Il n’est pas mécontent que miss Groupie ait décidé de les abandonner à leur (pas si) triste sort, car l’atmosphère devenait sérieusement irrespirable avec elle dans les parages. Comme il le deviendrait tout autant si Tad s’était effectivement affairé à tenter de reproduire à sa manière l’installation. Bien moins agréable pour les narines, mais certainement plus amusant. La réflexion de son ami lui provoque un franc rire tandis qu’il envisage déjà de participer à la prochaine édition de curiocity. « Sache que je serai ton premier fan. » Autant dire qu’il espère que le comité d’organisation de l’événement retiendra la candidature de Tad, qui peut – assurément – rivaliser avec miss Frappadingue et ses acolytes, bien évidemment. Plus sérieusement, il est persuadé que dans le cadre de ce festival ou d’une performance quelconque, quelqu’un s’est déjà adonné à ce genre de choses. En même temps, le monde ne le surprend plus dès le moment où un urinoir fait toujours parler de lui cent après les faits et qu’une femme s’amuse à pondre des œufs colorés dans la rue. Mais encore une fois, Alfie est plutôt bon public concernant cette créativité exacerbée, et fort heureusement sans quoi la jeune femme n’aurait pas pu bénéficier de leur présence ici ce soir – car plus la soirée passe, plus il apparaît évident qu’il est celui ayant tiré Tad jusqu’ici. « Ah, et bien évidemment je demande l’exclusivité d’un aperçu tout à l’heure parce que là, tu m’as vendu du rêve. » Est-ce qu’il a vraiment envie de se la jouer grand-mère italienne (pas que Tad en ait besoin d’une supplémentaire) à gaver Tad de cassoulet telle une oie d’élevage, juste pour le plaisir d’un concert privé d’une revisite de Cotton Eye Joe telle qu’il n’en a jamais entendu ? Non. Est-ce qu’il va quand même accentuer le trait juste pour faire chier son ami ? Oui, parfaitement. Toujours est-il que le sérieux reprend le dessus lorsque l’odeur de ce qui semble être leur morceau est diffusée dans la pièce. C’est Tad qui l’identifie le premier, grâce aux notes de rose qui, a priori, sont associées à Lou. Ils sont tous les deux d’accord pour souligner à quel point cela paraît mal adapté. En y songeant sérieusement, Alfie s’arrête sur une odeur de beurre pour correspondre à Lou, ne serait-ce que pour se venger du bizutage qu’elle lui a fait subir – est-ce que ça s’est vraiment arrêté ? – dès qu’il a eu le malheur de lui faire une vanne qu’elle n’a pas appréciée et qui a donné lieu en un recouvrement en bonne et due forme des touches de son clavier par du beurre fondu. Un plaisir à jouer, un régal à nettoyer. La seconde odeur qui atteint ses narines est celle du sirop d’érable, qu’Alfie associe aussitôt à Tad – pour l’amour de Céline, évidemment, et pas parce que son ami se pique à l’érable tous les matins pour débuter sa journée. Juste, tout le pays est au courant de son attachement pour la canadienne – et Alfie pourrait jurer que s’il n’était pas mentalement équilibré, il finirait sûrement dans une de ses émissions qui raconte la vie des gens, racontant à qui veut l’entendre que Céline et lui vivent une belle histoire, le tout sagement enveloppé dans la parure de lit à l’effigie de la chanteuse. Par la suite, c’est Anwar qui est personnifié par une odeur de bonbon, lui qui en a toujours plein les poches – au point qu’il pourrait sérieusement rendre jaloux Mary Poppins par sa capacité à toujours sortir plus de bonbons de ses poches qui semblent si minuscules de prime abord. Et la dernière odeur correspond à Jack, et lui donne un sérieux haut-le-cœur. À quel moment miss Frappadingue s’est dit que l’association était bonne ? Car clairement, elle ne l’est pas. Et à quel moment elle insiste pour les inviter alors qu’il a très clairement été oublié dans l’histoire ? C’est franchement vexant, et tant pis si ça lui donne l’air d’être arrogant. Il a déjà pas nécessairement l’impression d’arriver à se faire sa place dans le groupe, ce n’est pas pour qu’on confirme cette impression à la première occasion. « Tu crois que c’est un message caché ? » Qu’il demande de manière rhétorique, parce qu’il sait très bien qu’elle ne se serait pas donné toute cette peine pour leur faire comprendre que leur musique est à chier, non, elle ne serait simplement pas venue à leurs concerts. « Vendu. » Qu’il concède à la proposition de Tad, parce que même si la curiosité lui donne envie de voir la suite, le comportement de miss Groupie commence aussi à lui taper sur le système. Et Alfie ayant tendance à être franc, il ne manquera pas de souligner qu’il a nettement moins apprécié cette création, et ce sera effectivement la goutte d’eau avant qu’elle ne se transforme en véritable furie. Alors quitte à finir hors de cet appartement, autant que ce soit de leur propre volonté. « On aurait vraiment dû instaurer ce nom de code. » Qu’il finit par dire avec un fin sourire, ne serait-ce que pour s’avertir lorsqu’elle est dans les parages et qu’il faut se montrer discrets. Parce qu’au-delà du fait de se barrer avant la fin, c’est surtout de la croiser alors qu’ils s’échappent qui peut être problématique, mais les deux hommes n’ont pas ce problème compte tenu qu’elle a dû trouver un autre cobaye nettement plus intéressé qu’eux et qu’elle ne les capte même pas lorsqu’ils traversent la pièce dans laquelle elle se trouve pourtant pour accéder à la sortie. Non, mieux, à la délivrance.  

- fin du sujet -