Finalement, c’est peut-être vraiment qui le perturbe. L’impression d’avoir en face lui un adolescent en train de commettre le grave crime qu’est la consommation d’alcool. Seung nuance le propos. C’est que Tad oublierait presque qu’au final, ils n’ont que quelques années d’écart et que comme lui, Seung a grandi, il est un adulte. Pour le rouquin, le garçon resterait presque un môme bloqué dans le temps. La faute à sa tronche juvénile, et également, à ses parents qui le briment et qui sont toujours derrière lui. " Vers 40 ans... et encore ça dépend... Quand tu seras tout fripé, j'aurai encore l'air d'avoir 16 ans, soit en sûr !" Et à ce moment, il se retrouve à essayer de déterminer l’âge de papa Lee. Tad ne l’avait jamais vu jeune, si on prend en compte ce que dit Seung, son père aurait facilement dans les cent-vingt ans. Fascinant. « Fais gaffe, je peux commencer à économiser dès maintenant pour du botox. Je ne serais pas beau, mais pas ridé non plus. » Tad, toujours réponse à tout. A point que s’il devait se transformer en Bogdanov pour avoir le dernier mot, il le ferait. Mais au lieu de poursuivre, il pointe cette attitude nouvelle qui tend vers la rébellion, nouvellement adopté par son voisin.  "Non non, j'ai fait un entre deux." Un piercing blond au gland ? Qu’il se retient de demander parce que ce serait vraiment stupide comme question. Mais Seung s’approche et Tad espère sur le moment qu’il s’agit vraiment pas d’un piercing à cet endroit parce qu’il n’est pas prêt à ce que Seung lui montre l’intérieur de son caleçon. Et ses mains viennent trouver son encolure, dévoilant un tatouage qui, réflexion faite, semble composer un entre deux. " Si tu veux, je peux te mimer leur expression quand ils l'ont vu ... Ça, ça valait le détour" Bon, ce serait mentir que de dire qu’au moment où Tad a pris connaissance de ce tatouage, il n’a pas imaginé la tête de l’autre mégère. « God, je t’en prie. Je veux tout savoir. » Et il le supplierait presque. Seung pourrait avoir une vidéo du moment et la lui proposer à prix cher qu’il penserait sérieusement à le payer. La réalité revient après. « Comment ça se fait que t’es pas condamné à ne porter que des cols roulé jusqu’à la fin de tes jours ? » Qu’il demande, avant d’ajouter. « Comment ça se fait que t’es pas mort aussi ? » Oui, parce qu’il sait que si lui profane le corps que sa mère a porté neuf mois et mis en monde dans la douleur avec un tatouage, on le retrouvera au cimetière. Visiblement, y’a des choses plus cools chez les Lee. "Évidemment, ça ne peut que venir d'elle. Bien qu'elle a de drôle de façon de montrer qu'elle a raison parfois ..." Lorsque Tad aborde Ariane. Il aurait tort de dire le contraire. Il est certain que la jeune femme l’ait fortement influencé. « C’est sûr ! » Qu’il répond, avant de tilter ses propos et ce qu’ils veulent dire. « Je ne savais pas que tu t’étais retrouvé à argumenter régulièrement avec elle.  Je suis content de voir que tu as survécu à l’épreuve. » Maintenant, ce qu’il aimerait savoir, c’est quand c’est arrivé.

Et maintenant, la question reste entière : Comment a-t-il survécu à l’annonce de ce tatouage ? Tad n’en croit pas ses yeux en distinguant l’encre qui garnit le corps de Seung. Il n’empêche pas un regard vers Roselyn, de peur qu’elle surprenne l’échange et que même si c’est Seung qui s’est décoré, elle surgisse en hurlant à Tad qu’il n’a pas intérêt à suivre cet exemple. C’est qu’elle fait peur maman, mais heureusement, elle est bien trop occupée dans sa conversation. A se demander ce qu’elle peut bien échanger d’intéressant avec les vieilles harpies du quartier. " Bah sache que j'ai découvert un truc ce jour-là auquel je ne m'attendais pas... J'en ai d'abord parlé à mon père et là, j'ai appris que mon père a aussi un tatouage, un truc de pseudo rebelle qui a fait dans sa jeunesse. Le pire c'est que j'ai eu droit à une anecdote sur comment il a séduit ma mère avec son air de bad boy. J'avais l'impression d'être dans un monde parallèle" Et Tad le comprend très bien, parce qu’à imaginer la scène, il la voit très clairement sur fond de Quatrième Dimension et n’arrive pas à échapper un rire en imaginant le monsieur au volant d’une bécane, tel un James Dean asiatique. La question suivante serait de se demander comment ils sont passé de cool à ronflant et fermé d’esprit. Mais, pas sûr que la question ne soit pas déplacée et comme Ariane n’est plus là pour lui dire ce qu’il a droit de demander en public, il n’ose rien. " Par contre, ma mère ... elle a hurlé toutes les insultes possibles en anglais et coréen. Elle avait l'air possédé par le démon... Elle menaça de me foutre à la porte mais ça fait déjà 8 ans que je vis plus avec eux donc bon ... Elle failli perdre connaissance, à force de vociférer et elle ne me parla plus pendant 2 mois, mais bon le temps est passé et maintenant, elle fait ignore le sujet et je ne cherche pas à en parler non plus" Comme il disait : très bon à éviter certain sujet. « Je vois, et bien, je suis ravi de ne pas avoir à parler avec ton fantôme. » Qu’il confie, avec une intention de trinquer mais, il n’a pas de verre dans la main pour le faire alors. Il se retient. Puis, Ariane entre dans la conversation et Tad est surpris d’apprendre que Seung la connait mieux qu’il ne le pensait. Après tout, elle n’avait dans le coin que pour quelque réunion et il savait que les familles les plus traditionnelles avaient gardé leurs enfants de partager une conversation avec celle qui parle ouvertement de sexe à la radio. "On s'est rencontré quand j'ai fait la promotion de soirées pour elle. Elle est vraiment marrante. Enfin, j'imagine que tu as pas forcément envie qu'on discute d'elle ... " « Je ne savais pas. » D’abord Charlie, maintenant Ariane. Est-ce que tout l’monde fait la fête avec Seung derrière son dos ? « Mais, ça ne me dérange pas d’en parler. On est pas en mauvais terme et bon, c’est pas parce qu’on a rompu que j’ai arrêté de penser que c’était une fille qui gagnait à être connue. » Non, au contraire même. Malgré la distance qu’ils avaient prise pendant une année. Tad n’a pas de rancœur, juste des regrets. « D’ailleurs, c’est bête à dire, mais je trouve qu’elle manque dans le paysage. J’ai toujours aimé voir la façon dont tout l’monde la regardait de travers avec ses sujets de conversation beaucoup trop avancé pour la population du coin. »

Ariane avait toujours eu ce talent pour attirer les regards des autres et de savoir gérer même les plus réprobateurs. Oui, la jeune femme dérangeait de par ses propos et opinions qui n’ont pas encore fait leurs propres chemins jusqu’aux foyers banlieusards. Ce avait toujours été intriguant, c’est la naturel avec lequel elle a toujours gérer la chose et la façon avec laquelle tout l’monde l’a toujours écouté, même sans être d’accord avec ses propos. Et Tad le sent, même aujourd’hui, que y’a cette présence qui n’est plus là, que si ça le met lui à la lumière du jour, parce qu’avant, il parvenait facilement à se faire oublier avec la rousse dans les parages, il est sûr qu’elle manque aussi à d’autres. Même si personne ne le dira. Sauf SJ peut-être. "Ça sonne vachement mature venant de ta part, sans vouloir te vexer. Tu as peut-être changé toi aussi, tu sors plein de trucs sensés aujourd'hui" Et c’est là qu’il se défendrait en répondant qu’il sort des trucs sensés tout l’temps, mais tel Cassandre, Tad n’est jamais réellement pris au sérieux et le clamer à voix haute ne changera pas la chose. « Dis plutôt que c’est toi qui a décidé de porter attention et d’être enfin réceptif à toute la sagesse que je pourrais transmettre. » Qu’il rétorque, grand sourire aux lèvres, en s’donnant un air intellectuel qui serait presque crédible si Seung n’avait pas vingt ans de souvenir avec Tad où celui passe pour une andouille. "C'est vrai, elle a toujours le don d'appuyer là où il faut. J'avais beau faire mon petit parfait, j'étais content de voir quelqu'un dire et faire ce que je pense depuis longtemps" Et Tad hausse les épaules en étant soudainement pensif aux propos de Seung. C’est bien d’être ouvert en pensée, mais à ce moment là, le rouquin déplore le fait que le garçon ait profité de la présence d’Ariane pour qu’elle parle à haute voix là où il pourrait le faire. Ça le frappe, parce que quelque part, c’est peut-être pas une si mauvaise chose qu’elle ne soit plus là. « Tu sais, je ne saurais pas te garantir qu’elle revienne, mais si tu as des opinions qui t’sont propres, qui sont plus avancés que tout ce qu’on nous a enseigné dans ce quartier, tu devrais songer à sortir de ton ombre et à les faire savoir plutôt que de te contenter de ce moule. » Parce que pour lui, c’est forcément dommage de se cacher derrière Ariane pour faire évoluer les autres. Maintenant, elle n’est plus là et il serait temps de s’émanciper. « Je te dis ça comme ça, mais tu seras jamais heureux dans un moule qui n’est pas fait pour toi. Peu importe combien de temps tu feras illusion, ou tu repousseras le moment d’en parler. » Parce que ça, ilavait compris qu’il se mouillait pas trop. « Enfin, y’a Madame Schlomski qui me fait signe. Je lui avais promis de parler à son p’tit fils son dossier d’entrée à l’université. Passe un bon aprem Seung. » qu’il conclut, en adressant un clin d’œil au jeune homme avant de faire ses premiers pas vers ce qui semble être une entrevue blasante.