|
7 résultats trouvés pour 95 | Auteur | Message |
---|
Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Sam 3 Fév - 14:53 | BRUISES THAT WON'T HEAL
“Et c’est le cas.” ai-je réprimé parce que je ne suis plus certain de rien à présent. J’aurais juré que mes sentiments transpiraient de tout mon être, que mon coeur battant pour elle était toujours calqué sur le sien, que leur chant se répondait en écho et non en canon comme si l’un de nous deux avait un train de retard. Que tout ce que je puisse aimer cette femme soit passé à la trappe à cause de mon acharnement à lui faire la guerre, plus tard, je le saisirai sans mal. Sur l’heure, je suis assommé par le “ceci” (la remise en question) et saper par le “cela” (elle ne ressent rien de mon amour). Pour le moment, je m’interroge sur ce qui la pousse à balayer les beaux moments, aussi rares ont-ils été depuis mon incarcération, mais à quel profit ? Que gagne-t-elle à contester les évidences ? Est-ce ma faute si ses yeux sont fermés ? Si elle est devenue hermétique à ma noblesse, est-ce vraiment à moi de payer ? Pourquoi suis-je obligé de l’entendre proférer des accusations frelatées ? «Je ne t’en veux pas pour ça. Le souci avec Callum, c’est qu’il n’a rien fait. Et aussi que c’est moi qui suis enfermé ici et qui m’inquiète pour toi parce que je n’ai plus personne en qui j’ai confiance qui est là pour veiller sur toi quand tu es au casino, qui est là tout le temps quand tu te déplaces parce que mon frère ne peut pas tout savoir.» Abe fait de son mieux, mais tout rustre puisse-t-il être, il est voué à être dévoré par le caractère en acier trempé de mon épouse. Je ne serais pas surpris qu’il se méfie autant de ses sautes d’humeur que des miennes. «Mais, je ne t’en veux pas pour ça, j’apprends à composer avec ce qui me tracasse.» Ce n’est pas évident, c’est vrai. Du reste, ce n’est pas un facilitateur de colère, pas au même titre que la jalousie, que la sensation d’être inutile et impuissant, de ne plus servir à rien et pour personne dans mon quotidien. Certes, ce n’est pas imputable à mon épouse et je finirai bien par en prendre conscience. En attendant, je prends la mouche. Je n’ai pas besoin d’être infantilisé. Je ne suis pas un gosse qui, après avoir commis une bêtise, ne peut présenter d’excuses que s’il est capable d’en expliquer les causes, d’avoir appréhendé les conséquences de ses actes, de se repentir la tête basse, le regard rivé sur mes baskets et les doigts entortillés. Est-ce que je considère pour autant qu’elle est ingrate ? Non ! Je suis noyé par l’incompréhension et, somme toute, j’ai l’impression de ne pas être “assez” pour ces exigences, mais elle n’est rien de ce qu’elle décrit et je devrais la rassurer. Il convient de lui affirmer que tout ira pour le mieux, mais j’en suis incapable, et ce pour deux raisons : je suis braqué et mes mots étant à son sens vides d’intérêt, je préfère me taire ou balayer les questions qui sont trop pénibles à aborder ou qui se retourneront contre moi, fatalement. J’en tiens pour preuve ce blâme d’être maître chanteur. J’ai soupiré. J’ai soupiré plutôt que de m’écrier, par indignation, un “n’importe quoi” parce que je me sens insulté. Je ne cherchais pas à la piéger, je m’accrochais aux branches, non plus dans l’espoir qu’elle rentre ce soir - elle n’en a visiblement pas envie -, mais avec celui plus raisonnable de rétablir le dialogue. Toutes mes tentatives ont échoué. alors, oui, j’abandonne. Ma cigarette se consumant entre mes doigts, une envie de boire me collant à la peau - ma sobriété ne date pas d’hier, mais ce mal-là ne disparaît jamais -, je pianote la rambarde de mes doigts nerveux. J’ignore qu’ajouter puisque rien ne fonctionne alors je demande à voir mon enfant parce que je ne peux envisager d’en être séparé plus de quarante-huit heures. Je réclame quelques heures avec elle parce qu’elle aussi, elle me manque terriblement. L’absence de ma famille est une épreuve et tout semble indiqué qu’elle persistera dans le temps. Je me prémunis donc d’une partie de ma tristesse à venir alors que je me demande sérieusement, depuis bien longtemps, si mon couple est en danger, si nous approchons de la rupture puisque je n’ai plus le droit de communiquer mes émotions par la voie charnelle. «Ça l’est pas. Ça le devient parce que je ne le fais jamais assez bien.» Je suis toujours trop égoïste, jamais assez concentré sur elle et toujours de mauvaise foi. Ce qui reste de moi, ce qu’elle n’a pas réussi à modeler, quoiqu’elle prétende que ça n’a jamais été son but, est détestable ou problématique. Une requête aussi simple que la garder au téléphone jusqu’à ce que la fatigue nous gagne n’est même pas en projet et mon coeur tombe à mes pieds. Il éclate en mille morceaux qu’une nuit ne suffira pas à retrouver et à recoller. «Ok. Repose-toi bien puisque c’est dans tes cordes.» ai-je chuchoté pour masquer mon émotion. Je ne lui sers que mon amertume, non par véhémence, mais parce que je suis déçu et angoissé parce que la situation m’a échappé alors que j’ai fourni une multitude d’efforts. «Passe une bonne nuit.» Et, normalement, j’aurais dû raccrocher. Qu’ai-je donc à tirer de cet au revoir à l’allure d’un adieu selon mon légendaire pessimisme ? Pas grand-chose. Pourtant, je ne parviens pas à m’y résoudre. Je demeure au téléphone, en silence, jusqu’à ce que ma femme signe la fin de cette conversation. A mon sens survient avec le geste une série d’emmerdes : j’ai peur pour nous et, si je suis comme hébété du balcon à la cuisine, l’ire à l’origine de nos conflits - est-elle la seule raison ? - se réveille et l’unique chaise ayant jusqu’ici survécu a fini contre le mur. Valait mieux cette rescapée à mon téléphone. Je n’ai pas envie d’être injoignable… qui sait ce que la nuit pourrait nous apporter, si tant est qu’elle ait un cadeau à offrir, quelque chose de mieux que cette conversation qui me laisse l’impression d’être un crucifié.
Sujet clôturé | Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Jeu 1 Fév - 14:46 | BRUISES THAT WON'T HEAL
J’aurais pu soupirer avec mépris que la douleur de son absence se résume à l’impact de la routine, mais je m’abstiens. Elle n’affirme pas, Raelyn. Elle démontre que mon propos précédent, somme toute similaire, était odieux, vexant et que sa patience est sans limite. J’en tire une telle honte que j’en grimace. «Non. Evidemment que non.» ai-je chuchoté, mal à l’aise d’avoir émis de telles accusations, mais pourtant incapable de me corriger. Est-ce par pudeur ? Par la faute d’une fierté mal placée ? Non ! Je ne dénombre pas les fois où j’ai prononcé de sincères excuses après avoir déconné. Je ne suis pas davantage mal à l’aise à l’idée de lui confesser toute l’étendue de mes sentiments. Je suis sensible à la peine tangible de mon âme-soeur, d’autant que j’en suis responsable et que je déteste toujours autant d’être la cause de ses souffrances. Et, malgré tout, aucun repenti constructif ne quitte ma jugulaire. Les mots y restent coincés dès lors que je me rappelle qu’elle a refusé de me donner ma fille, qu’elle s’en est allée loin de moi. Je m’enferme de le rôle de la victime à mesure que je me souviens qu’elle a refusé mon appel de la veille et, qu’en outre, je lui ai déjà écrit que j’étais désolé d’avoir brisé les meubles. J’ai même ajouté que l’accabler de m’avoir trompé n’était qu’une ineptie que l’irrationnel ne justifiait pas. Que suis-je supposé ajouter ? Qu’attend-elle, Raelyn ? Que je me prosterne à ses pieds ? Que je la déchausse pour les embrasser ? Que je l’autorise à me piétiner ? C’est triste pour ma vanité, mais je pourrais me courber l’échine et me plier à ses désirs humiliants si elle en manifestait le besoin. Je pourrais fléchir comme du jonc sous un vent violent pour ne pas perdre la femme dont je suis fou. Sur l’heure, je l’ai simplement oublié. Tout occupé à me justifier dans l’espoir de la ramener auprès de moi, je passe à côté de l’essentiel : rassurer celle que j’aime, celle qui détient mon coeur entre ses mains et qui, d’une pression, pourrait l’obliger à s’arrêter ou le faire exploser. Je néglige la nécessité d’agrémenter ma déclaration de plus de noblesse et de moins d’effarement. Ma surprise est pendable compte tenu des trémolos dans la voix de Raelyn et de la laideur de mon attitude depuis ces quelques mois. Plus tard, j’assemblerai chacune des pièces de ce puzzle et j’intègrerai Ô combien ses actes d’hier, ces actes dont le moteur était de nous protéger de ma rage, sont peu de choses en comparaison de mes erreurs. Pour le moment, au comble de l’iniquité, je réprime un “merci” de l’entendre admettre que douter de tout ce que je suis éperdument amoureux d’elle. « Peut-être parce que ça ne se mesure pas.» Certainement parce que ça se vit à chaque instant de notre quotidien. Or, ce n’est plus le cas et ça me désarçonne.
“Mon empire pour l’opportunité de prétendre à l’inverse”, ai-je espéré. C’est néanmoins impossible et, pour la première fois depuis le début de cette conversation, j’ai l’impression que nous parlons le même langage sans en tirer la moindre satisfaction. «On n’aurait jamais dû avoir à les compter. On aurait pas pu le faire avant, il y en avait de trop. Qu'est-ce qui s'est passé ? » ai-je répliqué hébété par ce constat désolant : nous sommes d’accord, c’est vrai. Sauf que la vérité n’est pas à notre avantage, elle n’est pas prétexte à nous réjouir. La flamme de notre amour brûle toujours. Elle ne s’est pas encore éteinte par manque d’oxygène. Dois-je en déduire que nous sommes simplement érodés ? Un peu abîmés ? Sommes-nous réparables ? Je veux y croire, mais comment ? Comment nous y prendre ? Comment nous sauver de la perdition si tout ce qui sort de ma bouche est incompris ? A moins que ce soit moi qui interprète tout ce qui sort de sa bouche ? Est-ce que je passe ses explications à travers le chinois de mon égoïsme ? Dieu ce que je rêverais de me convaincre que c’est faux. J’y serais presque arrivé si ma tentative n’avait pas été avortée par une question qui m’a coupé le sifflet. Je ne peux pas répondre “oui, je me suis demandé de quelle couleur était ta peine” serait synonyme de mensonge. Rétorquer un “non” tout de go me gonflerait d’opprobre. Le silence est proscrit : j’en dégage par ailleurs une profonde angoisse. «Je ne sais pas. C’est pas ça qui est important. Ce qui l’est c’est que je suis vraiment désolé et je le dis, j’arrête pas de le dire.» ai-je essayé sans grande conviction puisque la part nombriliste de moi songe qu’elle est exigeante, Raelyn. “Elle en attend trop par rapport au crime commis”, ai-je pensé au climax de ma connerie. “Elle refuse aussi d’entendre que nous n’en sommes pas là uniquement par ma faute” ai-je même insisté, en bon souverain dans le royaume des connards. Certes, tout est authentique dans mon ressenti. Il n’avait simplement pas sa place ici et maintenant alors qu’il y a un peu plus de vingt-quatre heures, j’ai ravagé l’appartement, j’ai effrayé ma gamine et j’ai préféré sauver Barrabas à mon Messie de conjointe.
Mon Messie. La part reconnaissante et intelligente de mon cerveau n’a de cesse de me chanter qu’il y a quatre ans, elle m’a ramassé à proximité d’un caniveau et qu’elle m’a élevé, sans jamais abandonner, jusqu’à ce que je retrouve ma dignité. Elle m’a aidé à me révéler après des années à porter le costume d’un autre, un autre qui n’existait que pour obtenir l’approbation de ses proches et qui a fini par sombrer dans la dépression et dans l’alcoolisme. Ce même morceau de moi s’insurge contre mes manigances et, tandis que les lumières de la ville brûle ma rétine à l’image du tabac consumant mes poumons, je me referme comme une huître. Je n’ai pas envie de parler de la débâcle de ma confiance en ma légitimité sur notre vie intime. Pour ce faire, je devrais invoquer les souvenirs de l’épreuve que fut mon sevrage, mon expérience aux alcooliques anonymes et ma frustration d’être “repoussé”. Je n’ai pas envie de confier que j’ai la sensation d’avoir été idiot d’interpéter les promesses de ma dulcinée au pied de la lettre. Elle s’est présentée comme mon “garde-fou” et, pour exceller, il n’était pas question de m’arracher le droit d’abuser de son attrait général pour les plaisirs de la chair et de son inclination particulière pour moi, non seulement en tant qu’Homme, mari et père, mais aussi - et surtout - en tant qu’amant. Je n’ai pas envie de confier ce qui m’a heurté, bridé dans ma spontanéité alors que, jadis, je n’avais pas à mûrir une raison pour m’approprier le corps de ma maîtresse et, plus tard, de posséder mon épouse. «Moi pas. C’est toi qui as besoin que j’en trouve et je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que… c’est que tu as voulu. Mais, c’est pas le sujet de toute façon.» Tout ce qui compte, c’est qu’elle me revienne dès ce soir. Ce qui a de l’importance c’est qu’elle réveille notre petite fille et qu’elle soit ici dans l’heure, prête à s’allonger avec moi dans le lit conjugal afin que je puisse les serrer toutes les deux contre moi, que je me puisse me réveiller demain sans me tancer de nous avoir poussé dans le précipice. C’est là mon dessein et, plutôt que de m’étendre sur un sujet que je ne pourrais aborder, dans mon état, sans provoquer un nouveau conflit, je l’évite savamment. «Je comprends pas, Rae. J’entends mais…» Je rallume une cigarette : l’entendre fumer à l’autre bout du fil accentue mon besoin de nicotine. «J’arrive pas à comprendre pourquoi tu ne veux pas de ma solution alors que tu me dis que tu préfèrerais être avec moi. Ça ne fait pas sens. Parce que c’est évidemment que c’est toi que je voudrais retrouver. C’est nous… et c’est conditionné à rien du tout. C’est… » Je ne m’emporte pas, je suis perclus par l’incompréhension et par mon chagrin, un abattement tel que je lâche prise. « C’est comme tu veux. » Si tu te préfères ailleurs, alors reste-là où tu as échoué. « Tu rentres quand tu veux, tant que je peux voir la petite et… » Je renvoie l’image d’un type en plein divorce qui quémande, qui mendie quelques heures en compagnie de son bébé et j’en étouffe, littéralement. Alors, je me tais quelques secondes lourdes d’une émotion pesant une tonne sur mes épaules.« Je…» Je n’ai pas envie de raccrocher de crainte de la perdre, définitivement, et cette sensation me colle tellement à la peau que je fais fi de tout ce que mon orgueil aurait regretté à la genèse de notre histoire puisque je la prie d’un : «Je voudrais juste que tu ne raccroches pas tout de suite.» Pas sur ce pressentiment que la tonalité, vide, identique pour toute, tiendra lieu de requiem à notre relation.
| Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Mer 31 Jan - 2:53 | BRUISES THAT WON'T HEAL
Micah s’amuse, elle ne m’en veut pas et, visiblement, elle est à des kilomètres d’imaginer ses parents aux bords du naufrage. Sans prétention, j’ose même comprendre que mon absence creuse un vide dans ses journées et Dieu ce qu’elle est vraie, la réciproque. Elle est amplifiée par ce qu’il ne m’a été donné de prendre mon épouse dans mes bras pour trouver dans sa respiration calme la sérénité utile à mon sommeil sans rêves atroces. Notre lit m’a semblé froid, hostile et, pourtant, je l’ai peu quitté depuis la désertion de ma famille parce que la taie d'oreiller embaume le parfum de ma complice. Si je me suis levé, c’est pour récupérer mon ordinateur au salon et, de temps à autre, offrir à mon corps son pesant de nicotine. Sur l’heure, c’est allongé sous les draps que j’ai entamé cette conversation téléphonique. Suis-je naïf de m’être imaginé que je pourrais le mener sans être gagné par une nervosité telle que j’ai nourri l’envie de piétiner le parquet de l’appartement et de garder mon paquet de cigarettes à proximité ? Je n’ai plus de candeur en moi : le destin s’est chargé de me l’arracher aux forceps. Je tire alors la conclusion qu’aucun de mes textos n’est parvenu à atténuer les frustrations de ma partenaire et, tandis que ce constat chatouille désagréablement mes tympans, je quitte la pièce au profit du balcon où gît ce poison qui me bercera de l’illusion que “tout est sous contrôle”, que mes émotions sont bien enfouies au fond de la casserole à pression que j’ai rangée au milieu de mes tripes, qu’elle a été vidée récemment et qu’elle ne risque pas d’exploser, que je n’ai pas besoin d’alcool pour arroser me sonner : la clope et les médocs ont fait le travail efficacement. Sauf que c’est faux. Je suis cohérent. J’intègre qu’il n’est nul question de réveiller et de rhabiller Micah pour ce soir. Je dormirai seul, encore. Je me rendrai malade de crainte d’avoir commis une erreur irréparable. Je chercherai comment nous sauver puisque je suis mort de trouille non pas à l’idée que mon âme-soeur ne m’aime plus - elle me l’a répété aussi souvent que les fumeurs précautionneux qui, pour éviter l’incendie, trempent leur mégot dans une flaque d’eau avant de le jeter dans une poubelle - mais à cause de l’éventualité où l’amour ne suffirait plus. «Je te manque par habitude» ai-je lancé, mi-figue de l’interrogation, mi-raisin de la certitude effrayante, de cette espèce de peur prophétique que l’on provoque à force de nous répéter qu’elle est inévitable. Je me sais coupable d’avoir mérité qu’elle s’en aille. J’ai néanmoins refusé d’accepter que je la rendais malheureuse au point qu’elle ait rempli un sac pour notre fille pour me punir, mais parce qu’elle est arrivée en bout de course, parce qu’elle en vient à douter de ce qu’elle m’inspire. Cette hypothèse-là, je ne l’avais jamais envisagée et je mentirais si je fanfaronnais en jouant les types durs, forts, imperturbables, alors qu’elle m’assomme d’un coup de massue. «Qu’est-ce que tu me demandes exactement ? Si je t’aime encore ?» Et toujours avec la même intensité ? « Ou tu crois que je suis en colère après toi ? Mais, depuis combien de temps tu te poses ces questions-là ? Depuis combien de temps est-ce que ça te rend malheureuse ? Parce que je t'aime, fort, toujours autant, je comprends même pas que tu en doutes» me suis-je enquis sans réaliser que c’est légitime : j’en ai fait ma cible et ça me sauterait aux yeux si je n’étais pas atteint de cécité. Je relirais les mois qui ont suivi mon arrestation à la lumière de son affliction et j’aurais l’air moins effaré. J'accepterais que je suis le premier à remettre en question ses sentiments dès qu'une contrariété me chatouille les pieds avec une plume. Au lieu de ça, je m’obstine à excuser mon comportement par le sensé, par ce qu’il pourrait être tolérable et toléré sous prétexte que si je suis le pantin de ma rage, et que c’est cette dernière qui nous aura façonné, que c’est par elle que nous existons et, quoique ça soit démontrable, il semblerait que je n’ai toujours pas enfiler la bonne paire de lunettes.
Dans mon torse, mon coeur s’agite. J’ai le pressentiment qu’à l’angle d’un carrefour nous ayons viré vers une rue en cul de sac et j’en crève évidemment. J’en crève de n’avoir recouvré toute ma raison. Au contraire, je lui aurais avoué que je ne me contente pas de d’adorer. «Arrête, je te vois pas comme une ennemie. On était bien pendant la tempête après qu’on ait couché la petite.» Nous nous sommes retrouvés et, pour cause, elle était confinée avec moi à l’intérieur de ses murs. Elle ne courait pas les chemins pour tenir le casino et le Club pendant que moi, pauvre âme surveillée par une Ruth protocolaire, je me sentais épié et inutile. Je n’avais aucune raison d’envier ma femme de ne pas avoir ouvert une parenthèse sur sa vie jusqu’à ce qu’un magistrat accepte de la refermer, qu’elle reprenne enfin son cours. Le confier, serait-ce le début d’une explication viable à mon attitude ? Le bon bout sur lequel tirer pour démêler la pelote de laine et ainsi nous tricoter un pull d’excuses pour nous réchauffer ? Je n’en sais rien : je réfléchis mal parce que j’ai l’impression que ma partenaire m’a quitté en emmenant ma fille comme Sarah m’a un jour jeté dehors après la mort de mon aînée. Je suis focalisé sur ce qui m’a été arraché et non sur le mal que j’ai causé. Je suis concentré sur ces traumatismes qui m’ont marqué au fer rouge et sur la douleur qui en découle parce qu’elle est violente. Elle l’est parce que Sarah n’a pas récolté le quart de l’importance qu’a gagné Raelyn dans mon existence. Elle est mon âme-soeur, la petite blonde qui m’a sauvé de moi-même. Elle a été créée pour mes mains et, moi, pour les siennes. C’est indiscutable et nous avoir abîmé me tétanise tellement que je refuse d’ouvrir les yeux sur ce que mon inaction pourrait provoquer ce que je redoute : la fin de notre histoire, non par manque d’amour, mais parce que l’on ne raisonne pas les fous. Au mieux, on les pardonne, mais à terme on les abandonne, toujours. En suis-je un ?
Par le fait d’un miracle, nous semblons épargné mais je l’allume, ma cigarette. Je l’allume et je tire frénétiquement latte sur latte parce que j’ai vraisemblablement dit une connerie sans m’en rendre compte. «Si. Si. Ca m’intéresse. Je suis rassuré que c’est provisoire d’ailleurs. Ce que j’essaie de dire, c’est que…» Tu aurais voulu faire mieux ? Déjà dit. Que tu es désolé ? C’est vague, c’est bateau, c’est cousu de fil blanc. «C’est… enfin, je t’ai dit, je sais pas comment le dire mieux. C’est devenu évident que je vous rends malheureuse et c’est pas ce que je voulais pour nous trois.» En conclusion, je m’en veux énormément d’avoir semé plus d’ivraie que du bon grain autour de nous. «Vous êtes ma priorité… et… je le dis mal… je » ai-je balbutié maintenant que je suis en proie à la panique. En évoquant ce que nous avons été de plus beau, je n’ai pas cherché à lui faire de la peine. Or, elle est palpable. La voix est enrouée, brisée, entravée par une boule de chagrin et d’incertitude. Bien sûr, elle s’offusque et, finalement, c’est plutôt bon signe : elle tient à nous quand je me damnerais pour mon couple. Mais, je perçois dans son intonation l’épuisement d’un boxeur face à un adversaire coriace tandis qu’une cloche sonne le début du dernier round. J’ai l’impression que c’est ici que tout se joue et je crois que, si j’ai balancé mon mégot par dessus la rambarde du balcon, j’ai vu mes mains trembler. Je l’ai ressenti ce poids sur mes poumons qui m’a empêché de respirer et qui a saccadé mon souffle au téléphone. J’ai également été abattu par une accablante fatalité. Elle se trompe, ma femme. Ce n’est pas depuis mon retour que nous jouons le premier mouvement d’un concerto sans étudier les partitions suivantes. Le problème est survenu bien avant ça et, au terme d’un silence entrecoupé par le ricanement sans joie de mon épouse, j’ai conclu par un : «Et j’en ai toujours envie… » Et, parfois, avec une telle fougue que j’en ai mal physiquement. « Mais pas toujours pour les bonnes raisons et avant, c’était pas grave. Maintenant, je…» Que dire ? C’est moins une question de fréquence ou d’intensité que de place. Malheureusement, ces explications-là non plus je ne suis pas en mesure de les formuler à l’aide de phrases construites avec l’éloquence des êtres désespérés. Je nous sens au bord de la rupture, pourtant. Je sens que nous sommes sur une pente raide à bord d’une voiture aux freins défectueux. C’est maintenant qu’il faut agir sur le moteur pour ralentir le véhicule avant de nous écraser contre le mur de nos incompréhensions. Mais, je ne sais plus quoi dire… et mon coeur menace aussitôt de s’arrêter de battre. « J’ai l’impression qu’elles doivent toujours l’être et c’est pas nous, ce sera jamais nous. En tout cas, c’est pas moi.» Et, dans ces conditions, redevenir celui que j’étais, alors que je me sens amputé de ce qui m’appartenait depuis mon sevrage alcoolique, relève de l’exploit, mais est-ce bien l’objet de notre conversation ? Ce changement de direction n’est pas la cause de ma colère, c’est un médicament en rupture de stock et, si j’en avais besoin pour fonctionner, ce n’est pas ce qui me ramènera ma femme, là, tout de suite, et le plus triste, c’est d’effleurer la solution du bout des doigts sans être capable de la saisir car les contours sont encore flous. Elle est toujours là, au téléphone, et plus con que jamais, j’ajoute un : «Reviens près de moi, Raelyn. Je ne peux pas me retrouver si tu n’es pas là. » qui frôle l’abus, qui relève d’un chantage, un de plus dont je n’ai pas conscience… ou, pour être exact, dont je n’ai pas encore mesuré le danger de lui avoir simplement donné vie dans ma bouche. | Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Mar 30 Jan - 17:35 |
BRUISES THAT WON'T HEAL
Dans consolée, j’entends “oublier”, mais mon coeur de papa ne s’allège qu’en partie. Avoir détruit la moitié de l’appartement, c’est une chose. Certes, l’acte est dommageable, mais Rae et moi aurions-nous été les deux seuls témoins de cette folie que c'en aurait été moins grave. Le cas échéant, le bon sens aurait voulu que je nettoie derrière moi la flaque d’eau croupie de ma rage. J’aurais dû ramasser les débris et éviter de prononcer des mots que mon enfant, à défaut d’en comprendre l’implication, aura saisi le sens premier. Dans “tromper” il y a erreur et, derrière ce vocable-là est sous-entendu une faute. Elle a cru que c’était la sienne et ce n’est pas demain que mon cerveau, par phénomène d’émondage, ôtera le souvenir de la peur dans le regard de ma merveille, la crainte d’être accusée à tort d’un quelconque fait. Quelle mouche m’a-t-elle piqué pour me rendre aussi hermétique à la douleur infligée à ma gamine par mon comportement ? Car j’ai vu, évidemment. J’ai même supplié sa mère de me la confier, que je puisse la serrer contre moi, lui chuchoter avec un semblant de calme qu’elle était innocente. Raelyn m’a refusé ce privilège, me suppliciant au passage. A-t-elle estimé que je n’étais pas assez serein ? Que ma nervosité était si tangible que j’aurais aggravé le chagrin de notre petite fille ? J’ai retourné la question mille fois dans mon esprit torturé. J’ai toutefois opté pour la certitude qui ne prête pas à mon épouse des traits communs à Sarah, des traits qui lui étaient reprochables pour ce qu’il lui arrivait de m’éloigner volontairement de Sofia. Son but ? Je l’ignorais. Il m’échappait jadis, il en va de même aujourd’hui. A défaut de résoudre cette énigme, ses conséquences sont inscrites en moi, elles me conditionnent, peut-être même ont-elles contribué à cette colère dont m’accuse ma partenaire, entre autres choses sur lesquelles j'ai les idées claires.
J'aimerais tellement la contredire et avancer que me permettre d’embrasser Micah n’aurait en rien accentué son malaise. Au lieu de ça, je pousse un soupir aigre-doux à mi-chemin entre le soulagement et l’inquiétude. «Elle n’a pas l’air de m’en vouloir non plus. » ai-je commenté pour me convaincre, non pas dans l’espoir d’être rassuré par mon épouse. J’ai provoqué mon mal-être, c’est à moi de me réparer. «Et toi ? Il y a quoi derrière toi ?» Je ne comparerais pas ses émotions à un “gros chagrin”. L’expression me semblerait réductrice. En outre, si ma complice m’a fuit aussi pour protéger notre progéniture - nul besoin de l’exprimer, je suis plus lucide sur l’image du fou que j’ai incarné -, je ne douterai pas qu’elle est attristée, voire fâchée, que je l’aie poussé à claquer la porte derrière elles. Sans doute valait-il mieux que de me jeter à la porte. Au regard de mon histoire, elle m’aurait dévasté. Je me serais alors dissimulé derrière ma fierté, fierté transfigurée en prétexte pour me cloîtrer derrière la mauvaise foi. «Ce que je dis, ce que je fais, c’est lié à ce qui vit en moi et ça contribue à ce que je suis et dont tu ne t’étais jamais protégée. On ne se connaissait pas et c’est la première chose que tu as vue en moi. Sans ça, j’aurais été insignifiant.» ai-je avancé fort de cette certitude que cette rogne prête à s’exprimer par la violence, et ce, qu’importe sa forme, l’aura intriguée plus que dégoûtée. Est-ce Micah qui a changé la donne ? A moins que ma complice soit lassée de ces excès radicaux sur lesquels nous avons construit notre relation ? Je me souviens qu’elle s’est tracassée de ce qu’il adviendrait de mes sentiments lorsque l’alcool serait une tentatrice en cage et dont la clé serait jalousement gardée. Aujourd’hui, c’est moi qui crains d’être aussi passionnant que de l’eau endormie dans un verre si j'étais complètement sain. «Ca ne justifie pas ce que j’ai fait, mais…» Mais, j’ai peur. Existe-t-il une façon délicate de lui expliquer les tenants et les aboutissants ? Plus tard.
J’y viendrai plus tard si l’occasion se présente. «J’ai vu, oui, mais j’ai cru que tu étais fatiguée de courir partout. Je ne pensais pas que tu étais malheureuse.» La preuve étant, il y a toujours dans mon timbre une dose d’étonnement et de déception. J’ai honte : je ne me dérobe pas. «Même si j’avais voulu le voir, ça m’aurait fait flipper. Je n’aurais pas pu assumer ça… quand tu me le dis, je n’ai plus le choix.» J’en détiens plus d’autres hormis celui d’agir, mais que faire ? J’ai de nouveau l’impression que mon bracelet m’empêche de ramener ma conjointe à moi. Que pourrait-elle bien faire de mes tulipes ? Ne se moque-t-elle pas que j’aie acheté des meubles ? Que je suis prêt à les monter un à un sans aide ? Que j’ai dans le panier d’Amazon plus de jouets et de peluches pour Micah qu’elle n’en aura jamais besoin ? Que j’ai décidé de me faire livrer son cadeau d’anniversaire, à contre-coeur, parce que de coutume c’est la seule fois où je flâne avec plaisir au milieu de Brisbane en quête du présent qui fera mouche ? Qui me sautera aux yeux ? Là, j’ai été obligé de faire “avec ce que j’avais sous la main” et, cette impression, elle est amplifié puisque je ne peux pas me pointer à l’Emerald pour frapper à la porte de leur chambre et les serres toutes les deux contre moi en essaimant des pardons aux quatre vents. «Et, quand tu t’en vas, c’est encore pis. Tes intentions ne sont même pas une donnée.» Qu’elle punisse ou non n’altère en rien ce que je ressens. «Tu es partie. Je ne te le reproche pas. Je vois juste qu’être loin de moi était mieux pour vous et c’est frustrant parce que je voulais pas que vous montiez dans mon bateau justement. Je pensais vous tenir à l’écart, surtout Micah. Je ne pensais pas que je reproduirais les mêmes erreurs. Je…» Je m’en veux, terriblement, puisque je n’ai jamais été indulgent envers moi. Je ne tolère pas mes échecs. Je ne les adoucis pas de circonstances atténuantes et le silence s’installe.
Le silence. Avec lui, l'atmosphère s'alourdit. J’écoute. Je prends note. Je me désole. Je déplore de n’avoir rien de mieux à nous apporter. « Ce que je te propose…» Remplir une marmite à pression. «Je l’ai fait pendant des années pour de mauvaises raisons. Je peux le faire pour vous sans que ça soit un sacrifice.» Le problème relève de la place du curseur. Je tombe rapidement dans les vieux travers du radicalisme. C’est bien ou c’est mal. Le juste milieu est un concept récemment appris et, parfois, je me loupe. «Je peux pas entièrement changer tout ce que je suis même si je t’aime autant que le contraire. Je ne peux pas parce que ça veut dire qu’il ne te restera plus rien à aimer.» ai-je rapporté à voix basse, le cœur en miettes à l’idée d’apporter quelque explication à cette analyse peut-être faiblarde, mais loin d’être dénuée de risque. « Tu as rendu ma vie plus facile, Rae. Tu l’as souvent calmée cette colère en moi, parce qu’on jouait beaucoup, on se séduisait, on n’avait pas besoin de trouver la bonne occasion pour se débarrasser de toutes nos frustrations. Je dis pas qu’il n’y a plus de passion entre nous, je dis qu’elle a moins de place pour s’exprimer et que ça en laisse à ce qui me poursuit depuis longtemps… et que j’ai peur d’éteindre.» Combien de fois n’ai-je pas tenté de soigner mon addiction par des étreintes sulfureuses ? «J’étais une drogue pour toi et j’aurais voulu que ça le reste, à moins que ça soit l’inverse, je ne sais pas. Je sais juste que ceux que nous étions…» Ce que nous avions d’adolescents malgré nos problèmes d’adultes. «Ils me manquent, Rae.»
| Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Dim 28 Jan - 14:54 |
BRUISES THAT WON'T HEAL
Je ne les ai pas suivies de la chambre au hall d’entrée. A quoi bon être tenté de faire peser tout mon poids contre la porte ? Ne l’aurais-je pas fait tandis qu’elle habillait notre enfant d’un gilet et qu’elle enfilait ses escarpins ? J’aurais souhaité éviter cette nouvelle humiliation qu’essayer de les retenir, une fois de plus, que ça aurait été impossible. Pour cause, mon cœur se serait brisé devant ce spectacle synonyme de rejet et d’abandon. Alors, non, je n’ai pas bougé de l’antre colorée de Micah. Je n'ai prononcé aucun mot supplémentaire. Il aurait tinté comme le bourdon d’une Église, un son de cloche sombre, puissant, profond, à l’image de ma colère. Elle aurait sonné comme le glas un matin de funérailles et l’idée m’a effrayé. Est-ce la fin de notre histoire ? Me détestera-t-elle d’avoir été et d’être encore trop faible face à ma rage ? Elle me contrôle, c’est indéniable. J’en détiens la confirmation tandis que mon premier texto est plus “sommant” que “repentant”. J’en ramasse une autre alors que je piétine le parquet de l’appartement durant des heures, à attendre un retour en arrière - dans tes rêves, Amos - ou, plus réaliste, une réponse de la part de mon épouse. Son silence me tue. Elle m’arrache un hurlement dans un coussin comme s’il n’était pas trop tard, désormais, pour atténuer les conséquences de mes émotions. Je n’ai plus rien à détruire, à part moi, mais ce n’est pas davantage envisageable. Je peine à tenir certaines de mes promesses. Ne plus décider pour nous, ne plus céder à la facilité qu’est la rage, l’évolution naturelle de mon chagrin à la perte de Sofia, ce n’est pas évident. Je m’enorgueillis de quelques réussites, mais je compte à mon actif mon lot d’échecs et j’en suis conscient. Heureusement, certains de mes serments sont respectables et n’ai-je pas juré que je ne me mettrai plus jamais en danger ? Pour ce faire, n’ai-je pas proscrit l’alcool ? N’est-il pas sur l’heure convenable de ne pas cogner dans les murs pour me blesser, physiquement, parce que cette douleur-là est plus facile à appréhender et à supporter que celle de mon cœur ? Il a soupiré de soulagement dès lors que Raelyn s’est manifestée, enfin. Je me suis animé comme un pantin à ressort que l’on aurait enfin remonté.
Dans un premier temps, j’ai entrepris d’atténuer la cause de son départ pour me déculpabiliser et non pour provoquer l’inverse en elle. Mon culot est borné par ma peur étouffante de la perdre. Cela étant, ça n’a pas réellement fonctionné et, dans l’absolu, je m’en doutais. Je ne suis pas stupide Quel sens prêter à une connerie comme la facture d’une clinique quoiqu’elle sous-entende une éventuelle cachotterie ? L’aurais-je souhaité que j’aurais décidé qu’il s’agissait d’une simple visite de contrôle passée au bleu parce que nous avions plus important à gérer, en l'occurrence, me sortir de ma cage. Sauf que j’ai pris une autre direction, j’ai emprunté le sentier sombre, brumeux, parsemé d'hypothèses où le mensonge et les faux-semblants sont maîtres. Seul j’ai choisi d’être égoïste. Force est donc d’accepter que ma femme n’a pas besoin d’une déclaration de paix dans laquelle je jette des “pardonne-moi” à la volée. Certes, je confesse être désolé. Je le répète une fois de plus, non qu’elle semble ne pas l’avoir lu, mais parce que ce n’est pas suffisant : c’est clair comme du cristal. Elle aspire à ce que je réalise que mon bracelet électronique démultiplie ma colère, que je passe mes journées à remuer avec un bâton cette marmite de “merde” et que je ne suis plus le seul à être éclaboussé à présent. Je n'épargne plus mon épouse et ma fille et, dans ces conditions, je ne peux que m’incliner. Bien entendu, je déplore qu’elle refuse mon appel. La nuit est tombée. Allongé dans notre llt vide d’elle et habité de fétiches pour atténuer ma solitude, je sais par avance que je ne trouverai pas le sommeil. J’ai trop à ressasser et à me reprocher. Je suis en outre frappé dans la nuque par un sentiment d’impuissance et, à défaut d’être assommé, j’en ai le tournis et la nausée. D’où je suis, je ne peux rien faire pour rassurer Rae. Je n’ai que des fleurs à faire livrer et les mots, des mots qui n’ont jamais eu la moindre importance pour elle, des mots qui à son oreille sonneront creux. Je tisse quelques discours, je me les récite, les modifie, en ôte quelques passages qui pourraient mal sonner, être mal interprétés. Je statue vite cependant. A quoi les discours me serviront-ils ? Las, je me suis levé, j’ai avancé jusqu’à la salle de bain débarrassée des restes de ma colère - au même titre que l’entièreté de l’appartement - et j’ai gobé de quoi dormir, de quoi m’envoyer tel un intrus aux côtés d’un Morphée qui cette nuit ne pas invité.
Evidemment, j’ai dormi longtemps et j’ai cédé aux réflexes tristes et conditionnés de dévisager l’écran de mon téléphone. Pas de message. Pour éloigner la souffrance et invoquer la patience, j’ai commandé de nouveaux meubles, des cadeaux pour Micah et un cadeau d’anniversaire pour Raelyn. J’ai écrit à mon frère pour lui demander un service de plus - Abraham est un saint - afin d’adresser un clin d’oeil à ma conjointe le jour dit. Puis, l’estomac trop lourd d’angoisse, j’ai fini par lui rappeler mon existence, provoquant une nouvelle déferlante de frustration de sa part et, pour moi, une vague d’angoisse que j’ai été incapable de gérer sans une aide chimique. Elle m’a aidé à encaisser du mieux que j’ai pu et, a priori, je ne me suis pas raté : je l’ai gagné, mon appel téléphonique. J’ai pu m’émouvoir d’entendre la petite voix de clochette de ma gamine et d’interagir avec elle. Elle va bien. Elle semble enjouée et, naturellement consolé, je m’inquiète tout de même de ce que ma présence lui soit vraiment indispensable. Ces derniers temps, j’ai été si souvent absent que le tracas s’installe peu à peu au détriment des preuves du contraire que le destin essaime autour de moi. «Tant qu’elle s’amuse et qu’elle n’est plus secouée, c’est le principal. Tu m’enverras une photo d’elle dans sa robe ? Pour ma collection ?» ai-je répliqué à la maman qui me rend compte de ce qui a occupé la journée de notre merveille.
Entend-elle que j’ai le coeur lourd ? Aussi gros qu’une éponge trempée dans l’eau ? Que les amies éducations, pudeur et fierté me gardent de l’exprimer ou de me répandre, mais que je n’en mène toutefois pas large ? Amorcer la conversation par ce lien indéfectible entre elle et moi - la parentalité - est une chose. Mais, maintenant, que dire ? Que puis-je ajouter que je n’aurais pas déjà écrit et qui ne l’a pas ramenée vers moi ? «J’ai toujours pas appris à dormir sans toi.» En prison, je tombais de fatigue. Transformer cette vérité en secret de polichinelle serait sans intérêt. Au diable la vanité, plus besoin d’alcool pour confesser qu’elle m’est essentiel : c’est vivant, ça émane de tout mon être quand je suis cohérent et non pas habité par l’un des pêchés capitaux selon le livre de chevet de Maggie Taylor. «Je te comprends. Ca me rend dingue de me dire que tu es malheureuse avec moi. Tu pars pour te protéger de ce que je suis. C’est un tel sentiment d’échec pour moi. C’est ma faute, je dis pas le contraire.» J’ajouterais volontiers - ou presque, si je n’avais peur d’aggraver mon cas - que je l’ai mérité. «Je ne voulais pas être ce genre de types.» Appartenir à ceux qui sont maîtrisés par une force si vigoureuse que l’amour n’arrive pas à en venir à bout. «Et je parle pas des vieux cons, mais des maris qui donnent envie de se barrer loin.» J’ai haussé les épaules et, dans ma voix, le geste s’est traduit par un soupir. «J’aurais voulu faire mieux.» Mieux que précédemment. «Tu crois vraiment que c’est en restant loin de moi que je vais trouver quoi faire ? » Ce n’est pas une question piège. Elle est réelle : elle me permet d’évaluer combien de temps nous risquons d’être séparés, d’estimer les dommages et leur réversibilité. «Parce que si c’est ça, je respecterai.» Autrement dit, pas de stratagème dont j’ai le secret pour qu’elle change d’avis. «Mais je peux taire tout ce que je ressens. Je l’ai pas dit parce que j’ai pensé que tu voulais l’entendre. Je l’ai dit parce que j’ai passé une partie de ma vie à le faire. Je peux recommencer en attendant que tout rentre dans l’ordre. Ce sera plus nécessaire après. Après tout ira mieux.» De nouveau, je fais erreur : ma liberté n’est pas la panacée contre cette dépression, celle qui me poursuit depuis des lustres, que j’ai endormie avec l’alcool, que j’ai tenté de soigner en détruisant Mitchell ou en éliminant Steven, cette dépression que j’ai fait taire durant ces vingt-quatre heures avec des cachetons, cette dépression qui n’a jamais cessé d’être là, tapie dans l’ombre, prête à bondir, prête à occuper tout l’espace disponible pour exister et n’en a-t-elle pas, aujourd’hui ? Sans la boisson, elle a le champ libre et, la solitude et le sentiment d’inutilité aidant, elle fait son nid librement. «Je peux pas t’obliger à rentrer ni même à me croire. Mais, je peux me contenter que tu y réfléchisses parce que c’est possible.» Plus triste encore et, par-dessus tout, inavouable : je n’ai que ça à lui offrir puisque j’ai n’ai pas encore quitté les terres du déni.
| Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL | Amos Taylor
Réponses: 10 Vues: 356
| Rechercher dans: mémoire du passé Sujet: (Amelyn #95) ► BRUISES THAT WON'T HEAL Mer 24 Jan - 21:47 |
BRUISES THAT WON'T HEAL
D’un naturel soupe au lait, je ne suis pas difficile à froisser. L’histoire a prouvé que si mes émotions ne sont pas déformées par la colère, une cachotterie à propos d’une visite chez le médecin aurait suffi à m’agacer. Sauf qu’en aucun cas je n’aurais retourné l’appartement tel un cambrioleur en quête d’un coffre-fort à forcer et à vider. Au pis, j’aurais tiré ma tête des mauvais jours et je me serais exprimé en bougonnant plutôt qu’en mots distincts. Une fois la petite à la sieste, j’aurais secoué la note de crédit sous le nez de ma femme en l’accusant de manquer d’équité. Hier après-midi, je l’ai accablée de tous les maux des couples en perdition. Je lui ai prêté des amants, j’ai alourdi ses épaules d’un flagrant manque d’honnêteté. Je me suis joué de ses sentiments dès lors qu’elle a commencé à rassembler les affaires de Micah dans un sac. Je soupçonne mes yeux d’avoir été rouge cramoisi ou noir colère jusqu’à ce que je réalise que rien ne retiendrait mon épouse. Rien. Si ce n’est peut-être ce moi plus avisé et plus attentif. Lui, il aurait su demander pardon à sa gamine en larmes. Lui, il n’aurait pas eu peur de la prendre dans ses bras pour qu’elle essuie les sanglots qu’il a lui-même provoqué. Lui, il aurait demandé à son épouse d’attendre là, dans cette chambre épargnée par ma fureur, un peu, le temps que je me sois calmé, celui utile à ce que je ne me comporte plus tel un fou paranoïaque échappé d’un asile. Dans sa voix aurait résonné sa peur d’être abandonné, d’être séparé de sa famille, d’être rejeté, d’être toujours trop ou jamais assez. Quand sa complice aura hésité entre s’enfuir ou rester, que l’évidence s’est matérialisée d’une main posée sur son avant-bras, il l’aurait saisie par réflexe pour l’enlacer à ses droits tremblants. Il aurait déclamé d’humbles excuses, des excuses fermes et lancées tout de go au milieu du silence entrecoupé par le chagrin de notre enfant. Or, je n’ai rien fait de tout ça, moi. Transfiguré par des émotions que je ne parviens ni à contrôler ni à soigner, je suis demeuré indifférent aux larmes ravalées par ma compagne et Je prétends ignorer où la source de mon océan de rage prend son lit. Or, c’est faux.
Je ne me mens pas, j’oublie. Malheureusement, seul dans cet appartement-témoin, allongé dans mon lit en position foetale, une peluche de ma fille serrée contre mon torse et ma tête posée sur le coussin de Raelyn, j’ai tout le temps qu’il me faut pour culpabiliser d’avoir trouvé le sachet avec la pâtisserie abandonné au milieu du salon. Pour sûr, c’était un cadeau de ma vie et mon coeur s’est brisé une fois de plus. J’ai aussi tout le loisir de m’étudier, de m’analyser, de me repasser le film des événements qui ont éloigné ma famille de moi, et de relire les précédents, ces faits bien plus anciens qui m’ont blessé en profondeur. N’ont-ils pas réveillé en moi de l’aversion pour l’injustice ? Ma mère, Sarah, l’armée, le Destin qui m’a pris Sofia. Même mon bébé a été mise en danger à cause de mes fréquentations. (Que soit maudit le jour où j’ai croisé la route d’Aberline) De quoi le sort m’a-t-il donc puni ? Quel genre de types étais-je dans l’une de mes précédentes vies - si tant est que l’on croit à ses conneries - pour avoir subi plus de mal que de bien ? J’ai été marqué au fer rouge par ces épreuves, mais c’est moi, aujourd'hui, qui oublie d'être garant d'une justice entre Raelyn et moi.
Je ne peux pas la traiter en bouc émissaire sous prétexte qu’elle n’ignore rien de mon histoire. Être informée ne l'exempte pas de mon respect. Ca n’implique pas non plus que je puisse m’acharner sur elle en espérant qu’elle ne répliquera pas, qu’elle me tapera sur l’épaule en me psalmodiant des “je comprends, je ne t’en veux pas”, qu’elle embrassera les cicatrice de mon coeur avec abnégation parce qu’elle m’aime. Hésite-t-elle seulement à me l’enfoncer dans le crâne au marteau-piqueur lorsque je déconne et qu’elle s’apprête à changer le fusil de ses habitudes d’épaule ? Jadis, elle s’armait de cynisme. Aujourd’hui, elle fuit le conflit parce que je le rends ingérable. Et, c’est beau de le réaliser. C’est intéressant : nos échanges par texto m’ont été profitables, j’ai gagné un appel qui, la veille, m’a été refusé. Nous avons avancé d'un pas l’un vers l’autre sans que mes fleurs n’y changent quoique ce soit. Je le sais : j’agis sous le joug de la démesure à cause du regret. Je déplore de dégainer mes nobles sentiments lorsqu’il convient de les rappeler. Je me désole de souffrir de la cécité des colériques à la défaveur de mon couple. Combien d’uppercut pourra-t-il encore encaisser ? Qu’arrivera-t-il la fois de trop ? Sont-ce des questions à poser ? Des interrogations pour lesquelles j’ai le droit de demander une réponse ? Je l’en prierai sans pudeur et sans fierté pour mesurer avec précision la taille des entailles causée par chaque coup de canif dans notre contrat de mariage. Je n’en sais rien. Tout ce qui m’importe, c’est la photo de ma princesse suçant son pouce. Elle a les yeux qui tombent, elle est fatiguée et, bien que je ne priverai pas du plaisir d’entendre la petite voix fluette de fillette me racontant sa journée, je respire à pleins poumons avant de téléphoner. J’ai rassemblé une bonne dose de courage que j’ai inspiré de soulagement tandis que je fonds pour un “papa” interrogateur.
D’instinct, j’ai masqué mon émoi et j’ai répondu à Micah d’un air enjoué. «Comment tu vas, princesse ?» me suis-je enquis, simplement, parce qu’une interrogation, une seule, déclenche le moulin à parole. J’ai appris qu’elle était allée à la piscine, qu’elle s’est promenée avec maman - en ville, je suppose, je n’ai pas décodé le nom du magasin ou du parc - qu’elle a mangé des churros et que maman lui a acheté une nouvelle robe. J’ai souri bêtement. «Merci pour les lamingtons. Ils étaient délicieux. C’est toi qui as choisi.» «Oui.» «Tu sais que papa n’était pas fâché contre toi?» Elle a réitéré et ôté un poids immense de mon estomac. «Et tu sais que papa t’aime très fort ?» Une affirmation supplémentaire : je me sens pousser des ailes. «Et maman, tu crois qu’elle sait que papa l’aime très fort ?» Son dernier assentiment, elle le souffle dans un bâillement qui m’a ému à l’imaginer et qui m’a insufflé un soupçon de sérénité au moment de lui souhaiter une bonne nuit et de récupérer la précitée au téléphone. «Je crois qu’elle a l’impression d’être en vacances, non ? » J’avoue, l’idée me rassurerait. « J’ai pas tout compris au téléphone, sa voix était un peu étouffée, tu l’as emmenée où ? » Une énorme part de moi, la plus frustrée, celle qu’il est nécessaire de bâillonner, elle l’envie, Raelyn. Néanmoins, je me tais sur le sujet. «Ca me fait du bien de t’entendre.» Je suis incapable de dissimuler que je suis fébrile. Alors, je parle plus bas encore que de coutume. «Tu te souviens, je t’avais demandé de prévenir quand je deviendrais un vieux con. Je crois qu’on y est… mais qu’on ne l’a peut-être pas venu venir.» ai-je ricané avec plus d’amertume qu’une réelle envie de rire. La situation ne s’y prête pas. L’ambiance n’est pas assez légère, mais je me surprends à espérer qu’elle le devienne peu à peu. «Mais, j’ai lu sur internet que ça se soignait, tout se soigne avec le bon traitement.» ai-je confessé, à demi-mot, suggérant que je suis prêt à tous les efforts du monde et optant pour le sous-entendu de peur de trancher trop vite dans le vif du sujet qui nous érode peut-être.
| Sujet: (raelyn) never learned to raise my hand, was too busy raising hell | Raelyn Blackwell
Réponses: 14 Vues: 14509
| Rechercher dans: tisser des liens Sujet: (raelyn) never learned to raise my hand, was too busy raising hell Ven 29 Avr - 19:00 | | | |
| |