Cette soirée-là m’avait couté assez chère. Mais ce n’était pas ça le problème, parce que j’ai assez d’argent pour me payer tout ce que je veux quand je veux, y compris des toiles d’un petit artiste émergeant qui avait su capter mon attention. Je n’ai que très peu de tableaux chez moi, mais j’avoue que ceux de Gabriel avait quelque chose de spécial. Bien sûr, je ne l’aurais très certainement pas acheté si je n’y avais pas été forcé. Enfin, tout est relatif. C’est que je voulais les deux. Et je les ai eu. Mais à présent, je devais me rendre à la galerie de Gabriel pour récupérer mon bien. Le plus étrange c’est que j’avais les mains moites. C’est bien l’une des rares fois que ça m’arrive, à croire que j’appréhende cette rencontre. De quoi pouvais-je bien avoir peur ? C’est totalement débile, je suis une femme forte, indépendante qui sait ce qui veut, et malgré la richesse évidente de cet artiste, il ne peut pas m’intéresser. Rien que par rapport à notre relation datant du lycée. Il n’a jamais rien été de plus pour moi qu’un pauvre petit morveux. Mais voilà que j’avais couché avec lui et que ça rendait tout cela bien plus compliqué. Comme si j’avais foutu un gros bordel dans mes sentiments. Voilà c’était un sentiment nouveau que je ressentais en arrivant dans sa galerie et que je n’appréciais guère. Il fallait vraiment que je me dépêche de ma récupérer, en espérant que ce ne soit qu’une secrétaire ou une subordonnée qui me la remette et non lui. Je venais de sortir du bureau, il était 19h passé et c’est donc sur mes hauts talons habituels et de mon tailleur simple mais efficace que je franchissais le pas de la galerie, faisant bien claquer mes talons pour signifier ma présence.

“ Rebecca & Gabriel Maybe... „

Il ne me fit pas attendre bien longtemps. J'aurais préféré avoir affaire à sa secrétaire ou à n'importe qui d'autres parce qu'en le voyant débarquer je me suis sentie comme molle, comme si j'allais de nouveau être faible face à lui. Mes jambes me lâchèrent un peu et me détendit, moi qui suis toujours bien droite et stricte, voilà que je me sentais à l'aise dans un endroit qui n'est pas chez moi. Mais je me reprenais rapidement avant qu'il ne soit totalement en face de moi et qu'il me fasse remarquer qu'il pensait que je ne viendrais pas J'y pensais aussi. Mais je ne suis pas du genre à jeter l'argent par la fenêtre. Lui répondais-je le plus froidement possible, bien que je m'en sentais totalement incapable. Alors, il est où ? Lui demandais-je totalement impatiente de partir de cet endroit et de retrouver ma force physique et mentale. Je ne voulais pas m'attarder mais au fond de moi j'espérais qu'il me propose quelque chose à boire pour rester encore un petit moment ici. Mais non, la plus grande partie de moi voulait vite fuir d'ici pour justement éviter ce genre de pensées. Même s'il me proposait ce genre de chose je devais à tout prix refuser. Ne pas céder. Je patientais juste près de la porte, attendant qu'il m'apporte mon nouveau bien alors que mes yeux fuyaient un peu partout autour de moi qui apparemment était sa galerie. Bien plus chaleureuse de celle où on s'est retrouvé il y a quelques temps. Ma dernière soirée avec un homme, et ça ne pouvait pas être avec lui, non, pas avec celui qui me dégoûtait il y a des années de cela.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

Tout ce que j’avais espéré qui ne se produise pas, se produisit. Je m’attendais à ce que le tableau se trouve dans sa galerie, accroché non loin d’ici même s’il n’était plus à vendre. C’est ce que je croyais encore quand il m’a demandé de le suivre. Je rouspétais intérieurement mais ne dis rien de plus avant de le suivre. J’aurais même pu lui dire que tout cela n’était pas nécessaire, que je pouvais l’attendre ici et qu’il n’avait aucun besoin de le déballer pour le remballer, je m’en fichais bien. Mais je n’avais rien dit et l’avais simplement suivi. Je me mordais la langue, me trouvant totalement stupide d’agir ainsi. J'aurais mieux fait de rester à ma place Non j’habite à quelques rues d’ici. Lui signifiais-je simplement, parce que oui je savais que c’était sa galerie et il savait que ça m’impressionnait, que ça lui donnait des points en quelque sorte, et ça me faisait plaisir qu’il essaye d’en obtenir encore. Ca me faisait plaisir parce que je sentais que j’allais pouvoir le mener par le bout du nez à force. Alors peut-être que oui, peut-être que c’était une bonne idée après tout de l’avoir suivi sans rien dire. C’est alors qu’il se stoppa devant l’un de ses murs et je reconnus bien rapidement celle qui m’était destiné, même si mon regard s’attarda sur celles autour. Mais voilà qu’il me cherchait à présent, et pas qu’un peu. Mon regard vint se poser sur celui, ce regard assassin que je lance quand mes subordonnés se croient tout permis et se justifient par des excuses inacceptables. Pardon ? Moi, distraite ? C’est toi qui t’ai jeté sur moi je te rappelle, c’est toi qui m’a emmené dans cette pièce isolée des autres ! Lui disais-je pour ma défense, alors que oui, la mienne non plus n’était pas vraiment valable. En attendant, il est clair que je n’avais pas oublié sa toile, mais je la trouvais encore plus réussie que la première fois.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

En y repensant, on avait du se croiser au moins une fois dans le quartier vu qu’en plus de cela j’étais déjà passé devant sa galerie. Je n’y avais juste pas prêté attention vu que je ne suis pas non plus fan de toile ou de peinture. Seulement quand on m’invitait à des vernissages. Et le dernier m’avait finalement emmené jusqu’ici, moi qui pensais ne jamais retourner de mon plein gré dans une galerie. Même si là, quelque part, j’y avais été convié. Je n’y étais pas obligé non plus, mais après tout je l’avais acheté cette toile et j’avais donné de l’argent à cet homme qui n’avait jamais absolument rien représenté pour moi. Aujourd’hui je pouvais bien dire que c’était différent. Forcément, meilleur pour lui et sa réputation. Son égo a même du s’en rendre compte, et à cette idée, ça m’agaçait. Voilà pourquoi il me tardait de pouvoir partir d’ici. Il était donc en train d’emballer soigneusement ma toile, et ça je ne pourrais rien trouver à redire, quand il me proposa de faire un tour de sa galerie. Je n’ai rien de mieux à faire de toute façon. Dis-je légèrement blasée, mais déçue par moi-même d’avoir de nouveau accepté. Certes, je pourrais toujours en profiter pour le mettre à mes pieds, mais au fond je sentais que ça pouvait être dangereux pour moi. Mais bon, je pouvais bien essayer un petit peu, ça m’amuserait bien plus, plutôt que de rester seule chez moi. Il termina alors d’emballer ma toile avant de me faire part de son extrême talent apparemment. Je fronçais les sourcils, n’acceptant pas ce genre d’auto-flagellation, excepté quand c’est de moi-même, bien évidemment. Il fallait donc que je le remette fissa en place Ne te fais pas de fausses idées surtout, ta « merveille » risque de se retrouver dans la cave ou dans le meilleur des cas au-dessus des toilettes. Lui répondais-je assez sèchement, et bien désespéré qu’il ne prenne jamais rien au sérieux de ce que je lui dis. Sûrement que j’ai perdu un peu de sérieux et d’autorité quand je me suis laissé à lui. Pas question que ça se reproduite.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

J'y étais clairement allé trop fort et pour l'une des rares fois dans ma vie, je m'en voulais. Oui je m'en voulais parce que je lui avais menti. Tout simplement pour fuir, pour éviter ce que j'avais envie, pour me fuir moi-même. Par conséquent j'avais été malhonnête autant envers moi qu'envers Gabriel, et ça m'avait fait mal au cœur. Moi qui croyait qu'il m'avait abandonné depuis bien longtemps, je me rendais compte qu'il était bel et bien là. Je crois bien que je vais mieux depuis que je sais que je ne suis plus stérile, depuis que je sais que je vais enfin pouvoir enfanter. Bizarrement, je me sentais l'envie de lui en parler, à lui, sûrement parce qu'il faisait parti de mon nouveau bonheur, parce que si je n'avais pas couché avec lui, je n'aurais pas fait cette fausse couche de si tôt. Et j'étais tout de même exécrable avec lui. Je suis peut-être depuis longtemps une garce qui s'assume, mais parfois je peux vraiment me détester. En attendant, j'avais réussi mon objectif et il avait cédé, il voulait que je parte, alors que moi je me rendais compte que je n'en avais aucune envie. Il m'avait tendu la toile, je l'avais prise mais je n'avais pas pour autant bougé. Seulement il était parti furax et fallait bien que je le rattrape Je ne veux pas m'imposer mais je devrais quand même te remercier. Disais-je simplement pour faire naître la curiosité en lui. Mais je fis genre de ne pas m'attarder et aller vers la porte Tu sais, je ne l'aurais jamais acheté si je l'avais vraiment trouvé médiocre … Lui répondais-je simplement avec un petit air désolé pour seule excuse. J'ai évolué certes, mais j'ai toujours du mal à m'excuser, à part quand je fais vraiment une énorme erreur. En attendant, j'espérais avoir toujours autant de tact pour manipuler les gens et surtout Gabriel pour que sa curiosité pour tout ce que je viens de dire s'éveille et surtout pour qu'il me barre la route. Sinon, tant pis, je serais bien forcée de partir.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

Quand il se mit en travers de mon chemin, je me suis sentie soulagée. Il était assez curieux et intéressé pour ne pas me laisser partir tout de suite. J'essayais tout de même de ne pas sourire, de ne pas paraître trop satisfaite de mon stratagème et ne répondais pas pour l'instant à sa première question. Je ne pouvais pas lui annoncer tout de suite pourquoi je lui étais reconnaissant, ça ne s'annonçait pas devant une porte, prêt à partir. Non, finalement, j'avais vraiment envie de passer du temps avec lui et de lui raconter ce qu'il s'était passé pour moi. A la place, je lui expliquais tout simplement que j'appréciais ma toile, mais ne lui disais pas pourquoi j'étais si exécrable avec lui. Tant mieux, parce qu'il ne me le demandait pas. Il semblait juste surpris que je n'ai pas acheté sa toile par pitié J'ai du mal à avoir pitié, et quand ça arrive, je ne donne pas de chèque avec autant de zéro, crois moi. Lui répondais-je le plus sincèrement du monde. Même si j'avais vraiment eu pitié de lui, chose qui n'était pas le cas, je me serais débrouillée autrement pour le lui montrer, mais pas de cette manière. Non je n'avais pas eu pitié pour lui, à aucune époque, et aujourd'hui je le regardais différemment, plus comme ce gamin qui m'inspirait que du dégoût. Je me demandais même aujourd'hui comment j'avais pu penser ça un jour. Si tu m'offres un verre, je pourrais éventuellement t'expliquer en quoi je te suis reconnaissant. Après tout il avait refermé la porte juste devant moi pour avoir la réponse à cette question, et je le lui devais bien, même si c'est plutôt moi qui ressentait surtout le besoin de lui en parler. Allez savoir pourquoi.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

Au final, si tout à l'heure je n'avais réussi mon coup, à présent tout était bon pour moi. Ou pas. Je risquais encore de me faire avoir à mon propre jeu, surtout depuis que je me suis rendue compte que ça ne me convenait pas quand il me parlait mal. C'est mal parti oui, mais je me laisse avoir, je me laisse aller à mes sentiments, à mes envies, et mon cerveau ne prend plus de décision tout seul. Je l'entend fermer à clés et je ne peux qu'en être satisfaite. J'eus un franc sourire quand il m'affirma aimer les zéros à encaisser. En même temps, qui n'aime pas ça ?! Mais ça justifiait bien le fait qu'il me pardonnait pour mes paroles. Du moins, c'est ce que je suppose. Puisque par la suite il accepta sans broncher de m'offrir ce verre. Bien entendu, moi non plus je n'avais pas envie de sortir, j'avais eu également envie de ce verre chez lui, nulle part d'autre. Il m'avait récupéré la toile pour la poser près de l'entrée pour ensuite que je lui réponde Ca me convient. Lui répondais-je simplement alors qu'il passait proche de moi pour ouvrir le pas que je lui emboîtais rapidement. On arrivait bien rapidement chez lui, vu que ça semblait être à quelques escaliers de sa galerie, et y découvrit un loft assez spacieux et bizarrement assez bien décoré. Bon rien de bien extraordinaire, mais on dira que je m'attendais à pire. On traversait un couloir pour finalement se trouver dans la pièce principale où se trouvait également son bar. C'était parfait ça. Non pas que je sois alcoolique mais j'ai toujours apprécié voir un bar chez un homme. Un gin si tu as, sinon une vodka martini s'il te plaît. Et puis s'il n'avait rien des deux je trouverais bien une autre boisson à lui demander. Même si j'avais très envie de l'une de ces deux boissons et que ça m'embêterait qu'il n'en ait pas. Je n'attendais ainsi pas son autorisation et fis claquer mes talons jusqu'à son canapé pour m'y installer en attendant qu'il vienne me rejoindre avec les boissons.

“ Rebecca & Gabriel ♦ Maybe... „

Je n'avais pas attendu qu'il me dise d'aller m'installer, je n'ai jamais pris cette peine. On m'invite chez soi c'est que forcément je peux me rendre où je veux. Et puis je commençais un peu à avoir mal aux pieds, autant aller m'asseoir. Il m'annonça qu'il avait opté pour du gin et nous en avez servi. C'est parfait, merci. Il me fallait quelque chose qui me monte rapidement à la tête, je ne suis pas très à l'aise malgré mon attitude, il me met toujours dans un état étrange, et non pas seulement parce que j'avais envie de me confier étrangement à lui. J'avais donc récupéré mon verre et y avait trempé mes lèvres. C'est fou ce que ça faisait du bien. Il ne me laissa pas vraiment le temps de souffler ou de boire une seconde gorgée qu'il me demanda pourquoi mes remerciements de tout à l'heure. Je reposais mon verre et retirais mes hauts talons rapidement pour ramener mes pieds sur son canapé, histoire d'être bien plus à l'aise, ou du moins d'essayer. Je reprenais mon verre en main, bus une autre gorgée tout en plongeant mon regard dans le sien et finalement je me lançais Il se trouve que je suis stérile. Enfin, je croyais l'être. Il y a quelques années je ne faisais que des fausses couches. J'en ai fait une autre il y a pas longtemps. J'ai pu rencontré un gynéco enfin compétent et j'ai eu mon opération il y a quelques jours. Et c'est grâce à toi. Merci. Il se trouve que dans mon récit, j'y suis allé un peu trop vite, que c'était logique dans ma tête, mais je n'avais pas précisé quel rôle il avait joué dans cette histoire, mais peut-être qu'il comprendra. En attendant, je me demandais bien comment il allait réagir. C'était pas non plus la grande nouvelle de l'année mais bizarrement ça me faisait du bien de partager ça avec lui, quelque soit sa réaction.