout à fait la réalité. Ça reste son deuxième lieu de travail après le théâtre, il considère d’ailleurs que ce studio lui appartient même s’il y retrouve assez souvent les membres de son groupe car c’est lui qui en paie la location, et c’est lui aussi qui y passe le plus de temps, de très loin. Un nombre incalculable de chorégraphies y ont vu le jour, et il ne compte plus non plus les élèves qui s’y sont succédés. Ça ne fait pourtant pas si longtemps qu’il honore ces cours sur son temps libre Eddie mais cette juteuse petite affaire a déjà largement fait ses preuves, et si jamais Halston a besoin de s'en assurer avant de lui confier sa petite protégée il peut la diriger vers les très bon avis peuplant le livre d’or de son site internet. Ce n’est pas la pédagogie qui étouffe le danseur à l’origine mais visiblement ça ne l’empêche pas de transmettre sa passion et de le faire bien, surtout. Tout ce qu’il demande, sans toutefois le formuler car pour lui ça coule de source, c’est d’être prévenu un peu avant si Sophia décide de débarquer à son studio. Car il a beau avoir glissé l’invitation à son agente il tient quand même à contrôler un minimum les choses Eddie, histoire de s’assurer que son studio sera présentable ce jour-là et tant qu’à faire que les gars du groupe seront absents. C’est devenu une habitude chez lui de les congédier dès qu’il a de la visite, encore un peu et ils penseront bientôt qu’ils lui font honte - et en fait oui, un peu parfois. Ou disons qu’à certains moments il préfère ne pas les avoir dans les pattes. Ils sont comme ses frères mais quand il revêtit son costume de professeur il ne veut pas entendre parler d’eux, car il s’emploie à marquer très nettement la distinction entre le groupe, cette aventure qu’ils ont commencé tous ensemble, et ses cours, qui sont l’un de ses accomplissements personnels. Qu’ils le comprennent ou non ça n’a pas la moindre importance, Eddie n’est de toute façon pas ouvert au débat sur la question et jusqu’à preuve du contraire c’est lui qui détient les clés de ce studio et qui décide qui y entre, et qui en sort.
Clairement s'il avait dû miser sur une personne autour de cette table pour animer un peu le repas son choix ne se serait pas porté sur Halston, qu'il a toujours connue très sérieuse durant leur collaboration. Elle-même a précisé avec humour un peu plus tôt qu'il s'agissait de son deuxième prénom, de quoi lui confirmer qu'elle ne dissimule pas un tempérament excentrique susceptible de ressortir à tout moment. C'est une femme qui se passe bien volontiers du fait d'attirer l'attention il a déjà pu s'en rendre compte, et pourtant ce soir tous les regards se trouvent rivés vers elle à partir du moment où elle décide de s'essayer à la prononciation d'un mot en français. Rien que ça, c'est suffisant pour détourner tout le monde du menu et il faut croire que la plupart d'entre eux attendaient juste qu'on les divertisse un peu. Il faut avouer que ces dîners professionnels ont un côté facilement ennuyant, même s'ils sont tous réunis pour célébrer la première du film ils le sont entre collègues, et non entre amis alors il y a une certaine retenue chez les uns et les autres, et Eddie mentirait s'il disait qu'il connait tous les noms des personnes présentes à leur table. Halston contribue au moins à animer un peu tout ça et même s'il parait évident qu'elle n'en avait pas l'intention à l'origine, l'effet est là malgré tout. Le danseur note qu'elle ne s'en tire pas trop mal non plus avec sa prononciation du coréen et ça l'étonne franchement pour quelqu'un qui n'a jamais pratiqué la langue, ni suivi le moindre cours. Ce doit être inné chez elle, et cette petite parenthèse lui permet de découvrir l'agente sous une nouvelle facette : un intérêt pour les langues et les cultures étrangères qu'il n'aurait au premier abord pas vraiment soupçonné chez elle, sans qu'il ne sache trop pourquoi. Mais en fait si, le connaissant on peut assez bien en deviner la raison. Halston a toujours été à ses yeux une femme à l'allure raffinée mais assez rigide, et Eddie étant un adepte des préjugés faciles il aura probablement pensé qu'elle était ce genre de personne à manquer d'ouverture d'esprit. Une américaine en plus, il y avait franchement une chance sur deux pour qu'elle ne sache même pas placer un pays comme la Corée du Sud sur une carte. Il ne s'attendait pas non plus à apprendre que l'agente a appris le japonais en vue d'une collaboration à Tokyo, ce qui rejoint le tour d'une partie de l'Asie qu'elle lui confiait avoir effectué un peu plus tôt. « Je ne crois pas qu'on puisse vraiment dire ça. Du peu que je connais du japonais son apprentissage n'est pas du tout le même que pour le coréen, c'est une langue hyper complexe qui a évolué avec l'histoire du pays alors qu'on a plutôt tendance à penser qu'apprendre le coréen est plus difficile. » Ce qui n'est pas le cas, à son humble avis. Peut-être qu'en ayant le coréen pour langue maternelle il n'est pas très légitime pour exprimer un avis là-dessus Eddie mais il a déjà mis le nez dans pas mal de bouquins dans le but de s'initier au japonais lui-même, et ça fait des années qu'il en est au même point. Il s'est vite découragé, comme l'idée n'était pas la sienne. Ces deux langues détiennent un système d'écriture et une prononciation très différentes, mais le japonais a cette particularité d'avoir à lui seul trois systèmes d'écriture qui le rendent particulièrement compliqué à assimiler là où le coréen peut finalement paraitre un peu plus simple, une fois que la barrière de son alphabet est passée. L'alphabet coréen est d'ailleurs un dérivé simplifié de l'écriture chinoise, avec laquelle il comporte de nombreuses similitudes alors il ne fait aucun doute qu'Eddie aura bien plus de facilité à apprendre le chinois que le japonais s'il décide de s'y pencher un jour. « T'en finis pas de me surprendre Halston. » il reprend en étirant un fin sourire car il la voit officiellement d'un autre œil à présent. Et après ça elle peut honnêtement envisager de se mettre au coréen puisqu'elle maitrise déjà son grand frère réputé plus robuste, si toutefois elle désire renforcer son côté polyglotte. On ne sait jamais, des fois que le cinéma sud-coréen actuellement en pleine expansion lui fasse prochainement de l'œil lui aussi.
L'agente exprime une certaine nostalgie à l'évocation de Los Angeles et elle doit probablement songer à tout ce qu'elle y a laissé. Eddie a d'ailleurs vu juste sur les moyens très différents d'une industrie cinématographique à une autre, des moyens forcément bien plus conséquents dans un pays où le cinéma est roi et où les retombées d'un film s'estiment parfois en milliards de recettes. C'est clair que ça doit la changer Halston et pourtant elle y trouve des bons côtés, son allusion au nombrilisme américain lui arrache d'ailleurs un sourire parce qu'il a la même vision des choses Eddie, il n'a jamais supporté l'égocentrisme assumé de cette superpuissance qui colle à ses habitants une image peu flatteuse, mais parfaitement justifiée selon lui. Même lui ne se regarde pas autant le nombril, c'est dire. « Mais t'y retournes quand même de temps en temps ? » il lui demande avant d'engloutir le fond de son verre, le combientième ce soir il ne sait plus trop par contre. C'est fou comme il a la descente facile Eddie alors qu'il n'est pourtant pas un consommateur d'alcool très régulier, et c'est à se demander s'il n'a pas quelque chose à noyer là-dedans. Ce qui manque surtout à Halston c'est sa famille et notamment son frère, ce qu'il peut comprendre mais sûrement pas imaginer car lui n'aurait pas pu quitter les siens au nom d'une opportunité professionnelle, aussi belle soit-elle. Enfin ça c'est ce qu'Eddie s'imagine car il ne connait pas les véritables raisons qui ont poussé Halston à quitter sa terre natale pour s'établir ici, et quelque chose lui dit qu'il ne les connaitra jamais même s'il tente de creuser la question. « Tu regrettes parfois ? » Est-ce que ça valait vraiment le coup de partir ? Pour le boulot il semblerait qu'elle en tire des changements pour le moins positifs et sûrement assez rafraichissants aussi mais le manque de ses proches lui pèse il peut l'entendre, et il arrive parfois qu'on fasse des choix que l'on regrette au bout d'un moment, ou seulement certains jours. Elle ne l'avouera peut-être pas si c'est le cas, mais Eddie ne pouvait pas garder cette question pour lui. De son côté le danseur s'estime bien intégré et plus que jamais à sa place sur le sol australien même si rien ne le prédestinait au départ à naitre et à vivre ici. Ses parents ont opté pour un pays et une ville -Sydney- où la communauté asiatique était déjà bien installée avant leur arrivée et c'est une chose qu'il peut aussi constater tous les jours à Brisbane, où on le réduit rarement à ses traits physiques caractéristiques de ses origines asiatiques. Et puis si on lui demande il se revendique de toute façon en tant qu'australien Eddie, car c'est bien ce qu'il est au plus profond de lui et sur le papier.
On pourrait dire que là encore l'alcool délie les langues mais Eddie se serait certainement aventuré sur un sujet risqué comme celui de la situation maritale d'Halston même s'il n'avait pas eu un petit coup dans le nez ce soir-là. Le fait est que le danseur n'a pas la moindre subtilité en lui, et pas non plus pour habitude de tellement analyser une situation avant d'ouvrir sa bouche. Il aurait pu vérifier si elle portait une alliance par exemple mais non, tout ce qui s'inscrit dans une certaine logique passe très peu par lui et il le prouve une nouvelle fois. Le sujet est effectivement sensible Halston le lui confirme, elle dit ne pas aimer parler de ses échecs et suppose que c'est également son cas. En guise de réponse le danseur hausse les épaules, car très franchement il n'a pas beaucoup d'échecs à son actif si on met évidemment de côté son histoire avec Alexis qui a connu une bien triste fin par sa faute. En soi il pourrait en parler Eddie ça ne le tuerait pas, mais ça le forcerait à admettre ses torts et ça il n'est pas disposé à le faire sur commande. « Message reçu, on n'en parle plus. » Il n'insiste pas, car l'ambiance pourrait sacrément pâtir de son indiscrétion et mine de rien il a encore assez de bon sens pour le comprendre. Pourtant le vin commence à avoir raison de lui, ses propos ont de moins en moins de sens et son regard ne parvient plus trop non plus à appuyer celui de l'agente. Il divague Eddie, quand il se met à parler de ses chats de cette façon il ne faut pas le prendre au sérieux car en temps normal il ne lui viendrait pas à l'idée d'en faire des petites starlettes ou quoi que ce soit dans ce registre. Halston n'exclut pas d'étudier la question mais en principe Pobby n'est pas près de goûter à la moindre notoriété, dès demain Eddie réalisera sa bêtise et il fera automatiquement mine d'oublier tout ça. L'un des acteurs lui conseille d'ailleurs de se calmer sur les verres, avant que l'agente ne s'y mette aussi soulignant au passage ses goûts raffinés en matière de vin. « Disons que j'ai de qui tenir. Ma mei-meilleure amie travaille dans ce domaine et d'ailleurs elle bosse ici, c'est peut-être même elle qui a sélectionné cette bouteille pou-pour nous. » Et heureusement que ce n'est pas lui qui a choisi le restaurant où ils se retrouveraient tous après la première car on aurait vite fait de penser qu'Eddie l'a fait exprès pour se rapprocher encore un peu plus de Dani. Ce n'est pas le cas, en tout cas pas ce soir mais c'est vrai qu'il n'appréciait pas autant le vin avant qu'elle ne l'initie proprement à la chose. « Bonne pintade. » il formule à son tour dans un sourire un peu en biais alors que le contenu de son assiette lui apparait comme flou à ce moment-là. Manger ne lui fera pas de mal, et ça le tiendra surtout occupé quelques minutes en admettant qu'il ne se mette pas encore à débiter des trucs qui ne riment à rien.
here comes my reality check, there’s nowhere higher
feat Halston & Eddie
Halston ne comptait plus le nombre de repas professionnels auxquels elle avait assisté, mais il était plus rare qu’elle se retrouve à table avec autant de personnes que durant cette soirée. Il lui arrivait d’entendre des personnes dire que son métier fourmillait de pique-assiettes, toujours bons pour sauter sur la moindre occasion de profiter de mets gratuits et luxueux. Elle trouvait cela plutôt ridicule, bien qu’ils soient loin de gagner autant que leurs acteurs, ils n’étaient pas non plus à plaindre, ils n’avaient pas besoin de ce genre de subterfuges pour profiter d’une bonne gastronomie. En réalité ce qu’elle aimait dans ces moments - qui pouvaient paraître barbants aux premiers abords - c’était le fait de pouvoir se retrouver tous ensemble et de pouvoir discuter longuement. Cela lui rappelait l’époque où elle vivait encore chez ses parents, il était interdit de manger chacun dans son coin alors ils faisaient toujours de grandes tablées avec toute la fratrie. C’était un moyen plutôt efficace de garder un minimum de lien entre eux, même si les adolescents qu’ils étaient pouvaient faire preuve d’une certaine réticence parfois. Elle se doutait bien que cette soirée ne lui permettrait pas de faire connaissance avec grand monde, mais discuter avec le danseur lui était amplement suffisant. C’était bien la première fois qu’ils ne se focalisaient pas uniquement sur le travail et c’était plutôt agréable, un dîner qui ne tournait que sur ça pouvait vite paraître interminable. Elle arrivait à voir qu’elle le surprenait en lui apprenant qu’elle s’était intéressée au japonais, il fallait dire que peu de personnes avaient suffisamment de détermination pour essayer de le parler, il s’agissait généralement de passionnés par la culture de son pays et par les mangas. Halston ne s’était jamais vraiment arrêtée sur ce type de loisir, qui n’avait pas éveillé sa curiosité, mais l’histoire nippone ainsi que ses traditions n’avaient pas manqué de la rendre intéressée. « C’est plutôt encourageant ce que tu me dis là, si c’est plus simple à apprendre alors je vais peut-être plus m’attarder sur le cinéma coréen et les dramas. » Les séries américaines n’étaient plus aussi indétrônables qu’elles n’en avaient l’air, les plateformes de streaming le prouvaient en se montrant de plus en plus variés, elle voyait bien que certaines œuvres étrangères se glissaient même dans le top des œuvres les plus vues. « Il faut savoir tirer son épingle du jeu pour réussir. » Lui dit-elle en lui glissant un petit clin d’œil. Être polyvalent n’avait jamais été aussi valorisé que maintenant et ça elle s’en était bien rendue compte, il fallait avoir bien des talents pour pouvoir se hisser au sommet.
Il serait hypocrite pour elle de ne pas dire que son ancienne ville lui manquait, même si celle-ci avait de gros points noirs elle avait aussi d’énormes qualités, qu’elle ne retrouverait certainement jamais ailleurs. Le compte bancaire de la brunette ne pouvait pas dire le contraire, il se remplissait beaucoup moins depuis qu’elle était sur la terre des kangourous, mais faire de gros chiffres n’avait jamais été sa première priorité. Lorsqu’il lui demanda si elle retournait quand même de temps en temps là-bas, elle eut un moment d’absence, car elle n’arrivait pas à calculer le nombre précis de fois où elle y avait remis les pieds. « Honnêtement en dehors de noël… non pas vraiment, mais ça ne fait même pas deux ans que je suis à Brisbane. » Est-ce qu’elle se donnait une excuse sur le fait qu’elle avait rendue si peu de visites à sa famille ? Peut-être un peu, mais éviter de se retrouver à des cérémonies où on parlerait longuement de MeToo et où elle croiserait des personnes qui l’avaient laissé tomber, avait été plus important que tout le reste. La nouvelle interrogation d’Eddie fut également difficile, certainement encore plus que la précédente. Il lui arrivait de se trouver lâche, d’être partie ainsi pour oublier cet encombrant passé, mais d’un autre côté elle avait tant lutté pour en sortir, qu’elle n’avait plus la force de rester à Hollywood pour continuer de patauger malgré tout. « Évidemment, il n’est jamais simple de quitter le pays dans lequel on a toujours vécu, celui où on se voyait réaliser ses rêves les plus fous. Cependant il faut savoir aller de l’avant et saisir de nouvelles opportunités. » Elle n’aurait jamais deviné qu’elle finirait par s’exiler à l’autre bout du monde, en compagnie de l’une de ses actrices, mais elle ne s’était pas non plus trop mouillée puisqu’elle avait choisi un endroit dont elle connaissait certains habitants. « Et puis ça peut avoir du bon de se laisser surprendre par les surprises de la vie, non ? » Elle essayait de s’en convaincre férocement, ce qui n’était pas facile tous les jours faciles pour une descendante des Hargreeves pour qui la vie était censée être toute tracée. Néanmoins, refuser de rester dans le domaine de l’hôtellerie pour se lancer corps et âme dans le cinéma restait l’une des meilleures décisions de sa vie.
Les sujets qu’ils avaient abordés avaient quasiment tous le don de toucher l’une de ses cordes sensibles, mais s’il y en avait bien une à laquelle il ne fallait toucher c’était bien de sa situation maritale. C’était certainement l’un des plus grands défis du XXIe siècle, de trouver le véritable amour et de pouvoir le garder. Elle s’était laissée bercée de si nombreuses fois par des romances, qu’elle en avait oublié que la vie réelle était loin d’être aussi simple. Se remettre d’un échec professionnel c’était déjà quelque chose, mais alors se remettre d’un divorce après s’être mariée tardivement – selon elle – était encore plus compliqué. Plus les années passaient et plus elle avait peur de se finir dans cette vilaine case de la « vieille fille ». Elle avait finalement réussi par lui faire comprendre qu’ils ne devaient pas en parler une minute de plus. Il dériva sur les deux êtres poilus qui partageaient sa vie, qui allaient finir par ne plus le reconnaître s’il continuait de boire ainsi. Elle ne l’imaginait pas avoir un certain penchant pour l’alcool, elle se demandait ce qui pouvait bien le pousser à boire de cette manière. Il commença à évoquer une amie qui travaillait dans la viticulture et qui aurait commandé la bouteille pour eux. La brunette arqua ses sourcils et s’empara de son téléphone, elle ouvrit l’application Uber et commanda un taxi pour son interlocuteur, qui ferait certainement mieux de se priver d’un dessert pour rentrer chez lui en toute sécurité. Finalement elle pouvait dire qu’il avait très bien fait de lui donner son adresse plus tôt dans la soirée, puisque cela allait pouvoir lui permettre de rentrer chez elle la conscience tranquille.