Dans un geste de rage, Clément referme son casier et s'appuie sur le métal avec son front. Fermant les yeux, les dents serrer, il soupire lourdement, serrant les poings jusqu'à ce que ses ongles ne s'enfoncent dans la chaire de la paume de sa main. Il se tend et retient sa respiration pendant 9 secondes, avant de délier les muscles de son bras et enlever la tension dans ses doigts, soufflant doucement. Déglutissant, il se redresse, garde encore quelques instants son regard fixé sur son casier puis secoue la tête, attrape son skate board et se détourne pour se diriger vers la sortie.

Il a juste envie de rentrer. Même s'il lui reste encore un cours d'histoire de théâtre contemporain, il n'a tout simplement ni les nerfs ni la force de se faire chier pendant deux heures dans l'amphi. Et tout ça c'est à cause de Sam, cet enfoiré qui a trouvé intelligent le fait de se foutre de sa gueule pour une raison qui aurait dû le dépasser mais qui, en vrai, le met tellement en rogne que Clément n'arrive plus à penser correctement et calmement. S'il n'avait pas été en cours ou s'il n'avait pas été observer par ses prof, il lui aurait sans doute mit son poing dans la gueule pour un tel affront. En vrai, il ne faudrait pas que Sam croise son chemin dans les prochaines 24h. Ni Sam ni personne d'autre en vrai.

Sauf que le destin a décidé d'être un brin chiant aujourd'hui. C'est ce que Clément pense en voyant Maxyn qui se dirige vers la salle de théâtre. Cette blonde, cette salope qui a abandonné son groupe en pleine préparation et qui ne vient que quand ça lui chante. Des problèmes personnels ? Elle s'est fait largué par son mec ? La pauvre chérie. Qu'elle se soit cassé sans explications et qu'elle ait lâché l'option théâtre au fur et a mesure que passait l'année, ok, pourquoi pas. Quelques mois en plus et on l'aurait tous oublié. Mais qu'elle revienne une fois de temps en temps en mode 'salut c'est moi la prof' et qu'elle essaie de faire comme si de rien n'était, non, ce n'est juste pas possible. Clément a toujours eu envie de lui dire ses quatre vérités en face donc c'est l'occasion ou jamais.

Ni une ni deux, il la suit, accélère le pas la rattrape au moment où elle approche sa main de la clenche pour ouvrir le porte.  «Je peux savoir ce que tu fous là ? » demande-t-il froidement en lui attrapant un instant le poignet, juste le temps de se placer entre cette femme et la porte.  «Si tu veux donner ton cours de 'théâtre' ...» reprend-t-il, mimant les guillemets avec ses doigts  « … tu oublies tout de suite » fixant son regard dans celui de son interlocutrice, il fronce les sourcils  «tes élèves ne sont pas là de toute façon » conclue-t-il, fermement.

Non. Non. Non. Maxyn ne passera pas. Elle est de nouveau dans son moment de 'je suis prof je suis obligé de suivre mon contrat'. D'ailleurs, c'est l'argument qu'elle lui sort, à Clément. Et ça le fait vraiment beaucoup rire. Il ne se retient d'ailleurs pas lorsqu'il éclate d'un rire très franchement moqueur.  « Ah oui ? C'est le règlement et ton contrat ?» demande-t-il cynique au plus haut point  «Et ton contrat il t'autorise aussi à prendre des semaines entières de libre ? A faire sauter de nombreux cours et à abandonner tes élèves un mois avant la représentation ? » demande-t-il  « Est-ce ça figure aussi dans les règles de se comporter en totale garce ? A faire passer ses putains de problèmes personnels avant ses engagements professionnel ?»

Il relève le menton, défiant la blonde du regard  «Je ne sais pas ce qui se passe dans ta vie de merde, mais j'en ai rien à foutre » reprend-t-il, insolent  «Tu as signé un contrat, tu l'assumes jusqu'au bout » il croise les bras, montrant bien qu'il ne bougera pas d'un pouce  « Ou alors tu vas voir le directeur et tu demande une rupture conventionnelle histoire que l'option théâtre ne soit pas bloquée par une meuf qui se veut professeure et qu'il puisse enfin engager une personne de confiance » En général, Clément est quand même poli et gentil quand il s'agit de s'exprimer face à un professeur. Mais ça, ça devait sortir. Il ne pouvait plus retenir la vérité encore plus longtemps.

Au final, il décroise les bras, se redresse et fait un demi pas vers Maxyn.  «D'ailleurs oui, c'est ce qu'on va faire » dit-il avec un sourire mielleux sur les lèvres  « Viens, je t'accompagne chez le directeur, tu pourras lui expliquer le problème et lui demander de te virer » il hausse les épaules  «Même s'il est déjà clairement entrain d'y penser » reprend-t-il, amusé.  « Et puis t'inquiète pas pour tes élèves, ils ont tous quitter l'option théâtre. Parce que le but de ce cours c'est de s'amuser et pas de s'emmerde avec une bonne à rien » qu'il l'enfonce d'avantage. Mais Maxyn, elle ne mérite pas meilleur traitement.

Le voilà, cet argument de merde du « je suis professeur et tu n'es qu'un élève ici ». Le tout précédé du speach à coup de 'je t'interdis de me parler sur ce ton' ou encore 'je ne t'autorise pas à me juger et à m'insulter'. Tout ça, ça lui fait lever les yeux au ciel, à Clément. Amusé, moqueur et insolent. Voilà comment il se présente devant Maxyn dont les arguments ne tiennent clairement pas la route. Même si elle est professeure, elle reste en position d'infériorité et ça Clément compte bien lui faire savoir.  « Ah ? Et c'est comme ça que tu comptes te faire respecter ? En disant que je ne suis 'qu'un élève' ?» demande-t-il, inclinant légèrement la tête sur le côté  «Alors d'après toi parce que je suis 'juste' un élève, je ne mérite pas du respect ? Eh ben bravo la mentalité » il frappe doucement dans ses bras sans la quitter du regard  « Tu sais Maxyn, j'avais presque pitié de toi là, avec tes yeux larmoyant et ta mine tristounette » ou pas.  « mais si tu me traites de 'seulement un élève', j'ai bien le droit de te traiter de garce parce que merde, c'est ce que tu es»

Peut-être va-t-il trop loin, là, non ? Peu importe. Au pire, il aura quelques heures de colle, éventuellement même un renvoie, mais au moins il aura eu, lui, le courage de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. Et pour ça il va sincèrement gagner en respect. Et elle continue, en se victimisant toute seule. Mais est-elle sérieuse, là ? Franchement ? Quelle femme de son âge peut avoir autant peu confiance en elle ? Putain, la trentaine passée on devrait être heureux ! On devrait pouvoir oublier les tracas futiles et dire 'fuck off' à tout et n'importe quoi.

 « il est, certes, au courant de tes problèmes, mais il n'est pas non plus totalement d'accord avec le fait que tu prennes des semaines par ci par là et que tu reviennes quand ça te chante.» il soupire lourdement et secoue la tête  «Sincèrement Maxyn, mets-toi à la place de tes élèves. Ils ont tellement envie de faire ce putain de spectacle ! Tu te rends comptes que tu les prives d'un plaisir inouï ? Franchement, si j'étais dans ton cours, crois-moi que j'aurais encore plus fait en sorte qu'on te vire, carrément » lui crache-t-il à la figure  « Alors, oui, allons le voir, ce directeur. Mais crois moi, ce que je dis là, je le dis pour tout le monde ! Pose la question aux quelques élèves qui restent, ils te diront tous la même chose» Et c'est vrai. Je suppose que ceux qui sont là,derrière la porte -car oui, je suis entrain de mentir ouvertement à Maxyn- m'entendent. Donc ils oseront peut-être enfin ouvrir leur gueule et dire ce qu'ils pensent.

Et elle recommence avec son argument à deux balles comme quoi elle est obligé d'être là à cet horaire.  «Mais oui, bien sûr » roule-t-il des yeux  «Et lundi, t'étais pas aussi obligé d'être là ? Et la semaine dernière aussi ? Ou t'étais trop obligé à te lamenter que tu as décidé de ne pas tenir tes engagements ? Parce que figures-toi qu'un contrat c'est un engagement des deux côtés hein ... » il lui offre un sourire en coin  «Enfin peu importe. Si je te parles 'bien' comme tu le voudrais, rien ne changera. » il se plante devant elle, s'approche légèrement  « Je te le redis là, encore une fois Maxyn. Ou bien tu prends sur toi et tu viens régulièrement aux cours jusqu'à la fin de l'année et ensuite tu t'barres. Ou alors tu te barres et tu laisses quelqu'un d'autre de plus compétant gérer ce groupe. Parce que si tu continues comme ça, l'option théâtre va être annulée rapidement, tout simplement.»

Faire en sorte que Maxyn sorte de ses gonds. Voilà clairement le but de Clément. Il voulait qu'elle le mette à lui crier dessus ou, au mieux, qu'elle s'en aille. Qu'elle parte se terrer dans son chez elle, qu'elle pleur à ne plus savoir qui elle est et ce qu'elle a fait de sa journée. Qu'elle se casse dans son appartement à la con, qu'elle y reste avec ses idées à la con et qu'elle finisse par se faire virer. Qu'elle continue de foutre en l'air sa vie, loin la fac et loin de la compagnie. Aux yeux de Clément et de bien des autres personnes de l'option Théâtre, cette salope n'a aucun droit d'être ici, à vouloir assurer son cours. Et jamais, oh non jamais, Clément ne la laissera passer cette porte. Elle ne s'en tirera pas avec la simple excuse qu'elle a un contrat à remplir.

Clément rigole, moqueur, lorsqu'elle lui dit que comme ils ne sont pas à la compagnie, là, elle ne veut pas le laisser l'impressionner. C'est trop tard, non ? Elle est déjà bien impressionné là, au bord des larmes et ça se voit. Encore un peu et Clément va réussir son but : la faire partir, loin d'ici. Et si elle dégage, alors là, il le sait, le directeur se rangera de son côté à lui et la fera dégager de ses fonctions à l'université.

 « Sache, Ô grande Maxyn» reprend-t-il, effronté  «Que j'en ai déjà parlé avec le directeur. Il te laisse encore jusqu'à la fin de l'année, mais il ne donnera pas suite à ton contrat » la menace-t-il. Ce n'est qu'une moitié de vérité. Le directeur en a, certes, marre, mais il n'a jamais parler de ne pas donner suite au contrat.  « Pour ce qui est de la compagnie, de toute manière t'as pas intérêt à t'y pointer car je t'attends au tournant. Saul et moi et un bon nombres d'autres comédiens aussi.»

Et elle continue, puérile comme elle est, en disant qu'elle ne veut pas capituler face à Clément, qu'elle ne veut pas se disputer avec lui ici, ni lever la voix parce qu’apparemment ce ne serait pas le bon endroit. Le jeune comédien arque un sourcil et incline légèrement la tête sur le côté  « Ah, tu trouves ?» il regarde autour de lui puis hausse les épaules  « Moi je trouves que l'endroit est merveilleux pour se prendre la tête et pour te dire clairement que t'es plus la bienvenue ici» dit-il, avec son large sourire de sale gosse.  «Mais si tu veux qu'on soit plus intimes, on a cas aller dans la cours- » il pince les lèvres  «Ah bah non, c'est la pause, y aura plus de monde encore » reprend-t-il, innocent  «Tu as nulle part où aller pour être tranquille. Sauf déguerpir d'ici et te terrer chez toi, seule avec tes problèmes à deux balles »

Le « oui d'accord tu as raison » que lui sort Maxyn sonne tout sauf vrai. Clément a l'impression d'entendre une sacré dose d'ironie là-dedans. Mais aussi du foutage de gueule. La jeune femme semble tout simplement vouloir lui donner raison pour arrêter de s'en prendre plein la gueule. Et elle a bien raison, merde ! Certes, Clément n'en a pas fini avec elle et il l'attend au tournant, autant ici à l'université qu'à la compagnie. Alors, c'est un sourire presque triomphant qui s'affiche sur son visage lorsqu'elle lui dit qu'elle va partir, qu'il n'est pas dans le cours quel va donner et surtout qu'il n'a qu'à l'ignorer plutôt que de lui jeter ces méchanceté à la tête.

 « T'ignorer ? Et donc éviter de passer un moment de rigolade ?» demande-t-il, moqueur, un sourire amusé sur le visage. Il est prêt à ajouter quelque chose de plus, mais en vrai il décide que c'est bon, s'en est assez. Elle en a assez eu pou aujourd'hui, cette femme. Et puis, il faut bien en laisser un peu pour un autre jour, non ? Il fini donc par hausser les épaules  «C'est ça, ignore le cours de théâtre aussi » dit-il alors qu'elle commence à se tourner pour s'en aller  « Et passes le bonjour au directeur quand il viendra te cueillir dans ta salle» reprend-t-il, plus fortement en levant la main, souriant bien largement.

Il l'observe s'en aller, reste encore plusieurs minutes devant la salle de théâtre -dès fois qu'elle lui ferait une blague de très mauvais goût, s'en allant pour mieux revenir à la charge- mais un sms d'Ambroise le sort de ses pensées. Un sourire bien plus doux s'affiche sur ses lèvres alors qu'il lit le message. Il lance un dernier coup d'oeil vers la salle derrière lui puis quitte son poste et se dirige vers la sorti. Il est tout à coup bien plus détendu, comme si passer ses nerfs sur Maxyn lui avait été ce point bénéfique.

Clément & Maxyn

Clément n'en perdait pas une miette, si je ne connaissais pas le contexte on aurait dit que j'avais tué quelqu'un qui lui était proche mais je ne pouvais pas lui en vouloir: je me détestais aussi à ce moment même. Oui, j'avais ma fierté de prof à conserver, j'aurais dû me défendre, m'imposer, mais je n'en avais plus la force. Il avait gagné. Si j'avais été à sa place, j'aurais eu les boules que le prof de ma matière préférée, en plus co-directrice de la compagnie où je serais était sans cesse absent, avec une réputation douteuse alors que je mourrais d'envie de progresser... Je l'aurais détesté aussi.

Je m'avançais vers la salle où j'allais dispenser le cours, Clément était de dos à moi mais continuait de parler. Je déglutissais et je voyais ma main tremblante, là, sur la poignée de la porte. Les élèves de l'autre côté auraient tout entendu? Je l'ignorais. Les paroles de Clément étaient-elles véridiques? Je l'ignorais aussi. Peut-être, peut-être pas. Je pris un grand souffle d'air, tournant légèrement ma tête pour dévisager Clément et j'eus des frissons qui parcoururent tout mon corps. Son regard était si glacial, machiavélique. Il avait certes une tête d'angle mais ses yeux rejetaient quelque chose de tellement puissant que ça ne pouvait laisser personne insensible, qu'importe l'émotion projetée.

- Bonne journée Clément.

Finissais-je par dire. Réflexe de politesse ou peut-être pour lui montrer que je n'allais pas me rabaisser à son niveau: l'insulter, l'injurier, le violenter, le provoquer, le mettre en spectacle. Ou alors était-ce un vrai réflexe de bonté? Clément lui me détestait mais moi le détestais-je? Non. Avant cette altercation je l'appréciais et j'aimais son dévouement envers le théâtre que ce soit ici ou à la compagnie. Je n'entendais que du bien sur lui, de sa passion, de ses prouesses, son dur travail. J'aurais aimé retrouvé la flamme qui l'habitait mais je me sentais si vide à l'intérieur.

Voyant Clément perdu sur son téléphone, je fonçais tête baissée vers la salle qui m'attendait depuis plusieurs minutes. Je ne me sentais plus apte à donner cours mais il fallait que je le fasse et si vraiment le directeur venait me chercher, j'aviserais à ce moment mais pour le moment, je me concentrais sur l'instant présent.

AVENGEDINCHAINS

HJ: