23h30. Je suis seul dans un coin du parc. Garé sur l'herbe, proche du grand arbre, je me dit que je suis bien con de faire ce que je comptes faire. Mon kiné et mon médecin ne m'ont-ils pas tous les deux dit qu'il était encore trop tôt ? Que pouvoir bouger mes pieds n'était pas encore suffisant pour tenter de se lever ? Sans doute. Mais peu importe. Je veux tester par moi-même. Ça fait 2 semaines que je suis une rééducation quotidienne. J'arrive le matin dans le centre et en repart le soir. J'ai déjà fait pas mal de progrès mais ça va beaucoup trop lentement pour moi. Je suis au point de réussir à plier 5 fois le genoux droit et 3 fois le gauche avant que mes muscles ne se fatigues. S'en est désespérant. Depuis 3 jours je suis à ce stade où je stagne et ça me frustre horriblement.

En général, le soir je suis tellement crevé que je me repose et que vais au lit de bonne heure. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, j'ai attendu qu'Hayden se soit endormi pour sortir de chez lui. Faisant le moins de bruit possible, j'ai mit mes baskets, attraper les clefs de la porte et l'ai refermé derrière moi. Doucement, j'ai roulé sur le trottoir en direction du parc où je me suis mis un peu à l'écart. Bizarrement, il y a encore pas mal de monde sur les routes. Sans doute est-ce la chaleur de l'été qui les fait sortir et rester éveillé tardivement. Compréhensible, je dois dire. Mais peu importe.

Je suis donc, présentement garé sur l'herbe. Je regarde autour de moi puis me penche en avant et replis mon repose pieds. Manuellement, je met mes pieds correctement en place sur l'herbe et m'avance sur le fauteuil. Je vérifie une dernière fois que mes freins sont bien enclenchés, avant de prendre une profonde inspiration et pousser sur mes bras. Concentré au maximum, je me redresse et me lâche doucement. Un large sourire s'empare de mes lèvre lorsque je remarque que mes jambes me portent. Plus ou moins. Pas très stable, vraiment pas stable, mais elles me portent ! Je me tiens en équilibre, là, sur le sol. Les battements de mon cœurs s'accélèrent, déversant l'adrénaline dans mes veines.

Porté par cette euphorie, je tente un pas. Doucement, je met le poids de mon corps sur le pied droit et lève le gauche. D'un geste plus ou moins contrôlé, je parviens à poser le pied au sol. Les bras écartés, je tangue un peu mais parviens à gardé un équilibre tout juste assez bon pour ne pas que je tombe. Me mordant la lèvre inférieure, je met mon poids sur le pied gauche dans le but de faire un deuxième pas, mais au moment où je levais mon pieds droit, mon genou flanche et je m'écroule littéralement au sol. Assis sur ma jambe gauche qui est repliée sous moi, je reste un instant sans bouger....

…. puis me laisse tomber en arrière et éclate de rire. Un rire joyeux qui résonne dans le parc. Sans doute que quelques gens me regarde, mais j'en ai tellement rien à faire. Allongé sur l'herbe, les jambes dans une position pas très physiologiques, j'ai les yeux fermé et les mains posées sur mon visage, essayant tant bien que mal de calmer mon rire. Mais dans le fond, je crois que je n'ai pas envie que ce rire s'arrête. Ça fait beaucoup trop longtemps que je n'ai plus ris ainsi que je ne vais pas m'arrêter maintenant.

S'il y a bien quelque-chose qui, parfois, manque à Kaecy, c'est le silence. Vous savez, quand vous avez passé plus de la moitié de votre vie dans le silence, il vous manque plus rapidement qu'à celui ou celle qui ne l'a jamais réellement connu. Mais quand vous avez deux petits garçons de cinq ans à charge, le silence n'est jamais au rendez-vous, ou trop rarement pour que vous puissiez réellement l'apprécier. Alors, de temps à autres, après une journée de travail plutôt chargée, quand elle sait qu'Elio n'est pas prêt de partir pour le boulot, Kaecy s'autorise à apprécier le silence de nouveau. Pas loin de son travail, il y a un parc. Elle le connait bien, il lui arrive régulièrement d'y emmener les jumeaux. Mais aujourd'hui, elle s'y rend seule. Arrivée devant l'entrée de celui-ci, elle s'arrêta quelques instants, prenant une grande bouffée d'air. Puis elle glisse délicatement sa main au niveau de son oreille droite d'abord, puis de sa gauche, pour enfin se retrouver dans le silence le plus complet. Kaecy ferma alors les yeux. Ca faisait du bien de revenir à l'état de base, comme elle l'appelait dans sa tête. Cette bulle dans laquelle très peu de personnes sont autorisées à rentrer. Cette bulle de calme et de paix pendant quelques instants. Elle finit alors par rouvrir les yeux, le sourire aux lèvres, et se mit à marcher dans le parc sans but réellement précis.

Le temps passa vite, et sans qu'elle s'en rende réellement compte, cela faisait déjà une bonne heure que Kaecy marchait dans le parc. Elio lui avait déjà envoyé plusieurs messages, auxquels elle avait répondu rapidement pour ne pas qu'il s'inquiète. Entre eux, c'était pire que s'ils étaient mariés. Ils étaient toujours là à s'inquiéter l'un pour l'autre, encore plus depuis qu'ils habitaient ensemble. Mais Kaecy avait toujours aimé ça, cette complicité là qu'ils avaient. Pour rien au monde elle aurait échangé ça contre autre chose. Après tout, c'était grâce à ça qu'elle était la femme qu'elle est aujourd'hui. Relevant la tête de son téléphone, elle commença à regarder dans quel coin du parc elle se situait, pour retrouver la sortie qui mènerait à sa voiture. La nuit était de plus en plus présente et regarder au loin devenait de plus en plus compliqué, surtout que seules les grandes allées du parc étaient bien éclairées. Cependant, au loin, Kaecy sembla apercevoir une silhouette debout. Le plus intriguant, c'était surtout que cet homme - car il s'agissait finalement d'un homme en y regardant de plus près - était debout mais devant son fauteuil roulant. Kaecy fronça les sourcils. En général, les personnes ayant un fauteuil ne pouvaient pas se lever. Et encore moins tenir debout. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait cette situation que moyen. Elle décida donc d'aller voir de plus près. Et c'est alors qu'elle s'avançait qu'au ralentit, l'action se passa. Dans un premier temps, le jeune homme semblait tenir plus ou moins bien sur ses jambes, de loin en tous cas. Cependant, à un moment, sans crier gare, il s'écroula au sol. Kaecy vit chaque seconde de cette chute, mais impuissante à la vue de la distance qui la séparait du jeune homme. Quand elle vit qu'il touchait le sol, elle se mit alors à courir, les yeux et la bouche grand ouverts d'effroi, dans sa direction. Et quand elle se trouva à quelques mètres de lui, le jeune homme qui lui semblait plutôt familier, se mit à rire, d'un de ces rires qui vous filent des frissons tellement ils sont vrais et libérateurs. Kaecy jeta alors son sac à terre pour venir s'accroupir aux côtés du jeune homme, ne comprenant pas pourquoi il riait de la sorte alors qu'il venait de faire une belle chute.

« Oh mon Dieu, mon Dieu, vous allez bien ? »

Maintenant qu'elle était à une distance plus raisonnable, Kaecy pouvait voir le visage du jeune homme, et c'est alors qu'elle se rappela qu'elle l'avait bien déjà vu quelque part. C'était un autre endroit, à un moment où le jeune homme ne riait pas de la sorte ça c'était sûr. Pourtant, le festival estival était un moment dans l'année que tous les habitants de Brisbane attendaient avec impatience et qui était réputé pour apporter de la bonne humeur.

« Nathan ? Mais qu'est-ce que tu fais ? »

Je rigole encore et encore et je ne peux tout simplement pas m’arrête. C'est bon, c'est parfait. C'est tellement délivrant. Je n'ai plus rigolé ainsi depuis longtemps. Beaucoup trop longtemps. On devrait tous se rappeler de la dernière fois que l'ont a ris aux éclats, mais moi je ne m'en souvients, malheureusement, plus. Et c'est bien pour cette raison là que je ne me retiens pas. Peu importe si des gens m'entendent, qu'ils m'ignorent ou, mieux, rigolent avec moi. Ce n'est pas moi qui vait me retenir. Pas aujourd'hui, pas maintenant.

Et pourtant, j'entends finalement des pas s'approcher de moi. Je tente de me reprendre en main et me calmer lorsque j'entends la voix inquiète que cette personne. Une voix fémine qui me demande si je vais bien. J'enlève la main de mon visage et me redresse un instant, levant mon regard sur le jeune femme. C'est a ce moment là que je la reconnais. Ces yeux de biche, ces cheveux bruns, ces lèvres, ce visage marquant. Kaecy Wilson, la jeune femme qui m'a aidé à passé devant tout le monde lors du dernier festival et à qui je suis redevable. Je lui offre un large sourire, encore plus lorsqu'elle me reconnaît et me demande ce que je fais là. Par terre, allongé devant mon fauteuil, sans doute. J'hausse les épaules et prends un air innocent.

 « J'en sais rien » disais-je d'une voix étouffé par un éclat de rire. Je fini par me reculer à nouveau, pose une main sur mon ventre et, fermant les yeux, souffle pour me calmer. Une fois que j'ai repris mes esprits et que je me contrôle de nouveau, je me redresse  « Pardon, désolé » m'excusais-je en m’asseyant sur le sol  « J'ai essayé de marcher mais ça a fait un gros flop » ricanais-je avant de tourner à nouveau mon regard sur la jeune femme  « Mais j'étais debout !» reprenais-je sur un ton totalement enjoué  « T'as vu ? J'ai tenu debout, quelques instant et j'ai même fait un pas !» je me redresse  «Kaecy, je vais remarcher. Tu t'en rends comptes de ça ?  » demandais-je en faisant un signe en mode 'mind blowing' avec mes mains  « Pas moi en tout cas » je me redresse et déplie ma jambe qui commence à être engourdie. Je les places correctement au sol puis m'appuie en arrière et prends une profonde inspiration  « ça va ? Depuis le temps ?» lui demandais-je avec un large sourire qui ne me quitte définitivement plus.

Le jeune homme semble réussir à reprendre plus ou moins son souffle, après quelques secondes de latence où il dût sûrement remettre le visage de Kaecy. Après tout, les deux jeunes gens ne s'étaient vu qu'une seule fois dans leurs vies, même si cette rencontre avait plutôt été marquante. Enfin, Kaecy l'avait considéré comme marquante. Ce jeune homme qui semblait si perdu au moment où elle l'avait rencontré. Elle connaissait ces moments là, dans une vie, où vous vous sentez comme en chute libre, tomber, perdu. Et quand elle le voyait chez les autres, elle ne pouvait s'empêcher d'intervenir. Pour Nathan, ça n'avait pas été grand chose, mais elle avait gardé en mémoire cette rencontre, parce-qu'elle avait été touchée, en un point. Alors, le voir comme ça là aujourd'hui, rire à gorge déployée comme s'il était l'homme le plus heureux sur terre, ça la surprenait, surtout après une telle chute, lui qui était paralysé des jambes. Elle n'attendait qu'une chose maintenant, c'était qu'il lui réponde, pour savoir si elle devait réellement s'inquiéter ou pas.

« J'en sais rien »

Comme réponse, elle avait vu plus claire, plus précise. Fronçant ses sourcils, la jeune femme était un peu perdue. Nathan tombait, riait, mais ne savait pas s'il allait bien ou pas. En règle générale, on riait lorsqu'on allait bien et qu'on était heureux. Pas lorsqu'on était mal en point.

« Pardon, désolé. J'ai essayé de marcher mais ça a fait un gros flop. Mais j'étais debout ! T'as vu ? J'ai tenu debout, quelques instant et j'ai même fait un pas ! Kaecy, je vais remarcher. Tu t'en rends comptes de ça. Pas moi en tout cas.
- Attends, qu'est-ce que tu racontes là ? »

Les mots raisonnaient comme absurdes dans la tête de Kaecy. Jusqu'à preuve du contraire, une personne qui était paralysée l'était à vie. Hors, Nathan était en train de lui dire... Qu'il allait remarché ? C'était, certes, une bonne nouvelle, mais c'était quelque-chose qu'elle n'arrivait pas à comprendre en cet instant même. Surtout là, dans ce petit parc, à un moment complètement insensé de la journée. Mais le pire dans la réplique de Nathan, ce fut ce qu'il dit ensuite, comme si tout était normal. Comme si ce qu'il venait de balancer comme ça n'avait pas d'importance, d'impact.

« ça va ? Depuis le temps ? »

Et du coup, la seule réaction que Kaecy réussit à avoir, à son tour, ce fut de rire. Parce-que cette scène était tirée par les cheveux, qu'elle avait eu une journée épuisante, qu'elle était épuisée tout court. Qu'elle était sur les nerfs et que rire était plutôt extrêmement libérateur. Elle se mit à rire d'un rire tout doux, presque silencieux, comme elle l'avait toujours fait. Car quand vous ne vous entendez pas parler ou rire, vous faites tous les sons dans l'excès: soit le silence, soit le bruit. Kaecy, c'était le silence elle. Et son rire dura peut-être pendant deux, à trois minutes, où elle ne répondit pas à Nathan. Et finalement, lorsqu'elle retrouva un semblant de calme elle aussi, elle vint s'asseoir correctement à côté de lui, sur l'herbe, alors qu'elle savait qu'elle devait rentrer pour qu'Elio n'arrive en retard au boulot, et pour pas qu'il s'inquiète de ne pas la voir rentrer. Mais c'était comme si elle sentait qu'elle devait se poser là quelques instants.

« Et bah écoutes, ça va plutôt bien on va dire. Si des fois j'avais un peu plus de temps de repos dans ma journée, ça serait pas de refus, mais j'apprends à faire sans quoi ! »

Si je rigole de cette manière là, ce n'est aucunement nerveux. C'est simplement parce que j'ai envie de rigoler et que ça fait beaucoup trop longtemps que ça n'est plus arrivé. Presque deux mois que j'ai passé à me morfondre, à me remettre en question et a me demandé si je n'étais pas mieux à Cambridge. Deux mois que je n'ai plus souris, que je me rétracté sur moi-même, que je me suis fait tout petit, que je n'ai plus osé dire quoique ce soit et que j'ai perdu toute confiance en moi-même. Ma relation avec Daniel m'a plus ou moins détruite, elle n'était pas ce qu'il me fallait. Et c'est sans doute pour ça, parce que je suis enfin délivré de ce qui m'enchaînait à cette vie de dépression, que je rigole maintenant.

Et pourtant, Kaecy, lorsqu'elle me rejoint, semble réellement se demander pourquoi je suis là, à rire à gorge déployer. Elle ne m'a donc pas vu marcher ? Et quand bien même n'aurait-ce pas été le cas, un handicapé ne peut-il pas rigoler, lui aussi ? Enfin, n'allons pas trop loin dans les spéculations. Je m'arrête là dans mon essaie de raisonner et fini par me calmer. Je réussi enfin à dire à mon amie les raisons pour lesquelles je suis si joyeux et ça l'étonne encore plus. En voyant sa tête je rigole à nouveau.

 « Ma réaction !» m'exclamais-je en désignant le visage de la jeune femme avant d'hausser les épaules  «Enfin, en plus de ça j'ai pleuré de joie mais on s'en fout  » je fais un signe de la main puis souris à nouveau  «Enfin … ouais. Je suis entrain de réapprendre à marcher- » j'hausse les épaules  « Si tu ne peux pas y croire, sache que moi-même j'ai encore du mal à me dire que je viens de faire un pas, là »

C'est alors que même Kaecy se met à rigoler. Doucement, presque silencieusement. Un rire doux des plus agréables. Je l'observe avec une certaine tendresse puis me redresse et me décale un peu lorsqu'elle se pose à mes côtés. Je lui demande comment elle va depuis la dernière fois qu'on s'est vu. Se couchant, elle me répond que ça va plutôt bien même si elle adorerait avoir plus de temps pour elle-même dans ses journées. Je souris doucement.

 « Faut te prendre ce temps » lui répondais-je en m'allongeant à ses côtés  «Je veux dire, chacun à au moins 10 minutes pour lui-même, non ? Si non, c'est qu'on fait quelque chose de faux dans la vie » je souris et croise les bras derrière ma tête  « Mais bon, ça la plupart des gens ne le comprenne pas » j'hausse les épaules puis tourne le regard vers elle  « Faudrait qu'on se refasse un concert un jour, non ? » demandais-je avec un sourire encore plus large.  «Je ne t'ai même pas remercié pour la dernière fois, je crois  » je plisse légèrement les yeux sous la réflexion.

La jeune femme semblait surprise quant à la raison de la réaction de Nathan, et ça pouvait être compréhensible. D'une parce-que en général quand on était dans un fauteuil roulant, les dégâts étaient souvent irréversibles et qu'il était rare de pouvoir tomber sur quelqu'un qui pouvait se vanter d'avoir réussi à faire un pas après du temps passé en fauteuil. Mais au fond, elle était contente pour le jeune homme. Quoi de plus beau que de pouvoir réaliser ses rêves les plus fous ? Leur conversation changea ensuite de sujet lorsque Kaecy prit enfin place aux côtés de Nathan, sur le sol. Le jeune homme lui demanda comment elle pouvait aller depuis leur dernière et première rencontre, ce à quoi Kaecy répondit qu'elle aurait aimé avoir plus de temps pour elle.

« Faut te prendre ce temps. Je veux dire, chacun à au moins 10 minutes pour lui-même, non ? Si non, c'est qu'on fait quelque chose de faux dans la vie. Mais bon, ça la plupart des gens ne le comprenne pas.
- J'avais du temps. Mais avant, maintenant... J'ai l'impression parfois que mes journées défilent à mille à l'heure sans que j'ai le temps de le remarquer ou le temps d'apprécier réellement quoi que ce soit. Avec le boulot, et puis les jumeaux... »

Kaecy eut un petit soupire. C'était bien vrai qu'avant, elle avait plus de temps. Avant, elle avait le temps de sortir de le soir prendre un verre avec des amis ou des collègues, des collaborateurs, ou de juste sortir pour le plaisir de voir où la soirée allait mener, s'asseoir dans un café et rencontrer des gens. Faire de la musique aussi, ça ça lui manquait. Elle s'était toujours dit qu'elle apprendrait d'un nouvel instrument une fois qu'elle serait diplômée et qu'elle aurait une vie plus stable et mieux installée, parce-que la musique avait toujours été une partie importante de sa vie. C'était aussi grâce à ça qu'Elio et elle s'était rapprochés, étant petits. C'était également une des choses qui l'ont aidé à supporter son handicap. Et rien que le fait de se dire qu'elle n'avait plus réellement le temps de prendre le temps de jouer de la musique, ça la rendait triste parfois. Mais malgré tout, elle adorait sa vie actuelle et ne regrettait aucun choix qu'elle avait pu faire jusque maintenant, car même si élever deux gamins de cinq ans, ce n'était pas toujours une partie de plaisir, elle les aimait et ferait n'importe quoi pour qu'ils aient une bonne et belle vie d'enfants malgré leur histoire personnelle déjà bien lourde pour leur âge. Mais Nathan avait sûrement raison, d'un autre côté. Si nous n'avons pas le temps de se prendre rien que dix minutes par jour pour soi, quel était le but de la vie alors, si ce n'était pas d'en profiter ? Kaecy finit par relever la tête en direction du jeune homme. Il la regarde aussi et reprend très vite la parole, abordant un très large sourire - très contagieux d'ailleurs, à en regarder par celui de Kaecy qui commençait à s'afficher.

« Faudrait qu'on se refasse un concert un jour, non ?
- Carrément ! Je ne sais pas s'il y a des trucs cools qui passent en ce moment, mais franchement, sur ce coup là je suis ton homme ! Un petit concert de rock ça serait stylé !
- Je ne t'ai même pas remercié pour la dernière fois, je crois. »

Kaecy fronça les sourcils, un peu surprise par la phrase de Nathan. La dernière fois, ça, cette partie là de la phrase, elle comprenait parfaitement. Il faisait référence au concert qu'ils avaient passé tous les deux, de façon inopinée, après s'être rencontrés plutôt par hasard. Mais elle ne voyait pas réellement pourquoi il voulait la remercier maintenant.

« Pas de soucis, mais me remercier de quoi ? Je sais que je suis de très bonne compagnie, mais tu me remercies pas de ma compagnie, enfin j'espère ! »

Je suis quelque peu étonné de l’explication de Kaecy concernant son manque de temps. Elle n'a pas l'occasion de voir le temps défiler à cause du boulot … et des jumeaux ? J'arque un sourcil. Des jumeaux ? Elle est … mère ? Je l'observe, me demandant un instant si elle se fout de ma gueule ou non. Lorsque j'incline la tête sur le côté et que je me redresse, je reprends la parole.  « Tu … je savais pas que tu as des enfants ...»soufflais-je. Je ne devrais pas m'étonner pourtant, non ? Je veux dire, ce n'est pas non plus rare d'avoir des jeunes femmes de 26 ans qui sont déjà mariés et mères.

Mais Kaecy m'a toujours sembler être une femme indépendante, qui préfère s'amuser plutôt que de devoir se taper l'éducation de deux enfants. Des jumeaux qui plus est !  « Ils ont quel âge ? » demandais-je, histoire de m'intéresser un peu à son cas. Peut-être réussirais-je à en savoir encore plus ? Dans tous les cas j'hausse les épaules  «M'enfin ouais, je comprends mieux maintenant pourquoi tu n'as pas le temps  » je lui souris  «Je penses que les enfants peuvent vraiment te donner du file à retordre » je rigole doucement puis me redresse d'avantage pour me retrouver en position assise.

Je fini par lui dire qu'on devrait vraiment se refaire un concert ensemble. Elle semble totalement enchanté par cette idée, argumentant avec le fait qu'un concert de rock serait vraiment stylé. J'hoche la tête  « C'est exactement ce que je pensais ! J'irais voir en rentrante qui se joue les prochains jours. Je te tiendrais au courant » Après le concert j'ai fouillé un peu les réseaux sociaux et je suis finalement tombé sur la page facebook de Kaecy. C'est d'ailleurs grâce à ça que nous avons put rester en contact.

Je fini par la remercier, chose qu'elle ne semble vraiment pas comprendre. Sans doute que ses actes lors du festival, qu'elle ait tout fait pour que je puisse trouver une place convenable dans le publique, lui semble totalement banal. Mais ce qui est banal pour les uns, ne l'est -très souvent – pas pour moi. Je lui souris donc tranquillement et hausse les épaules  « ça va peut-être te sembler débile mais … je te remercie d'avoir insister que je reste au concert, lors du festival, tu te souviens ?» je pose mon regard sur la jeune femme  « Moi j'étais vraiment décidé de partir parce que je ne prenais vraiment aucun plaisir là, sur place, derrière le publique et toi, t'as fait quoi ? T'as simplement empoigné les poignées de mon fauteuil et sans me laisser le temps de faire quoique ce soit tu m'as trouvé une excellente place » mon sourire s'agrandit d'avantage en y repensant  « Donc voilà, c'est un peu … beaucoup … grâce à toi que j'ai pu, finalement, passer une excellente soirée cet fois là » et en plus nous avons bien discuter par la suite.

« Tu … je savais pas que tu as des enfants ...»

Kaecy prêta attention quelques instant à Nathan, avant d'avoir un petit rire. Elle avait oublié combien ça pouvait perturber les gens d'apprendre qu'elle élevait des enfants. Il était vrai qu'elle ne dégageait pas du tout cette attitude là, quand on la connaissait peu ou depuis peu de temps. Elle n'avait que 27 ans après tout, la plupart des gens préféraient encore en profiter à cet âge là avant d'avoir des enfants à charge. Et Kaecy était encore dans ce cas là il n'y avait même pas un an. Mais la vie avait fait qu'elle s'était retrouvée à habiter dans l'appartement de son meilleur ami pour pouvoir l'aider à élever ses deux neveux de cinq ans. Ce n'était pas facile tous les jours, certes, mais elle ne regrettait en rien sa décision. D'un côté, ça l'avait faite murir, et de l'autre elle s'en serait beaucoup trop voulu si Elio les avait pris tout seul sous son aile. Ils auraient fini obèses ou en prison à dix ans, il y aurait eu de grandes chances ! Surtout que c'était elle qui l'avait poussé à les prendre chez lui plutôt que de les laisser dans le système pourri des enfants à adopter. Surtout deux terreurs de cinq ans.

« Je n'ai pas réellement des enfants, n'aies pas peur. En réalité, c'est les neveux de mon meilleur ami, et il les a en charge suite au décès de sa soeur... Sauf que tout seul il les aurait tué, je pense, alors je suis venue à la rescousse. Tordu, je sais, j'admets !
- Ils ont quel âge ? M'enfin ouais, je comprends mieux maintenant pourquoi tu n'as pas le temps. Je penses que les enfants peuvent vraiment te donner du file à retordre.
- Ils ont cinq ans, et ouais, il en donne t'imagines même pas ! J'me dis parfois qu'on a du courage en fait ! »

Elle eut un petit rire en passant à Scott et Dany. En réalité, elle disait tout le temps que c'était des terreurs, mais au fond ils étaient juste adorables avec leurs petites bouilles d'anges. C'étaient juste deux gamins hyper-excités en permanence et demandant beaucoup d'attention. Mais comme la plupart des gamins de cet âge là, au final. C'est juste qu'à vingt-sept ans, on n'a pas forcément l'habitude de côtoyer ce genre de phénomènes.

« Et du coup au final je pense que tu en sais plus sur ces gamins que tu pensais en savoir en disant ça, tant pis ! Désolée, j'ai parfois tendance à m'emporter - dans le bon sens du terme hein ! - quand on parle d'eux ! »

Elle finit par faire un petit sourire, un peu tordu, d'excuses à Nathan. Elle savait qu'elle parlait un peu trop quand il s'agissait des jumeaux. Mais elle n'y pouvait rien, elle les aimait trop pour pas le faire. Car on s'attache vite à ces petites bêtes là mine de rien ! Nathan enchaîna ensuite sur le concert, lui disant qu'il serait partant pour du rock et qu'il la tiendrait au courant. Kaecy était contente de savoir qu'elle allait passer un autre bon moment avec lui, car elle trouvait qu'il était une personne vraiment sympathique et agréable avec qui être. Mais par contre, c'était aussi dans ces moments là qu'elle se rendait comptes qu'elle ne consacrait peut-être plus assez de temps aux gens qui l'entouraient. Comme par exemple sa mère qu'elle n'avait pas vu depuis elle ne savait combien de temps. Beaucoup trop de temps, d'ailleurs. Elle l'avait régulièrement au téléphone, mais ce n'était pas pareil. Surtout qu'en plus, elles habitaient dans la même ville. Le comble quoi. Elle se dit donc, à ce moment là, qu'elle irait voir sa mère le lendemain - elle savait qu'elles en avaient besoin toutes les deux.

« Ca va peut-être te sembler débile mais … je te remercie d'avoir insister que je reste au concert, lors du festival, tu te souviens ? Moi j'étais vraiment décidé de partir parce que je ne prenais vraiment aucun plaisir là, sur place, derrière le publique et toi, t'as fait quoi ? T'as simplement empoigné les poignées de mon fauteuil et sans me laisser le temps de faire quoique ce soit tu m'as trouvé une excellente place. Donc voilà, c'est un peu … beaucoup … grâce à toi que j'ai pu, finalement, passer une excellente soirée cet fois là. »

Alors, un immense sourire vint traverser le visage de Kaecy. Parce-que bien sur, elle se souvenait. C'était juste qu'elle n'avait pas compris que Nathan parlait de ce moment là. Car la façon dont il décrivait la scène, Kaecy avait l'impression d'entendre qu'elle avait fait quelque-chose d'extraordinaire, alors que pour elle, dans sa façon de penser, elle avait juste agit "normalement", si on peut dire. Dans la vie, de toutes façons, elle aimait que les autres soient bien dans leur peau et heureux, et elle essayait d'ajuster ses actions dans cette finalisation. Et apparemment, ce soir là, ça avait marché.

« Franchement Nathan c'était rien ! Mais j'suis contente que ça ait rendu ta soirée meilleure. C'était le but hein ! Et puis en général, soit je ne laisse pas le temps de répliquer, soit je ne cède pas, dans ce genre de situation. Attends, tu méritais vachement une meilleure place, c'était clair ! Surtout que le concert était génial, ça aurait vraiment été dommage que tu loupes ça ! Tu crois pas ? En tous cas, pour la prochaine fois, on prendra directement des places devant, comme ça pas de soucis ! »

Ça me choque réellement que Kaecy ait des enfants. Je ne l'imagine tellement pas dans ce rôle. Certes, le rôle de mère lui va très bien -comme à la plupart des femmes, je dois dire- mais … je ne sais pas. Je ne saurais dire pourquoi. Peut-être est-ce parce que je l'ai connu lors d'un concert ? Et qu'elle semblait totalement libre dans ses choix ? Je crois que je ne me suis jamais autant trompé sur la vie d'une autre personne. Mais, lorsque je lui pose la question, elle rigole doucement. J'incline légèrement la tête sur le côté et l'observe, me demandant ce qu'il y a de marrant. Et au final, c'est en entendant sa réponse que je comprends ce brusque accès de rire. Ces enfants, ces jumeaux, ne sont pas les siens. Intérieurement, je soupire de soulagement, extérieurement je fronce d'avantage les sourcils, l'interrogeant du regard.

Il s'agit, en fait, des neveux de son meilleurs amis. Kaecy, elle, l'aide simplement car tout seul il aurait réussi à les tuer. J'arque un sourcil puis rigole doucement et hoche la tête  « Ah ouais … ouais ok je vois » disais-je en haussant les épaules  « T'as bien raison de l'aider alors » reprenais-je avec un sourire amusé avant de poser d'autres questions concernant les enfants. J'apprends qu'ainsi ils ont 5 ans et qu'ils donne beaucoup de file à retorde. Elle me dit que, d'ailleurs, elle pense parfois qu'ils -donc son meilleur ami et elle, je suppose- ont beaucoup de courage. J'hausse les épaules et en souriant, amusé  «Je veux bien te croire sur ce coup. Même si avoir des enfants doit tout de même être merveilleux... »

Je porte un instant mon regard sur l'autre bout du parc. Avoir des enfants, n'est-ce pas l'accomplissement d'une vie réussie ? Je suis de cet avis, moi. Mais je ne pense que je vais en avoir, moi. Non seulement à cause du fait que j'aime les hommes, mais aussi parce que je ne me vois pas élever un enfant dans mon état. Certes, lorsqu'il sera né je pourrais peut-être déjà d'avantage marcher mais... bref, peu importe, là n'est pas la question. je la regarde un instant, attendri lorsqu'elle me s'excuse de trop parler des garçons.  «Ce n'est rien, vraiment. C'est normal de parler de ce qu'on aime et ce qui nous rend heureux  » je lance un coup d’œil vers mes jambes  « Je suis sûr que tu vas encore m'entendre parler beaucoup et longtemps des éventuels progrès que je pourrais faire en thérapie, tu sais » mon sourire s'agrandit malgré moi.

Je décide de changer de sujet pour en revenir au concert que nous avons fait tous les deux. Je lui dit, dans un premier temps qu'il faut absolument qu'on s'en refasse un de concert un de ces jours et je remarque bien rapidement que Kaecy est totalement d'accord avec cette idée. Et lorsque j'explique pourquoi je la remercie pour 'la dernière fois', elle m'offre un sourire. Ce genre de sourire contagieux qui en dit long sur les pensées de la personne. Elle dit que ce n'est rien, que ces actions furent normale. Elle précise qu'en général, dans ces situations là, elle ne laisse pas répliquer et ne cède pas et fini par dire que la prochaine fois fois on prendra directement des place devant. Je la regarde un instant puis soupire

 « Si seulement c'est possible ça » je grimace un peu  « En général, dans les salles de concerts y a des places handicapés comme sur un parking, tu vois ? » j'hausse les épaules  « Mais ils ne sont pas dans la fosse, ce qui est aussi totalement normal. Imagine qu'il y ait un problème, un mouvement de panique et tout, ce serait moi qui serait le premier touché.» je la regarde un instant puis hausse les épaules  « Et même quand je pourrais marcher je ne pourrais pas me mettre dans la fosse parce que je ne pense pas que je réussirais à rester debout pendant toute la durée du concert» j'hausse les épaules  « Au pire on se fera un festival ! Y a moins de restrictions, il me semble » finissais-je par dire en rigolant doucement. Autant finir sur une note un peu plus positive, non ?

« Je suis sûr que tu vas encore m'entendre parler beaucoup et longtemps des éventuels progrès que je pourrais faire en thérapie, tu sais
- Et j'peux te dire que j'ai même plutôt hâte de t'en entendre parler ! Ce serait vraiment agréable pour toi de pouvoir te porter sur tes jambes de nouveau ! Enfin, te voir te porter sur tes jambes tout court pour ma part d'ailleurs. »

Elle accompagna sa phrase d'un sourire tendre. Elle était vraiment contente que Nathan puisse enfin toucher du bout des doigts quelque-chose qui semblait lui tenir à coeur. Elle pouvait très bien le comprendre, d'ailleurs. Même si elle s'était rapidement habituée, depuis toute petite, à porter un handicap tel que le sien, le plus beau jour de sa vie restera toujours celui où elle a pu entendre pour la première fois. Elle se souvenait encore d'ailleurs parfaitement de chacun détail de ce moment là, ancrés à jamais dans son esprit. Et puis, surtout, Nathan avait déjà marché dans sa vie, alors il savait ce qu'il manquait et ce qu'il lui manquait dans le fait de pouvoir marcher, se déplacer plus librement. Avant d'entendre, étant née sourde, Kaecy pensait qu'elle manquait presque de rien, qu'elle ne manquait rien.

Lorsque Kaecy finit par évoquer le fait que la prochaine fois, quand ils iraient à un concert tous les deux, ils prendraient les places de devant, Nathan lui répondit par un soupire. Elle fronça alors les sourcils.

« Si seulement c'est possible ça.
- Qu'est-ce qui t'en empêche ?
- En général, dans les salles de concerts y a des places handicapés comme sur un parking, tu vois ? Mais ils ne sont pas dans la fosse, ce qui est aussi totalement normal. Imagine qu'il y ait un problème, un mouvement de panique et tout, ce serait moi qui serait le premier touché. Et même quand je pourrais marcher je ne pourrais pas me mettre dans la fosse parce que je ne pense pas que je réussirais à rester debout pendant toute la durée du concert. Au pire on se fera un festival ! Y a moins de restrictions, il me semble.
- Tu rigoles j'espère ? »

Kaecy avait un de ses sourcils levé, comme une expression de "Tu te fous de moi ?" sur le visage. Cette expression qu'elle prenait à chaque fois que quelqu'un avec un handicap lui parlait des choses qui lui semblait inaccessibles. Et qu'elle n'était pas franchement d'accord avec son interlocuteur.

« C'est en laissant des idées comme ça te pourrir le cerveau que tu ne fais plus rien, Nathan. C'est pas parce-que c'est pas facile d'accès que c'est pas accessible du tout. Tu penses qu'un concert pour une sourde, c'est supposé être accessible ? Et pourtant j'assiste à des concerts depuis que je suis toute petite, et à l'époque j'entendais que dalle. C'est une question d'être sur ou pas de ce que tu veux. Après, si y'a une festival dans pas longtemps et que tu préfères faire un festival, t'auras qu'à me tenir au courant ! »

Elle finit par lui faire un petit sourire qui faisait un peu "Et toc !". C'est qu'il ne fallait pas jouer la carte de je suis mal en point donc je ne peux pas avec elle, elle avait toujours fait en sorte que les gens portant un handicap se battent quand même pour se laisser piétiner par un petit loustique comme Nathan. Ca ne fonctionnait pas avec elle. Elle finit par regarder son téléphone, cependant, et soupirer. Le temps passait à une vitesse folle, c'était hallucinant, et si elle tardait encore à rentrer chez elle, elle allait par mettre réellement Elio en retard pour le boulot. Et ce n'était pas forcément une bonne idée, car ils avaient besoin de leurs deux salaires complets pour pouvoir faire vivre les jumeaux correctement. La vie d'adulte, c'était nul. Elle se releva, enlever rapidement d'un revers de main les brins d'herbe qui avaient pu s'accrocher à ses vêtements, avant de se tourner vers Nathan et de lui tendre les deux mains.

« Aller moussaillon, debout, faut que je me rentre moi, Elio et les jumeaux m'attendent. »

Lorsque je lui explique pourquoi un concert n'est pas ce qu'il y a de plus agréable pour un handicapé moteur, j'ai l'impression que je parle à un mur. Kaecy ne semble vraiment pas du tout être de mon côté, au contraire. Après m'avoir regarder d'un air 'tu te fous de ma gueule ?' elle s'empresse de me contredire, se lançant dans des explications qui sont, d'un côté totalement fondé, d'un autre pas du tout. Elle me dit que ce n'est pas parce que ce n'est pas facile d'accès que ce n'est pas accessible du tout. J'ouvre la bouche pour lui dire que je n'ai jamais dit ça, mais je la laisse continuer. Elle m'explique furtivement qu'un concert pour une sourde n'est pas non plus ce qu'il y a de plus accessible au monde. J'hoche la tête à la fin de ses paroles.

 « Tu n'as pas tort d'un côté … mais d'un autre côté tu as tout faux » lui disais-je  «Je veux dire … je n'ai jamais dit que ce n'était pas accessible, au contraire, la plupart des salles de concerts ici en Australie sont très accessibles, je ne dirais jamais le contraire. C'est juste qu'il y a des restrictions et des règles qui ne sont pas totalement en faveur des handicapés. Des handicapés moteurs je parle, hein ! » j'hausse les épaules  « Je comprends totalement qu'en fauteuil roulant je ne pourrais jamais allez dans la fosse et m'amuser comme un bipède digne de ce nom, tu vois ? » je souris doucement  « Pour ce qu'il en est de toi … je ne sais pas. Mais vous les sourds, vous ressentez plus … les sensations, non ? Genre les vibrations de basses et tout ça. Je sais que ce n'est pas la même chose que d'entendre la musique mais … ce sont des sensations qu'on ne ressent pas si on entends totalement.» je me pince les lèvres  « Ne le prends pas mal surtout, hein ...» précisais-je.

Je porte mon regard vers l'horizon et soupire doucement. J'ai longtemps pensé qu'en étant en fauteuil roulant beaucoup de porte se ferment devant moi. Et c'est vrai. Mais une porte qui se ferme en ouvre une autre. Et souvent ces portes là étaient bien plus agréables. Enfin, peu importe. Je remarque que Kaecy regarde sa montre avant de pousser un lourd soupire et je me doute fortement qu'elle ne va plus pouvoir rester longtemps. Et effectivement, je ne m'étais pas tromper. Elle se lève, époussette ses vêtements puis me tend la main. Avec un large sourire elle me dit que je dois me mettre debout car elle doit rentrer.

 « Et si je veux encore rester assit ici ? Hm ? Ce n'est pas moi qui ait deux énergumènes qui m'attendent à la maison !» m'exclamais-je avant de rigoler doucement. Je regarde ensuite la main de la jeune femme  « Hm … t'es sûre que … ?» je lève mon regard vers Kaecy avant d'attraper sa main. Je sers mes doigts autour des siens et, de mon autre main, met mes jambes correctement en place de manière à pouvoir me lever le plus facilement possible.

Mais c'est beaucoup plus facile de le dire que de le faire. Mes jambes ne sont pas encore assez fortes pour que je puisse me lever comme ça du sol. Mais l'aide de Kaecy est assez précieuse quand même. Je décide donc de garder la main de la jeune femme dans la mienne et m'aider de mon fauteuil. C'est, grâce à un effort surhumain, autant de mon côté que de celui de mon amie que je parvient à me lever. Tremblant et les genoux sur le point de flancher, certes, mais je suis debout. Et ça, ça n'a pas de prix. Instinctivement, je referme un peu la poigne sur la main de Kaecy lorsque je menace de perdre l'équilibre en voulant m'avancer vers mon fauteuil. C'est, en trébuchant, que je me laisse tomber sur le bord de mon siège. A quelques centimètres près je me serais retrouver à nouveau assit par terre. Et je crois que là je n'aurais pas autant rigoler. Mais peu importe.

A l'aide de mes mains, je me recule dans le fond du fauteuil puis pose mes pieds sur les reposes pieds et lève le regard vers Kaecy  « Le transfert sol-fauteuil est une chose que je vais devoir bosser à fond » rayais-je avant d'enlever les freins.  « Je te raccompagne encore un petit bout, ok ? » de toute manière notre chemin de retour est plus ou moins le même, il me semble.

« Tu n'as pas tort d'un côté … mais d'un autre côté tu as tout faux. Je veux dire … je n'ai jamais dit que ce n'était pas accessible, au contraire, la plupart des salles de concerts ici en Australie sont très accessibles, je ne dirais jamais le contraire. C'est juste qu'il y a des restrictions et des règles qui ne sont pas totalement en faveur des handicapés. Des handicapés moteurs je parle, hein ! Je comprends totalement qu'en fauteuil roulant je ne pourrais jamais allez dans la fosse et m'amuser comme un bipède digne de ce nom, tu vois ? Pour ce qu'il en est de toi … je ne sais pas. Mais vous les sourds, vous ressentez plus … les sensations, non ? Genre les vibrations de basses et tout ça. Je sais que ce n'est pas la même chose que d'entendre la musique mais … ce sont des sensations qu'on ne ressent pas si on entends totalement. Ne le prends pas mal surtout, hein ...
- Ce n'est pas parce-que je ne suis pas forcément d'accord avec ton point de vue que je vais prendre mal le fait de l'entendre. Et oui, j'entends si on peut dire la musique différemment, maintenant je m'en rends d'autant plus compte du fait que je peux entendre comme des gens "normaux". »

Elle ponctua sa phrase d'un petit sourire espiègle avant de se lever. La nuit était déjà très proche de tomber, et elle devait vraiment rentrer chez elle, bien qu'elle fusse en train de passer un bon moment avec Nathan. Mais comme on dit souvent, les bonnes choses ont toujours une fin, malheureusement. Elle proposa alors son aide à Nathan, lorsqu'elle fut debout, pour qu'il puisse se relever et se remettre dans son fauteuil.

« Et si je veux encore rester assit ici ? Hm ? Ce n'est pas moi qui ait deux énergumènes qui m'attendent à la maison !
- Aller, fais pas l'idiot, tu vas pas rester le cul dans l'herbe tout seul, tu t’ennuierais sans moi en plus. Et peut-être qu'un jour t'auras deux énergumènes qui t'attendront et tu te souviendras du pourquoi j'ai du partir aujourd'hui vas !
- Hm … t'es sûre que … ?
- Fais moi confiance, ça va aller. »

Kaecy commença alors à se préparer psychologiquement à aider Nathan à se relever. Car même si elle voulait l'aider de tout son coeur, elle n'était absolument pas sûre qu'elle soit de taille à l'aider à se soulever carrément du sol. Elle connaissait d'autres personnes qui elles aussi étaient en fauteuil, et se relever du sol était toujours l'épreuve la plus dure pour eux, dont les jambes n'étaient plus d'aucune utilité dans le maintien de la posture. Tenant aussi fermement la main de Nathan qu'elle put, elle l'aider à se soulever du sol, mettant toute sa force dans ce geste. Et après un instant qui parût aussi laborieux pour lui que pour elle, Nathan fut debout. Kaecy laissa aller alors un petit rire, car elle trouvait toujours ça absolument magnifique de voir des gens arriver à refaire des choses qu'ils avaiat l'habitude de faire auparavant, de voir leur regard s'illuminer comme des enfants un matin de noël devant les cadeaux au pied du sapin, les lumières des guirlandes se reflétant. Cependant, Nathan ne réussit pas à rester debout bien longtemps et finit par retomber - de justesse mais quand même - dans son fauteuil. Kaecy récupéra alors sa main, adressant un petit sourire tout de même à Nathan. Au moins, il n'était plus le cul par terre, c'était pas mal.

« Le transfert sol-fauteuil est une chose que je vais devoir bosser à fond
- T'as tout ton temps pour ça !
- Je te raccompagne encore un petit bout, ok ?
- Allons-y ! Je n'aime pas spécialement rentrer seule de toutes façons. »

Keacy reprit son sac à main, qu'elle avait laissé au sol jusque maintenant. On pouvait d'ailleurs voir que plusieurs paquets de feuilles dépasser, témoignant du travail qu'il lui restait encore à accomplir le soir même en arrivant chez elle. Elle commença alors à avancer, sachant que Nathan n'allait pas tarder à se mettre en marche lui aussi.

« Sinon, le boulot toi, ça va ? »

Le chemin passa plutôt rapidement, et bientôt les deux jeunes gens arrivèrent au carrefour qui indiquaient qu'ils devaient se séparer, leurs chemins prenant des tournures différentes.

Les discussions avec Kaecy sont toujours intéressantes. Ce n'est que la deuxième fois que nous nous voyons et pourtant nous arrivons à tomber sur des sujets des plus intéressants. Le sujet de l'accessibilité des endroits publique pour les handicapé est une question qui est et qui restera encore bien longtemps d'actualité. J'ai rencontré Kaecy dans à un concert, il va presque de soit que nous parlons de l'accessibilité des salles. Je lui dit que pour les handicapés moteur il y a, certes, des places, mais pas du tout comme on pourrait le croire. Non, nous sommes obligé de rester assit là, dans notre fauteuil pour toute la durée du concert. Ce n'est absolument pas la même chose que d'être dans la fosse. Mais c'est déjà mieux que rien. Voilà ce que je me dis bien souvent. Kaecy, en tant que sourde, peut aller dans la fosse, elle n'entendra pas comme moi mais ressentira la musique d'une autre manière. Et j'ai raison. Je lui souris doucement lorsqu'elle me fait comprendre qu'elle peut entendre comme une personne normale maintenant.

 «C'est plutôt une bonne chose ça  » disais-je avant d'hausser les épaules. Elle fini par me dire qu'elle va devoir y aller et, se levant, me tend la main pour m'aider à en faire de même. Je ne doute aucunement du fait qu'elle ait réellement envie de m'aider, mais je ne suis pas le poids le plus léger et je ne suis presque d'aucune utilité. Je travail, certes, mais mes jambes ne sont pas encore forte pour que je puisse prendre appui dessus et me relever comme ça du sol.

Au final, à la force de mes bras et de ceux de Kaecy, je parviens à me lever. Pendant quelques instants je suis là, debout, mes pieds plus ou moins bien encré dans le sol. C'est un miracle. C'est merveilleux. Je ne peux toujours pas le croire, d'ailleurs. Mes genoux finissent tout de même par flancher et je me rassois d'urgence sur mon fauteuil. Une fois assis, je soupire doucement et me remet bien en place avant d'expliquer avec humour que je vais devoir vraiment travailler ce transferts. Kaecy me réponds que j'ai tout mon temps pour ça et j'hoche doucement la tête.

 « C'est bien vrai, même si ça va prendre encore vraiment beaucoup beaucoup de temps » je soupire et hausse les épaules  «Mais bon, je sais qu'après deux ans en fauteuil roulant je ne peux pas espérer trop de miracle »

Je fini par pousser sur mes roues pour sortir du parc avec Kaecy, ayant décidé de l'accompagner encore un peu, d'autant plus que notre chemin est plus ou moins le même. En route, elle me demande comment ça se passe le boulot chez moi. J'hausse doucement les épaules  «Je … n'ai pas encore repris le travail  » avouais-je  «Je veux dire … je suis en rééducation intensives depuis 2 semaines, tous les jours. Je n'ai tout simplement pas le temps pour penser au travail  » je lève furtivement mon regard sur Kaecy  « Mais Jamie est un chef extrêmement adorable et totalement compréhensif. Il m'a dit que ma place me restait réservé et que je devais d'abord me concentrer sur ma rééducation et revenir en forme » je lui souris  « Voilà. Je pense que d'ici la fin du mois je vais pouvoir y retourner »

Nous finissons tout de même par être obligé de nous séparer. C'est avec une promesse qu'on se reverra vite, que nous nous quittons après une accolade amicale. Je la suis un instant du regard puis me détourne et roule vers le loft de Hayden. Cette sortie a fait un bien fou à mon moral. Je sens que je vais bien pouvoir dormir cette nuit.