Et voilà, le SMS était envoyé. Si j'ai donné suite à cette rencontre qui s'est finie sur une note désastreuse, ce n'était pas sur un coup de tête mais une décision mûrement réfléchis. J'ai laissé passer deux jours, eu plusieurs conversations avec Myrddin pour, au final venir sur la conclusion de tout de même tenter. Au mieux je réussi et Cole sera plus serein, au pire ça ne réussit pas, je tomberais de haut mais je me rattraperais. De toute manière, à force de vouloir se protéger sois-même, on fini par avoir peur et la peur n'a jamais rien réglée. N'est-ce pas le moment de faire ce que Cole, justement, m'a dit qui était bien ? Sortir de ma zone de confort. Ça passe ou ça casse, y a qu'un seul moyen de le savoir et ce n'est pas en restant là, seul chez moi, que ça ira mieux. La réponse ne tarde pas à arriver. Sobre, presque froide. Mais m'attendais-je réellement à voir des smiley partout ? Non, clairement pas. Je lui réponds donc tout aussi sobrement et mon cœur rate un battement lorsqu'il me dit qu'on se retrouve à 16h dans le parc.

Évidemment, je suis en avance. J'ai laissé mon fauteuil à l'appartement et j'ai décidé de sauter le pas et partir, appuyé sur mes béquilles. C'est la première fois que je sors marcher seul. C'est flippant et même temps ça fait du bien. Deux pas de franchit en une journée, c'est assez incroyable, le premier étant de prendre les devant envers Cole. Le deuxième, c'est la marche. Et le troisième ? On verra comment Cole réagira, chaque chose en son temps. Ainsi, assis sur le banc, je commence à stresser, sentant la pression monter en moi. Déjà que je manque de confiance en moi en temps normal, mais alors là c'est pire. Parce que clairement, ce Cole ne me laisse pas totalement indifférent. S'il n'y avait pas eu cette histoire de drogue, je pense qu'on aurait fini comme Lou le voulait : dans un de nos lits. Avec une suite ? Sans lendemain ? Jamais je ne le saurais.

Un mouvement sur ma droite me fait tourner la tête et mon cœur manque un battement en reconnaissant Cole. Je déglutis difficilement et me redresse lorsqu'il arrive vers moi.  « Salut » dis-je en lui adressant un petit sourire avant d'hausser les épaules quand il me demande si ça va et si je préfère qu'on aille se balader ou qu'on se pose  « Je … on peut se balader un peu si tu veux, ça me dérange pas » dis-je avant de me redresser. J'attrape mes béquilles et prends appui sur le banc pour me lever avant de me stabiliser. Je désigne le chemin et commence à marcher avec une facilité que je trouve assez déconcertante je dois l'avouer. Mais peu importe.

Nous marchons quelques instants, silencieux avant que je ne décide de prendre mon courage à deux mains.  «Écoute Cole » dis-je en m'immobilisant, ne parvenant pas encore à marcher et à parler en même temps  «Je … comme dis dans le sms, je tenais à m'excuser pour ma réaction au bar la dernière fois. Je …. » je pince les lèvres, hésitant  « C'était vraiment pas cool de ma part. Je veux dire, tu t'es confié sur un thème vraiment important, je suppose qui ça a dut te demander autant de courage que ça m'a demandé de te parler de l'incendie » je pince les lèvres et lève mon regard sur Cole  «C'était pas cool de ma part de t'avoir laisser en plan à ce moment là » je grimace légèrement  « Et puis ce … c'est pas ta faute. Enfin, pas totalement et ...» je me tais, hésite puis prends une profonde inspiration  « Si t'as besoin d'aide ou de soutient ou je ne sais quoi, je veux être là pour toi» dis-je d'une traite avant de baisser à nouveau mon regard, trouvant le sol tout à coup beaucoup plus intéressant que le reste.

Dire cette phrase à haute voix, me fait comprendre la sincérité avec laquelle je l'ai dites. Oui, je veux être à pour Cole. Je veux qu'il comprenne ce que ça fait d'avoir un ami sur qui il peut compter, lui montrer le bonheur que ça peut être d'être soutenu en toute circonstance. En suis-je réellement capable ? Seul l'avenir nous le dira. Mais pour ça, il faut déjà lui laisser une chance à cet avenir. Je vais tout faire pour y arriver, sans pour autant promettre la lune. Sauf que Cole, lui, ne semble pas de cet avis.

Alors que le silence s'est à nouveau installé entre nous, il s'approche et passe une main sous mon menton pour m'obliger à relever le regard sur lui. Je lève la tête, plonge mon regard dans le sien et me noie quelques instants dans ce regard brun, dans lequel on lit une profonde tristesse qui m'enserre le cœur. Je déglutis et sens ma gorge se nouer lorsqu'il me dit que je n'ai pas à m'excuser et qu'il ne faut pas que je crois que ce n'est pas de sa faute, que ce n'est pas une bonne idée non plus car il n'est pas un homme bien pour moi. Je ne pourrais pas l'aider et ça va me rendre dingue, que ce n'est pas ce qu'il veut. Un léger sourire vient enjouer mes lèvres. C'est déjà un bon début ça, au moins il se rend compte de tout ce que ça implique. Il me dit alors que s'il avait connu mon avis sur les drogues il n'aurait jamais commencé. Adorable. Mais il ne pouvait pas savoir que j'allais débarqué, moi. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je ne lui en veut absolument pas. Bien au contraire ! Mon sourire ne me quitte pas, encore moins lorsqu'il me dit qu'il ne sait pas si ça ira mieux si je suis là.

Et lorsqu'il détourne le regard, je lâche une béquille qui tombe au sol et pose, à mon tour ma main sur son visage.  «Cole …  » dis-je avec douceur alors que je plante mon regard dans le sien  « Je ne te promet rien, je ne dis pas que ça sera facile, mais je t'en supplie, laisse moi t'aider. D'une manière ou d'une autre, je sais pas. Je ...» je me mordille légèrement la lèvre inférieure puis prends une profonde inspiration  « J'ai déjà perdu quelqu'un dans une over dose» soufflais-je finalement  « Je … je ne veux pas que ça recommence » je déglutis difficilement. Car oui, bien que cette même personne m'ait poussé à faire une tentative de suicide, je me rappelle de Daniel surtout comme étant quelqu'un que je n'ai pas pu sauvé. Ce n'est pas la même situation qu'avec Cole, loin de là. Daniel était hermétique, fermé à n'importe quelle tentative d'aller mieux. Cole, lui, ça se voit qu'il est a bout, qu'il a déjà ce désir d'aller mieux.

 «On … on ne se connaît pas mais je … je sais déjà maintenant que je ne supporterais pas le jour où Lou ou quelqu'un d'autre m'annoncera que tu es mort » je lâche son visage et me recule un peu  «J'ai envie d'au moins essayer, s'il te plais. Ce … c'est important pour moi » mais n'est-ce là pas aussi un raisonnement tout à fait égoïste ? Peut-être que Cole n'a vraiment pas envie d'aide ? Peut-être qu'il veut finir sa vie dans un squat de camé en over dose après avoir plané trop longtemps ? Dans ce cas, je ne pourrais vraiment pas l'aider et il sera effectivement plus judicieux de ma part de m'éloigner.  «je ne sais pas où ça peut nous mener, mais je sais qu'on ne perd pas grand chose à essayer, tu crois pas ? » oh y a juste moyen que j'y passe émotionnellement parlant, mais à part ça, ça va.

Plus j'y penses et plus je trouve que mes supplications sont tellement égoïstes. Si je veux aider Cole, c'est en parti pour moi-même, pour avoir la conscience tranquille si jamais il lui arrivait quelque chose. Le sauver ? Pourquoi pas. Même si je sais que j'en serais incapable, j'aimerais essayer. J'aimerais qu'il me laisse faire, qu'il me fasse confiance. Ça passe ou ça casse, on ne peut jamais savoir à l'avance ces choses là. Tout ce que je sais c'est que ma décision est prise : je veux l'aider et je veux qu'il me laisse faire.

Mais lui ne semble absolument pas de cet avis. Au contraire. Il me demande comment il peut me laisser faire si les chances que je ne me remettrais pas d'un échec. Il dit qu'il me comprends, mais aussi que c'est important pour lui de ne pas m'entraîner là-dedans, que je ne devrais pas me sentir coupable si je n'y arrive pas. Il argumente avec le fait que j'ai une vie, moi et je baisse le regard, non pas par honte, mais par ennuie. Je n'ai pas envie de gâcher ma vie pour un came comme lui ? Est-il dans ma tête pour être sûr de ce qu'il avance ? Je ne pense pas.  «C'est faux. » profitais-je du silence qu'il instaure après sa prise de parole  «Oui, j'ai une vie, mais toi aussi tu en as une ! Merde Cole, tu as 26 ans, tu as la vie devant toi. Tu ne peux pas abandonner tout ce que tu peux vivre simplement parce que tu refuse mon aide » dis-je, plus fermement que je ne le pensais.  « Je ne dis pas que je pourrais te sauver, tu es le seul qui en est capable. Mais je veux que tu sache que je serais là, que je te soutiendrais si jamais tu décides de trouver de l'aide» Je soupire doucement puis relève le regard sur lui lorsqu'il reprends la parole.

Il ne veut pas s'appuyer sur moi, ne veut pas que je sois 'son bâton de vieillesse', mais il me dit clairement qu'il ne me repoussera pas. Il ne veux pas que je le considère comme 'un cas à sauver' car il est persuadé que je n'y arriverais pas. Très gentil, adorable. Il s'inquiète bien plus pour moi que pour lui, ce qui me prouve sa bonne foie. Il finit tout de même par se baisser et me tendre la béquille qui est tombée au sol lorsque je l'ai lâchée avant. Je la prends en main, joue distraitement avec l'appuie puis relève mon regard sur Cole. Un regard emplie de détermination.

 «tu sais Cole, on a tous besoin d'un ami sur lequel s'appuyer, au le sens figurer comme au sens propre. » reprenais-je  « Je ne peux pas t'aider, c'est toi qui dois prendre une décision et te laisser aider. Mais moi je peux te soutenir comme je peux. Je peux être là pour toi si tu en as envie, simplement parler autour d'une bière dans un bar, au cinéma ou assit confortablement chez l'un ou l'autre. Je ne veux pas décider à ta place, je n'en ai pas la possibilité, alors ne décide pas non plus à ma place s'il te plaît» je fixe mon regard dans le sien  « Je vais t'aider, je vais t'offrir tout le soutien dont je suis capable de te donner. Mais ...» je pince les lèvres, le moment crucial arrivant  «Si jamais tu décides de ne pas te faire soigner ou de ne rien faire pour essayer de te guérir, je ne pense pas que tu me reverras » dis-je, essayant de garder un ton neutre, presque ferme, alors que mon cœur se brise à chaque mot qui sort de ma bouche. Je ne veux pas abandonner Cole à son propre sort, mais je ne veux pas non plus me laisser entraîner dans une histoire sans fin, dans cette spirale infernale dans laquelle je suis déjà tombée une fois et de laquelle j'ai mis presque deux ans à m'en sortir  « Alors ?» demandais-je avec douceur après un petit silence, pendant lequel le temps semble s'être arrêter.

J'hoche doucement la tête lorsqu'il me dit que ce n'est pas une décision qu'il peut prendre là, tout de suite, sans y avoir réfléchis. Je ne le comprends que trop bien et j'accepterais plusieurs jours de réflexion de sa part. Mais alors, que dois-je faire jusque là ? Me tenir loin de lui ? Rester auprès de lui et apprendre à le connaître ? Et si sa réponse est négative, dois-je réellement rester loin de lui ? Je soupire doucement et me recule un peu  « Je comprends» dis-je en hochant la tête  « Et je … enfin, tu as mon numéro en tout cas, tu … tu me tiendras au courant, ok ?» demandais-je, tout à coup bien moins sûr de moi.

Je ne suis déjà pas très à l'aise en temps normal, alors si en plus je dois m'affirmer de cette manière aussi longtemps, pas étonnant que je perde assez rapidement mes moyens. Je l'observe reprendre contenance en se passant une main dans les cheveux et sourit légèrement à l'idée qu'un jour je le ferais aussi. Il finit par m'avouer que ça le ferait chier que je ne veuille plus le revoir et cette révélation fait rater un battement de mon cœur.  « Moi aussi ça m'embêterait de ne plus te revoir» avouais-je en me passant une main sur le bras.

Je fini par prendre correctement appui sur mes béquilles et plie légèrement la jambe droite pour la soulager un peu avant de regarder vers le bout du chemin  « ça te dit qu'on continue un peu ?» demandais-je en relevant mon regard sur Cole  « ou est-ce que tu préfères faire demi tour ?» je regarde vers l'arrière et évalue rapidement la distance que nous avons déjà parcourue tout en me disant que si on continue le retour sera sans doute laborieux pour moi. D'autant plus que je dois encore faire tout le retour vers l'appartement. Cela dit, ce n'est pas en m'en tenant qu'à ce que je ressens que je parviendrais à m’améliorer physiquement  «Je serais pour continuer encore un peu  » dis-je finalement. Et je pense que je le ferais, avec ou sans Cole.