Même si j'avais préféré trouver un moyen pour prévenir Antoine qu'il ne pourrait pas venir, je suis tout de même content qu'il soit là. Et en plus avec des chocolats ! Et les chocolats que j'aime. Il est parfait ce patient. J'accueil le cadeau avec un très large sourire et remercie chaleureusement Antoine. Je pose le tout sur mon bureau puis désigne son épaule et lui demande comme ça va, si ça fait encore mal où si ça commence à se remettre. Il me dit que tout va bien, que j'ai de l'or dans les doigts et que je suis un vrai magicien. Je rigole doucement et hoche la tête alors qu'il arrête les mouvements.

 « Tant mieux alors. Tu peux t'allonger là, sur le banc ? On fera un peu de massage puis je te montrerais des exercice de musculation à faire, ok ?» avant qu'il ne s'exécute, Antoine me retourne la question, souhaitant savoir comment je vais, moi.   «ça va » répondais-je simplement en haussant l'épaule gauche. Je profite ensuite du fait qu'Antoine ait le dos tourner pour faire faire quelques mouvements à mon épaule avant de m'approcher de lui. Je pose mes mains sur son dos et commence à palper un peu ses muscles mais aussi les structures de ses articulations.  «Le trapèze est encore bien tendu » commentais-je en allant chercher l'huile de massage. J'en met un peu dans mes mains puis les pose à nouveau sur le dos de mon patient.  « Tu as refait du Volley entre temps ? Ou pas du tout ?»

Je commence à masser ses épaules,ignorant la douleur dans la mienne. Mais au bout de même pas 10 minutes, cette même douleur est a un son apogée et je suis obligé d'arrêter le massage. Fermant les yeux, je soupire en me détournant en sers les dents en posant une main sur mon épaule. Je fais quelques pas vers la porte puis reviens et remarque qu'Antoine s'est redressé. Je relève quelques instants le regard puis soupire en le baissant de nouveau  « Désolé» soufflais-je  «Mon épaule ne me laisse pas tranquille depuis hier soir. J'ai même annulé tous mes patients dès 9h. Je voulais t’appeler toi pour décaler notre rendez-vous mais j'ai réussi à te joindre  » je soupire et grimace en dépliant mon bras que j'ai gardé fléchis contre moi pendant un peu trop longtemps  «Tu … on vas arrêter le massage là. Tu vas faire autre chose à la place » je m'en veux vraiment beaucoup de montrer mes faiblesses à un patient, mais j'ai appris à écouter mon corps. Et quand celui-ci me dit que ça ne va pas, c'est que ça ne va pas.

« Ce que j’ai fait ce week-end ?» demandais-je confirmation à mon patient «J’ai dormi » je rigole doucement « Non plus sérieusement, je n’avais absolument rien à faire, aucune réunion avec les Sea’s, pas d’action, pas de manif’, j’ai bossé mes cours d’ostéo et … c’est tout. Je suis allé boire un coup avec mon frère aussi et voilà. Rien de bien palpitant» je souris doucement. Ce n’est pas plus mal que ça parfois de n’avoir rien à faire.

Je lui demande ensuite de se mettre sur le ventre puis commencer à palper les différentes structures qui composent son épaule. Je lui indique que son trapèze est toujours très tendu puis vais pour le masser. Antoine s’étonne que cette information mais je n’y prête pas attention, préférant savoir s’il a rejoué au volley ou non. Il me dit que c’est la pause, qu’il n’a plus touché un ballon depuis la dernière fois et que de toute manière il a prévenu l’équipe qui ne sera pas disponible avant bien un mois. J’hoche doucement la tête et souris doucement lorsqu’il précise avoir passé son week-end en amoureux « je vois. Du devrais donc logiquement être plus détendu qu’autre chose au final » souriais-je en le massant.

Pourtant, je suis obligé d’abréger le massage tant mon épaule me fait mal. Je le lâche fait quelques pas vers la porte puis reviens vers Antoine qui s’est redressé. Je m’excuse et lui explique ce qui se passe. Celui-ci me dit que je suis bête, que si je lui avais dit que je ne pourrais pas le prendre en charge aujourd’hui il ne m’en aurait pas voulu. Mais bon, fierté, diront-nous. Enfin bref. Je soupire doucement «Je n’allais pas te faire déplacer pour rien … » marmonnais-je en me massant un peu l’épaule avant de le regarder et lui dire que je vais lui faire faire autre chose.

Pour toute réponse, il me dit que non, la séance est fini et me demande d’enlever mon t-shirt. J’arque un sourcil et hésite un instant lorsqu’il m’indique de me coucher sur la table. Je l’observe lui, puis la table puis pince les lèvres et déglutis et hoche la tête. Je retire mon t-shirt avec peine et m’allonge sur le dos. J’allonge mon bras le long de mon corps et lance un coup d’œil vers Antoine « Prends la chaise là et assied-toi derrière mois » je le laisse se mettre en position « Maintenant tu prends ma tête en main. Ma tête doit reposer sur tes poignets et place tes mains dans ma nuque …. Comme ça» avec la main de mon bras valide je place correctement ses mains dans mon cou « Maintenant tu tires un peu sur ma tête. Très légèrement, pas trop fort, juste histoire d’écarter un peu les vertèbres» je ferme les yeux lorsqu’il s’exécute. « Tes doigts, tu peux les enfoncé ici, dans le trapèze tu devrais sentir un point très dur qui …» j’écarquille les yeux et ouvre la bouche lorsque Antoine trouve directement le point plus que sensible. « Ouais, exactement là» je ferme les yeux et pince les dents, grimaçant « Reste là sur le point avec une pression constante»

Je déteste cette épaule, je déteste cette faiblesse que je suis obligé de montrer à Antoine. Je déteste me sentir aussi impuissant. C'est juste horrible. Je ne suis pas quelqu'un qui montre ses sentiments, je ne me laisse pas dépasser par les évènements. Surtout pas face à quelqu'un que je ne connais pas. Et c'est justement ce que je suis entrain de faire là, face à Antoine. Je lui avoue mes problèmes, mais seulement parce que je n'y tiens plus. Il m'engueulerait presque, il me dis qu'il ne veut pas que mon épaule lâche surtout si j'ai des problèmes à la base déjà et que je dois être plus préventif.

J'hoche simplement la tête avant d'enlever mon t-shirt et m'allonger sur la table comme il m'a demandé de le faire. Je lui explique rapidement la prise en main. Même si ça n'arrangera peut-être pas mon épaule, un petit massage ne me fera sans doute pas de mal. D'ailleurs, Antoine semble être un très bon élève, je crois qu'il a le bon feeling tant il trouve directement le point sensible de mon trapèze. Je le laisse faire et me détends le plus possible, même si ce n'est vraiment pas facile.

Je rigole un peu lorsqu'il me dit que je suis tendu comme une crampe et soupire doucement pour me relâcher  «Désolé » soufflais-je en fermant à nouveau les yeux.  « Non, non t'inquiète pas. Tu fais ça bien, j'ai juste besoin de me relâcher ce … c'est tout» je gémis un peu lorsqu'il ré appui plus fort sur le coin supérieur de l'omoplate  « Si tu veux savoir, mon collègue m'a remis en place avant » je souris doucement  «Il a remis mon épaule en place et m'a massé … mais un truc de malade. Ton massage là, c'est de la rigolade à côté de ça » je me détends un peu sous les doigts du jeune homme  «Et puis ça commence à aller un peu mieux là » j'ouvre un œil  «Descend un peu le long de la nuque en faisant de petits mouvements circulaires avec des doigts » ma respiration devient plus normale et plus calme. Je me concentre sur le massage de mon patient et parviens ainsi à oublier un peu la douleur.

Antoine est bon dans son masseur. Je ne dirais pas que c’est le meilleur qui existe, mais pour une première fois c’est déjà vraiment bon. Il apprend vite et applique tout à la lettre. Il ferait un excellent kiné, je pense. Tendu au début, je me détends assez rapidement sous ses doigts et ferme les yeux pour profiter pleinement de cette séance improvisée. Je lui explique un peu ce que mon collègue m’a fait avant et Antoine trouve que de toute manière, y aller comme un bourrin n’est jamais bon. J’hoche doucement la tête pour lui donner raison. Je rigole ensuite lorsqu’il me demande quand je le prends en adjoint dans mon cabinet «Quand tu veux mon petit, quand tu veux … » soufflais-je, sans ouvrir les yeux.

Après plusieurs longues minutes de massage, je sens finalement comment mon trapèze se relâche. La musculature qui entoure mon épaule est bien moins tendue et j’entends Antoine s’étonner. « Non, ça ne veux pas dire ça » lui expliquais-je en rouvrant les yeux «ça veut simplement dire que le muscle est relâché pour l’instant. Mais ça n’arrange en rien mon problème d’épaule » je lève mon regard sur lui puis souris « Je vais me reposer aujourd’hui, voir comment ça évolue. Et si ça ne va pas mieux demain, j’irais sans doute consulter»

Je me redresse ensuite et m’assoie sur le banc. Je fais rouler un peu mon épaule puis soupire « Je n’attends qu’une seule chose, c’est qu’elle se déboite à nouveau et que le médecin la remette correctement en place » je me lève du banc en m’aidant seulement de mon bras gauche et me tourne vers Antoine « A Manaus c’est Jameson qui me l’a remise en place, mais j’ai bien l’impression qu’elle a fait plus de mal qu’autre chose. La coiffe des rotateurs a été en parti endommagé et les ligaments sont toujours aussi étirer. Du coup mon épaule est instable et elle adore se subluxer. La tête de l’humérus sort donc légèrement de sa cavité et tire sur les ligaments et les autres muscles » je me frotte l’articulation et joue un peu avec mon bras « Mais ça va bien mieux en tout cas. Merci beaucoup » je lui souris chaleureusement et me dirige vers le bureau «Tu veux encore faire quelque chose toi ? je peux te donner quelques exercices à faire pour muscler l’épaule et détendre ton trapèze »

 «T'es sûr ? » demandais-je lorsqu'Antoine me dit qu'il préfère resté dans ce qu'il sait faire et rester DRH. Je soupire doucement, gardant les yeux fermés  «En tout cas tu sais que si tu veux te recycler tu peux tenter une formation de kiné » lui indiquais-je. Avec un peu d’entraînement il pourra sans problèmes très bien masser et apprendre d'autres techniques. Mais bon, après c'est un choix à chacun : il y en a qui préfèrent rester dans un bureau, d'autre qui préfère être en contact avec les autres. Moi je fais parti de cette catégorie là.

Je fini par me redresser, lui explique que, bien que je sois plus relâcher, mon épaule ne me foutra pas la paix pour autant avant de lui indiquer que je me reposerais. Antoine me réplique que oui, je devrais vraiment me reposer puis me dit que je ne suis qu'humain et que si ça va pas il faut que j’aille consulter et ne pas rigoler avec ça. Je roule des yeux en souriant  «Oui Maman, je le ferais » souriais-je, amusé avant de reprendre mon sérieux  «Enfin, plus sérieusement, oui ne t'inquiète pas. Je vais gérer, ça va aller »

Je lui explique ensuite plus en détail ce qui se passe avec mon épaule. Il est réellement choqué quand je lui annonce que j'attends seulement la prochaine fois que mon épaule se luxe pour qu'on la remette correctement en place. Je m'empresse donc de lui expliquer les raisons qui me poussent à lui dire ça et je pense le rassurer un peu. Il émet plusieurs hypothèses par la suite, se demandant s'il ne serait pas juste possible de m’anesthésier pour déboîter l'épaule et la remettre ensuite en place. Puis il dit que lui-même s'en chargerais bien mais il a peur de ne pas contrôler sa force et risquerais d’aggraver la situation. J'arque un sourcil puis hoche vivement la tête  «A part pour les massages je ne te laisserais pas toucher mon épaule, jamais. Pas avant que tu n’aie fini ta formation d'ostéopathe, et encore ! » je rigole doucement  « Non sérieusement, ça va aller. Je vais voir le médecin si ça ne va pas mieux demain et on verra bien ce qu'il dit »

Je lui demande ensuite s'il ne veut pas continuer un peu les exercices, mais lorsqu'il me demande si ça va vraiment pour moi, j'hésite. Non, mon épaule me fait encore très mal et je ne me sentirais absolument pas capable de faire une thérapie sans lui montrer ne serait-ce qu'un seul exercice. Lorsqu'il me propose de me ramener ensuite chez moi, je le regarde et hoche doucement la tête  « Je suis venu à vélo ce matin, mais ouais, si ça ne te dérange pas de me ramener en voiture ça serait super cool de ta part» je lui souris doucement  «Pour les exercices je te les enverrais par courriel, ok ? Là j'avoue que je ne me sens pas capable de me concentrer …  » je soupire doucement  «désolé  » m'excusais-je à nouveau à mis voix.

Je suis sincère quand je dis que cet homme est un kiné né. Bien sur, il devrait suivre la formation que j'ai suivi et j'avoue que je ne connais pas assez Antoine pour savoir s'il s'en sortirait avec toute la théorie, mais au niveau pratique il sera bon.  «Au moins tu sais que tu as un cobaye devant toi sur lequel tu pourras t’entraîner  » souriais-je alors qu'il fini son massage.

Je passe ensuite quelques instants à lui expliquer la réalité sur mon épaule, avant qu'il ne m'ordonne de me reposer et de ne pas rigoler avec ça. Avec amusement, je le traite de maman et j'ai un petit pincement au cœur lorsqu'il empoigne mon épaule gauche en m’appelant 'fiston'. C'est mon père qui disait ça souvent. Mais je ne me laisse pas submergé par les sentiments et recentre rapidement, indiquant à Antoine que jamais je ne le laisserais toucher à l'articulation de mon épaule. Il joue le déçu mais au final il sait bien que j'ai raison et me propose même de me ramener chez moi. Chose que j'accepte quasiment immédiatement.

J'attrape mon sac à dos et le suis hors du cabinet. J'explique en très bref la situation à Svetlana mais n'entre dans les détails. De toute manière ce que je fais de ma vie ne la regarde absolument pas. Je sors donc ensuite sur le parking avec Antoine et me dirige vers sa voiture. Je m'installe, met ma ceinture puis me recule contre le siège en soutenant mon bras. Lorsqu'il met le contact, une chanson qui m'est inconnue me vient aux oreilles. C'est pas trop mon style mais j'évite de grimacer ou de montrer quoique ce soit. Il est déjà bien gentil de me ramener chez moi.

Lorsqu'il me dit qu'on l'appelle le Vin Diesel des routes je fronce les sourcils. Je connais l'acteur mais pas la référence. Il fait rugir le moteur puis se calme en démarrant tranquillement.  «Je connais pas ta référence  » avouais-je finalement  «Je veux dire, je connais l'acteur c'est clair mais …. j'aime pas. Du moins pas assez pour avoir vu ses films quoi  » je regarde Antoine  «Tu prendras à gauche dès que tu pourras et tu te dirige vers Logan City, ok ? Après c'est un peu chiant, tu pourras me laisser sortir à un coin de rue, j'en aurais pour une petite centaine de mètres à marcher encore  » je me recule contre le dossier et ferme les yeux avant de soupirer  «Je te recontacterais pour les nouveau rendez-vous, ok ? » je pose mon regard sur le jeune homme  «Mais ce ne sera sans doute pas cette semaine. Sûrement la semaine prochaine... on verra bien » je souris légèrement puis ferme à nouveau les yeux  «Merci encore pour le massage, ça fait vraiment du bien » je sens effectivement mon épaule plus relâchée. Même si l'articulation en elle-même est encore très douloureuse, le muscle autour est au moins un peu plus relâché.