5 jours que je suis rentré de mon escapade. Ce qui devait être un roadtrip de seulement un mois s'est finalement transformé en une voyage de deux mois. J'ai découvert beaucoup de villes, redécouverts d'autres paysages. Partir comme ça, sur un coup de tête était vraiment la meilleure idée que j'ai pu avoir. Même Odin semble beaucoup plus calme et serein. Ce voyage l'a changé et nous a rapproché tout les deux. Même si la fin du voyage ne s'est pas totalement déroulé comme je l'aurais imaginé. Ce n'était pas dans mes projets de gonfler les rangs d'une manifestation, mais Jameson m'a prise par les sentiments. Nous nous sommes donc retrouvé dans les USA a manifester plus ou moins légalement contre un gazoduc. Et ça s'est, comme bien trop souvent, mal fini. Mes nombreux hématomes sur les bras et les côtes me le font encore sentir maintenant, ainsi que la contusion à la hanche droite. J'ai du mal à marcher correctement sans boiter mais ça va mieux qu'il y a cinq jours encore. J'ai cru que je n'allais pas survivre au vol retour. Enfin, tout est bien qui fini bien.

J'ai repris mes fonctions et mes marques, j'ai retrouvé Svetlana qui a été absente quelques temps à cause d'une fracture au bras. Elle est a mi-temps ce qui ne m'arrange pas des masses mais peu importe. La journée d'aujourd'hui est bien remplie. Je fais du 8h-19h avec seulement 30 minutes entre midi pour manger. Mais je m'amuse à nouveau ! Je suis de bonne humeur, mes patients sont tous vraiment adorable je ne vois pas la journée passer.

Il est 16h lorsque je jette un coup d'oeil sur mon planing.  « Aisling Hayes, dos. NPO Bilan ! ». voilà ce que j'y lis. Je fronce un instant les sourcils en voyant l'abréviation et je suis oblgé de chercher loin pour savoir que ça signifie 'ne pas oublier'. Parfois, je m'étonne moi-même d'où je sors ces abréviations à la con. Dans la hâte, sans doute. Enfin, peu importe. Je vérifie une dernière fois la salle puis sort dans la salle d'attente. La seule personne que je vois est une jeune fille aux cheveux noirs, debout à côté de la fontaine d'eau. Je ne peux donc pas me tromper.

Je me dirige donc vers elle.  « Aisling Hayes ?» demandais-je. Par pur principe. Je lui adresse un sourire lorsqu'elle se retourne et pose son regard sur moi.  « Je suis Martin, c'est avec moi que tu as rendez-vous» annonçais-je en lui tendant la main.

La première chose que je remarque chez Aisling, c'est son malaise. Les bras croisés devant sa poitrine, les cheveux noirs lui retombant devant le visage, ses réactions presque surjouée. Tout ça est le signe évident qu'elle n'est absolument pas à l'aise à l'idée d'être ici. Dans un coin de ma tête, je note qu'il va falloir faire attention à ce que je dis ainsi qu'à mes faits et gestes. Ça ne va pas être facile, étant quelqu'un de nature directe et tactile. Enfin, on verra bien, peut-être qu'elle n'est absolument pas comme je la pense. Quoique la première habitude est très souvent la bonne. Je lui souris aimablement puis l'invite à se diriger vers la salle. En entrant je lance un coup d’œil vers la secrétaire qui remplace Svetlana pour la semaine. Je lève un pouce en l'interrogeant du regard, lui demandant silencieusement si tout va. Elle me réponds par un large sourire et une hochement de tête. Je lui fais un rapide clin d’œil puis entre derrière Aisling et referme la porte derrière elle.

Elle se place dans un coin, et je ne peux m'empêcher de penser à ce chiot que j'ai sauvé lors du festival de Yulin. Oui, elle me fait clairement pensé à ce petit animal apeuré et traumatisé, qui tremblotait dans le fond de sa cage. J'ai l'impression qu'elle a mit d'elle-même cette distance de sécurité. Je l'observe quelques instants puis abaisse la clenche et entre ouvre très légèrement la porte. Peut-être que ça la rassurerait de savoir que la porte n'est pas fermée à clef et qu'elle peut s'échapper quand elle veut ? J'espère qu'elle puisse ainsi se détendre un peu.

Elle prend d'elle-même la parole et me remercie de l'avoir prit en urgence. Je lui offre un sourire et hoche la tête  « C'est normal. J'avais une place qui s'est libéré donc autant que tu en profites» lui expliquais-je en passant derrière le bureau. Je m’accroupis et ouvre un tiroir duquel je sors une feuille blanche que j'accroche à mon calepin, tandis que le jeune femme m'explique avoir très mal au dos et qu'elle ne peut pas bouger. Je me redresse et l'observe en hochant la tête … avant de la secouer lorsqu'elle me demande si c'est grave.  « C'est sûrement bien moins grave que tu ne le penses» assurais-je en griffonnant le nom et le prénom de la jeune femme sur la feuille.

 «Alors, voilà comment nous allons procéder » reprenais-je  «Si je prends des notes, c'est pour juste pour ton dossier, pour que je puisse faire un bon suivi régulier. J'y noterais l’évolution et tout ça. » j'indique une chaise  « Tu peux t'asseoir si tu veux, je vais commencer par te poser quelques questions.» j'attends qu'elle soit installée avant de m'asseoir en face d'elle sur la table.  «Alors, Aisling … je le prononce correctement ton prénom ? » demandais-je. J'attends sa réponse avant de reprendre  «racontes moi un peu ce qui s'est passé, si tu as une idée d'où peu venir ce mal de dos, comment tu t'es fais ça, depuis quand, où exactement, les sensations. Tout, je veux absolument tout savoir » je lui offre un sourire qui veut rassurant. Je lui dirais après qu'elle va devoir se dévêtir. Au moins le haut. Mais chaque chose en son temps.

Je vois le soulagement dans le regard de la jeune femme lorsqu'elle apprend non, ce n'est sûrement pas très grave. Bonne chose. Bonne nouvelle. Peut-être se détendra-t-elle maintenant ? J'ose l'espérer. Je disparais derrière le bureau pour sortir une feuille vierge puis lui explique mon procédé. En apprenant que je veux créer un dossier pour suivre son évolution, elle semble paniquer à nouveau et me demande si elle va devoir revenir. Je lève le regard vers elle, puis hausse les épaules.  «Dans l'idéal, non » assurais-je  «De mon côté, mon but c'est de te soigner en une séance. C'est pour ça qu'il me faut le plus d'informations possible pour savoir ce qui ne va pas en détail» je lui souris puis hoche la tête et commence mon questionnement, lui demandant de m'expliquer ce qui l’amène ici.

Mais avant, je change de sujet, lui demandant si la prononciation de son prénom est correcte. Évidement, je suis totalement à côté de la plaque car ça se prononce avec un fort accent -irlandais peut-être?- et pas du tout comment ça s'écrit. J'arque un sourcil puis hoche la tête  « Ah ouais ok, je vois. J'étais vraiment pas juste du coup» dis-je en rigolant doucement en secouant la tête.

Par la suite, Aisling commence à m'expliquer qu'elle a porté quelque chose de lourd, remarquant que son dos n'était pas très content de ce traitement, et que le lendemain elle a dansé, accentuant ces douleurs à un tel point que ce matin elle ne pouvait que très mal se déplacer. J'hoche doucement la tête, notant toutes ces informations sur ma feuille puis relève le regard sur le jeune femme.  «Tu as bien fait » lui assurais-je  « ça t'es déjà arrivé par avant, ces douleurs ?» demandais-je

Je la laisse répondre avant de me lever et pose le calepin à côté de moi  «Bon, je vais faire quelques test histoire de voir la mobilité de la colonne vertébrale et tout ce qui s'en suit » je m'approche d'elle et attend quelques instants, sachant que le moment fatidique est arrivé  «Tu peux enlever ton manteau et ton pull ?  » Je n'ajoute rien de plus. Si elle le fait directement, tant mieux. Si elle hésite mais qu'elle le fait quand même, ça me va aussi. Si par contre elle refuse totalement, alors là j'ai pas mal d'arguments pour la convaincre de se déshabiller.

Comme je m'en doutais, Aisling me demande d'une petite voix trahissant son malaise, si elle est réellement obligé de se déshabiller. Pourquoi est-elle aussi mal à l'aise ? Est-ce parce que je suis un homme ? A-t-elle peur des hommes ? Ou a-t-elle honte de son corps ? Je ne saurais le dire tant que je ne connais pas son histoire. Mais elle ne semble pas non plus être du genre à s'ouvrir facilement aux gens.  «C'est mieux pour faire un bilan complet de tes articulations » expliquais-je, gardant les arguments purement médicaux. Sans doute sont-ce ceux-là qui réussiront à convaincre Aisling.

Et c'est ce qu'elle fait. Avec un soupire de résignation elle commence par retirer mon gilet puis mon pull et je me demande un instant si elle n'a pas vraiment trop chaud avec toutes ces couches. Ce n'est pas comme si on s'approchait de la fin du printemps et donc de l'été. Enfin, c'est assez louche quand même. Mais je ne fais aucun commentaire, je la laisse de dévêtir. Et pour pas qu'elle ne se sente observer, je m'affaire derrière mon bureau. Lorsqu'elle me demande si elle doit rester assise, je relève mon regard et voit qu'elle a tout de même garder son t-shirt.

Je secoue la tête  «Non, on va faire ça debout d'abord » expliquais-je avant de désigner son t-shirt d'un coup de tête  «Aussi classe est-il, ce t-shirt, tu veux bien l'enlever aussi s'il te plaît ? » demandais-je  «J'adore Bullet For my valentine, mais il faut vraiment que j'ai une vision totale sur ta colonne vertébrale » dis-je tranquillement.

Après une plus longue hésitation, Aisling s’exécute. Et pendant qu'elle retire son t-shirt je remarque bien le tremblement dans ses mains. Nervosité ? Impossible. On ne tremble pas de cette manière lorsqu'on est nerveux. Un signe du manque. Clairement. Je note dans un coin de ma tête que je vais peut-être faire un rapport à un médecin avec qui je bosse beaucoup en binôme. Et peut-être aussi les services sociaux ? Enfin, ça attendra. Je ne vais sûrement pas encore m’immiscer tout de suite dans ces histoires. Quoique ce soit en mon devoir de para médical d'en parler avec quelqu'un.

Je fini par afficher un sourire et hoche la tête.  « Très bien» dis-je en m'avançant vers elle. Je me place dans son dos et lève mes mains.  «Désolé, j'ai les mains un peu froides » la prévenais-je avant de les poser sur ses épaules. Je la sens se tendre sous mes doigts mais je ne les retire pas.

Lentement, je laisse glisser mes doigts le long de sa colonne vertébrale, cherche les points sensibles dans ses muscles. Je me fais une idée générale de son corps, des petites imperfections articulaires puis la lâche et repasse devant elle.  « J'aimerais que tu fasses quelques mouvements comme je vais te les montrer, ok ? » j'attends une réponse de la jeune femme puis m'exécute à lui montrer les exercices afin de tester toute la mobilité de sa colonne vertébrale.

Au vu de la grimace qu'elle tire, je conclu que c'est la flexion mais aussi la rotation vers la droite qui sont le plus douloureux. J'hoche la tête à plusieurs reprises, prends pas mal de note, repasse derrière elle pour suivre les mouvements de ses vertèbres avec mes doigts, puis fini par me reculer.  «Tu peux t'allonger sur le ventre » dis-je en indiquant la table  « Ce sera plus simple pour la suite » je l'observe  « C'est comme ça que je peux voir si mon hypothèse se confirme ou non» j'hausse les épaules  «J'ai l'impression que tu t'es bloqué la troisième lombaire, ce qui te donne cette impression de raideur. Tes douleurs, elles, sont plus musculaires, car le carré lombaire, le muscle dans le bas de ton dos, est très tendu. Surtout à gauche, ce qui explique pourquoi t'as du mal à tourner vers la droite vu qu'il tire et … bref, je pourrais très bien aussi te parler Chinois, tu comprendras tout autant » je rigole doucement et désigne la table pour l'inciter à s'installer.

En fonction des différents exercices et mouvements que je demande à Aisling d’exécuter pour moi, les hypothèses qui s’étaient formé dans mon esprit, se confirment assez rapidement. Je la laisse s’exécuter, l’observe avec attention et prends des notes à plusieurs reprises avant de lui demander de s’allonger sur la table. Docilement, elle fait comme demander et je commence à lui expliquer plus en détail ce que je vais faire.

« Non, t’inquiète pas » la rassurais-je avec un petit sourire «Rien de bien grave, juste franchement gênant, c’est tout » je pose mes mains sur son dos et appuie un peu sur sa colonne vertébrale pour tester la mobilité des vertèbre, lorsque la jeune femme reprends la parole, me demandant si ça pose un problème si elle danse ce week-end « hm …» dis-je, un peu hésitant. « En principe non» reprenais-je en enlevant mes mains de sa peau «ce week-end … ça nous fait 3 jours encore jusque là … ça devrait le faire » je souris doucement puis pose mes mains entre ses omoplates « Prends une profonde inspiration et tu expire doucement, ok ? » je la laisse faire comme demander, attends un peu puis appuis sur son dos à l’expiration. Un petit craquement me fait comprendre qu’un ou deux segments viennent de se débloquer. Je réitère la même action jusqu’à ce que je ne puisse plus en faire passer.

« Parfait !» dis-je en me redressant. « Tu t’allonges sur le dos maintenant s’t’euplait ?» Pendant qu’Aisling se tourne, moi j’attrape mon tabouret et me place au bout de la table au niveau de sa tête. J’attends qu’elle se soit à nouveau allongée avant de prendre sa tête entre mes mains. Mes doigts le long de sa nuque, je commence à tirer très légèrement sur ses cervicales pour les détendre un peu. «Tu viens d’où ? » demandais-je alors, histoire de faire un peu la conversation.

Je dois avouer que ce petit craquement, que j'entends lorsque je débloque les vertèbres de mes patients, a quelque chose de doux à mes oreilles. La colonne vertébrale d'Aisling, elle, ne faillit pas à la règle. Enfin, peu importe. Je vérifie la mobilité des articulations puis la fait se tourner sur le dos. Évidemment, elle attrape son t-shirt au passage et fait en sorte de se cacher la poitrine. Je la laisse faire. En vrai, je lui aurais bien proposer de remettre le t-shirt directement mais elle est bien installer, exactement comme je le souhaite, je ne vais donc pas déranger ça maintenant. J'attrape sa tête entre mes mains et tire un peu sur sa nuque, tout en essayant d'engager la conversation.

J'apprends que ma jeune patiente est originaire d'Irlande du Nord, Belfast pour être plus précis. J'hoche la tête et sourit doucement.  « Je vois. C'est cool l'Irlande, j'y ai fait un road trip il y a quelques années. Mais on est resté en Irlande, entre Dublin et Glasgow» j'hausse les épaules mais n'ajoute rien de plus car Aisling me retourne la question, disant que j'ai un petit accent mais qu'il lui est impossible à dire d'où il me vient. Je baisse le regard sur la jeune femme  « Je viens de partout » dis-je, mystérieux avant de ricaner doucement  « Non sérieusement, je suis né à Munich, en Allemagne. J'ai grandis entre l'Allemagne et la France et à 15 ans j'ai habité chez mon parrain près de Paris » j'vais pas non plus donner les raisons exacte de mon déménagement en France à la jeune femme. «Puis je suis parti à 18 ans pour renouer avec mes Origine Néo Zélandaise. Ouais, on le croirait pas comme ça, mais j'ai du sang maoris » rigolais-je doucement.  «Et à 19 ans je suis parti avec mon frère faire le tour du monde. On a vécu sur les routes pendant 5 ans et c’était sans doute les plus belles années de ma vie » je souris doucement, rêveur, avant de me reprendre en secouant doucement la tête.

 « Enfin bref» je retire mes mains de la nuque de la jeune fille puis me recule  «Voilà, c'est bon. Ça devrait aller » déclarais-je en me levant  « tu peux te lever, te rhabiller et … voilà. Ce sera bon pour aujourd'hui» dis-je en me dirigeant vers mon bureau, lui tournant le dos exprès pour qu'elle puisse se rhabiller tranquillement sans se sentir trop observée.