Nous sommes en début de soirée quand je termine le travail et quitte le garage. La journée a été particulièrement épuisant, nous avons eu beaucoup de clients. Et pas tous très civilisés, j'ai du sortir me fumer une clope un moment sinon j'allais en foutre une à un jeune homme. Le genre fils de riche, qui roule en Porsche alors qu'il vient à peine d'avoir le permis. Il nous regardait de haut, se permettant quelques remarques déplacées. J'avais regardé Ezra dans les yeux qui m'avait alors intimé de ne rien dire. Mais voyant que j'allais devenir fou, il m'avait ordonné de prendre une pause ce que j'avais fait sans plus tarder. Il y a vraiment des gens que j'aimerais remettre à leur place, mais si je le faisais je passerais mes journées à me battre alors je dois serrer les dents et tracer ma route. Même si je n'arrive pas à m'empêcher de les foudroyer du regard. Bien sûr en revenant j'ai fais mon travail du mieux possible, en professionnel que je suis. Je ne peux pas me permettre de faire n'importe quoi, la réputation du garage en souffrirait et ce n'est absolument pas ce que je veux ! Je ne peux pas faire ça à Ezra, ni à moi car j'aime beaucoup ce garage et j'ai tout fait pour qu'il en soit là aujourd'hui. Bref, je rentre chez moi sans plus tarder, ne faisant pas attention à la vitesse à laquelle je roule au volant de mon chopper.

Je ne dois pas perdre de temps, Nolah m'a invité il y a quelques jours à venir dîner chez elle ce soir. Et même si j'ai trouvé ça bizarre, j'ai accepté. Cela fait des semaines que nous n'avons pas mangé ensemble, voire même pas parlés du tout. La dernière fois ça ne c'était pas très bien passé, à cause de nos caractères explosifs et de notre relation plus que compliquée. Je n'arrive pas à la comprendre et elle n'arrive pas à me comprendre, tout simplement. C'est assez chiant parfois car c'est ma petite soeur, celle juste après moi en plus, et que nous n'avons pas la relation que certains d'autres ont. Mais tant pis, c'est la vie. Je n'ai pas besoin qu'elle m'aime de toute façon, juste qu'elle soit heureuse dans sa vie. Ce qui n'a pas l'air d'être le cas, c'est bien là la cause principale de nos disputes. Je n'arrête pas de la questionner, de la regarder d'une façon de dire " je sais qu'il y a quelque chose ". Depuis son arrivée à Brisbane, elle semble changée, différente... ou alors c'est juste moi qui me fait des idées. Après tout j'ai passé tellement de temps loin d'elle, est-ce que je suis le mieux placé pour savoir qui elle est ? Peut-être pas...

Une fois dans mon appartement, à Fortitude Valley, je file directement sous la douche. Je ne fais pas le métier le plus propre du monde et je ne peux pas débarquer comme ça chez la blonde, elle me tuerait. Une fois lavé et essuyé, j'enfile un jean banal ainsi qu'un t-shirt blanc et par dessus un pull vert foncé. C'est souvent comme ça que je m'habille, un t-shirt sous un pull, c'est banal mais je ne cherche pas à me démarquer. Je regarde l'heure et remarque que je suis un peu en avance. J'en profite donc pour me poser un peu devant la télé tout en me prenant une petite bière et en fumant une clope. Lorsque j'ai finis, c'est l'heure de me mettre en route. Je retourne sur mon chopper Victory et prends la direction de Pine Rivers. Je me gare en bas de son immeuble, pénètre à l'intérieur et me rend en face de la porte #9, où se trouve son loft. Je lève la main et frappe quelques grands coups.

C'est alors que je remarque que la porte était entrouverte puisqu'elle s'ouvre un peu plus. Je fronce immédiatement des sourcils, craignant le pire. Peut-être que quelqu'un est rentré, peut-être qu'il est arrivé quelque chose, peut-être que... Je ne perds pas plus de temps à me questionner et pousse la porte pour pénétrer chez elle, sur le qui-vive. Nolah, t'es là ? Tout va bien ? je demande en me rendant dans sa pièce principale. Lorsque j'y suis, je trouve ma sœur allongée sur le canapé, endormie. Je soupire et m'approche d'elle, fronçant des sourcils en voyant qu'elle semble agitée. Je me penche au dessus d'elle et la secoue, pas très délicatement d'ailleurs. Nolah, réveille-toi ! Ma cadette ouvre les yeux d'un coup et semble paniquée l'espace de quelques secondes. « Bryan ! Je...comment tu es entré ? Désolé..je me suis assoupie.. » Je soupire légèrement, à la fois agacé et rassuré. La porte était ouverte alors je suis entré... Tout va bien ici ? Je demande et fais le tour du canapé pour me diriger vers le parc clos où se trouve Lila. Je m'accroupis et fais glisser mes doigts sur la bouille de mon adorable nièce. Coucou ma belle, tu surveillais maman ? je lui souris et dépose un baiser sur son front avant de me redresser pour revenir vers ma sœur qui reprend ses esprits. Tu fais souvent des cauchemars ? demandais-je sans passer par quatre chemins. Car je suis sûr qu'elle en faisait un à l'instant. Et ça expliquerait la mauvaise mine qu'elle aborde souvent, comme si elle manque constamment de sommeil.

J'observe ma sœur sortir difficilement de sa stupeur et se remettre les idées en place. Elle semble visiblement bouleverser, je suis loin d'être aveugle. C'est même tout le contraire, je suis quelqu'un de très observateur. Et je remarque cette étrange lueur dans son regard, ce côté... effrayé ? Mais de quoi ? Je fronce des sourcils, ma cadette demeure un mystère pour moi. Parfois, j'envie les frères et sœurs qui ont une relation fusionnelle et qui se disent tout. Ou qui n'ont même pas besoin de se parler, un seul regard suffit. Avec Nolah, c'est complètement l'inverse de tout ça. On ne se comprend pas, mais absolument pas. Et quand on parle, c'est souvent pour cacher la vérité ou ne pas totalement dire ce qu'on veut dire. De vrais têtes de mules, pas un pour rattraper l'autre. Tu sais que c'est dangereux ? Surtout pour Lila. Fais gaffe la prochaine fois. dis-je en référence à la porte entrouverte. C'est bien la première fois que ça arrive, à ma connaissance du moins. Et si quelqu'un était entré ? C'est vraiment très dangereux. Et cela confirme ce que je pense : Nolah ne va pas bien. Ce n'est pas son genre de commettre de telles imprudences. Pourquoi tu demandes pas à la nounou de la ramener ici et de t'attendre ? Et tu sais, si tu as besoin d'un coup de main je suis là. Je peux passer récupérer la petite de temps en temps, ça ne me dérange pas. proposais-je en tout honnêteté. Ce n'est pas mon genre mais je vois bien qu'elle n'en mène pas large en ce moment, alors si je peux l'aider pourquoi pas. C'est bien le rôle du grand frère.

Je l'observe se diriger vers sa fille et la prendre dans ses bras avant de revenir vers moi. La gaine me sourit et je souris en retour devant cette adorable bouille. C'est dingue comme elle ressemble à Nolah petite, la même tronche. C'est bien la première fois qu'un cas te tracasse, pourtant t'en as déjà vu des trucs. répondis-je, suspicieux qu'elle se serve de l'excuse du boulot maintenant. Elle est juge pénal et juge pour mineurs depuis toujours, je suis sûr qu'elle a déjà du voir tous les pires trucs possibles. Alors pourquoi maintenant ? Il y a quelque chose qui cloche, elle me cache quelque chose. Je déteste le vin blanc. Une bière ça ira très bien. Je passe ma vie à boire des bières, plus que de l'eau même. Je ne jure que par ça. Par contre le vin, je ne suis pas fan. A la rigueur un bon vin rouge pour accompagner un bon morceau de viande, mais c'est tout. J'ai horreur du vin blanc. La blonde a raison quand elle dit qu'elle ne me connaît pas ; et je ne la connais pas non plus. Nous avons été séparés pendant si longtemps en même tempes, c'est normal. A mon retour après mes 13 ans passées dehors, nous étions presque comme des inconnus. Même si au cours de ces deux dernières années on s'est un peu rapproché, cela reste très superficiel il ne faut pas se voiler la face. J'attrape la bière qu'elle me tend et l'ouvre avec le briquet qui se trouve dans ma poche. Merci. J'avale un gorgée sans plus tarder. Puis je me mets à fixer Nolah, de mon regard inquisiteur comme je sais si bien le faire. On dirait que je la passe aux rayons X. Tu sais, je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne suis pas aveugle. Dis-moi simplement que tu ne veux pas m'en parler, au lieu de te chercher des excuses bidons. Le tact, je ne connais pas. J'y vais pas par quatre chemins, que ça plaise ou non. Lila tend les bras dans ma direction et je m'approche de Nolah pour récupérer la petite dans mes bras. C'est dingue comme c'est petit et léger à cet âge. Toujours pas de nouvelle de l'autre ? Quand je dis " l'autre ", je fais bien sûr référence à Lucas, le père de Lila. Je ne peux m'empêcher de penser à lui quand je la vois, je pense au mal qu'il a causé en abandonnant Nolah après l'avoir mise enceinte. Je sais qu'au fond, elle ne s'en remet toujours pas. C'est aussi pour cette raison que je fais les efforts que je fais, Nolah a besoin de compagnie après cette désillusion, et Lila a besoin d'une figure masculine dans les environs. Jackson et moi sommes là pour ça, nous le seront toujours.

Mon regard ne quitte pas Nolah, je l'analyse comme je le fais à chaque fois. Mes yeux pourraient être des scanners tant je passe mon temps à passer au peigne fin le comportement des gens qui m'entourent. Un regard fuyant, un sourcil qui se lève, la tête qui se penche, un mouvement des lèvres ou du nez... Il y a tant à comprendre de ces réactions instinctives, ces réflexes. C'est exactement ce qu'il se passe à cet instant : Nolah baisse les yeux. Elle fuit, ou plutôt cherche à éviter une nouvelle guerre entre nous deux. Cela ne lui ressemble pas de mâcher ses mots, et encore moins de les bloquer complètement. Peut-être qu'au fond elle sait que j'ai raison ? Qu'importe. Si elle souhaite éviter la confrontation, ce n'est pas mon genre. Je ne la laisserai pas s'en tirer à si bon compte, même si cela met en péril le repas que nous avons prévu. Il y a des choses plus importantes que l'harmonie dans une relation, et c'est pour moi la vérité. Je veux qu'elle soit franche, et qu'elle me dise enfin ce qui ne va pas. Deux ans qu'elle est comme ça, et je commence à vraiment en avoir marre. Que c'est-il passé réellement avant son arrivée à Brisbane ? Dans un élan de fraternité, je lui propose de l'aider avec Lila, si elle en a besoin. Après tout, et malgré tous les problèmes qui peuvent nous opposer : je suis là pour elles. Ma sœur et ma nièce, rien ne pourra me faire tourner le dos aux liens du sang. Pour certains, cela ne veut rien dire. Ils estiment que ce n'est pas le sang qui fait la famille, mais nos choix. Je ne suis pas d'accord. J'ai beau entretenir des relations compliquées avec Nolah, et dans une moindre mesure Jackson, ils sont tout de même sacrés pour moi. Et depuis mon retour dans leur vie, je m'efforce d'être le plus présent possible. Même si ce n'est pas simple, étant donné nos caractères. Mais au fond, malgré les crises que nous avons traversé et traversons sûrement encore, rien ne pourra nous séparer. J'en ai la certitude. Sois pas bornée, je peux m'en occuper de temps en temps. Je suis son oncle, et comme ça tu pourras te concentrer sur toi un peu. Entre ton boulot et Lila, je te vois pas beaucoup t'amuser. Je suis même sûr qu'elle n'a plus de vie en dehors de ça.

Je viens prendre Lila dans mes bras alors qu'elle me réclame. La petite ne perd pas une seconde avant de tendre ses mains minuscules pour tirer ma barbe et jouer avec, ce qui me fait sourire en coin. Cette petite est à croquer. Nolah commence expliquer la raison de ses problèmes par son travail, et cette excuse me convient nullement. Après tant d'années à exercer, ça ne commence que maintenant à la tracasser ? Elle trouve l'excuse imparable en incluant Lila dans l'équation. Mouais, toujours pas convaincu. Mais cette fois je ne trouve rien à lui rétorquer alors je me contente de prendre la bière et d'en boire une longue gorgée pendant que ma nièce me fixe avec ses grands yeux ouverts. C'est pas pour toi ça. Pas encore en tout cas. souris-je. Mais quand elle sera un peu plus grande, je compte bien lui faire goûter sa première bière. Comme pour Jackson et Nolah, même si cette dernière n'a jamais aimé cette boisson. Les choses s'enveniment légèrement quand je lui reproche de me mentir au lieu de dire la vérité. Cela me vaut de me manger plusieurs vérités dans la tronche, Nolah me reprochant à son tour les mystères que j'entretiens sur ma vie et surtout d'être parti durant treize ans. Je me crispe en l'écoutant et serre la mâchoire à en faire grincer mes dents. C'est typiquement LE sujet que je déteste abordé. Elle n'a jamais compris ce besoin que j'avais de quitter la maison, à cause des parents. Je les ai laisser seuls, mais c'était pour le bien de tous. Le mien en premier, c'est vrai mais qui sait ce qu'il se serait passé si j'étais resté ? Il n'y a rien à dire sur moi. sifflais-je entre les dents. T'as raison : j'en ai rien à foutre. pestais-je en haussant le ton, préférant comme toujours me braquer plutôt que d'avouer que ce qui touche à ma sœur me concerne et surtout m'inquiète.

Le silence retombe pendant que ma cadette se retourne, semblant occuper à préparer le biberon de la petite. J'en profite pour me diriger vers la table et tirer une chaise pour m'y asseoir. Je garde la petite dans mes bras, même s'il faudra bientôt la déposer pour manger. Enfin, si Nolah veut toujours de moi pour dîner. Les dernières paroles de ma blonde attisent ma curiosité. Que c'est-il passé avec Lucas ? C'est bien ce que je pensais, tu nous caches quelque chose. dis-je en la fixant. Les conditions de son arrivée à Brisbane avaient été trop floues, trop soudaine. Lucas qui la met enceinte puis qui part car il ne veut pas d'enfant... après avoir été marié pendant tant de temps avec. C'était pas normal, il devait y avoir autre chose. Que c'est-il passer Nolah ? demandais-je. C'est la dernière fois que je te pose cette question. plantais-je mon regard dans le sien. L'occasion pour elle d'enfin être sincère, se soulager d'un poids... ou pas, têtue comme elle est.

J'éclate de rire quand j'entends la réflexion de Nolah concernant son suppose " bonheur " de vivre ainsi. Enfin vivre, si on peut appeler cela une vie encore. Boulot-Lila, Lila-boulo. Wow, super. C'est peut-être méchant mais c'est plus fort que moi, je suis obligé de rire tellement c'est absurde. Heureuse tu dis ? Mon regard la transperce littéralement. Tu respires la joie de vivre, c'est sûr. gardais-je un sourire amusé au coin des lèvres. Mon attitude risque de la faire sortir de ses gongs mais c'est de sa faute, elle ferait mieux de dire la vérité pour une fois au lieu de s'enfermer dans ses mensonges ! Elle est toute sauf heureuse, c'est bien pour ça que j'essaye de lui tirer les vers du nez. Elle a constamment cet air triste sur le visage, et encore c'est même plus que triste. Parfois, on dirait qu'une partie d'elle est déjà morte. Quand elle ne fait pas attention et que je la regarde, j'ai littéralement l'impression qu'elle n'est pas là, pas dans ce monde. Et je ne comprends pas pourquoi ce comportement, ça ne lui ressemble pas. Nolah a toujours été une battante, une femme pleine de vie et forte. Elle s'est toujours battue et a toujours croqué la vie à pleine dents pour faire ce dont elle a envie de faire. Depuis quand s'est-elle arrête de se battre ? Depuis quand subit-elle sa vie ? Plus j'y pense, plus je crains la réponse. Pour forcer un tel changement chez elle, il faut une explication proportionnée, et donc un événement on ne peut plus grave. Plus le temps passe, plus je suis sûr que ça a un rapport avec Lucas, leur divorce et Lila. Mais bien sûr, je n'ai aucune preuve. Seulement une intuition, et mon instinct ne me trompe que rarement. Sauf que tant que Nolah n'acceptera pas de parler, je n'aurai aucun moyen de savoir la vérité. Et je déteste être dans l'inconnu, ne pas savoir. Je suis curieux de tout, je veux tout savoir, même quand ça ne me concerne pas. Sauf qu'en l'occurrence, ça me concerne puisque c'est de ma sœur dont il s'agit.

Heureusement que Lila est dans les parages ; elle nous évite de trop nous emporter. Même si elle ne comprend pas ce qu'on dit, un éclat de voix trop virulent pourrait la faire pleurer et ni Nolah ni moi ne souhaitons ça. Alors nous nous contentons de parler, même si c'est de plus en plus difficile de ne pas hurler. Nous avons chacun le don de mettre l'autre hors de soi, c'est incroyable. Surtout quand elle vient à me parler de mon absence et du fait que je ne me confie jamais, je pourrais me casser d'ici dans l'instant tant je déteste ce sujet. Mais je reste, sans trop savoir pourquoi. Mais moi je suis ton grand frère ! Ce qui se passe dans ma vie ne vous regarde pas ; ni à toi, ni à Jackson ! Je crois qu'à cet instant, je ne peux pas être de plus mauvaise foi que je ne le suis déjà. Comme si ma place dans la hiérarchie de notre fratrie expliquait mon mystère mais surtout mes intrusions dans la vie de mes cadets. C'est n'importe quoi, mais je ne trouve pas mieux sur le moment. La blonde terminé de préparer le biberon de Lila et vient récupérer la petite dans mes bras. Elle met quelques secondes, le temps d'arriver à lui faire lâcher ma longue barbe. Puis elle va la déposer dans son parc, à l'écart de nous deux, et lui donne le biberon entre les mains avant de venir me rejoindre.

Son comportement attise ma curiosité, encore plus quand elle se sert un verre de vin qu'elle vide d'une traite. Belle descente ; c'est bien ma petite sœur. Je ne la quitte pas des yeux, on dirait qu'elle s'apprête à parler pour une fois. Quoi ?! fronçais-je des sourcils. Lucas ne sait pas pur Lila ? Et il trompait Nolah ? Putain de merde, c'te révélation ! Je me doutais bien que l'excuse de ma cadette était bidon, mais de là à imaginer qu'elle soit cocue... Merde alors. Je l'observe fixer le plafond, sourire. Elle semble lutter contre elle-même, essayer de refouler ses larmes mais aussi ses sentiments. Je n'ai jamais vu ma sœur dans cet état, et quelque chose me dit que ce n'est pas terminé. Mon cœur se met à battre plus rapidement, anticipant une nouvelle bombe qui sortirait de sa bouche. La blonde reprend la parole mais c'est surtout pour pester après son ancien mari, sans me dire réellement ce qu'il s'est passé. Néanmoins, elle mentionne bien un événement passé " ce soir-là ". De quoi parle-t-elle ? De quel soir ? Pour qu'elle le maudisse autant après l'avoir aimé, j'ai peur de ce qu'il a pu faire. Délicatement, je me penche en avant et pose ma main sur l'une des mains de ma sœur, d'un geste attentionné. Que t'a-t-il fait Nolah ? demandais-je. Je l'encourage du regard, ma main caressant le dos de sa main. Je sens qu'elle n'est pas loin de craquer et de tout me révéler, et elle doit le faire. Pour pouvoir avancer. Et j'ai besoin d'être au courant, c'est ma petite sœur après tout.

« Aah alors tu peux garder ta vie secrète par contre, nous on te doit des explications comme des ados ? » A cet instant, je lui lance le regard le plus mauvais que je suis capable de faire. Nolah vient de toucher un point sensible, et elle le sait très bien sinon elle n'aurait rien dit. Oui, je déteste parler de moi, je déteste rendre des comptes. Et ça ne date pas d'hier. Depuis toujours, j'estime que ce que je fais ne regarde que moi, que ma vie ne concerne que moi et que les autres n'ont pas à trop en savoir. Je suis très secret, et je l'ai toujours été. En revanche, je n'accepte pas que l'on soit comme ça avec moi. Je veux savoir tout de Nolah, de Jackson, et de tous ceux qui comptent pour moi. Malheureusement, ce n'est pas simple. Jacks est comme moi et ne me dit pas grand chose, et Nolah encore moi. Ma sœur est une vraie tombe, depuis des années. Et cela est renforcé par le fait que je suis bien plus complice avec notre frère qu'avec elle. Mais c'est aussi le cas pour elle. Jackson arrive à avoir une relation à peu près normale avec tout le monde, ce qui n'est pas le cas de nous deux. M'enfin, c'est ainsi. Pour ne pas exploser de colère et foutre toute cette soirée en l'air, je me mords violemment la joue et ferme les yeux quelques secondes. Je ravale tout ce que j'ai envie de gueuler, et prends sur moi comme rarement. J'espère que la blonde appréciera cet effort de ma part, ce n'est pas souvent que je le fais. Mais finalement, j'arrive à me calmer et à passer outre. Je rouvre les yeux et croise les siens, le sujet est clos pour ce soir. Si je fais tout ça, c'est parce que j'estime qu'il y a des choses plus importantes ce soir, et notamment d'enfin crever l'abcès. Je veux savoir ce qui arrive à ma petite sœur depuis son divorce, je veux savoir ce qu'il s'est passé. Je ne suis pas aveugle, et j'ai toujours eu une sacré intuition. Je sens quand on me ment ou qu'on me cache quelque chose, et j'ai cette sensation depuis qu'elle a débarqué à Brisbane avec Lila dans le ventre. Nolah m'apprend alors plusieurs choses. Tout d'abord que Lucas ne sait pas pour Lila, mais aussi qu'il l'a trompée durant trois ans. Je dois avouer que je ne m'y attendais pas du tout, et j'ai l'impression de m'être pris une gifle en pleine gueule. Mais elle m'apprend quelque chose de bien plus important : c'est qu'il y a pire. Elle ne le mentionne pas directement, mais sa façon de parler et surtout cette lueur au fond de ses yeux... je sais qu'il y a autre chose. Et je sais que ça ne va pas me plaire. Ma main vient se déposer sur la sienne, j'essaye de lui montrer que je suis là. D'une façon différente de d'habitude, j'essaye de me montrer plus tendre. Son regard est rempli de larmes, je n'ai jamais vu ma sœur dans cet état. Son récit commence et je ne l'interromps pas. Elle m'explique d'abord le contexte de la soirée, avant de serrer ma main contre la sienne pour se donner du courage. Je ne la lâche pas, ni sa main ni des yeux, comme pour lui dire : Je suis là. Enfin, j'apprends la vérité. Le comportement de Lucas, le viol de Nolah, et la venue de Lila... J'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes pieds, et que je tombe à l'infini. Mon regard se perd au delà de Nolah, je l'ai en face des yeux mais je ne la regarde plus. J'ai l'impression de mal comprendre. Mais surtout, d'avoir échoué. Je n'ai pas su la protéger, je n'ai pas été là quand elle en avait besoin. Sans rien contrôler, je frappe la table d'un grand coup de poing et me lève si brusquement que ma chaise tombe en arrière. Je ne sais pas si c'est le bruit ou quoi, mais les pleurs de Lila se font entendre et l'avocate disparaît. Quand elle revient, elle tient sa fille dans ses bras. Je l'entends vaguement me parler de Lila et du fait de n'avoir aucun regret. Mes yeux se posent sur la petite, comment en avoir ? Elle est si adorable, et nous a apporté à tous tellement. Néanmoins, la regarder ne m'apaise pas, bien au contraire. Je vais le buter Nolah. Je vais crever ce fils de pute ! dis-je en relevant les yeux vers ma sœur. Je suis aussi sérieux que possible, il n'y a aucune plaisanterie dans le ton de ma voix. Tu sais où il est parti ? je demande, au cas où. Cela me permettrait d'agir plus vite, mais sinon je trouverai quand même un moyen de le retrouver et de lui faire la peau. Il n'y échappera pas.

Je n'en reviens toujours pas. L'information a du mal à être assimilée par mon cerveau. Les révélations de Nolah me semblent si irréelles. C'est impossible, impensable même. Nolah, ma petite sœur, a été violée par son mari ? Et Lila est née de ce tragique événement ? Un frisson me parcourt le corps tout entier alors que j'ai l'impression que le monde tourne autour de moi. Je n'y crois pas, ça ne se peut pas. Mon sang bout en moi, si Lucas était dans cette pièce je l'aurais tué sur le champ. Je me connais. Je me lève d'un bond, renverse la chaise. Un œil en direction de ma main et je remarque qu'elle tremble sous l'excitation de la colère. Je m'en veux tellement. J'ai l'impression d'avoir abandonné ma sœur, de ne pas avoir assumé mon rôle de grand frère. J'aurais dû être là, j'aurais dû la protéger. Quand je pense qu'elle a dû endurer cela toute seule, vivre avec, le surmonter, et même élever Lila... Tout cela en ne disant rien, en gardant son secret au fond d'elle. D'ailleurs, une partie de ma colère est dirigée vers Nolah. Elle aurait dû nous en parler, au moins à moi. Je ne comprends pas pourquoi elle n'a rien dit, je suis son grand frère merde ! Je l'aurais aidée, je l'aurais soutenue, j'aurais été là pour elle. Je me serais rattrapé de n'avoir pas été là cette nuit, de ne pas avoir pu la protéger de lui. L'ordure. Mais yeux se posent sur Lila qui pleure mais cela ne m’adoucit pas le moins du monde. Au contraire, elle aussi mérite d'être vengée. Elle méritait d'avoir un meilleur père et une vraie vie de famille. Lucas lui a aussi retiré ça à elle. Il va payer, il n'y échappera pas. « Parce que tu crois que c'est ce qui arrangera les choses ? Ça te soulagera peut être, mais ça ne changera en rien ce qu'il m'a fait ! Je ne sais pas où il est et je ne veux pas le savoir d'accord ? » Je lance un regard noir à ma sœur. Parce que ne rien dire ça arrange les choses peut-être ? Garder ça pour toi, être tellement mystérieuse alors qu'il t'est arrivé... Ma voix s'étrangle, je n'arrive pas à mettre de mots sur ce qui lui est arrivé. Jackson sait ? Question bête, bien sûr que non. Elle n'a pas besoin de le dire, je le lis dans ses yeux. Elle a toujours voulu protéger notre petit frère, si elle ne me l'a pas dit elle ne lui a rien dit non plus. On avait le droit de savoir Nolah, tu n'avais pas à surmonter ça toute seule ! Les pleurs de ma nièce parviennent à détourner mon attention et je commence à faire les cent pas dans la pièce en tentant de me calmer. Je ne dois pas m'énerver sur la juge, elle a déjà assez souffert comme ça. « Quand je suis arrivée ici, j'ai vu une psy, je vais mieux Bryan, ok ? Rien ne pourra changer ce qu'il s'est passé ce soir là, alors s'il te plaît...s'il te plaît, calme toi, au moins devant Lila ! » Au fond, je sous soulagé qu'elle ait quand même décidé de suivre un psy. Au moins, elle a pu en parler à quelqu'un. De plus qualifié que Jackson et moi c'est sûr. Et elle a raison, je dois me calmer, au moins devant Lila. Je fais quelques pas dans sa direction pour me retrouver devant ma sœur. Mon bras s'enroule autour d'elle et je la presse contre moi quelques instants, avant de déposer un baiser protecteur sur son front. Je suis désolé p'tite sœur. Mais je peux pas rester les bras croisés. Il ne peut pas s'en sortir indemne après ce qu'il t'a fait, je vais m'en assurer personnellement. Le regard que je lui lance montre à quel point je suis sérieux, mais surtout déterminé. Désolé pour le repas... ajoutais-je en faisant comprendre que je ne comptais plus rester pour manger. Comment pourrais-je encore avoir faim de toute façon ? Sans plus attendre je tourne les talons et me dirige vers la porte d'entrée de son studio. Il est temps de retrouver Lucas.