« Un chien ça manque des croquettes Carmen » souffle Chad suivi d’un petit rire « c’est pas un gosse non plus, t’as pas besoin de lui faire un biberon ou lui changer les couches » elle ajoute alors que Carmen enchaîne avec ses questions sur la manière dont on s’occupe d’un chien. Une fois de plus. Les animaux ne lui réussissent visiblement pas et si elle avait pu faire autrement, Chad aurait fait appel à quelqu’un d’autre. Dean, sans doute le dogsitter favori de Silas, avait son carnet à rendez-vous plein, et la personne en qui elle a le plus confiance après lui, c’est Carmen. La diva ne passera certainement l’après-midi à jouer avec lui, mais Chad est certaine de le trouver en un seul morceau, devant une de ces séries latines interminables que son amie affectionne tout particulièrement. Elle était parvenue à le faire asseoir devant une vingtaine d’épisodes d’une histoire d’amour insipide. Carmen a voulu en faire de même avec Chad, s’il n’y a pas au moins trois meurtres en début d’épisode, il y a peu de chance que son attention demeure. « Du thon ? c’est pas un chat Carm’, viens pas chialer quand il va te bouffer une autre chaussure » Carmen lâche un cri strident qui pousse l’indienne à éloigner le téléphone de son oreille, elle va finir sourde à ce rythme. « C’est bon, ça se trouve partout des croquettes pour chien » Chad pousse un soupir, lasse des réactions dramatiques de son amie. Heureusement que ce n’est pas un humain qu’elle lui confiait, tout Brisbane serait au courant de la situation et sans doute qu’elle les trouverait aux urgences. « Bon je dois te laisser, t’inquiètes tu vas t’en sortir. Il est comme moi, donne-lui à bouffer et ça ira » L’indienne raccroche avant que Carmen ne se lance dans une de ses tirades fleuves.

Chad passe enfin la porte du centre de désintox, une angoisse perfide au creux des reins. Elle n’aime toujours pas cet endroit, mais une promesse étant une promesse. En tout cas, jamais elle n’échouera ici, elle s’en fait la promesse. Soudain, on appelle son prénom. Voix masculine. Elle stoppe net son mouvement. Elle n’est pas censée connaitre grand monde dans le coin, aussi s’inquiète-t-elle des conséquences de croiser un visage familier. Son prénom en entier. La personne est connue mais pas proche, ce n’est pas plus rassurant. « Oui ? » Elle se retourne, sourire aux lèvres… sourire qui s’évanouit la seconde suivante lorsque ses prunelles mettent un nom sur le visage. « Nicolas » Elle souffle avec toute la sympathie qu’elle a pour lui, c’est-à-dire aucune. L’inverse est également vrai au vu de la lueur qu’elle peut voir dans son regard. « C’est sympa d’avoir pris un moment dans ton emploi de temps de ministre pour venir voir ton frère » elle lance avec condescendance, un sourire en prime. Nicolas, comme tout le reste de la famille Collins n’a jamais vu d’un bon œil la présence de Chad dans la vie de Marco, le cadet à problèmes. « Vous avez passé un bon moment entre frères ? » Chad n’ignore rien de la relation entre les deux hommes et s’amuse à appuyer sur les boutons sensibles, les lèvres fendues en un sourire innocent. « J’espère que tu me l’as laissé de bonne humeur »

La mauvaise influence et l’aîné idéal, un duel au sommet qu’elle n’avait prévu de livrer aujourd’hui. Pourtant, le destin semble en avoir décidé autrement et comme à son accoutumée, Chad ne tarde pas à ouvrir les festivités. Il n’y avait pas de raison que ce soit elle qui ouvre le bal, outre ce caractère qui paraissait avoir été créé de toute pièce pour mettre à mal les plus patients. Elle n’a rien contre Nicolas dans l’absolu, elle ne le connait qu’à travers le portrait brossé par Marco et les quelques regards qu’elle a pu intercepter sur sa personne. Les Rollins ne la portent visiblement pas dans son cœur, elle a su s’y faire même si le jugement lui apparaissait comme injuste dans un premier temps mais loyale en amitié –ou autre qualificatif qui convienne pour la relation qu’elle entretient avec Marco-, elle s’est rapidement placée en fervente défenseuse de ses droits, ce qui n’exclue pas qu’elle le rappelle à l’ordre quand il merde, mais son avis ne pèse pas toujours dans la balance. « C’est tout à ton honneur » réplique-t-elle quand Nicolas assure qu’il fait de son mieux pour rendre visite à son cadet, qu’il essaie de faire de son mieux plutôt comprend Chad, ce qui est rarement suffisamment à ses yeux. Elle considère les choses de façon manichéenne : soit on y parvient, soit on y parvient pas. « Fatigué ? » Elle a petit haussement de sourcil inquisiteur « Me dis pas que t’as encore joué les prêcheurs avec tes leçons de morale ? » Elle prend un air faussement déçu et s’autorise même un bref soupir. Elle reconnait que c’est un peu facile et si l’on doit noter cette prestation, elle ne serait pas dans les meilleures qu’elle ait livrées. « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » Chad questionne finalement quand Nicolas affirme que la présence est aussi attendue que la sienne « J’pense au contraire c’est plus que jamais nécessaire qu’il ait une personne à ses côtés qui le comprenne et se soucie vraiment de lui » Elle sait appuyer où c’est douloureux et le plaisir qu’elle récolte est perceptible. Elle considère l’attitude Marco justifiée compte tenu des informations qu’elle a sur les Rollins, ces personnes plus obsédées par leur réputation qu’ils ne le sont pas leur fils, Nicolas lui avait paru différent… à l’époque. « Tu crois pas ? » Ingénuité feinte, rhétorique bancale, Chad n’a certes pas d’avenir dans une cours de justice, mais tout était possible en tant que bourreau mental.

Au fond, elle est assez curieuse Chad de savoir comment s’est déroulée l’entrevue. Elle sait que les deux hommes n’ont jamais su comment se parler, Marco a toujours pris plaisir à ne laisser aucune occasion à son frère de le faire, à juste titre jugeait l’indienne. A chaque fois que Nicolas tente d’esquisser un mouvement dans la direction de son cadet, il essuie un refus ou une simple fuite. Ce pour quoi Marco est très doué. Alors maintenant qu’il ne peut plus s’éloigner physiquement, il ne lui reste plus que le silence mais ce dernier n’exclut pas qu’il puisse écouter ce que son frère a à lui dire. En ce sens, Chadna y voit la relation qu’elle entretient avec sa propre sœur. Relation où la communication n’a jamais réussi à percer et pire dès que l’indienne a été en âge, elle s’est contentée de faire ses valises et d’expédier son cul à l’autre bout du pays. Bien sûr, elle entre dans le tas Chadna mais la patience de Nicolas semble tenir jusqu’ici. Il a même un sourire, il mériterait presque une médaille pour conserver son calme mais bien sûr la chieuse de service n’a pas encore dit son dernier mot, au contraire. « T’as déjà eu des occasions de le faire, ça donné quelque chose ? » elle fait référence au fait d’ouvrir les yeux à Marco comme Nicolas le dit si bien, cet air que Chad considère comme pompeux et suffisant, comme s’il était mieux que le junkie en réhabilitation… sans doute aux yeux de la société. « Sa famille est là pour le soutenir ? » elle a un petit ricanement, Chad, mauvais et sarcastique au possible. « Pour le comprendre ? » Elle reprend également, toujours aussi acerbe. Elle toise longuement Nicolas, guettant une faille dans son attitude mais il semble clairement croire en ce qu’il dit. « Quand est-ce que vous allez arrêter de vous prendre pour des victimes ? » Elle accentue avec force sur le ‘vous’, décidant qu’il est temps d’appeler les parents et l’aîné Rollins à la barre. Dans le fond, elle rejoint son raisonnement au sujet de Marco mais sa loyauté l’empêche de pactiser avec l’ennemi et l’emmène plus tôt à défendre son ami bec et ongles. « Quand est-ce que vous avez eu un mot sympa sur Marco ? Tes parents mis à part considérer qu’il gâche leur réputation et ce nom génial de Rollins, qu’est-ce qu’ils ont fait de plus ? » Elle se contente de répéter les confidences qui lui ont été faites et les conclusions qu’elle a tiré de son observation de la famille. « A part se présenter comme les pauvres parents victimes d’un enfant ingrat à qui ils ont tous donné qu’est-ce qu’ils font ? » Elle s’emporte peut-être un peu trop, une erreur que d’en faire une affaire personnelle. « L’aider c’est pas seulement venir le voir quand on a le temps pour se donner bonne conscience et jouer les parents et frère exemplaires » Elle est peut-être injuste Chad, tant pis. Elle n’a pas toutes les données, tant pis également. Au fond, elle s’en fiche bien. « Crois-moi que si vous le compreniez vraiment comme tu dis si bien, vous en serez par-là » elle parle de la présence de Marco une énième fois dans un centre de désintoxication et de leurs relations en dent de scie. « Et toi, t’étais où quand il avait besoin de toi ? » Absent, encore, comme les autres.

Pourtant Chad s’est levée ce matin dans l’idée de faire une bonne action. La mission était de rassembler son courage pour aller affronter la mauvaise humeur de Marco comme à chaque fois qu’elle venait le narguer avec sa liberté, du moins c’est ainsi qu’il le voyait. Elle s’est exhorté Chad au calme hier soir lorsque le courage a été trouvé, du calme et de la patience. Ça avait l’air si simple en théorie. Puis, son regard a croisé celui de Nicolas et il a suffi qu’il ouvre la bouche pour qu’elle abandonne ses bonnes résolutions. Pour sa défense, ses résolutions concernaient Marco, nullement son frère mais elle sait également que lorsque l’incendie est déclaré, il est difficile de l’éteindre. Et puis, l’incendie ne fait que grandir au fur et à mesure que Nicolas partage son point de vue sur la situation de son cadet, ce que l’indienne assimile à de la justification de petit chrétien, de quoi lui permettre de dormir sur ses deux oreilles. « Je sais de quoi je parle » Chad confirme ainsi sans ciller, soutenant le regard de son vis-à-vis. Elle ne sait que trop bien l’effet que ça fait d’être la mauvaise graine de la famille, ses réussites sont rapidement éclipsées par les accomplissements de sa cadette. Elle n’approuve pas complètement la manière de faire de son Marco, mais quand sa loyauté est acquise, elle se doit de jouer les avocates jusqu’au bout, en public du moins. « T’es sûr que c’est pas plutôt votre soi-disant présence et votre soi-disant aide qui a créé cette situation ? » Ses doigts forment des guillemets dans l’air à la mention de présence et aide, confirmant son ton sarcastique. Elle est néanmoins d’accord sur un point, Marco a tout pour s’en sortir mais son manque d’actions concrètes allié à son incapacité de faire le point honnêtement sur sa situation empire sa situation. Ce qui a poussé Chad à vouloir lui administrer quelques gifles dans le temps, ce qu’elle a fait quelques fois d’ailleurs et ça marchait…parfois. « Vu que la situation s’améliore pas, c’est qu’il y a un problème avec la stratégie, vous avez pensé à la revoir ? » Son ton se fait beaucoup plus cassant, un moyen pour elle de dissimuler la fissure qu’il vient de faire dans son armure. Nicolas la met face à son impuissance faisant probablement écho à celui de l’aîné Rollins, qu’apporte-t-elle de plus à débarquer ici de temps à autre ? Et comme à chaque fois qu’elle est mise devant ses propres limites, elle décide de balayer ses doutes d’un revers de la main et d’attaquer de façon perfide. « Alors pourquoi tu viens ? » son ton est aussi cassant qu’il est froid « Pour te donner bonne conscience ? Pour ne pas ternir ton image ? Pour pouvoir dormir sur tes deux oreilles en te disant que c’est bon, t’as donné trois minutes de ton temps t’as mérité ta place au paradis ? Tu veux une médaille peut-être ? » Elle se rapproche légèrement de lui, piquée à vif par ses accusations, son corps tout entier respire l’animosité qu’elle lui porte. « Fautive ? J’ai été là quand il en avait besoin, moi ! » Elle n’avait pas prévu de hausser le ton, tant pis. Son esprit est assailli de souvenirs de cette vie de couple bancale alors qu’elle a tenté par tous les moyens de lui tenir la tête hors de l’eau « Ça vous arrangerait bien hein ? Tout le monde sauf vous hein ? Vous qui avez tellement fait de votre mieux » Elle accentue sur le faire de votre mieux, la défense préférée de Nicolas. En tout cas, les Rollins ont ça en commun de remettre la faute sur les autres, que ce soit les parents, l'aîné ou bien encore le cadet. Chad a perdu le contrôle de ses émotions, ce que vient lui rappeler un employé de l’établissement. « Je vais vous demander de porter cette discussion passionnante ailleurs » une voix imposante masculine vient verser de l’eau froide sur le brasier avant qu’il ne se mette à faire des ravages. « Elle est terminée » dit-elle simplement, se souvenant tout à coup de la raison de sa présence ici.