Velvet s’était lancé dans un ménage complet et minutieux de sa villa. Cela lui était venue comme une envie de pizza, non pas que sa demeure fût sale mais elle n’avait rien de mieux à faire et peu désireuse de continuer à tourner en rond comme un lion en cage, elle s’était dit que cela l’occuperait. Pour les trois derniers jours, aujourd’hui elle attaquait enfin la dernière partie de la maison. Le point négatif à vivre dans une villa telle que la sienne, c’était la surface à nettoyer qui devenait rapidement impressionnante, insurmontable même. Elle se promit de se payer les services d’une femme de ménage, ou d’un homme d’ailleurs, elle n’avait rien contre mélanger un peu les genres. De toute façon, avec sa prochaine reprise de travail, l’avocate n’avait guère le choix que d’opter pour cette solution, au de ses horaires habituelles. Lorsqu’elle finit enfin, elle partit s’affaler sur son canapé d’angle, lâchant un soupir d’épuisement. Elle comprenait fort bien son aversion pour ce genre d’activité et peinait à comprendre toutes ces femmes qui délaissaient leur carrière pour s’y consacrer. Elle ne les critiquait nullement, après tout chacun était libre de ses choix, néanmoins… l’incompréhension était bel et bien là. Alors que Velvet s’endormait peu à peu, son téléphone retentit, la faisant au passage bondir du sofa avec un petit cri. Elle ne reconnut pas le numéro aussi décrocha-t-elle avec prudence, elle veillait à ce que peu de personne ait accès à cette ligne. « Oui ? » Elle se redressa, se frottant les yeux comme pour retrouver ses marques dans la réalité. « Oh, vous, je m’en souviens » bien sûr qu’elle s’en souvenait, ce n’était pas tous les jours que l’on avait l’occasion de croiser quelqu’un avec le même parcours, surtout au vu de la spécificité de la situation. « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » Peut-être voulait-il aller boire un verre, et discuter, parait-il que ça aide dans ce genre de situations et elle était certainement la mieux placée pour comprendre ce qu’il traversait.

Boire un verre ou bien discuter, Velvet n'avait rien contre. La solitude commençait à lui peser et elle ne pouvait décemment sans cesse déranger son frère ni sa meilleure amie pour tout et rien. Leur univers ne tournait pas autour de sa petite personne, il y avait toujours sa mère qui n'attendait que ça qu'elle l'appelle, mais l'avocate savait pertinemment ce que cela impliquait et...non. Ce n'était pas du tout une bonne idée. Elle voyait venir des propos moralisateurs, sa mère s'était prise d'affection pour Jeremy et ne voyait personne pour endosser le rôle de son beau-fils, imaginez alors la tragédie que ca été pour elle d'apprendre la fin de cette union. La tristesse avait été sûrement plus vive que pour Velvet et cette dernière n'était pas prête à écouter ses reproches sur son incapacité à garder un homme, sur le fait qu'elle trouverait pas meilleur parti que lui et il lui faudrait chercher un moyen pour le récupérer. Bref, cette simple idée la fatiguait déjà. oui bien sûr qu'elle tient toujours ! plutôt deux fois qu'une fois faillit-elle ajouter. Elle n'était pas assez saoule durant leur première rencontre pour ne pas s'en souvenir ou l'avoir fait sur un coup de tête. tu voudrais emménager quand ? elle était passée au tutoiement, après tout entre futurs colocataires, la familiarité était de mise.

« A l’hôpital tout va bien ? »

la curiosité était un bien vilain défaut disait-on, mais elle n’était pas de cet avis, après tout, ils allaient bientôt devenir colocataire, aussi n’était-il pas de son devoir de se soucier de la santé de son voisin de palier ? Assurément que oui ! Cela faisait d’elle une hôte des plus agréables et avenantes, ou quelque chose dans le genre.

« Ce soir, il n’y a aucun problème »

l’on pouvait sentir le sourire dans la voix. Cela lui laissait un peu de temps pour vérifier que rien ne trahissait sa vie de célibataire, l’on n’était jamais assez prudent, autant avait-elle oublié quelques recoins durant sa matinée ménage. Elle se devait de bien présenter, au moins pour le premier jour et ensuite, eh bien, il finirait par s’accommoder. Et surtout, elles espérait qu’il sache cuisiner, ah, Dieu que Jeremy lui manquait.

« Un bébé, à priori non, quelle tranche d’âge ? »

Et en plus il y avait un bébé dans cette histoire de coucherie ? Cela ne rendrait pas les choses simples, comment s’y prendraient-ils pour lui expliquer que ses parents se sont séparés car maman préférait les filles ? Les enfants ont beau comprendre mais cela n’empêche cela risque de rendre les dîners de famille quelque peu tendus, peut-être que d’ici là avec la libération des mœurs, il sera plus à même de l’accepter.

« Enfin, il n’y a pas de problème pour ma part en tout cas »

Et c’était vrai puisqu’elle aimait les enfants, passant d’ailleurs énormément de temps avec les enfants de ses plus proches amis alors que les questions fusaient sur sa situation à elle, à savoir quand passerait-elle le cap, pour sa part il était trop tard, à quarante ans, difficile de retrouver la ligne et puis elle n’avait aucune envie d’être prise pour la grand-mère de son enfant en emmenant ce dernier à l’école.  

« Non, tu ne me l’avais pas dit »

Et l’on ne pouvait pas dire qu’il y ait vraiment eu un moment dans leur discussion où cela aurait été judicieux de mettre sur la table. Shane n’avait pas été des plus bavards, quoi de plus normal au vu de la situation qui lui explosait en pleine tête.

« Chouette boulot »

Il n’y avait aucune espèce de pertinence à cette remarque mais elle tenait à le formuler, car c’était un travail plus louable que le sien, qu’elle considérait par moment comme dans la prostitution. Elle en avait pris des affaires que sa morale reprouvait mais grandement appréciées par son comptable. Aujourd’hui elle tentait de se rattraper, maintenant que le cabinet était considéré comme l’un des meilleurs de Brisbane, il lui fallait réparer les tords qu’avait engendré cet ascension.

« D’accord, en tout cas il n’y a pas de problèmes »

Elle entendait sa fierté et au vu de des paroles de Shane, soit elle avait mal entendu, soit elle était certaine que l’enfant n’était pas avec sa femme. Enfin, ce n’était pas ses histoires, même si elle avouait volontiers être curieuse d’en savoir plus sur ce point, les joies d’avoir une existence vide.

« Pas de problème et à ce soir alors »

Et elle raccrocha. Sa vie dans cette nouvelle maison promettait d’être intéressante.