Inutile de dire qu’Eva était en ce moment sur tous les fronts. Entre la naissance de son neveu et le désarroi de son frère, la préparation de son mariage et l’annonce de sa stérilité à son fiancé, passer le permis devait être la dernière de ses préoccupations. Pour toi conduire était un peu comme une seconde nature, tu avais bien conscience que ce n’était pas le cas pour Eva mais tu avais pensé que c’était un défi qui pourrait lui changer les idées. Est-ce qu’elle ira au bout ? Tu l’espères, rien que pour qu’elle ait le plaisir d’avoir réussi à atteindre cet objectif que vous aviez fixé toutes les deux. Vous étiez presque de retour à votre point de départ quand Eva te dit : « Exactement, cette fois ci, si ça doit arriver, je ferai en sorte de garder ça sous contrôle. Il est temps que Tony soit un peu plus responsable. Mais je pense qu’il a retenu la leçon. Et j’imagine qu’il n’est pas prêt à se trouver une nana de sitôt. Et surtout, il en faut une qui accepte son enfant. C’est pas gagné. » Tu hoches la tête. En effet, être parent célibataire change la position que l’on a sur le marché amoureux. Quand on a un enfant, il faut penser à lui avant tout et faire entrer quelqu’un dans sa vie qui pourrait disparaître du jour au lendemain, ce n’était pas sérieux. Eva avait certainement raison, l’arrivée de cet enfant et la disparition de sa copine devait avoir fait prendre conscience à son frère qu’il était temps de prendre ses responsabilités. Mais tu ne te faisais pas de soucis pour lui, si Eva veillait, il avait toutes les chances de s’en sortir. « Je suis certaine qu’il finira par trouver quand il sera prêt. Mais n’oublie pas de lui faire un peu confiance quand même. » Dis-tu avec un clin d’œil. Il ne faudrait pas non plus qu’Eva prenne cette mission trop au sérieux. Tout le monde a le droit de faire des erreurs dans le choix de son partenaire, tu étais plus que bien placée pour le savoir. Est-ce cela voulait dire que tu étais un mauvais juge de caractère en général ? Non, tu ne le pensais pas. La situation critique entre Eva et Lene te peinait mais tu ne voulais pas pousser Eva à essayer de nouveau de réparer une relation qui était irréparable et qui pourrait lui faire du mal. «Tu as raison, c’est compliqué. Et autant pour moi. Mais je crois qu’on ne nous changera pas. Et je pense que c’est bien plus pénible pour les personnes qui nous entourent que pour elle et moi finalement. » Tu hoches la tête sans trop savoir quoi répondre dans un premier temps. Tu vis dans le conflit quand tu es au tribunal mais tu ne pourrais pas vivre constamment dans le conflit, pas avec ta famille. Nunzio et toi vous n’aviez jamais été sur la même longueur d’ondes mais vous n’aviez jamais été réellement en conflit non plus et cela te rassurait. « Si cela ne te dérange pas, c’est l’essentiel je suppose. » Dis-tu en haussant les épaules. Tu n’avais pas de sœur, tu ne savais pas ce que cela pouvait être. Eva ne tarda pas à se garer sur le parking improvisé duquel vous étiez parties. Alors que tu reprenais place derrière le volant, tu lui dis : « Au moins maintenant tu sauras démarrer. » Tu ponctuais ta phrase d’un clin d’œil avant de dire : « Maintenant y a plus qu’à penser aux cyclistes et aux piétons et ça devrait être bon. » Tu taquinais ton amie, ayant envie de lui faire penser à autre chose qu’à ses relations familiales complexes. Après tout, elle avait droit à une pause.

the end