Comment t'expliquer les choses ?

J’ai rendez-vous dans un café pour rencontrer un journaliste. Nous allons parler des femmes battues et violentées. J’ai choisi un café afin de ne pas dire le lieu en question. Je tiens à la sécurité des femmes qui vivent chez moi. Je préfère faire les choses comme il faut. Je me rends donc au café en ayant un peu de stress. Je ne sais pas pourquoi est-ce que je suis stressé comme ça, mais bon, je me dis que cela va passer. Je souris, je me dis que tout va bien se passer même si je suis un peu perdue. Est-ce que je dois tout dire ? Est-ce que je dois rester évasive ? Est-ce que je dois trouver une autre façon pour moi de dire les choses ? Comment est-ce que je dois procéder ? Je réfléchis dans le bus tout en réalisant que ce petit papier va sans doute aider pas mal de gens. Est-ce qu’ils vont réagir ? Est-ce que les mentalités vont changer ? Je compte les arrêts du bus afin de ne pas louper ma station. Il n’y a pas eu de grèves ou de retards depuis un bon moment. C’est une bonne chose finalement, je ne regrette pas de prendre le bus un peu plus souvent. Tout compte fait, ce n’est pas plus mal aussi de prendre le bus. J’envoie des textos tout en regardant le paysage. Je prends mes repères et je descends du bus.

Le café n’est pas bien loin, je regarde comment y aller. Je suis à l’heure c’est bien un miracle. Remarque, je n’aime pas du tout être en retard. Je me dis que ce n’est pas respectueux du tout d’être en retard. Je tiens mon sac comme il le faut, puis, je le mets en bandoulière afin que l’on ne me prenne pas mon sac. Je rentre dans le café. Je vois une place de libre. Je vais m’y asseoir tout en voyant le serveur qui arrive dans ma direction. Je lui demande gentiment : « Bonjour, serait-il possible d’avoir un café s’il vous plait ? » Il sourit, puis, il s’en va, je regarde dehors, je me demande bien à quoi ressemble le journaliste. Je ne l’ai eu qu’au téléphone. J’ai pris la table que nous avons convenu. Je vois le petit pot de fleurs au milieu qui va être l’indice pour voir le journaliste en question. Le serveur revient avec mon café, je patiente donc le temps que mon interlocuteur vienne à notre rendez-vous.

© Kimiko

Comment t'expliquer les choses ?

Je vois un jeune homme venir vers moi, je lui dis : « En effet, il s’agit bien de moi. » Je souris, je lui dis en riant : « Mais oui, je me souviens aussi de vous. Oh quelle journée…. Je m’en souviens encore. Remarque on a bien rit aussi. » Je bois mon thé aussi, je souris, je ne vois pas trop comment est-ce que l’on va faire par la suite, mais bon, je me dis que pour une fois cela risque fortement d’être assez drôle comme entretien. Je lui demande : « Vous avez sans doute des questions. Vous voulez commencer par lesquelles ? » Je suis prête à lui répondre, après tout, si cela peut aider mon association à aider d’autres femmes, je ne dis pas non. Je dois juste trouver comment faire pour qu’elles ne soient pas en danger. Je regarde autour de moi si on ne m’a pas suivi. Je ne veux pas faire venir des mauvaises personnes dans mon lieu. Je sais aussi que je dois trouver des choses et une façon de faire qui ne va pas mettre en danger mes protégées.

«Tout d’abord, je ne vous donnerai pas les lieux de protections envers les femmes. Alors, il ne faut pas me demander. Je ne vous les donnerai pas. » Comme ça au moins, il sera au courant, et il va bien comprendre que les choses vont se passer tel que je le décide. Je rajoute : « C’est pour que personnes ne leurs fassent de mal, j’en conviens que cela ne va pas vous aider, mais je voudrais que mon réseau soit sain et sauf que personnes n’aillent semer la pagaille. Je vous ai amené de la documentation comme ça vous pourrez avoir plus d’informations pour votre article. » Les brochures que l’on trouve au commissariat ou dans un centre de planning familial. Je souris, je trouve que vu la situation, cela ne commence pas trop de travers. Je préfère aussi mettre les choses à plat de suite afin de pouvoir lui faire comprendre qu’il s’agit d’un problème grave à ne pas négliger.

© Kimiko

Comment t'expliquer les choses ?

Je peux voir que Charlie prend les documentations que je lui ai amenées. Je souris, je préfère aider du mieux que je peux sachant que pour ma part, je vais sans doute devoir parler de ma vie privée. J’écoute sa première question, je lui dis ayant un nœud dans le fond de la gorge : « J’ai vécu tout simplement la même chose que la plupart des femmes qui viennent dans les centres qui sont en ville. » Cela est dit, il va sans doute essayer de poser un peu plus de questions ce qui est tout à fait normal, vu qu’il fait son métier. Je souris tout en prenant un peu de ma boisson. Je préfère rester calme, cela va répondre à sa question, il n’y a pas tellement de choses à rajouter par la suite. Néanmoins, il a dit qu’il respectera mes mots, je peux donc lui répondre tout simplement. Je me souviens encore de mon cousin qui est venu avec ma mère pour que je puisse me sauver. Seulement, je sais aussi que je ne dois pas trop être mal à l’aise, si je dois passer par-là pour aider les femmes.

Je repose ma tasse, je peux voir que cela me fait du bien, de prendre mon temps avant d’avoir la suite des mots. Je vais bien entendu, réfléchir aussi à comment formuler mes phrases. Je ne tiens pas non plus à avoir encore plus d’ennuis. Je ne veux pas non plus que les gens comprennent de travers. De plus, tout en observant les gens, je peux voir que certains essayent d’écouter la conversation. Je dis gentiment : « J’ai eu envie de faire un centre pour aider ces femmes. Je n’ai pas eu cette chance, alors, je me suis dit que je ne devais pas rester sans rien faire. Je préfère aussi essayer de faire de mon mieux afin que ces femmes puissent avoir une aide afin de rebondir dans leurs vies. Je ne suis qu’en tremplin, après, les femmes repartent et volent de leurs propres ailes. » J’ai dit cela calmement, mais avec douceur, je ne tiens pas à passer pour une femme méchante.

© Kimiko

Comment t'expliquer les choses ?

« Forte ? Il ne faut pas rater son coup, il y a des gens qui vont vous dire que cela ne sert à rien, que vous perdez votre temps. Puis, il y en a d’autres qui vont vous dire que cela vaut le coup. » Je souris un peu, je rajoute alors tout simplement : « Et bien, il y a aussi des gens qui vous aident, on ne sait pas pourquoi, mais vous avez des gens qui tentent de vous aider. C’est la solidarité qui fait que tout fonctionne, on a bien entendu des hauts et des bas… C’est difficile parfois d’être forte, on se dit que tout peut s’écrouler. » Je suis réaliste, je me dis que je ne dois pas laisser tomber, que je dois tout faire pour que cela s’arrange. Je préfère me dire que je vais bien sauver des gens. Je souris, et je tente de donner une petite explication : « Il y a plusieurs violences que les femmes ou les hommes subissent. La violence verbale ou physique, en général, les deux vont ensembles. On commence par la verbale et les coups pleuvent par la suite. C’est un petit problème que l’on rencontre souvent. » Je souris, je reprends alors mes petites explications : « En général, les femmes ou les hommes qui ne sont pas toujours respectés aiment leurs conjoints. Ce qui n’aide pas dans la reconstruction mentale et physique. »

Je préfère essayer de faire les choses comme il le faut. Je réfléchis un peu plus, je tente de lui donner une réponse : « Par exemple un jeune couple, une femme tombe amoureuse d’un homme, tout se passe bien jusqu’au premier coup où la jeune femme est enceinte. C’est à ce moment-là qu’elle se sauve en portant plainte ou pas. C’est un peu plus difficile pour certaine femmes ou hommes, parce qu’il y a des hommes. » Je bois un peu plus ma boisson, je dis tout simplement : « On va ouvrir aussi un centre pour hommes, après tout, ils sont aussi dans des cas similaires, par exemple. J’ai eu un homme il n’y a pas longtemps qui est venue me voir pour avoir de l’aide. Sa femme le prend pour un moins que rien, elle le rabaisse en permanence, elle le frappe aussi, elle l’humilie. Elle espère avoir comme on dit la position dominante dans le couple sans penser que son mari a aussi sa place. Elle veut l’écraser comme un bulldozer passe sur une voiture pour l’écrabouiller. » Je sais que cela va sans doute le surprendre, mais bon, je tente de lui donner une petite explication en plus : « Que cela soit un homme ou une femme, ils ont tous les deux la sensation d’avoir honte, que c’est leurs fautes. Ils se disent qu’ils l’ont bien cherché mais ce n’est pas le cas du tout. »

© Kimiko

Comment t'expliquer les choses ?

J’écoute Charlie, je lui annonce : « Parfois, c’est assez surprenant, mais très impliqué, je préfère leur laisser une chance, il y a des gens qui veulent aider et d’autres qui ont envie de faire une bonne action afin de se faire pardonner. » De plus, je trouve que la situation est assez compliquée comme ça, je dis sérieusement : « Lorsqu’une personne vient comme ça, je me méfie toujours un peu ,je ne tiens pas à avoir encore plus d’ennuis, après, je me doute que pour l’instant cela doit vous paraître assez étrange. Mais si une personne vient aider et que je ne la connais pas, en général, je dis non. »Je me souviens d’une femme qui a voulu aider mais qui en fait est la personne qui a bien entendu maltraiter ses enfants. Je m’en suis rendue compte juste à temps pour sauver les bambins. Depuis, ce jour-là, je fais tout pour que cette situation ne se reproduise pas. Je souris, je suis finalement bien avec ce jeune homme, il est correct, je l’aime bien, je me dis que je ne dois pas non plus être méchante avec lui.

« Oui, c’est très important, je réalise parfois que je dois les faire aller dans un autre pays pour qu’elle aille mieux, je comprends aussi qu’elles ont parfois des doutes que je dois à tout prix faire partir cette sensation. Mais c’est difficile pour moi de ne pas trop m’attacher. » Je fais une moue, il est parfois difficile de ne pas s’attacher aux gens. Je suis sensible, je tiens à toutes ces personnes, je trouve que je ne dois pas non plus être comme ça, mais je le suis. Je tente de donner une nouvelle fois une réponse des plus lisibles possibles : « On est plusieurs à aider, il y a des psychologues, des travailleurs sociaux, des aides extérieurs de l’état qui sont là aussi pour aider. On est plusieurs à avoir ce genre de responsabilités. » J’essaye de lui donner des réponses utiles pour qu’il puisse bien écrire son papier.

« Le travail du psychologue est là pour ça, j’ai aussi mon diplôme mais vu mon rôle je suis parfois trop proches de ses femmes. Je laisse alors la place à une autre personne pour que cela puisse mieux fonctionner. » Je souris, je tente de mettre dans ma tête les idées qui vont sans doute être plus difficile à expliquer. « C’est certains qu’au début, cela est plus difficiles pour elles ou pour eux. Seulement, si cela devient trop dangereux pour ces personnes, on les change de pays. Là-bas, il y a d’autres centres qui prennent le relais, en général, cela fonctionne bien, avec le temps, ces personnes vont de mieux en mieux. » Je souris, puis, je dis fermement : « Tout à fait, il y en a mais personne n’en parle c’est dommage. » Je fais une grimace cette situation ne me plait pas du tout, mais, je ne peux pas sauver tout le monde. J’essaye de lui répondre : « Ils ou elles passent un peu de temps chez nous après vient le moment, où les personnes repartent pour un nouveau lieu seuls et tentent de continuer leurs vies. Il y a tout un réseau qui se met en place afin de continuer à aider en cas de besoin. »

© Kimiko

Comment t'expliquer les choses ?

« Et bien, je vais tout d’abord, vous parlez dans des lieux publics comme celui-ci. Je ne tiens pas à ce que vous ramenez des dangers dans mon lieu de vie. Je me méfie tout simplement, vous ne viendrez pas dans mon centre. Vous n’aurez pas toutes les informations en une seule fois, vous n’aurez rien afin de protéger mes ouailles. » Je souris, je trouve que je ne dois pas non plus éviter de faire les choses. Je souris, je tente de lui donner aussi une autre réponse : « Il est parfois difficile de s’en détacher surtout lorsque les personnes vous touchent le plus. Seulement, cela ne leur rend pas service du tout étant donné qu’ils doivent avant toute chose se débrouiller seuls par la suite. Il ne faut pas croire que les aider comme ça est forcément bien. Après, je peux vous dire que c’est aussi difficile pour eux d’y arriver. » Je bois un peu de mon café, je ne vois pas trop quoi dire, je souris, je réfléchis un peu plus. Je tente de remettre mes idées en place.

« A plusieurs, on y arrive mieux, on peut se répartir les tâches. C’est moins fatiguant aussi. Je pense qu’il est bien aussi que je sache quoi faire, parfois avoir un avis en plus extérieur n’est pas une mauvaise chose. » Je préfère ne pas trop abuser, mais bon, je tente de voir comment est-ce que je peux faire pour la suite… Je réfléchis un peu plus, je me dis que je ne dois pas non plus éviter de lui répondre. Je tente de lui donner une bonne réponse : « On n’en parle pas beaucoup. Ils ont honte, alors personne n’en parle… » Je souris, je trouve que ce n’est pas plus mal pour une fois que je trouve une autre réponse à lui dire. « C’est certain que cela change les codes sociaux, on ne pense pas que tout le monde est un être humain. Tout le monde, oublie que nous avons tous nos sentiments. » Je souris, je préfère ne pas trop me prendre la tête. « Tout à fait, c’est ce que l’on fait. »

© Kimiko