A la maison, c'était toujours pas la joie. Je sais que je suis chez moi mais je me sens de plus en plus étranger. J'évite tout le temps ma femme. Déjà qu'avant on se voyait très peu souvent, alors là, je dois à peine l'apercevoir ou la croiser, mais cette fois-ci, c'est ce que je veux. Mais mon dos commence sérieusement à me faire du mal à force de dormir sur le canapé. Au moins maintenant je ne suis plus à deux doigts de me casser la pipe. Mais je me défonce une épaule après l'autre à être obligé de dormir sur un côté à peine. Pourtant on aurait pu mettre le prix dans un bon canapé, mais il est pas si terrible que ça au final. Normale, ce n'est pas un clic-clac. Mais oui, j'étais vraiment en train de dériver et de débattre avec moi-même sur les canapés alors que j'attendais patiemment, mais surement dans les vappes que la secrétaire d'accueil me fournisse le dossier d'un patient.Je devais aller voir son état. Mais je fus bien vite sorti de mes pensées de canapé quand une chevelure blonde attira mon attention. Selina. Je pourrais en mettre ma main à couper, c'était elle, aux urgences. Avec Andrew. Merde. Pourtant elle ne semblait pas du tout blessée, peut-être un peu moins en forme. Mais je n'avais pas le temps de vraiment voir, ils disparaissaient dans un cabinet. Super, maintenant je m'inquiète et en plus de ça, je ne pouvais pas aller voir tout de suite. Je me suis alors mis à courir à travers les couloirs pour aller voir mon patient et lui faire son pronostic à la vitesse de l'éclair, le confiant aux bons soins des infirmières avant de filer jusqu'au cabinet où était rentré Selina quelques minutes plus tôt. Mais en me dépêchant, je manquais de peu de me rentrer mon vieux pote d'enfance le saluant au passage et lui demandant si ça ne le dérangeait pas que j'aille dire bonjour à sa patiente que je connaissais bien. Bien sûr que je lui ai menti, sinon il ne m'aurait peut-être pas laissé passer. Enfin, j'en sais trop rien, c'est bien la première fois que je lui demande ce genre de service. Mais je crois que je l'ai un peu laissé sur le cul puisqu'il me répondait un faible oui, enfin, s'il a eu le temps de me répondre en fait, j'ai comme un doute. Mais qu'importe, j'entrais direct dans le cabinet Selina ! Disais-je un peu essoufflé. Ce nom résonnait de plus en plus dans ma tête à force de le prononcer. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? T'es blessé ? Lui demandais-je un peu inquiet, en finissant par m'appuyer sur mes genoux tellement j'avais du mal à reprendre mon souffle. Je venais de me faire deux longs couloirs en courant, j'en pouvais plus. Même dans les urgences les plus extrêmes je n'avais jamais autant couru.

Quand la dernière fois qu’on s’était vu et parlé au marché de Noël à propos de se revoir aux urgences, j’espérais que ça n’arrive pas, tout simplement parce que ça m’inquiétait déjà. Et je ne pensais pas que ça pourrait autant m’inquiéter. Heureusement elle n’est pas dans le coma, ou ce genre de traumatisme difficile à traiter, mais mon inquiétude était assez violente, surtout par rapport à notre relation. Elle ne date pas de très longtemps, et elle n’est pas non plus solide, on ne prévoyait pas de se revoir, rien de tout cela, on comptait faire notre vie chacun de notre côté. Seulement elle était là, aux urgences, et je m’inquiétais. Parce que oui, elle était importante pour moi, elle a été la première femme avec qui j’avais couché depuis des années, qui m’avait fait redécouvrir le plaisir de la chair et qui surtout m’avait permis de me sentir mieux par rapport à la traitrise de ma femme. Donc oui, je m’inquiétais, inévitablement, alors que je n’en avais pas besoin. Surtout qu’elle ne semblait avoir qu’une simple indigestion. Pas de quoi dramatiser. Mais je dramatisais de l’intérieur quand elle me fit savoir que c’était de ma faute. J’haussais les sourcils, incapable de comprendre où elle voulait en venir. C’était à cause de la boisson qu’on avait bu ensemble la dernière fois ? Impossible, ça date presque d’un mois. Non, je ne comprenais absolument rien. Autant la laisser parler, elle ne semblait pas avoir tout dit. On avait des torts partagés ? Elle foutait le bordel dans ma vie ? Ca allait devenir compliqué ? Ca ne sentait rien de bon vu comment elle m’amenait les choses, alors que je sentais où elle voulait en venir au moment où elle prononçait les mots fatidiques. Je la regardais toujours, comme si on m’avait stoppé sur place. Est-ce que j’avais besoin de m’asseoir ? Certainement. Mais je ressentais quelque chose de bien inhabituel. Comme une sensation mélangée d’étourdissement avec de la joie intense. J’avais envie de sauter de joie et en même temps j’étais en colère. Oui en colère, mais contre ma femme. J’avais attendu sept putain d’années pour avoir un gamin et en une seule nuit avec une autre femme, j’en avais un. Oh putain … Avais-je simplement lâché, choqué par la nouvelle, mais bizarrement heureux. Je me suis donc mis à rire, puis à boucher mon rire de ma main, ne pouvant pas m’empêcher de sourire tout en la regardant Je suis désolé c’est que je … J’ai attendu ça depuis tellement longtemps. Enfin, avec ma femme bien sûr, que je … j’ai l’impression d’être heureux à nouveau alors que … oui c’est sensé foutre le bordel comme tu dis si bien, mais je n’arrive qu’à être heureux, tu crois que c’est normal ? Lui demandais-je tout à coup. Oui, je commençais à m’inquiéter par mon comportement, je ne devrais pas être heureux, je devrais être anéanti d’avoir réussi à procréer avec une autre femme que la mienne. J’aime toujours ma femme, je suis resté marié à elle malgré le fait qu’on n’avait toujours pas d’enfant. Même si au fond, je l’espérais toujours autant. Et voilà qu’il arrivait dans un autre corps que celui de ma soi-disant femme.

Franchement, je m’attendais à tout, sauf à ça. Un bébé. Mon regard se posa inévitablement sur son ventre qui était aussi plat que lorsque je l’avais connu. Du moins, c’est l’impression qu’elle me donnait. Mais je ressentais une telle joie en moi, et en même temps une peur immense. Autant parce que ce nouveau métier que je désire tant depuis si longtemps m’effraie, mais aussi parce que je suis encore marié et encore attaché à ma femme. Mais après tout, je dois sentir que c’est fini entre nous, que même si elle voulait revenir avec moi, tout est brisé et ma mémoire me rappellerait toujours que je ne peux plus lui faire confiance. Mais je me rendais compte que Selina se sentait mal, vraiment, sûrement du à la relation qu’on entretient et par rapport à ma situation amoureuse également qui est catastrophique Dans ta vie également non ? Enfin, c’était pas prémédité donc ça remue … Lui répondais-je, parce que oui elle pensait à moi et c’était donc à moi de penser à elle. C’est surtout elle qui portait cet enfant, c’était mon rôle, le rôle d’un médecin, mais surtout d’un futur père de s’inquiéter de la santé de la future maman, c’est toujours ce que j’ai voulu, ce que j’ai attendu. Finalement non, ce n’est pas avec ma femme, mais est-ce réellement problématique ? Non, je ne le ressens pas comme ça, de toute façon, il est trop tard pour ma femme pour avoir des enfants. D’abord parce que j’ai compris qu’elle n’en voulait pas, mais surtout parce qu’elle commence à être un peu trop âgée pour enfanter. Je n’y pensais pas mais c’est une réalité. Réalité qui m’accapara de nouveau. Ou plutôt ma poisse me rappelait à l’ordre Je comprendrais du coup que tu ne veuilles pas le garder … Je lui disais direct parce qu’elle n’a aucune raison de le garder, je suis marié, on a passé une seule nuit ensemble, on a aucune attache alors pourquoi voudrait-elle un enfant de moi ? Elle pourrait largement rencontrer un autre homme qui lui conviendrait beaucoup mieux et sans situation familiale compliquée.

En effet, elle n’attendait pas un bébé aussi tôt, même si je ne voyais pas pourquoi elle disait ça, elle n’a pas non plus vingt ans, elle a forcément la trentaine, même si ça commence à m’inquiéter, elle devait forcément sentir son horloge biologique tourner en sa défaveur si elle voulait un ou plusieurs enfants. Mais comme elle le dit si bien, elle n’est ni mariée ni en couple, donc c’est sûrement pour cela qu’elle ne voulait pas d’enfant de si tôt et c’est tout en son honneur. Toujours est-il que je comprenais bien sa situation et que je ne voulais pas qu’elle se sente mal pour autant et qu’elle se sente oppressée par mon envie d’enfant. Alors je lui disais que je prendrais en compte si elle ne souhaitait pas le garder malgré le fait que ça m’attristerait, je le comprendrais. Forcément quand elle me fit savoir qu’elle n’en passerait pas par là, je me suis senti tellement soulagé et encore plus joyeux. Bien qu’au fond, je sentais que mon adrénaline n’était pas seulement du à de la joie. Il y a une part sombre dans cette histoire. Moi qui avais espéré retrouver une situation normal avec ma femme, là aujourd’hui ça ne compliquerait que davantage la situation. Même si avoir un enfant d’une autre ne pourrait ne pas vraiment interférer dans notre relation à mon humble avis. Mais si j’arrive à la conquérir de nouveau, peut-être que si … Je me perds totalement dans mes hypothèses, dans mes attentes, mes envies, alors que je calculais qu’elle me disait qu’elle avait déjà perdu deux bébés. Normal qu’elle ne veuille pas en perdre un troisième. Et c’est sûrement aussi pour cela qu’elle ne se sentait pas encore prête à retenter sa chance. Je n’aimerais pas perdre non plus le seul enfant que j’ai réussi à faire jusque-là. Lui répondais-je avec un demi-sourire. Mais je ne voulais pas non plus trop influencer sa décision. Peut-être valait-il mieux que je la laisse respirer, encaisser cette nouvelle, qui ne semblait pas avoir eu trop de mal pour ma part, et la laisser avec mon collègue Je devrais peut-être te laisser, docteur Miriyan ne va pas tarder à revenir je pense. Rajoutais-je alors un peu mal à l’aise.

Depuis que j’avais appris que ma femme m’avait trompé, je dois bien avouer que les journées totalement bonnes, voire tout simplement bonne, n’ont pas été au rendez-vous. Vraiment. C’est davantage les soirées où j’arrivais à décompresser, à oublier un peu ma vie sociale de merde. J’arrivais même à passer du bon temps avec quelques femmes, mais sans plus, cela n’a jamais été mon truc au final, c’est plus pour me venger au fond je pense, bien que ma femme n’en ai rien à faire, ça j’en suis persuadé. Toujours est-il que la meilleure journée se passa aujourd’hui. Cette annonce qui émerveilla les ténèbres de mon cœur qui durent depuis bien trop longtemps, et qui me font stagner. J’ai l’impression de faire enfin un pas vers la lumière, vers la suite de ma vie. C’est un peu comme si je me rendais compte que je n’avais plus rien à espérer de ma femme. Tout est fini, je le sais depuis longtemps, mais je n’arrivais pas à m’y résigner. Peut-être qu’aujourd’hui était enfin le déclenchement du changement et du renouveau dans ma vie. Mais pour l’instant, je devais encaisser la nouvelle, tout comme Selina, encore plus pour elle j’en ai bien l’impression. J’espérais en tout cas également pouvoir en reparler de nouveau avec elle, dans des conditions un peu moins délicates et moins rapide. L’idée de prendre un café me semblait bien aussi, même si je sentais une pointe de gêne dans sa voix. Après tout, vu ce qu’elle est en train de couver, je ne peux que comprendre. Je lui souriais et lui répondais Avec plaisir. A bientôt alors. Je lui aurais bien pris son numéro de téléphone, mais je me suis pris de panique. Je n’ai jamais été doué pour ce genre de rentre dedans, même si ce n’était pas pour un rencard. Je trouverais bien un moyen pour la recontacter après tout.