Cette nuit a été particulièrement dure. Il y avait eu des nuits comme celles-ci. Oui, quand les petits monstres n’avaient encore que quelques mois. Quand ils faisaient leur dents surtout. Et tour à tour, parce que sinon ce n’était pas drôle. En général, ils sont plutôt calmes, à part Kyle qui réclamait assez souvent sa mère, et était un peu plus agité. Louna était d’un calme absolu, à part bien sûr quand elle se laissait entraîner malgré par son frère. Et cette nuit cela avait été totalement ça. On avait du s’endormir dans le canapé, moi avec Louna dans les bras et Selina avec Kyle. Sinon, impossible de les endormir. Ils commencent sérieusement à sentir qu’ils ont du pouvoir. Et c’est loin d’être bon. Mais les laisser pleurer fait tellement mal au cœur, que je préfère ne pas dormir. J’avais du dormir deux heures, à tout casser et je m’étais rendu au boulot, beaucoup trop tôt. Heureusement pour moi, Essence m’avait proposé de boire un café avec elle ce midi. C’était exactement ce qu’il me fallait. Certes, heureusement la matinée est passée bien vite avec tous les clients qui étaient passés. Contents ou énervés, ça n’avait rien changé à mon état léthargique. Tout mon corps me criait sommeil et je ne pouvais rien y faire. Je finissais tôt, c’est déjà pas mal. Mais les après-midi sont toujours les plus longues. Un bon café, et je serais d’attaque. Sauf que mon dernier client m’avait un peu trop retenu. A peine le temps d’aller chercher un sandwich, de le manger en deux temps trois mouvements et je filais à notre lieu de prédilection. Une jolie jeune femme que j’appréciais particulièrement. Parce que j’avais vu sa douceur et son innocence, dans un bar pourtant loin de l’être. Il ne fallait pas être aveugle pour voir qu’elle n’était pas au bon endroit, ou qu’elle y était malgré elle. Et pourtant il n’y avait eu que moi pour aller la sortir des griffes de deux pauvres débiles qui pensaient qu’elle ne valait pas mieux que n’importe quelle femme dans ce bar. Or c’était une gamine. Certes, elle fait bien plus âgée, mais quand on commence à lui parler, on se rend bien compte qu’elle sort à peine de l’école. Oui, j’avais fini par apprendre qu’elle était précoce, mais grandir trop vite n’est pas bon non plus. Alors de fil et aiguille, oui on avait fini par sympathiser et je l’avais surtout pris sous mon aile. Alors oui, en général, elle m’appelait quand ça n’allait pas ou qu’elle avait besoin de conseil. Oui, c’était un peu la même relation qu’avec ma petite sœur, mais beaucoup moins complices pour sûr, et elle est beaucoup moins chiante avec moi aussi. Je marchais assez rapidement pour venir retrouver Essence. Désolé du retard. J’ai bien cru que ce type n’allait jamais me lâcher ! Je soupirais un bon coup, arrivant à sa hauteur, et finissais par lui sourire, ravi de la voir, oubliant mes problèmes et finissant par lui déposer un baisé sur le front.

Le problème, c’est que je travaillais depuis un peu trop longtemps dans ce même garage, et certains clients se permettent bien trop de familiarité, comme si tout leur était du parce que ça faisait longtemps que je réparais leur bécane. Et même si je gère la plupart des motards et que je traine souvent avec eux, ça ne veut pas pour autant dire qu’il y a des connards. Les meilleurs restent en général les motards d’Harley. C’est d’ailleurs pour ça que je reste avec leur bande et que je me suis achetée que des Harley depuis que j’ai mon permis moto. J’étais donc venu saluer la jeune femme et étais venu m’installer en face d’elle, alors qu’elle me demandait la raison de mécontentement de mon client Il insistait en me disant que son problème venait de la transmission finale alors qu’elle venait de la primaire. A croire que certains voudraient m’apprendre mon métier ! Je verrais ça cet aprem, pour l’instant, raconte-moi tes nouvelles. Parce que oui, elle avait voulu me voir en urgence, c’est que ça devait être important. C’est vrai que ma petite sœur avait encore maman pour la protéger, pour être là quand ça ne va pas. Je ne lui en veux, je la comprends même. Mes gamins ? Ils ont tout le temps besoin de nous, ce n’est pas la même chose, ils sont bien trop petits encore. Même si c’est tous les jours un miracle de les voir grandir si rapidement. Alors oui, je me rendais particulièrement disponible pour Essence. Elle me rappelle ma sœur par moment, et le fait d’avoir du la défendre dans ce bar miteux où je traine un peu trop souvent, oui, ça m’a développé un certain sens de protection envers elle. Peut-être un peu trop, je n’en ai jamais parlé à Selina. Et pourtant, on est censé être en couple. Tout va trop bien entre nous. Je me méfie dans tous les sens du terme. Mais elle est très indépendant également, je n’ai pas vraiment l’impression qu’elle ait besoin de moi. Moi qui aie besoin de me sentir utile, au moins avec la jeune femme c’était le cas. Même si bien sûr, j’ai horreur de savoir quand elle va mal. Quelque chose me disait que là, c’était bel et bien le cas. Le serveur était venu nous voir pour prendre ma commande et choisissais un simple café Ca me rassure ! Allez, dis-moi tout maintenant. Oui, j’étais toute ouïe à son écoute. Rien ni personne ne pourrait venir me perturber. Je savais mes gamins en sécurité avec leur mère.

C’est vrai que la plupart du temps, si Essence m’appelle ou me demande si on peut se voir rapidement, c’est pour me parler de quelque chose qui la chiffonne ou qui lui est arrivé. La plupart du temps ce n’est rien de grave, fort heureusement. Mais même en connaissance de cause, je trouvais un moyen de me libérer. Peut-être devrais-je mettre un hola, par rapport à Selina. Après tout, c’est tout récent entre nous, je ne connais pas vraiment les limites à avoir. En couple oui, avec Selina, c’est encore à voir. C’est vraiment tout récent entre nous. D’ailleurs il ne me semblait pas en avoir parlé avec Essence. En même temps je lui avais dit vivre avec la mère de mes enfants, ça paraissait logique. Mais on n’est pas proche depuis si longtemps après tout, je discute difficilement de ma vie privée de base, et en général c’est davantage la jeune femme qui se confie. Bien sûr que ça m’arrive, mais sans jamais rentrer dans les détails, c’est elle qui a besoin de soutien, non l’inverse. J’aurais pu si on s’était rencontré lorsque j’ai appris que mon ex-femme me trompait avec une femme, mais là, tout va beaucoup mieux dans ma vie, si ce n’est que je suis un peu paumé avec Selina. Peu importe. J’étais là pour écouter la jeune femme et peut-être pour la conseiller qui sait. Elle me parlait tout d’abord de son travail, en comparatif du mien, et je pensais dans un premier temps que cela serait le sujet de notre conversation, c’est pourquoi je lui répondais Ce n’est pas du tout le même milieu, même si je ne comprendrais jamais le principe des clients ou patients qui estiment mieux connaître notre boulot. Ouais, je râle un peu, mais je souris tout de même à la demoiselle, pour la rassurer. Elle ne semblait pas très à l’aise, assez gênée, et je la connais que comme ça, donc ça me semble plutôt normal, même si parfois je me pose certaines questions. Mais je la trouve adorable ainsi, donc je n’ai pas forcément envie qu’elle se sente encore plus mal à l’aise. Mais voilà qu’elle commença à me parler de sa mère, et plus elle parlait, mieux je comprenais où elle voulait en venir et le sujet même de son mal être du jour. Même si fort heureusement, ça n’arrive pas tous les jours. Encore une fois, c’était compliqué de comparer, surtout que pour ma part j’ai quitté le cocon familial très tôt et que je n’ai jamais été privé de quoi que ce soit. Je ne suis peut-être pas le bon exemple, j’ai eu du mal à lâcher ma mère moi. Je me suis alors mis à rire de moi-même, histoire de commencer à la faire décompresser, mais comme si ça ne suffisait pas, le serveur se sentit obligé de faire une remarque qui nous gêna énormément Non non non, enfin … non, je prendrais un café s’il vous plaît. Que pouvais-je dire ? Que j’ai 18 ou 35 ans, ce genre de situation me gênera toujours, je ne serais jamais complètement à l’aise en présence féminine.

Malgré tout, moi aussi j’avais besoin d’un break. Cette journée commençait mal. J’espérais que l’après-midi serait un peu moins calme avec des clients qui connaissent aussi bien que moi leur bécane. Mais ça, ce n’est pas encore gagné. Il fallait que je décompresse. Avec un bon petit repas gras dans le ventre, ça allait déjà mieux. Un break avec une amie autour d’un café, ça ne pourrait qu’aller mieux. Même si en soit, je n’étais pas sûr que c’était l’appellation exacte pour ma relation avec Essence. Je ne me suis d’ailleurs jamais posé la question. Je n’ai même pas parlé d’elle à Selina. Et inversement. Enfin si, bien sûr qu’elle sait que j’ai des jumeaux, mais c’est tout, je n’ai jamais beaucoup parlé de ma vie avec la jeune femme. Seulement avant que je ne puisse commander ma boisson, voilà que le serveur nous mit dans une situation gênante. Je l’aurais bien évité celle-là. Mais qu’importe. La jolie brunette se sentit obligée de s’excuser alors qu’elle n’y était pour rien. Non t’inquiète, ce n’est pas grave. Je lui souriais alors, histoire de la rassurer, comme je le faisais depuis un certain temps maintenant, comme si cela m’était attribué depuis notre première rencontre. Elle m’expliqua alors par la suite le sujet de son problème. Forcément, ça me rappelait ma situation avec ma mère. Sauf que je ne pouvais clairement pas la conseiller là-dessus Tu n’es pas horrible, tu as envie de vivre ta vie, c’est normal je dirais. Pour ma part, je ne saurais pas te dire exactement. J’ai toujours été dépendant d’elle et la vie avec elle et ma sœur était douce. Si je n’avais pas rencontré mon ex-femme, je suis sûr que je serais encore chez elle. Je me suis mis à rire, m’imaginant encore chez ma mère, dans ma pauvre chambre, ayant trop honte pour inviter les femmes que je fréquente. Même si à l’heure d’aujourd’hui, j’habite chez Selina. A croire que je ne sais pas avoir de chez moi tout seul. Entre temps, mon café était arrivé et Essence m’exprima de nouveau son désarroi. Je voyais bien qu’elle était triste. J’en profitais, pendant que mon café refroidissait, pour lui prendre la main, poser mon autre main sur la sienne pour essayer de la rassurer Je suis sûr que tu trouveras la force pour faire ce que tu veux vraiment. Tu ne dois pas laisser ton affection pour ta mère t’empêcher d’être qui tu es. J’étais sincère, peut-être un peu trop. Mais sa détresse me touchait, et j’avais envie d’être là pour elle. Après tout, c’est moi qu’elle avait appelé.

Pourtant, je ne suis pas non plus très tactile, encore moins avec des personnes fraichement rencontrées. Et pourtant avec Essence c’était particulier. J’avais l’impression d’être ce grand frère qu’elle aurait grandement besoin. Mais elle n’avait que sa mère. L’image paternelle, elle ne devait pas non plus l’avoir. Peut-être était-ce aussi pour cela qu’elle a du mal à quitter sa mère, par peur qu’elle se retrouve seule et abandonnée. Moi ce n’était pas du tout la sensation que j’avais. Je me sentais si bien avec ma mère et ma sœur que je n’avais ni l’envie ni le besoin de partir. Je voyais bien que mon geste attentionné faisait quelque chose à la jeune femme, parce que j’étais là pour elle. Mais ce qu’elle me disait par la suite me gênait assez. Je ne savais pas vraiment comment interpréter ce qu’elle venait de dire ou même que répondre Heu … Merci ?! Je me suis mis à rire légèrement, de nervosité, encore une fois, les compliments et moi ça fait deux. Elle commença alors à me parler de son futur chez elle. Ca partait bien, je lui souriais mais elle finissait par employer le mot impossible. Je me demande si vraiment elle allait réussir à quitter sa mère. Ca ne semble pas être sur le bonne voie en tout cas. Quand on veut, on peut. Me sentis-je obligé de dire à Essence. Si elle continuait de penser ainsi, non, elle n’évoluera jamais et elle se sentira mal toute sa vie. Elle enchaîna avec quelques questions sur ma mère pour finalement reprendre sur la sienne qui semblait vraiment très fanatique. J’écarquillais les yeux, choqués par les paroles de la jolie brune pour me mettre à rire légèrement de gêne avec elle. C’était nerveux, sans aucun doute. Je retirais alors ma main de la sienne et commençais à boire doucement mon café avant de lui répondre Ma mère déteste mon ex, mais pas parce que je suis parti vivre avec, au contraire elle était soulagée. Elle croyait bien que je n’allais jamais faire ma propre vie et construire une famille. Aujourd’hui ça se passe très bien, quand je viens la voir, c’est toujours agréable. Encore plus quand elle vient garder mes gamins. Je me mettais à rire de nouveau, parce que ça pouvait paraître profiteur, mais savoir qu’on pouvait compter sur sa mère, ça n’a pas de prix.

L’exemple que je citais à la jeune femme, à savoir le mien, n’était pas celui dont elle avait besoin. Il était loin de correspondre à sa situation. Mais si au moins mes conseils pouvaient l’aider, ça me soulagerait. Bien que je n’ai pas l’impression que ça lui convienne tant que ça. Peut-être fallait-il le temps que ça murge dans son esprit. Le temps nous le dira bien. Toujours est-il qu’elle fit un beau compliment de sa mère. Je me sentais rougir bêtement, parce que ma mère c’est la première femme de ma vie, elle est tout pour moi. Il y a mes enfants qui sont aussi tout pour moi, mais la première restera à jamais ma mère. A chacun suffit sa peine. Lui répondais-je quand elle se mit à dire qu’elle n’avait pas de raison de se plaindre, qu’il y avait bien pire dans le monde. Mais ce n’était pas vrai, alors oui, je lui lançais encore l’une de mes expressions pour lui exprimer mon ressenti et pour la rassurer, encore une fois. A croire que j’étais programmé pour tout faire pour. Comme avec ma petite sœur. Je me suis alors mis à pouffer de rire, me retenant de ne pas rire davantage quand je la vis se presser et s’étouffer avec son chocolat. Elle est si mignonne. Craquante même. Elle pourrait faire des ravages, je l’avais bien remarqué à ce bar où on était allé. Et pourtant je la sens si seule. Sûrement du à sa petite prison de verre. Je me doutais donc qu’elle allait devoir partir, et j’allais pouvoir la suivre, j’avais déjà terminé mon café. Elle m’avouait alors qu’elle avait caché cette rencontre surprise à sa mère. Ca ne me surprenait même plus à force. C’est vrai que le temps était passé bien vite Pas de soucis, file avant de te faire gronder. Elle vint alors poser un baisé sur ma joue et je trouvais ça encore plus craquant. Ce genre d’affection, je n’aurais jamais cru l’avoir avec quelqu’un d’autre que ma famille ou ma meilleure amie. Elle me proposait alors de passer ou de l’appeler si j’avais besoin d’elle, mais c’est vrai que c’est souvent l’inverse. Elle l’avouait elle-même d’ailleurs et alors qu’elle se mettait à rougir de honte, je suppose, moi j’eus un léger rire. C’est attendrissant à voir. Je me levais alors à mon tour et on se retrouvait à quelques centimètres l’un de l’autre, un peu par mégarde de ma part, et par réflexe, pour passer sur le côté, je plaçais ma main dans le creux de son dos. A bientôt la miss. Je lui envoyais un petit clin d’œil avant de me diriger vers le serveur et lui donner mon du pour le café.