« Harrington ? » Je relève la tête vers mon patron mon éponge toujours en main alors que j’astique pour la énième fois ce même bout de bar. « Je te laisse ton après-midi, le bar est vide de toute façon. » Un sourire se dessine sur mon visage alors que j’abandonne mon éponge au milieu de bar sous le regard un peu désespéré de mon patron. Lui comme moi on sait que si il me laisse cet après-midi c’est parce qu’il n’est pas sans connaître la situation actuelle avec mes neveux, qu’il lit l’angoisse sur mon visage, celle que les neveux se péjorent soudainement ou qu’ils garde de cette incendie un  réel traumatisme… C’est les pires angoisses mais il y a aussi le reste, la note de l’hôpital qui ne tardera pas à être envoyé, celle de l’école à laquelle ils ont mis feu, ce compte en banque déjà presque vide,... Beaucoup de choses dans ma tête et sans doute pas la maturité pour y faire face. Heureusement il y a Kaecy, celle qui gère tout dans ma vie - qui s’occupe de nous rassurer de nous faire manger mais quand même son visage se creuse alors je ne peux que comprendre que les choses n’iront pas en s’arrangeant. Quoi qu’il en soit la priorité aujourd’hui c’est les jumeaux, toujours à l’hôpital je compte bien leur faire un petite visite et j’enfourche ma désormais célèbre trottinette pour rejoindre l’hôpital de brisbane et cette chambre où j’ai déjà passé bien trop d’heures. Les jumeaux devraient pouvoir sortir demain de l’hôpital mais en attendant ils rendent la vie dure aux infirmières avec leurs éternelles pitreries. Au moins j’ai la certitude que cet accident ne les a pas changé… Avant de retrouver la chambre je passe par la supérette pour acheter une quantité de bonbons et de paquets de chips qui ferait voir rouge à Kaecy, mais je sais qu’elle ne peut pas peut venir cet après-midi et que Scott et Dani sont très forts pour cacher ça dans des recoins inimaginables. Ils se sont bien exercés à la maison.

J’ouvre la porte de la chambre avec un peu de difficulté après avoir salué la réceptionniste m’exclamant bienheureux. « Je viens vous ravitailler moussaillons. » Je tente de rester celui que je suis - un peu insouciant et jovial pour ne pas inquiéter les jumeaux. La directrice de l’école dit que je suis laxiste, sans doute mais je n’avais pas prévu de me retrouver avec deux gamins à charge aussi vite et surtout des terribles comme eux. « Tonton ! » L’exclamation de joie de Dani est sans doute plus du à ce que je tiens entre mes bras qu’à ma présence à moi. Et je relève la tête pour apercevoir une autre silhouette que celle des jumeaux à travers la nourriture. « Oh… Sofia. » Okay je fais pas trop le malin face à elle. En grande partie parce que je ne vous raconte pas le savon que je me suis pris de la part de Kaecy quand on a rompu… Ainsi que toutes les fois avant ça où j’ai fait le con. Je ne suis pas totalement idiot pourtant je sais bien que j’ai mal agit plus d’une fois… Que je me suis accroché en pensant pouvoir mieux faire… Mais de toute évidence je n’étais pas capable. Du moins pas à cette époque… Aujourd’hui je voudrais faire mieux… Mais c’est sans compter sur Sofia qui passe son temps à me fuir depuis presque un an et demi.  « Je. j'vais repartir. » Après avoir déposer mon butin je me retourne vers elle, j’ouvre la bouche mais rien ne sort, toujours un peu surpris de la trouver là. « Mais tu viens d’arriver. » cette complainte de mon neveu je l’ai déjà trop entendue, parce qu’eux aussi s'étaient attachés à elle, à sa tendresse et cet façon un peu maternelle d’agir avec eux. « J'reviendrai, promis. » Elle a cette voix - celle de quand elle ment. Celle qu’elle utilisait quand elle lui disait qu’elle ne m’en voulait pas alors pourtant que je pouvais bien voir la peine dans ses yeux. Son corps frôle le mien et instinctivement ma main va attraper son bras pour la stopper et l’obliger à me regarder. « Reste Sofia… » Je le tente un peu désespérément en sachant bien qu’elle ne voudra pas - et déjà elle tente de fuir vers le couloir. Je l’accompagne, fermant la porte pour lui parler sans public, ma main n'ayant pas quitté son bras mais avec cette impression que je lui brûle la peau. « On a pas parlé depuis tellement longtemps et… » C’est pas la bonne approche je le vois bien. « Les jumeaux te réclament souvent… Ne leur fait pas payer mes erreurs… » Ils ont déjà bien assez souffert comme ça.

Elle se défait de mon contact et je ne peux pas lui en vouloir - le regard qu’elle porte sur moi est presque douloureux - sans pourtant oser me regarder dans les yeux -  il est si différent aujourd’hui, plein de regret et d’une haine que je n’ai jamais voulu voir Parce qu’elle était sans doute présente avant, bien avant que cette histoire ne se finisse que je comprenne que plus on avançait plus je lui faisais du mal et que je ne deviendrais jamais celui qu’elle espérait me voir être. J’aurai voulu pourtant - parce qu’avec elle y croire était plus simple - qu’à chaque faux pas, à chaque pardon, je me sentais pousser des ailes - parce qu’elle m’aimait assez pour me donner l’impression que je pouvais être la personne qu’elle voyait en moi… Mais je n’y suis pas arrivé. « Je n'ai pas envie de parler avec toi. » Je sens mon coeur se serrer mais je ne rajoute rien - je ne la force pas. Pour dire quoi de toute façon ? Des excuses encore ? Elle en a déjà entendues tellement j’ai l'impression que c’est presque dérisoire. Non, je parle des jumeaux, parce qu’à cet instant c’est eux qui comptent, parce que si je ne suis pas une meilleure personne, je réussis à être un meilleur tuteur pour eux, à les faire passer avant à me rendre compte de ce que ça veut dire que d’avoir leur garde, ce n’est pas encore assez mais c’est mieux… Chaque jours un peu mieux. « très bien. » Je m’étonne presque d’avoir réussi à la convaincre avec si peu de mots. Mais je sais qu’elle les aime - que se trouver privée d’eux à sans doute été aussi dur pour elle que ça l’a été pour les jumeaux. Les deux têtes rousses qui avaient déjà perdu trop - tellement - ils avaient dû accepter de ne plus voir Sofia aussi alors pourtant qu’elle était parfaite avec eux… Je leur ai retiré ça je le sais bien… Aux jumeaux et à Sofia. « Tu ne m'adresses pas la parole. tu fais comme si je n'étais pas là. je reste, mais seulement pour eux. » Je hoche la tête silencieux. « D’accord. » C’est moi qui cède cette fois. Moi qui accepte le silence, la froideur qu’elle m’offre à cet instant. Je voudrais tenter de changer son attitude mais je n’en fais rien - j’accepte pour l’instant, comme pour cette années qui s'est écoulée et où je n’ai rien fait. Ou je l’ai laissé s’éloigner du groupe et surtout de moi - évincer les soirées pour ne pas me voir. Peut-être aussi parce que régler la situation c’était prendre le risque de la blesser encore… D’être cette personne que j’étais avec elle et que je déteste en moi, mais qui existe.

Elle retourne dans la chambre et je la suis, pas trop proche, pas un geste je fais comme elle l’a dit. Je me fais petit. J’existe à peine. « bon, les gars. vous partagez avec moi ? » Assis sur le lit d’à côté je les regarde, un émotion étrange me prenant. Je me souviens des bons moments - de ceux où j’étais heureux avec Sofia où tout semblait si simple avec elle. Sa relation avec les jumeaux, les rires, l’amour aussi… Je l’ai aimé Sofia, pas comme elle le méritait sans doute mais quand même… Elle n’est pas personne.  « Tu sens trop bon Sofia. » Le bras de Dani qui entourent le corps de Sofia alors qu’il la renifle presque, m’arrachant un sourire.  « Tu prends pas de bonbons Elio ? » « Il est bizarre tonton. » Je suis bizarre parce que je suis loin - parce que les jumeaux nous connaissent en couple, amis avant ça. Il nous connaissent complices et en couple, pas distant comme nous le sommes aujourd’hui. « Sofia ? Pourquoi t’avais disparu ? » La question Scott me l’a déjà posée tant de fois sans que je ne sache quoi lui répondre.  « Elio il a dit que ça arrivait parfois mais ça veut rien dire. » J’aurais voulu leur expliquer mais comment le faire avec des enfants. « Et Kaecy elle a dit qu’il était trop con de t’avoir quitté. » Mes yeux s’arrondissent alors que je regarde Scott. « T’as entendu ça où ? » Je fais les gros yeux mais Scott s’en fiche, bonjour l’autorité. « On vous a entendu, quand vous parliez et qu’elle te disait de pas pleurer comme une chochotte parce que t’avais fait le con. et même que le jour d’après Kaecy nous a permis de manger une glace le matin. » Il répète le mot con avec fierté et ça l’amuse. « Ton vocabulaire ! » Je fais mine de lui enlever un paquet de bonbon comme punition. « Et je pleurais pas… » Je baisse un peu les yeux pas vraiment fier… peut-être que j’ai pleuré parce que j’avais honte… Honte de rien réussir de bien dans ma vie et pas même d’avoir une relation qui en vaut le coup sans détruire la fille en question. Je retrouve ma place sur le lit en face en ouvrant le paquet de bonbon… Pas un regard vers Sofia de toute façon c’est ce qu’elle demandait, que je ne lui parle pas, que je fasse comme si elle n'existait pas.

Gérer les questions des jumeaux ça n’est pas mon fort - ça ne l’a jamais été. En général quand elles se posent, je propose une glace, des bonbons, une sortie à la plage, tout pour ne pas répondre mais là je suis coincé. Dans une chambre d’hôpital avec deux jumeaux qui ont déjà la bouche pleine de bonbons et pleine de questions aussi. Alors je me renferme un peu - encore plus quand ils abordent mon état après la rupture. Rupture que j’ai pourtant moi même provoqué. « votre oncle a raison. ça arrive. » Sofia elle est plus douce, elle sait leur parler aux jumeaux, elle a quelque chose de maternelle et de bien plus réfléchi. « Parfois, deux personnes s'aiment très fort. mais l'amour peut s'estomper. c'est comme ça, c'est la vie. » Est-ce que c’était ce qui nous était arrivé ? Est-ce que ça s’était estompé juste comme ça ? Je savais bien que la réponse était non mais que les jumeaux n’étaient pas prêts à entendre la vérité - moi non plus sans doute. « vous vous souvenez quand je vous ai acheté Boris ? » Moi je m’en souviens en tout cas, Kacey devenait folle avec cette petite bête qui se réveillait au milieu de la nuit pour faire un boucan pas possible - elle l’avait accepté probablement uniquement parce que c’était Sofia qui leur avait offert. Et que tout ce que faisait Sofia était forcément bien à ses yeux… « au début, vous l'aimiez fort fort. vous aviez envie d'être avec tout le temps. vous vous battiez pour vous occuper de lui. et petit à petit, Boris a été abandonné. vous vous êtes lassés de lui. et c'est normal. c'est ce qui est arrivé à tonton Elio. » Je baisse le regard, parce que la comparaison fait mal. Parce que Sofia n’est pas un hamster dont on se détourne mais que je ne lui ai de toute évidence pas donné plus d’attention que ça. Que je ne lui ai pas donné de raison de penser qu’elle valait mieux que Boris. « ça veut dire que toi aussi tu vas mourir ? » De toute évidence je ne suis pas le seul à trouver la comparaison un peu violente. « oh non ! » Elle rit et mon coeur se desserre un peu. Ca fait du bien d’entendre à nouveau ce rire… Celui que j’ai fait taire trop souvent avec mes tromperies et mes oublis. « Boris est mort parce qu'il était vieux. moi, je suis encore jeune. » En vrai il est mort à cause de Scott mais je n’avais pas dans l’idée de faire du mal à Sofia pour ma part. Pas plus que ce que j’avais déjà réussi à faire.

Quelques secondes les jumeaux avaient gardé le silence, pensifs, cherchant sans doute la faille dans cette histoire et ils avaient évidemment fini par la trouver. « Mais, Boris, on l'a aimé à nouveau, après. alors, tonton et toi, vous allez vous aimer encore? de toute façon, Kaecy, elle veut que vous vous aimiez. elle n'arrête pas de dire à tonton de venir te voir. » Je baisse les yeux une fois de plus sentant le regard de Sofia sur moi - ce regard qui crie pour un peu d’aide. « Tonton tu l’aimais toi aussi Boris. » Je relève le regard cette fois s'éclaircissant un peu la voix. « Oui je… Oui mais c’est compliqué l’amour. On peut pas juste aimer et oublier sans conséquence, sans faire mal… » Je suis maladroit et je me relève en laissant les bonbons derrière moi. « C’est compliqué pour vous de comprendre aujourd’hui mais un jour… Peut-être… » Ou peut-être qu’eux aussi ne comprendront jamais comme Kaecy n’a jamais compris ma décision, mes actions en général quand elles concernaient Sofia. « Et Sofia tu l’aime plus ? » A nouveau je me racle la gorge mal à l’aise. J’aurais peut-être dû la laisser partir au final. « C’est pas ça mais Sofia… Elle mérite qu’on l’aime plus encore. » Elle mérite qu’on l’aime assez pour prendre soin d’elle - que quelqu’un l’aime comme elle m’a aimé - d’un amour qui vous redonne confiance en vous… Même si c’est juste pour quelques mois… « Et Sofia nous, tu as oublié de nous aimer aussi ? » Scott et ses questions qui font mals. Évidemment en sortant de ma vie elle est sortie de la leur, et pour deux enfants en manque d’amour maternelle toute perte est difficile, celle de Sofia plus encore que les autres. « Parce que nous on t’a toujours aimé tu sais ? On va pas te donner de chocolat et te faire mourir comme Boris. » Je grimace un peu comme première réaction avant de laisser sortir un petit rire. « Tu vas revenir nous voir maintenant ? On pourrait jouer au loup de nouveau ? » Le jeu préféré des jumeaux quand Sofia été là,et nous avions tous eu de gros fous rire en jouant tous ensemble.

Je regarde la scène d’un peu plus loin, sans pourtant avoir la capacité de prendre un reel recule sur ce qui se passe. Sur la douleur de mes neveux, parce qu’il suffit de les entendre parler pour comprendre que ce n’est pas la fumé de l'incendie, ou les flammes qui les ont blessé mais l’abandon, la sensation de ne pas compter assez, de perdre celle qui aurait pu prendre cette place de mère dans leur vie au côté de Kaecy, de compagne dans ma vie. Avec Sofia c’était simple d’avoir des projets, d’imaginer un avenir tendre, une famille un foyer emplit d’amour et de soutien… C’était simple de l’imaginer mais pas avec moi dans le rôle du père. Comme si je détonnais, que je n’avais jamais collé à cette image, jamais mérité l’amour qu’elle me donnait ou l'espoirs qu’elle plaçait en moi. Alors j’ai fait ce que je sais faire le mieux, j’ai tout gâché, j’ai pris des distances, j’ai aimé à moitié, juste assez pour la retenir mais pour ne pas me mettre en danger. Je voulais faire mieux et j’ai fait pire à chaque fois en m’en rendant à peine compte. En refusant de voir les larmes sur ses joues, les reproches qu’elle osait parfois me faire, le confiance qui petit à petit se perdait entre nous… Mais pour nous elle a toujours été là, pour moi quand je revenais en la suppliant, pour les jumeaux quand ils avaient besoin de cette présence que seule elle et Kaecy pouvaient leur offrir… Elle était là avant que je ne met fin à ça.  « oh, mes bébés… jamais je ne pourrai oublier de vous aimer mes chats. jamais de la vie, d’accord? » Mon coeur se serre encore plus - j’étouffe presque face à cette scène où trop d’émotions se mélangent. Je voudrais qu’elle revienne Sofia, dans nos vie à tous. Je voudrais lui prouver que je peux être meilleur et qu’elle y croit cette fois - je voudrais arrêter d’être con… Mais ces souhaits je les ai eu tellement de fois sans tenir mes promesses que je ne sais plus si j’ai le droit de demander, que je ne sais pas à quel point elle est encore prête à y croire… De toute façon pour le moment elle n’est pas disposée à m’écouter  je le sais bien. « si votre oncle veut que j'vienne, oui. » « tu veux bien tonton ? hein, dis ! » Mon regard se pose dans celui de Sofia, je cherche à la comprendre, sans y arriver une fois de plus. « Oui évidemment, elle est toujours la bienvenue… » Ce n’est pas mensonge, comment je pourrais lui dire non, comment je pourrais accepter de priver mes neveux de ça de toute façon. Je l’ai quitté parce que je savais à l’époque que je n'arrêterais pas… que je ne pourrais pas lui être fidèle ou être à la hauteur… Mais Sofia elle n’a jamais vraiment quitté nos vies - parce que si souvent elle est évoqué par les jumeaux.

La scène est interrompue par le kiné des jumeaux, et rapidement Sofia et moi nous sommes conviés à partir pour laisser les jumeaux à ce qui semble ne pas être une partie de plaisir. « j'reviendrai. c'est promis. » Sofia elle ne fait pas des promesse en l’air elle, je le sais bien… Du moins elle n’en faisait pas. Tellement de mois ont passé depuis notre dernière rencontre, je ne suis plus sûr de savoir qui elle est aujourd’hui… Je quitte les jumeaux avec un check qu’ils ont inventé eux même suivant Sofia dehors de la pièce.  « merci.. » J’ai presque l’impression que les mots lui brûlent la gorge, et je ne suis pas bien sûr de savoir pourquoi je mérite des remerciements mais je les accepte pourtant sans broncher. « Ils en avaient besoin… Surtout aujourd’hui… » Il ne le montre pas trop parce qu’ils sont durs, parce qu’ils ont déjà vécu beaucoup mais cet accident ce n’est pas rien… C’est une partie de leur vie qui est chamboulé aussi. « Ils parlent beaucoup de toi » Mais jamais je n’ai fait la demarche de venir la voir, pas après la rupture. « j'ferai bien d'y aller. » Ma main se tend mais je n’ose pas la toucher cette fois. « Sofia… S’il te plait… Ca fait des mois… » Des mois qu’elle m’évite, qu’elle ne m’adresse pas un mot. « Nous ne sommes pas des enfants… Et si tu as été sincère avec les jumeaux on sera sans doute amené à se recroiser… Je sais que je t’ai blessé mais… Passe l’éponge c’était il y a plus d’un an… » Je sais bien que ce n’est pas la meilleure approche et que je risque de m’en prendre plein la gueule. Mais si j’arrive à la faire réagir et parler ça sera déjà une victoire.

Sofia elle est douce et tendre mais pas non plus idiote, pas du genre à se laisser marcher dessus comme ça. C’est étrange quand j’y pense parce que pourtant elle a pardonné tellement de fois, mais jamais facilement, jamais avec docilité comme si ça ne voulait rien dire. J’ai toujours su que ça lui coûtait quelque chose de m'accorder encore sa confiance, que ça n’était pas gratuit… Alors je savais que les mots allaient déclencher quelque chose. Peut-être même que je le cherchais d’une certaine manière. L’affrontement, celui que l’on a pas vraiment eu lors de notre rupture. « tu te fiches de moi ? » Au moins elle parle, et j’attends la suite avec une certaine angoisse mais un besoin d’entendre pourtant. « passer l'éponge ? tu veux vraiment que je passe l'éponge ? » Hochement de tête pour confirmer ce qu’elle dit, je ne me dégonfle pas face à sa colère naissante. « que ça fasse un an, dix, quinze, cent. je ne passerai pas l'éponge, Elio. » Je fonce les sourcils sans trop comprendre, comme si je tentais de connaître son raisonnement, la haine qu’elle a aujourd’hui alors pourtant qu’elle a su me pardonner quand je revenais. « j'ai passé l'éponge combien de fois, hein ? une centaine de fois, peut-être. et à chaque fois… » Sa voix se brise et je déglutis un peu difficilement en attendant la suite. « à chaque fois tu n'as fais que de me décevoir un peu plus. je t'ai donné mon coeur, Elio. sur un plateau. et neuf mois après, tu me l'as rendu éclaté en un millier de morceaux. » C’est donc ce qu’elle retient de notre histoire - de neuf mois d’une relation avec certes ses douleurs mais aussi ses moments de bonheur et d’amour. « je ferai l'effort de te croiser. pour eux, pour Scott et Dani. mais ne me demande pas de devenir ton amie. » Je secoue la tête un peu péniblement. « Ce n’est pas ce que j’ai demandé Sofia, ne me prends pas pour plus idiot que je ne le suis, je sais bien que… Qu’on ne redeviendra pas amis pas après… Ce qu’on a vécu. Mais tu ne m’adresses même pas la parole tu m’évites depuis des mois quitte à ne pas venir à certaines soirées ! Il y a un fossé entre l’amitié et l’ignorance ! » Et je préfère encore cette haine sonore que le silence qu’elle infligeait jusque là. « Pourquoi tu m’en veux exactement Sofia ? Pour les tromperies ou parce que j’ai mis fin à cette histoire ? Parce que j’ai fait ce que tu étais incapable de faire ? T’aurais voulu qu’on continue comme ça ? » Parce que ça n’était une vie ni pour elle ni pour moi - que je ne pouvais pas lui offrir ce qu’elle voulait - qu’elle était malheureuse et je le savais sans pourtant réussir à la libérer de moi - comme si j'attendais qu’elle le fasse - qu’elle s’en aille et me laisse… Mais elle ne l’avait pas fait… Elle était restée elle avait continué de croire alors que je n’étais capable que de la détruire. « Je suis désolé Sofia… Désolé d’avoir brisé ton coeur… Je n’ai jamais voulu te faire du mal. » Parce que jamais ça n’a été volontaire, c’était juste comme si elle n’arrivait pas à prendre assez de place pour m'empêcher de penser aux autres… Et surtout une femme à cette époque… Celle qui aura été ma destruction comme il semble que je l’ai été pour Sofia…  « on ne sera jamais plus rien, Elio. » La boule se forme dans ma gorge alors que les mots me manquent d’un coup. Je perds un peu mes moyens face à sa réflexion comme une porte qui se referme avec violence sur mes espoirs… Sur une des seules personnes qui a su voir en moi autre chose que Elio le mec paumé et foutu qui finira mal… « T’as tort Sofia… » Ma voix tremble sous le coup de l'émotion. « On sera jamais rien l’un pour l’autre… Même si tu veux t’en persuader… Tu as tort. » Et ça j’en suis persuadé, après une relation comme la nôtre on ne devient pas rien… Il reste quelque chose… Parfois la haine vestige d’un amour, parfois autre chose… Je ne sais pas ce qu’il reste de nous ce que l’on sera par la suite mais une chose est sur… On ne sera pas rien.

J’ai fait mes erreurs, et je pense que je suis capable de les assumer aujourd’hui, sans doute aussi parce que j’ai toujours eu conscience qu’elles en étaient sans pourtant pouvoir m’en empêcher. J’ai menti parfois c’est vrai - mais j’ai tenté l’honnête douloureuse aussi, celle de la regarder dans les yeux et de lui dire que j’avais fauté encore… Une fois la faute faite il n’y avait plus de retour en arrière de toute façon. Souvent j’ai pensé que c’était la dernière, qu’elle partirait cette fois que j’étais allé trop loin - mais il y avait en Sofia une force à pardonner que je n’ai jamais vraiment compris - là où j’aurais tout envoyé bouler elle est restée souffrir… Elle a choisi son sort et aujourd’hui me considérer comme le seul coupable est un peu simple peut-être, mais plus que d’affronter sa propre faiblesse sans doute. « je. j'peux pas. » Je fronce les sourcils à nouveau en la regardant un peu incrédule. « T’as même pas essayé… » C’était sa la limite ? Le fait que je dise stop c’était ce qui devait rompre toute relation à tout jamais ? « Il n’y a pas que toi et moi dans cette équation. » Je sais bien qu’elle ne veut pas entendre ces mots, refuse l’idée que d’autres aient pu souffrir du fossé entre nous. « Je nie pas mes responsabilités Sofia et jamais je n’oserai dire du mal de toi devant les jumeaux… Mais vivre dans la haine ça te ressemble pas… » Pas la fille que j’aime aimé à une époque en tout cas. Est-ce que c’est moi qui l’ai changé ? Je ne pense pas que je sois prêt à entendre cette vérité, mais en tout les cas elle a changé.

«  je n'en veux pas de tes excuses. j'en ai trop entendu. le mal est fait » Je ne peux pas lui en vouloir de réagir comme ça, je le sais bien. J’ai creusé cette tombe pour nous - je nous ai mis dans cette situation à force de fausses promesses et d’un amour bâclé. « Qu’est ce que je peux faire alors ? Dis moi… » Elle voudrait qu’on ne soit rien - que je m’efface pour de bon ? Ca n’arrivera pas, ça ne marchera pas, comme ça n’a pas marché pendant cette années qui s'est écoulée et où la moitié de son énergie a sans doute été dépensée à m’éviter. « peut-être que tu resteras quelqu'un d'important. peut-être que tu resteras un des rares hommes que j'ai aimé. à qui je me suis donnée. mais, c'est du passé. c'est terminé. et.. et je peux pas accepter de sourire à tes côtés. j'peux pas accepter de passer des soirées avec toi. risquer de te voir avec une autre. risquer de… » De quoi ? De ressentir quelque chose ? D’arrêter de se cacher et d’avoir peur ? « de risquer de réveiller ces sentiments que j'ai.. que j'avais pour toi. et de me reprendre une gifle, encore une fois. » Je sens les larmes me monter au yeux alors que je fais un pas vers elle, détestant cette foutu sensibilité que je voudrais enfouir tout au fond pour ne rien laisser paraître du trouble que ses mots provoquent… « Je t’aime toujours Sofia… Je sais que ça n’est pas assez, que je peux pas te dire ça comme ça si je ne suis pas capable de l'assumer… Mais je t’ai pas quitté parce que tu ne représentais plus rien… » Mais parce que l’amour que j’avais pour elle n’était pas assez fort - pas à la hauteur de ce qu’elle me donnait elle. Et c’est sans doute cruel du lui dire ça, mais je m’en rends à peine compte. je ne réfléchis pas, je ne me mets pas à sa place « Tu n’es pas n’est pas un vulgaire hamster que je pourrais oublier dans sa cage… » Elle doit le savoir - elle doit le comprendre… Même si elle ne me fait pas confiance. « Et tu me manques… » Plus qu’elle ne pourrait le penser… Sa présence rassurante, ses mots d’amour, ses encouragements, cette façon dont elle arrivait à capter mes humeurs avant même que je ne dise un mot et s’y adapter… Jamais une femme ne m’a connu comme ça, jamais on n’avait fait attention à moi à ce point… Encore moins quand j’étais incapable de rendre la pareille.

Je voudrais qu’elle redevienne la Sofia que j’ai connue, celle d’avant, peut-être même avant cette histoires de couple, quand nous étions amis, quand elle était dans ma vie et bien avant que tout ne se corse entre nous. Mais ce n’est pas si simple, effacer la peine, l’amour, la douleur et tout ses souvenirs qui font de nous ce que nous sommes… Ce n’est pas l’évidence. « je sais.. mais, c'est au dessus de mes forces. même si d'autres personnes en souffrent. » Ca ne lui ressemble pas mais c’est sans doute la meilleure façon de se protéger, de se faire passer avant pour une fois. « c'est égoïste, je le sais. mais, je ne suis pas encore prête, Elio. » Je voudrais être capable de simplement accepter, de la laisser me tourner le dos mais c’est impossible, au dessus de mes forces de continuer à accepter cette situation, pour moi, pour les jumeaux, pour elle aussi parce que ce n’est pas une vie de passer la sienne à m'éviter. « Alors tu vas continuer de te pourrir la vie pour ne surtout pas me croiser ? » Parce qu’à cette allure ça peut durer encore longtemps. Je ne veux pas de ça, je voudrais aider, je voudrais arranger les choses comme j’ai su le faire par le passé. « sortir de ma tête.. » Le mots sont comme un coup de couteau, une sentence qui tombe. Une que je ne veux pas accepter… Parce qu’elle me manque et que les mots aussi cruelles soient-ils doivent être dit. Pourtant c’est une nouvelle fuite dont j'écope, un nouveau pas en arrière de sa part. « je t'interdis de me dire ça. » Elle pleure, encore ses larmes trop vu et que je provoque sentant moi aussi l’émotion de me submerger. « Sofia… » Je tends un peu la mains je voudrais la retenir mais elle m’échappe. « je t'interdis de me dire que tu m'aimes, que je te manques. » Ma main qui se baisse, mon regard aussi. « D’accord… » Les mots m’arrachent la gorge mais je lui dois bien ça. « tu ne sais pas ce qu'est l'amour, Elio. tu ne sais pas ce que c'est, vraiment. » Peut-être qu’elle a raison, que je ne l’ai pas aimé assez fort, pas comme il faut et pourtant je sais que ce sentiment existent en moi… Qu’il n’est juste pas suffisant, que j’ai ce besoin de destruction qui prend le dessus, des pulsions, des envies… Comme héréditaire, comme si je ne pouvais échapper aux erreurs de mon père et les reproduire sans cesse alors pourtant que je vois le mal que je fais. «  je ne t'aime plus. il faut tourner la page. » Je serre la machoir, de plus en plus fort relevant enfin les yeux sur elle. « Vraiment ? » J’en doute, je n’arrive pas à y croire, tous ses mois de silence et d’absence si elle ne ressent plus rien. « Alors pourquoi tu ne me regardes même pas dans les yeux quand tu le dis ? » Je ne peux pas la croire quand elle agit comme ça. « Pourquoi tu veux t’enfuir aujourd’hui ? Et que tu n’as cessé de fuir depuis des mois ? » Je doute qu’elle ait une réponse à ses questions.