sweet but psycho !

   @Danaë Lescaut
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Parfois, Molly a le sentiment d’être coincée dans un remake du fight club. Si, la scène du type devant la photocopieuse à répéter les mêmes gestes jour après jour. C’est Molly. Elle, elle est derrière un comptoir de cinéma. Aujourd’hui, on lui a demandé de donner un coup de main « devant » … ce qui ne l’enchante pas du tout mais alors pas du tout ! Elle déteste devoir affronter la clientèle. Elle déteste les regards complices des couples qui essaient de se mettre d’accord sur un film, sur la taille du seau de pop-corn ou sur la boisson qu’ils vont se partager. A vomir. Pas comme s’il y avait le chemin pour venir, le temps de la file d’attente pour se mettre d’accord … Bordel ! Elle donne un coup de main à cause du « rush » et se voit remplir des seaux de pop-corn qu’elle dépose sur le comptoir sans la moindre énergie, sans le moindre sourire … pas même quand elle entend le client se corriger : « oh non pas sucré, salé … je voulais salé. » Bordel bis ! C’est pas comme si c’était toujours la même chose. C’est pas nouveau. Elle devrait s’y habituer … tout comme aux vannes que certains pensent complétement indédites. Son collègue, lui, sourit car il sait que c’est important. Elle, elle roule des yeux en se demandant comment il fait pour ne pas avoir envie de fracasser la tête de ce type sur le comptoir.

Mais … il y a aujourd’hui quelque chose de différent dans sa journée. Ça n’arrive que rarement. Cette fois-ci, c’est elle. Au début, elle a senti un regard pesant … elle déteste ça. Elle se fige presque en fixant la demoiselle qui ose la regarder un peu trop longtemps. Elle plisse même les yeux en se demandant si elle ne doit pas la reconnaître … après tout sa vie … particulière … pourrait lui faire avoir oublié une connaissance de soirée. Les regards s’accrochent jusqu’à ce qu’elle doive retourner à sa formidable tâche de servir le reste de la horde qui s’apprête à rentrer dans la salle obscure.

Un juron quand ils disparaissent et qu’ils se retrouvent soudainement seul. Dieu soit loué ! Molly affiche un sourire ravi avec une folle envie de se fumer une clope mais son abruti de collègue – c’est comme ça qu’elle l’appelle, qu’elle les appelle – lui rappelle que c’est l’heure de sa pause. Logique ! Alors, elle a le culot de se servir un soda, de planter une paille en plastique – on s’en fout des tortues – pour la coincer entre ses lèvres et aspirer une longue gorgée de sucre. Les coudes posés sur le comptoir, soda sous le nez, paille entre les lèvres et téléphone entre les mains, elle a tout de la nonchalante … elle ne se redresse même pas quand elle voit sortir une personne de la salle. Elle. Molly arque un sourcil tout en la suivant du regard … puis elle fronce les sourcils en la voyant errer comme une âme en peine … ça, c’est son job normalement. Alors, elle finit par se redresser. « Il est à ce point à chier ce film pour que tu sois déjà sortie … ou alors c’est le type qui t’accompagne ? »

Molly, l’art de briser la glace.

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« Un type ? Quel type ? J’vois personne. » Molly ne balaie pas les lieux du regard, elle a le regard ancré et planté sur cette demoiselle qui vient de débarquer dans le hall d’entrée et qui lui donne le sentiment que cette journée ne va pas être totalement à chier. Au moins, il y aura une anecdote à raconter à Bernard, son poisson rouge ce soir. Un haussement d’épaule en guise de réplique. Ce n’est pas elle qui a envie de creuser dans la vie privée de l’inconnu. Il ne manquerait plus qu’elle pense que Molly soit intéressée pour un récit quelconque d’une relation amoureuse brisée … pas vraiment son truc. Elle n’est pas l’épaule sur laquelle il est recommandé de se reposer. Le regard de la brune ne la quitte pas et elle observe le moindre de ses mouvements pour finalement la voir se planter à sa hauteur. Quand elle saisit la paille de son soda pour en boire une gorgée, Molly ne cille pas. Elle ne bouge pas d’un millimètre mais lève un sourcil. Son soda, c’est comme les frites, normalement, ça ne se partage pas. « Et toi ? T’as tout l’air de l’employée qui adore son job, ça crève les yeux. » « Oh perspicace ! », lâche-t-elle sur un ton monotone même si son sourire en coin est la preuve de son amusement. « Un date au cinéma, t’y crois toi ? » Un long soupir s’échappe de ses lèvres. « Pour en avoir eu un tas se tripoter dans la salle obscure, j’y crois ouais … », lâche-t-elle d’une voix rieuse, un tantinet moqueuse. Elle reprend tranquillement place pour finalement tourner la tête vers son nouveau divertissement. « Qu’est-ce que t’es venue foutre dans un cinéma ? avec un type comme celui-là ? », oui, elle se permet d’avoir un jugement tout à fait subjectif sur l’autre, « si c’est ton amour du pop-corn, y’a d’autres moyens pour assouvir ce besoin … m’enfin, je ne veux pas non plus me mêler de ce qui me regarde pas … », elle prononce ces quelques mots tout en se rendant compte que cela sonne faux. Évidemment qu’elle se mêle de ce qui ne la regarde pas. C’est même son hobby principal. « Après tout il est peut-être pas si con qu’il y paraît … » et en guise de conclusion, elle prend une nouvelle gorgée de soda, bruyante, histoire d’être casse couille et de donner une touche de comédie à cet échange surréaliste.

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« Les coulisses du cinéma… parait qu'ça fait fantasmer. » Molly affiche un sourire mauvais à cette remarque. Ses yeux ont vu beaucoup trop de mains baladeuses, de baisers langoureux et entendu des paroles dont elle se serait volontiers privée. Elle n’a jamais compris d’où vient l’intérêt du genre humain à vouloir se tripoter sur son lieu de travail… elle roule des yeux avec un air blasé en soufflant un « y paraît, ouais … » peu convaincu.

« J’voulais pas rentrer... J’ai un exam’ demain, et j’me faisais chier. » étudiante donc. La détective en herbe Biggs prend des notes mentales et se met à imaginer le domaine d’étude de la demoiselle qui lui fait face. La Biggs avait bien trop rapidement abandonné l’idée des bancs de l’université … à contre gré, quoiqu’elle en dise, quoiqu’elle crie haut et fort. « Nah.. C'était pour te voir siroter ton soda. Ça me subjugue, tu vois pas ? » Le regard se met à pétiller, elle s’amuse la Biggs et laisse même échapper un rire amusé et sincère. Pas le genre de rire sarcastique qu’elle a tendance à balancer au lieu de brandir son majeur. Non, elle s’amuse, sincèrement. Une première pour les lieux qu’elle maudit comme la peste. « A vrai dire... Il est plutôt intelligent. J'pense que c'est un bon gars. » « Hm… », acquiesce-t-elle pas vraiment convaincu. « S’il était vraiment intelligent, il n’aurait pas le cul toujours cloué dans son fauteuil et ne te laisserait pas ici … toute seule … en très mauvaise compagnie … », et son sourire se fait malicieux. Très mauvaise compagnie, oui … celle de Biggs. « Et si t’es toujours là, c’est que t’aimes pas trop les « bons gars » … », elle plisse les yeux et vient caler ses coudes sur le comptoir pour la fixer avec un petit air provocateur, celui de la salle gosse – typique – et finit par lui demander plus par provocation que pour autre chose – vraiment ? - « est-ce que c’est parce que tu préfères les vilaines filles ? » Molly Biggs. Le tact en personne.

Spoiler:

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« J'suis démasquée. » Sourcils levés, elle roule des yeux pour lui faire comprendre que le masque est en effet tombé même si quelque chose lui dit qu’il n’y a jamais eu de masque et que c’est ce qui la quête plus intéressante encore. Son regard se plante dans celui qui lui fait face. « C'est mon péché mignon.. Je les croque au p'tit déj'. » Molly feint une grimace de dégoût. Les gars biens, elle, ça lui donne la gerbe. Elle n’aime pas les gens lisses tout comme elle les envie, parfois – souvent ? Elle n’aime pas le principe de la politesse, le principe de celui qui veut vous rendre service. Elle n’aime pas car elle ne connait pas et ce qu’elle ne connaît pas l’emmerde. Molly aime être dans les cases qu’on lui accorde – elle aime bien le concept d’être un cas social, acariâtre, imbuvable. Ça laisse peu de place aux surprises. Elle n'est jamais déçue. Pas une seconde, elle n’a de l’empathie pour l’autre type qui regarde son film. A  vrai dire, elle ne se souvient même pas de ce à quoi il ressemble …

« La très mauvaise compagnie, du coup.. C'est totalement adapté à ma condition. » « Je vois. Mon jour de chance », souffle-t-elle, ironique et pourtant … ravie ? Difficile à savoir quand on l’observe de loin mais son interlocutrice peut voir cette flamme danser au fond de ses prunelles. Oui, son jour de chance. Elle vient mettre un peu de piment dans sa vie, dans le décor minable de cet endroit qu’elle déteste autant qu’elle aime. « C'est quoi ton nom d'vilaine fille ? » Son nez se plisse et elle se cale face à elle, usant de la même position … elle entre dans son jeu. Ou sont-elles déjà en train de jouer depuis longtemps ? Elles inventent et trouvent les règles ensemble, pas à pas. Le regard de la brune au mulet se plisse, intriguée et ô combien intéressée par ce mystère ambulant. « T’es suffisamment mignonne pour m’appeler comme tu veux mais Molly, ça me va aussi --- et tu es ? », qu’elle répond avec cette audace qui est sienne et se la jouant cliché volontairement. Pour le fun. Pour y ajouter une dose d’auto-dérision, car c’est un des ingrédients de Biggs. « A force de me regarder comme ça, je vais finir par croire que tu veux que je t’invite en salle de projection … pour que tu puisses cocher une case de ta bucket list. » Un éclat de rire et elle se redresse, la quittant du regard pour jeter un coup d’œil à l’horaire qui est inscrit sur la caisse.

Elle finit par reposer son regard sur elle et croise les bras tout en la fixant. A vrai dire, elle a envie de prendre la fuite … et de la prendre par le bras par la même occasion. Juste parce que c’est ce que son instinct lui dit de faire. Son instinct d’abruti.