Ton coeur tambourine insatiablement ta cage thoracique, tu as l’impression que le volume de tes tympans a décuplé sous l’intensité de ton rythme cardiaque. Tu as chaud et froid à la fois, ta respiration est prompte, tu tournes en rond sur le pont de ton bateau, tel un lion en cage, pendant que ton sang te paraît ne faire qu’un tour dans ton organisme ponctuellement.

Ton téléphone est échoué sur ta couchette, tu milites non sans peine contre la volonté de vérifier qu’Asher ne t’a pas envoyé un autre message. Tu redoutes qu’il te sollicite de nouveau. L’envie de fuir te prend aux tripes, tu fantasmes présentement de lever l’ancre pour de nouveaux horizons, cette seule fois sans oser regarder derrière toi.

Mais Ariane est en chemin.

La Parker t’as demandé de la laisser t’aider. Pour la première fois en plus de dix ans de relation, la rouquine ne s’est pas imposée. Tu es extrêmement mal à l’aise et sans savoir l’expliquer, elle était la seule personne à qui tu voulais parler de ce qui te persécute tant.
Elle représente à ton sens la seule âme dans ton répertoire véritablement capable de t’aider - ou de t’empêcher de commettre un impair.

Tu t'assois dos contre la cabine de bord. T’as les jambes en coton d’avoir autant marché, t’es aussi épuisé que si t’avais couru un marathon. Puis il y a The Voice dans quelques heures. Tu as l’impression de tout foutre en l’air, tout de A à Z. Asher, ton rêve de remporter cette émission télévisée, le pari que tu as fait des mois plus tôt comme quoi tu pourrais rester à Brisbane, avec tes proches, une certaine période de temps.

Tu regrettes. Asher ne te rend certainement pas indifférent, mais tu déplores amèrement lui avoir parlé. Encore et encore. Tu t’es invité dans sa vie, tu as cherché à le retrouver, à passer du temps en sa compagnie. Tu éprouvais ce besoin viscéral de le connaître, de l’apprécier. Tu es tombé amoureux de lui dès le début, c’est la seule raison qui élucide pourquoi t’as toujours été acharné pour te tenir à ses côtés. Et maintenant Asher désire davantage. Il te veut, ton corps, ton âme, ton coeur. Il possède déjà ces deux derniers éléments, mais pour ce qui est physique, la rockstar va forcément être déçue. Tu n’as pas envie de revivre un épisode à la Michael. Tu n’as pas envie de coucher avec Asher ; et le simple fait de formuler intérieurement ce constat te glace le sang. T’as l’impression d’être un monstre parce que tu ne ressens pas la même chose que lui, tu n’es pas hard et tu refuses de ne faire qu’un avec lui. Tu désires Asher, mais différemment. Tu le veux pour qui il est, sa façon d’être, de penser, de rédiger, de chanter, de respirer. Tu désires son âme, platonique. Tu aspires à obtenir son amour et jouir de sa présence, mais tu ne le recherches pas sexuellement.

Levi demande jamais d’aide. Levi se montre jamais sous ce jour-là, et encore moins avec moi. Ça faisait partie du deal muet, du contrat de non-dits. Y’avait eu un moment way back, une fissure, une cassure pour laquelle j’avais eu besoin de lui, de lui et de rien d’autre. Mais ça remontait ça, c’était dans une autre vie presque, assez loin sur notre timeline qu’on n’en parlait pas, qu’on l’ignorait presque, que ça restait du passé, un élément isolé. Jamais par contre lui ne m’avait laissée entrer dans sa vie à ce point-là, et même si recevoir des milliers de SMS de sa part en mode spam était plus que chose courante, là, de suite, à le lire et à le relire, je sais que c’est pas un troll comme d’habitude. Que c’est pas Levi qui s’amuse, qui fait le con, qui a fait une connerie et qui a besoin que je le sorte de prison avec du fric que j’ai pas mais que je ferai l’effort de trouver pour lui remettre sur le nez en temps et lieu. Non. Là, c’est de la vraie aide dont il a besoin, d’un vrai support, de quelqu’un pour l’écouter, de parler de lui et que de lui. Weird. But okay, I’m in.

J’ai pas besoin de penser à rien d’autre que je suis déjà en route vers la marina, le Uber que j’ai appelé en sachant très bien qu’il y a 99,9% de chances que je sois pas en état de revenir chez Joel en conduisant d’ici la fin de la nuit. J’anticipe pas le pire, je sais juste que lorsque Levi est dans les parages, j’ai de la difficulté à contrôler quoi que ce soit ; en clair, faut comprendre que je contrôle absolument rien. Je me voile juste la face le plus possible, mon côté control freak toujours bien chiant, et tout aussi présent.  

Le soleil de fin de journée commence sa course vers l’horizon, sa lumière borde les quais. Son bateau à lui, il est plongé dans la pénombre, tout au bout de l’allée. Pourtant, c’est chill, je connais par cœur le trajet pour m’y rendre une fois passé la clôture d’accès fermée à clé que j'emboite d’un pas décidé. Y’a pas l’air d’avoir de signe de lui par contre sur le pont, et d’office je saute contre la rambarde, faisant un dernier tour du regard avant d’entrer dans la cabine comme tant d’autres fois avant. C’est pas à coup d’insultes que je l’aborde par contre, quand je le vois, recroquevillé au sol plus loin. Encore heureux, je sais que je me reprendrai pour le coup une prochaine fois en doublant la mise, c’est tout, et c’est bien assez.

« I gave my Uber driver a violent and shitty rate cause he made it in 15 minutes instead of 10. » came here as fast as I could.

Tes doigts courent,  nerveusement, distraitement, le long de tes jambes recroquevillées contre ton buste. Tu inspires l’air salin australien, celui qui est censé te réconforter comme à l’accoutumée mais y faillit minablement. Tu essaies en vain de calmer ta respiration et ton rythme cardiaque affolés. La culpabilité laisse un goût odieux perdurer dans ta bouche ; elle empoisonne ton sang et pèse sur ton coeur. Tu as l’impression de revenir des décennies en arrière, quand la seule chose à laquelle tu songeais était de quitter définitivement ton milieu familial auquel tu n’appartenais aucunement, quoi qu’il t’en coûtait. Tu te sens comme lorsque tu étais adolescent : étranger, intrus, aliéné. Tu n’es pas capable d’être comme Asher et tous les autres hommes qui pourraient enjoliver sa vie. Tu n’as pas cette capacité-là. Si tu assumes ta personnalité entièrement comme ton mode de vie, ta sexualité demeure ce module manquant à ton être que tu n’assumes pas. Ce trou béant que tu as toujours ignoré ou voilé sans peine, jusqu’au Baxton.

Ariane arrive enfin. Tu as le sentiment d’avoir attendu la rouquine des heures durant et tu lèves à peine ton regard vers sa personne quand elle t’indique avoir filé une mauvaise note à son Uber - erreur 404 au sein de ton vocabulaire -. La seule chose qui t’importe c’est que tu sens son parfum d’où tu es, même si t’as pas daigné lui signifier où tu te tenais sur ton bateau dès que tu l’as vu embarquer. Tu prends du temps à sortir de ta torpeur, ton esprit obsédé par ce téléphone portable qui trône sur le matelas de ton lit et que tu n’oses même plus toucher. Vecteur de ton malheur, du désarroi que tu causeras.

« You should have stayed at Jo’s. » Thanks for being there. Tu finis par articuler en t’ayant raclé la gorge au milieu de la phrase. Tu marques une pause, les secondes se faufilent entre vous deux, puis tu craches avec amertume : « I messed up. » Tu te mords rageusement la lèvre. T’es furieux contre toi-même. Tu te méprises intensément, tu ne te reconnais pas, tu te dégoûtes. Tu n’aurais pas dû continuer de le fréquenter, t’aurais pas dû te laisser embobiner comme ça même si dès le premier soir c’était trop tard et que t’étais captivé. Tu hais ça. « Can’t give him what he wants. » Tu exposes sans desserrer les dents. Tu désignes désespérément le téléphone portable à quelques mètres, invitant Ariane à prendre connaissance des derniers événements. « I led him on and now I gonna hurt him. » Maybe even break him, mais t’es terrifié de penser avoir autant d’emprise sur le blond, t’es incapable d’assumer lui faire du mal.

La dernière fois que j’ai vu Levi dans cet état, c’était quand il avait ingéré trop de space cakes, et qu’il s’était retrouvé à faire un semblant de badtrip qui nous avait rendus hilares pendant des heures après. Il était dans la même position, au même endroit, sauf que son visage, après une poignée de secondes à être tétanisé par la panique, avait fini par se fendre en éclat de rires incontrôlables. Fun times. Pourtant, lorsque je finis par attraper son regard au vol, c’est pas un Levi qui s’éclate que je repère, bien, bien loin de ça. Il flippe, il réfléchit à cent à l’heure, il panique. Il s’en veut.

« You should have stayed at Jo’s. » « He was busy working anyways. » he wasn’t. And there was no way I would’ve left you like that all by yourself. J’ajoute rien, j’ai l’impression que ma voix n’a pas lieu d’être, là, de suite, que c’est à la sienne de prendre toute la place, que c’est à lui de vider sa tête qui tourbillonne, de lâcher prise sur son cœur qui se serre. « I messed up. » qu’il annonce, quand je fais référence mentale aux textos qu’il m’a envoyés, à Levi et ses blocages, à son intimité qu’il refuse en toutes occasions, à cette partie de lui qu’il garde des autres – et jusqu’à tout récemment, jusqu’à quelques échanges plus tôt, qu’il gardait de moi. « Can’t give him what he wants. » ce qui explique la pression sur ses épaules, la panique sur son visage. Il me pointe son portable plus loin sur le lit, je vais le chercher dans un geste calculé, mes yeux ne le quittant pas pour autant qu’à peine une seconde et une autre.

De retour aux côtés de Levi, je finis par venir m’installer au sol près de lui, laissant une brèche entre nous deux au cas où sa bulle soit plus importante que quoi que ce soit d’autre en ce moment. I get that.  « I led him on and now I’m gonna hurt him. » « Did he ask for something specific or you are thinking with your gut here? » que je demande, les iris rivés sur l’écran au fur et à mesure des SMS que je scrute, qu’il m’a autorisé à analyser à travers ses silences. La première étape reste de voir ce que l’autre con lui a envoyé comme demande de merde, et si la faute vient de son côté, ou si Levi a simplement franchi une limite qu’il ne croyait pas avoir lui-même.

« You are not going to hurt anyone. First and foremost you are not going to hurt yourself. » et ma tête se tourne vers lui un bref moment, mes yeux qui se plongent dans les siens et mes mots sur lesquels j’insiste. Stop treating you like you’re the bad guy. You are not. You’re human, you say things, you do things, you make mistakes, and you move on from it. « It’s not too late to tell him what you really want from him, and what you can and are willing to give in exchange. »

Et au fil des messages que je vois défiler, de la photo qui s’immisce, des avances d’Asher et d’un Levi que je découvre dans des mots qui ne lui ressemblent pas mais que je ne m’autoriserais jamais à juger, je finis par me faire un portrait de la situation. Pour qu’on puisse travailler tous les deux là-dessus par contre, I need to have him with me on this one. « Do you know what you want from him? » you can tell me, I won’t judge, I swear to you, on Kane’s head. « Do you know what you can give him? » do you want to give him something? You know you don’t have to if you don’t want to.

Tu te racles à nouveau la gorge, cette trachée sèche que tu malmènes nerveusement. Ta voix se brise sur les mots que tu émets, échos à ton coeur tyrannisé par des visions du futur. Voilà pourquoi tu refuses de te projeter, pourquoi les plans sont sources de dégâts à tes yeux. T’as l’impression d’être un cochon qui couine alors qu’il va directement à l’abbatoire et de réaliser à quel point c’est idiot de se lancer dans des jérémiades parce que la fatalité est inévitable. Tu ne peux plus faire marche arrière. T’as été trop loin, t’as voulu être authentique et faire ce qui te plaît et aujourd’hui, tu en payes sévèrement le prix. T’as embarqué une personne que t’aimes beaucoup trop dans un tourbillon que tu maîtrises absolument pas vers une voie que t’es incapable d’assumer lui renier. Et par-dessus le marché, tu juges Asher assez fragile pour pouvoir le détruire.

T’es effaré de son appétit sexuel parce que tu sais pertinemment que tu es incapable d’y répondre sainement. Rien que d’y penser te donne envie de te jeter au fond de l’océan - ou plus raisonnablement, mettre les voiles pour l’Alaska.

« He was busy working anyways. » Tu croises promptement le regard de la rousse. Tu ne la crois pas une seule seconde, t’es pas né de la dernière pluie et tu la connais, l’Ariane. T’es indéniablement reconnaissant qu’elle se soit déplacée jusque sur ton bateau et qu’elle ait cette attitude-là face à ta détresse et progressivement, naturellement, tu lui fais une place dans ton intimité, ce jardin secret auquel tu n’accordes d’aperçu à personne, sauf Kane. Ce soir, toutefois, ce n’est pas du pompier dont tu as besoin. Tu connais le Williamson, il est de la même trempe qu’Asher - et une bonne partie de la population masculine. Ton frère de coeur s’adonne à des plaisirs personnels quotidiennement, il t’a longuement décrit ses ébats avec Wendy - et d’autres - et notamment la bonté de ses préliminaires et du morning sex. Kane aime coucher. Ariane aussi, sans doute, mais elle te l’illustre avec moins de véhémence..

« Did he ask for something specific or you are thinking with your gut here? » Tu regardes ton interlocutrice comme si elle provenait d’une autre planète. Tu te retiens de lui demander si elle est si naïve ou si elle se fout juste ouvertement de ta gueule. Tu la fixes, incrédule, une minime once d’espoir naissant presque dans l’éventualité que tu t’affoles pour rien. Mais non, c’est impossible. Asher t’as dit clairement qu’il te voulait physiquement proche et c’était le défilé des boners puis spermatozoïdes en SMS. Tu déglutis péniblement en guise de réponse.

« You are not going to hurt anyone. First and foremost you are not going to hurt yourself. » Tes pupilles ne quittent plus la chroniqueuse. Tu te racles une nouvelle fois la gorge. T’es rassuré d’entendre que t’as pas à te faire du mal pour quelqu’un, mais t’es aussi déstabilisé qu’Ariane parle ainsi et avec tant de sincérité et d’amitié. Tu sais qu’elle te tolère, mais tu ne soupçonnais pas qu’elle tenait assez à toi pour ne pas vouloir que tu te ruines. « It’s not too late to tell him what you really want from him, and what you can and are willing to give in exchange. » « But I can’t do that. It’d mess him up. » tu articules lentement, mâchoire crispée, émotions effervescentes. Tu ne peux pas être transparent avec Asher, parce que cela rimerait avec le décevoir et ultimement lui causer de la peine. Peut-être même s’imaginerait-il que tu ne l’aimes pas vraiment parce que t’es pas capable de prendre ce genre de plaisir. Le Baxton ne te paraît pas posséder la confiance en lui nécessaire pour assimiler ta spécificité sans se sentir personnellement visé. Et le pire, c’est que tu le savais dès le départ. Tu avais conscience derechef que tu le blesserais parce que tu ne seras jamais boyfriend material. T’as agi en monstre égoïste et tu te dégoûtes.

Ariane défile les messages textes rapidement et le silence s’installe entre vous deux. Des minutes de lecture qui s’apparentent à un abominable purgatoire de ton côté et même si une partie de toi se méfie qu’elle te mette à terre à votre prochaine altercation avec toutes les munitions que tu lui offres sur un plateau d’argent en lisant cette conversation privée, t’es beaucoup trop mal ce soir pour refuser son aide avec cette contrepartie essentielle. « Do you know what you want from him? » Tu fronces les sourcils. Ce que tu veux de lui ? T’as pas le droit de vouloir quoi que ce soit de lui. Il est pas tien. Et tu te rappelles soudainement ce que tu lui as signalé la dernière nuit que vous avez passée ensemble à son appartement. Tu te raccroches à tes paroles que tu confies à demi-mot, comme si elles pouvaient t’excuser, te sauver, te justifier : « I told him I don’t do promises. » « Do you know what you can give him? » Et tu réalises qu’Ariane ne parle jamais de ce qu’il veut, lui. Elle ne s’interroge pas sur son cas et sur sa part dans ce duo. Elle se concentre sur toi quand t’es toujours à dériver vers lui. « I can’t give him much, » tu renseignes dans un souffle aussi audible qu’un murmure. « Seems pretty clear to me what he wants, » tu statues à contrecœur, t’enfonces le couteau dans la plaie une énième fois, tu te fais peur à répéter cette vérité qui t’obsède et te brise. « And I can’t do that without hurting myself. »

But I can’t do that. L’Ariane qui confronte encore et toujours Levi lui demanderait d’emblée pourquoi. Elle le pousserait dans ses retranchements, elle lui servirait de miroir sans filtre aucun, suffisamment tenace et véridique pour lui demander justement, ce qui le bloque. Lui qui ne s’arrête jamais, lui que je n’ai jamais vu une seule fois dans ma vie ralentir sa vitesse accélérée, refuser quelconque opportunité que ce soit. Il est bloqué Levi, il est figé, immobile, il n’a plus de souffle, aucun repère. Le seul point d’ancrage qui lui reste se résume en son téléphone entre mes mains, et en cette suite de messages dont il me permet l’intrusion. It’d mess him up. Since when do we care? que j’ai envie de dire, que je retiens. He does. He cares.

Mes questions qui remontent, mes prunelles aussi, quand il dérobe son regard du mien, mais que je le rattrape au vol beaucoup trop vite pour qu’il s’échappe à nouveau. Et je le tiens là Levi, je l’encourage à me faire face, je lui impose ça, et juste ça, rien de plus, rien de moins. L’autre, on s’en fout. Il a déjà fait assez de mal comme ça, il a déjà poussé trop fort, insisté tout autant. Save yourself first before saving anyone else, qu’ils disent, qu’ils répètent. Ici, y’a rien qui m’importe plus que de m’assurer que Levi ne fait pas la plus grosse erreur de sa vie en se changeant pour qui que ce soit. Et à le voir dans cet état, en le sentant aussi fragile devant une carapace qu’il tente de se construire avec empressement sans arriver à la tenir à bout de bras, il me ferait presque peur. Je l’ai jamais vu comme ça, je l’ai jamais constaté défait à ce point. And to be quite honest, I’m hating this, each second of it.

I told him I don’t make promises. And that, I know. Un rictus passe sur mon visage une fraction de seconde à peine, il le verra sans doute pas tellement il est occupé avec sa propre introspection. J’ai presque 20 ans de bagage à lui cacher que ses paroles et ses actions me blessaient plus qu’il n’aurait jamais pu penser, savoir. Et cette phrase-là, toute petite, résonne assez longtemps pour que je me force à lâcher son visage le temps de repasser sur l’écran de son téléphone, le temps de me réaligner à ma mission du jour. Pas à mes démons d’avant, pas à ceux qu’il a personnifiés jadis. Still.

Et il n’a pas grand-chose à lui donner. Il se défait, il se frappe du revers, il se diminue. Mes sourcils se froncent, le téléphone que je finis par fermer pour le lui tendre, les messages que j’ai vus et mémorisés suffisamment pour reporter mon attention exclusivement sur lui. What’s left? You did not say nothing, so there is something left. « Seems pretty clear to me what he wants, »  « Seems pretty clear to me too. » que je lâche dans un soupir, réaliste, pas de temps à perdre à faire dans le faux filtre et dans la dentelle brodée. Maintenant que j’ai quelques preuves nécessaires, les restes d’évidences de sextos tous plus graphiques les uns que les autres. « And I can’t do that without hurting myself. »  n’en reste qu’encore une fois, que Asher se soit tripoté une soirée entière pour gérer tout seul comme un grand son hard on m’importe peu. C’est de voir Levi ainsi, de le sentir aussi troublé, de le capter si effrayé de blesser son maniaque sexuel du jour qui me dérange, qui me fait tiquer. Et je finis par me rapprocher d’un centimètre, à peine, mon bras frôlant celui de Levi, le contact avec lui qui, sans que je me l’explique, me semblait nécessaire. I’m here, ain’t going nowhere. You’ll get through this, I’m making sure you are.

« But there is more. » et je me décale du mur, assez pour que mon visage soit totalement tourné vers le sien. « More for him, and more for you too. » il a beau être grivois le gars, il a beau y aller dans le démonstratif et dans l'élaboré, y’a des tournures de phrases qui ressortent, y’a des regards que je me souviens l’avoir vus soutenir vers le McGrath ce soir-là, y’a même ses réactions, ses tourments que j’avais remarqués au show de HLH qui reviennent, au fil des paroles et des fuites d’un Levi que je ne reconnaissais pas, que je suis tout sauf prête à laisser dans cet état. Malgré nos guerres et nos différents. He’s losing himself here, and I can’t watch him suffer this way. « People that only want to get physical don’t care like that. » y’a des sentiments derrière, y’a de l’attachement. Autrement Levi l’aurait déjà rayé de ses contacts, il se serait tiré sans même regarder derrière. Mais il s’accroche et je serais prête à parier que l’autre s’accroche tout autant. « You care, and I’m pretty sure he does too. » et c’est là-dessus qu’on peut travailler. Pas sur la libido d’adolescent en rut de son sex friend sans sexe. Mais sur le fond qu’ils ont, sur ce qu’ils s’inspirent l’un l’autre. « Which brings me to the one and only question you have to answer as honestly as you can. » et j’inspire doucement, et je finis par articuler, anticipant qu’il ne me réponde probablement pas à moi, mais qu’il ose au moins se répondre à lui-même. « Do you trust him? » cause if you do, then nothing is lost.  

Tes yeux brûlent, ton sang bout. Tu te racles la gorge à intervalles réguliers désormais, bien que tu n’aies aucun propos sémantiquement assez forts pour équivaloir tes émotions. Tu t’es enlisé dans cette relation, t’as voulu que quelqu’un s’aime autant que tu l’aimes et finalement, tu détruiras tout sur ton passage. T’as toujours détesté ce sentiment que chacun place sur un piédestal parce que tu sais à quel point il est comme toi : sans foi ni loi. Il frappe et apparaît quand bon lui semble, il n’en fait qu’à sa tête en toute singularité selon chaque victime concernée. Tu peines de plus en plus à soutenir le regard d’Ariane et tu es incapable de lui formuler ce que tu peux offrir à Asher, quand tout ce que tu vois, c’est la marée de tourments que tu lui promets parce que t’es différent, t’es pas ce qu’il attend, t’es pas comme n’importe quel dude qu’il aurait pu rencontrer - qu’il aurait dû rencontrer. Malgré toi, t’es nocif et tu ne peux rien faire pour modifier cette tare.  

La Parker agrée sur les ambitions d’Asher et cela ne te fait aucunement ciller. Tu ne t’attendais pas à ce qu’elle te mente ou porte des gants avec toi. T’as pas besoin de ça. La vérité, tu la vois clairement. Si ce n’était pas le cas, tu ne serais pas dans cet état. T’as pas besoin qu’on te couve, qu’on t’offre des filtres. Les couleuvres de ton histoire, tu les as toujours avalées cul sec.

« But there is more. More for him, and more for you too. » Tu soupires. « He won’t care. » Tu rétorques rageusement, piqué à vif par tes propres paroles. Sans sexe, votre duo est voué à l’échec. T’as écouté les émissions d’Ariane, t’as entendu les conversations de monsieur et madame tout le monde, t’as lu à ce sujet dans des centaines de romans et de magazines. Une relation amoureuse platonique relève de l’oxymore. C’est comme une plante sans eau. Si en restant sur cet image, t’étais un cactus, Asher, lui, t’as bien démontré s’apparenter au bambou. « Who would care? You would care?! » Presque désespéré, tu pries stupidement pour qu’Ariane te réponde par la négative. Qu’elle te dise qu’elle n’a pas besoin des prouesses sexuelles de Joel pour être comblée dans sa relation. Qu’elle pourrait se mettre en couple avec un homme comme toi sans le forcer à se faire du mal pour assouvir ses envies. Tu ne penses pas qu’Asher voudrait volontairement te blesser, mais clairement, c’est beaucoup plus facile de laisser tomber quelqu’un qui ne nous convient pas que s’entêter à provoquer le malheur.
T’es pas romantique pour deux sous. Tu ne croies pas que ton amour lui suffira.

« People that only want to get physical don’t care like that. » Tu hoches la tête en signe de dénégation. Tu ne la crois pas. Tu réfutes ses propos. T’as peur qu’elle finisse par te convaincre et que ça fasse comme avec Michael : que tu finisses par le faire pour lui parce que t’as trop d’affection pour le lui refuser et que t’as aucun scrupule à te faire passer en dernier. Mais au final, ça t’a brisé. Après avoir couché avec lui, t’as mis les voiles non sans manquer de vomir tripes et boyaux dans l’obscurité d’une ruelle. Et ça, il s’en est fichu et tout le monde s’en fichera toujours. Si tu continues sur cette voie-là, tu finiras par être intime avec Asher parce que tu veux lui donner ça, mais après coup, c’est démoli et malade que tu seras en solitaire. « You care, and I’m pretty sure he does too. » Tu encercles tes genoux de tes mains. Ariane comprend mais ne sait pas tout. Elle fait de son mieux mais pour ton cas, il n’y a pas de recette miracle. Tu ne peux pas avaler une potion magique et te réveiller normal. « He could care to the moon and back, I’d still have to hurt myself. » Tu poses ton menton sur tes genoux, résigné.

« Which brings me to the one and only question you have to answer as honestly as you can. »  Tu fixes le vide, essaies d’avaler la vérité de votre relation défaite par ta différence dans toute son ignominie et injustice. « Do you trust him? » « I don’t trust anyone, Ari. » Tu répliques instantanément, sobrement, ton évidence. T’as toujours porté une carapace, et c’est à force d’expérience et en apprenant qui t’étais et en l’assumant que t’arrives à être heureux et si confiant. T’as jamais su dévouer ton bonheur à la merci de qui que ce soit, t’as beaucoup trop souffert d’être sous la tutelle d’autres. C’est d’ailleurs pour ça que tu t’éloignes à chaque fois que tu t’attaches trop. Tu sais qu’Autrui te décevra indéniablement. Seulement, il y en a que t’aimes assez pour l’accepter. Toutefois, tu ne peux le tolérer indéfiniment et au bout d’un moment, t’es obligé de partir pour te ressourcer et t’épargner de finir à genoux, parce qu’à chaque déception, t’es pas seulement blessé : t’es délabré. « I don’t trust people. » They die. The first and only person I could trust in my life was my brother and he’s been eaten off by worms by now. With him, they buried my faith.

Et il snap, il mordrait presque Levi. « He won’t care. » qu’il rage, défaitiste comme je ne l’avais encore jamais vu. « You don’t know that. Don’t make decisions for him if you don’t want him to make decisions for you. » je lui laisse à peine le temps de ravaler son venin que j’en rajoute, ne détournant pas la tête de lui. Même s’il n’a plus l’air de m’écouter, qu’il semble perdu dans ses scénarios, qu’il laisse ses démons prendre toute la place sans laisser au moins une infime importance à celui qu’il est d’ordinaire, de relativiser, d’accepter ses travers. La vérité, c’est que peu importe ce qu’Asher conçoit, ce pour quoi il care, ce pour quoi he doesn’t, ça n’a pas d’importance. C’est comment Levi le percevra, comment il le recevra qui changera tout, et pour l’instant, l’entièreté de son discours me hurle que c’est tout ce qu’il veut, tout ce pourquoi il crie. « Who would care? You would care?! » et voilà qu’il dégage ses couleurs, qu’il renchérit à bout de souffle, qu’il me confirme ce que je savais déjà. He wants him to. Et sa gorge qui grince, et ses yeux qui piquent. Il se dévalue, il n’est rien, absolument rien à ses yeux dans l’instant, il ne voit que ses tares, que ses défauts, que tout ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’aura jamais. « When you love someone, you love point blank. You don’t love the parts that suit you, and the ones the other had to change for your liking. You love it all, Levi. Good and bad. Demons and issues too. » y’a une touche qui fait mal ici, même si ma voix claque. Qui me serre la gorge. Y’a trop de référents qui reviennent en ligne de compte, y’a toute une vie où j’ai retenu mes I love you parce qu’à mes yeux, quand on les affirmait, c’étaient qu’ils voulaient tout dire, pour toujours. Les seuls en ayant reçu sans retenue de ma part restaient Kane et Levi ; l’un parce qu’il était mon tout, envers et contre le monde entier. L’autre parce qu’il me poussait à bout, me forçait à être ma meilleure version (et ma pire) en toutes circonstances. Le reste était superflu, et à ses yeux, il me le semblait tout autant.

J’anticipe, je ne bouge pas d’un millimètre, je soutiens ses ricanements mesquins, ses soupirs, ses esquives. Il m’a demandé mon aide, il veut rien d’autre que ça. Et je me suis déjà juré bien avant de grimper sur son bateau que c’était ce que je lui offrirais. « This is not some shitty motivational speech. That’s the truth. And that is why it’s hard to hear. » and hard to say, as you may see. Il nie, il nie et il me fait mal Levi, parce qu’il est la copie conforme de tous mes démons, parce qu’il l’ignore, parce qu’il ne sait pas à quel point ses propos résonnent, parce qu’il ne voit pas que même si ses blocages sont aux antipodes des miens, reste qu’ils sont basés sur les mêmes traumatismes, sur les mêmes référents. Identiquement brisés. « He could care to the moon and back, I’d still have to hurt myself. » then don’t. J’ai envie de le secouer, j’ai envie de lui crier à la tête, j’ai envie de lui arracher la langue s’il le faut ; que ça n’en vaut pas la peine, qu’il peut pas dire des choses comme ça, qu’il ne peut pas affirmer pareilles horreurs. Don’t hurt yourself, nobody deserves that. Don’t let anyone break you. Build your game, and play it by your rules. You are your only team here. And turns out, he is alone. Like I am. « I don’t trust anyone, Ari. » ses mots qui me font l’effet d’une claque, violente, d’une décharge électrique qui passe le long de ma colonne vertébrale, secoue chaque terminaison nerveuse. « I don’t trust people. » I don’t either. I don’t trust you, I don’t trust anyone who leaves me, and practically everyone did. I don’t trust anyone that gets too close. I don’t trust people that I love, cause they always leave. Always. But here we are.

« You’re telling me that you are scared to hurt him, right? » let’s focus on that, would you. « But all I’m seeing, and all I’m hearing here, is you, scared as fuck to be hurt. » et ses mots qui continuent de tourner en boucle dans ma tête, et tout ce qu’il dit, tout ce qu’il avance, tout ce qu’il vit que je ressens beaucoup trop fort pour ne pas remarquer ma voix qui prend une tournure un peu plus émotive. « I know that feeling. I know it like crazy. » what are you doing here, Ariane ? Je capte pas, que je viens de lui ouvrir une porte, que je viens de lui fournir ce dont il a besoin lui-même pour me casser d’une phrase, d’une accusation s’il l’ose. J’imagine qu’aujourd’hui, c’est une trêve qu’on s’offre, c’est une pause avant de reprendre le programme principal, et la guerre constante qu’on lutte l’un contre l’autre, plutôt que l’un avec l’autre. « And truth is that it never goes away. » ever. « Even if you try to change. It’s even worse then. » et je le vois, qui y pense. Je vois la ride dans son front qui suggère qu’il réfléchit tellement, tellement fort. Qu’il se triture l’esprit à tenter de trouver une solution, qu’il pense à se sacrifier pour finir par en avoir le dessus. It’s not worth it.  « You gotta ask yourself what is more painful. Between losing the one on the other end, or losing yourself in the process. »

Tu ne crois pas au pouvoir de l’amour, au fait que chaque couple soit différent, que les compromis n'amoindrissent pas les chances d’une relation de perdurer. Tu estimes que pour qu’un duo soit stable, il faut qu’il se complète de base, et non que ses partis apprennent à se tolérer et revoir à leur baisse leurs besoins. Tu n’assimiles pas pourquoi Ariane ne partage pas ton avis et son romantico-sentimentalisme t’exaspère. T’es ravisé, t’es défait, t’es miné. Tu ne crois pas en la probabilité qu’Asher soit okay avec le fait que tu ne lui donneras pas ce qu’il insinue rechercher dans ses SMS, parce que dans les mœurs, il s’agit de la preuve ultime d’affection. Tu repousses même cette éventualité tant cette vérité - ta vérité - te démolit. « You don’t know that. Don’t make decisions for him if you don’t want him to make decisions for you. » Le regard que tu lances à la Parker est noir, assassin. Elle a raison : t’es égoïste à des étendues que tu découvres même via ses paroles aussi posées qu’acides. Tu te renfrognes, tu lui balances la norme, la tradition, la majorité. Accepterait-elle de faire une croix sur un volet important d’un duo par affection pour son Joel ? Kane a certes attendu que Wendy soit prête pour passer le pas, mais aurait-il patienté indéfiniment pour tirer son coup ? Tu reconnais qu’il est stupide de comparer chaque cas de cette façon, mais il n’en demeure que tu te sens cruellement seul au monde et trop différent pour rendre Asher heureux sans supercherie de ta part.

La chroniqueuse poursuit sur son pouvoir de l’amour. Comme quoi quand on aime quelqu’un, on l’aime pour tout ce qu’il est, de A à Z. T’as envie de lui ordonner de se taire si c’est pour clamer ce genre d’âneries tirées d’un conte de fée. Mais en changeant d’angle, tu constates qu’elle n’a pas entièrement tort - à nouveau. T’acceptes le Baxton pour tout ce qu’il est, t’es juste incapable de croire qu’il puisse en faire de même par rapport à toi. T’es même pas foutu de lui accorder le bénéfice du doute, parce que t’es tétanisé à l’idée de tout briser entre vous. T’es si effrayé et honteux que t’es prêt à te soumettre à ses désirs, même si cela signifie ne pas en sortir indemne.

Tu te racles la gorge, te recroquevilles davantage contre la cabine du bateau. « This is not some shitty motivational speech. That’s the truth. And that is why it’s hard to hear. » T’as envie de lui réclamer des preuves pour appuyer ses propos fédérateurs, mais tu sais que c’est impossible. L’unique manière de confirmer ce que ton interlocutrice insinue est en offrant une chance à Asher. Sauf que cela revient à lui révéler l’inavouable, cet abjecte tare qui te réduit au silence, qui t’a fait préférer poursuivre des maux et jouer la comédie plutôt que de la livrer. Elle te demande d’offrir sans rechigner un poignard empoisonné à la rockstar et de voir s’il décide de te le planter entre tes deux omoplates ou de le conserver sous un de vos oreillers. T’es pas sûr de pouvoir vivre sous cette menace.

« You’re telling me that you are scared to hurt him, right? But all I’m seeing, and all I’m hearing here, is you, scared as fuck to be hurt. » Tu rejettes les mèches de tes cheveux bloquant ta vue, davantage par agacement que besoin de décrire les traits de la jeune femme dont tu trouves la remarque réductrice. « You don’t get it all. » Elle dénigre d’un revers de la main ton objection, t’indique à coeur perdu connaître ce sentiment à la nature récalcitrante, ce geôlier avec lequel nous sommes condamnés à apprendre à danser sans porter de masque car se travestir ne nous brise que davantage en bout de ligne. « You gotta ask yourself what is more painful. Between losing the one on the other end, or losing yourself in the process. » Les secondes agonisent, les minutes se pourchassent, le glas tambourine. « I’ll loose myself. » Tu t’entends répondre après réflexion, davantage pour toi qu’à l’adresse d’Ariane. Si elle s’est faite ton avocate à mettre un point d’honneur à ce que tu ne te fasses pas du mal précédemment, la douleur de la mascarade te paraît inévitable - et contrairement à ce qu’elle croit, t’as pas si peur d’en pâtir si cela signifie la garder secrète. Tu ne peux pas te risquer de perdre Asher aussi bêtement, pour une caractéristique inaltérable de ta personne que tu n’as pas décidée mais que tu peux malgré tout contrôler, taire temporairement. Tu refuses la probable ouverture d’un débat tortueux dont le verdict devra trancher si l’absence de volonté d’intimité physique de ta part discrédite ou pas la force de tes sentiments. Tu rejettes l’idée qu’Asher se sente renié, moqué ou insuffisant alors que tu composes l’unique fautif à ce niveau et tu es celui qui l’as embarqué dans cette aventure. Le problème, c’est que t’as tant pensé à lui et à quel point tu voulais demeurer à ses côtés pour apprendre à le connaître que t’as banalisé l’inévitable prochaine étape qui te révulse et te glace le sang aujourd’hui. Toutefois, quoi qu’il advienne, le blond n’a pas à payer pour tes torts, tes failles ni tes défauts. Tu tournes la tête à l’opposé de la silhouette d’Ariane, tes yeux voguant sur les vagues. « Nobody else can know about it. » Tu pries, désabusé. I’ll loose myself and try not to run away. I won’t talk about it anymore, it’ll stay only mine ; my dirty little secret. « You should have stayed with Jo. » Even though I needed you and still do. Go be happy.

« You don’t get it all. » et je me retiens, fort, de ne pas rouler des yeux, de ne pas retomber dans nos mauvais plis, dans ceux où il m’exaspère juste à respirer, où j’appuie sur tous les petits nerfs qu’il me laisse stupidement à portée. Même si Levi rage et se braque, même s’il refuse mes pistes de réflexion et qu’il se referme, c’est pas vrai que je vais jouer au même jeu que lui, que je ne vais pas prendre la situation – et son état – au sérieux. If he wants to play it like that, then he will be the only one. Mais les secondes coulent, alors que je lui demande ce qui lui ferait le plus mal. Entre ce qu’il se fait vivre là, et le chaos potentiel qu’il occasionnerait s’il arrêtait de se voiler la face et s’il finissait juste par être dead honest avec lui. « I’ll loose myself. » et mes yeux se braquent sur les siens. J’essaie d’y lire un autre sens, une autre raison, une signification différente, n’importe quoi qui viendrait infirmer ce qu’il vient d’avancer après un si long temps de réflexion. But there is nothing else here. He’d lost himself before he’d lost Asher. « Then you are in deep shit trouble my friend. You love him. » deep, deep trouble. Quelque chose me dit qu’il le savait déjà, qu’il était amoureux de lui. Qu’il l’avait peut-être jamais entendu à voix haute, mais qu’il l’avait sûrement pensé entre deux regards langoureux, entre quatre paroles effacées. Le verdict qui flotte entre nous, Levi qui se perd dans sa tête, et je bouge pas, j’attends, j’ai que ça à faire étrangement, je presse rien.

J’ai le regard perdu sur mes baskets depuis un moment, mon attention maintenant scotchée sur sa respiration un peu moins saccadée, sur l’air qui finit par entrer de façon plus naturelle en lui. « Nobody else can know about it. » et je redresse la nuque, tourne la tête vers lui, mais il me regarde pas Levi, il m’ignore, il m’implore aussi. « Nobody will. » il me fait chier à ne pas voir que je dis la vérité, à me menacer sans avoir le guts de tenir mon regard, de comprendre que là, de suite, c’est pas notre routine habituelle, c’est bien loin de nos manigances mesquines et calculées. « You should have stayed with Jo. » really? Et là, c’est plus fort que moi. Je soupire, fort, les yeux qui tournent sur eux-mêmes à s’en fouler le nerf optique. « Don’t be an asshole. Come here now. » mon bras qui passe par-dessus ses épaules sans douceur aucune, et qui le rapproche de moi avec force. Il fera pas dans la pitié non plus, s’il se met à filer dans un mode de self-pity, c’est une claque derrière son crâne surchauffé de panique qui ponctuera mes phrases, et pas des virgules et autres points de suspensions. « I’m here, ain’t going anywhere. Even if you pulled out all of your stubborn sucky moves on me since I’ve arrived. » there is nowhere else I’d rather be, and we both know it. Et on reste comme ça – je l’oblige à – pendant aussi longtemps qu’il en a besoin. You needed it too Ariane, don’t pin this only on him.

Ce n’est que lorsque j’ai la certitude qu’il voit bien que je bouge pas et qu’il a accès à tous les éléments évidents pour enfin réaliser que peu importe ce qu’il dira je lâcherai pas l’étreinte, que je finis par parler à nouveau. « You wanted my help, Levi. » you never wanted something from me. You never asked. La piqûre de rappel pour nous deux. Et pour être totalement honnête, j’en suis encore plus que secouée. Kane est pas là. Kane doit pas savoir. Nobody else can know about it. Why me? « What can I do to help you? » what do you want from me? Parce qu’on est tous les deux des personnes d’action beaucoup plus que de mots – how ironic, pour deux auteurs. Actions speak louder than words, et il le sait autant que moi. Maintenant, c’est juste ça qui compte. Qu’est-ce qu’on peut faire, qu’est-ce que je peux faire pour qu’il arrête de stagner, pour qu’il avance. Peu importe la direction qu’il choisira. « Ask, and I’ll do it. » ça, ça sonne bizarre. Ça, c’est pas nous. Ou alors, c’était pas nous il y a une heure encore, avant qu’il ne m’écrive. Avant que je m’empresse de venir. Avant qu’on en soit rendus là. « I’m not against you man. I did not come here to fight you. We’re on the same team. »

Avouer à Asher que tu n’as pas envie de lui de cette manière-là t’es inconcevable pour des raisons qui se multiplient à la seule initiation de l’étudier. Tu refuses de t’aventurer sur ce terrain-là, de débuter une psychanalyse sur ton cas, sur cette part de ta personne que t’as toujours ignorée, dénigrée, cachée ; à l’image de cette ire qui jaillit de ton âme sans prévenir lorsque ton instinct impose un violent et intransigeant point d’arrêt sur ce que tu es capable de tolérer. Tu rejettes l’éventualité que ton absence de libido soit affichée, observée, calculée, scrutée, discutée. Autoriser un tel travail ne sera que toxique et éreintant, autant pour Asher qui pourrait mal interpréter cette différence, que toi qui t’oppose à l’assumer. Alors tu décides de subir, d’endosser un rôle qui constituera ton enfer muet, imposera indéniablement une acidité morbide que tu te voues à cacher au Baxton. Tu te dégoûtes. Tu es si hypocrite, toi qui lui répètes de faire ce qu’il désire et d’être fier de qui il compose, quand tu le prives d’une clef essentielle de ton être sous le seul prétexte que t’es inapte à la partager avec quiconque - sauf Ariane.

Ton menton posé sur tes genoux, ton regard vide se perd dans le reflux des vagues. Tu peines à t’extraire de cette torpeur. Tu éprouves tant de difficultés à accepter ta fatalité, surmonter la malhonnête danse que tu te dois d’orchestrer. Tu tentes de te justifier, adoucir ta conscience qui hurle de douleur, quand la seule phrase qui parvient à panser un peu ton chagrin est ton alerte que tu ne fais aucune promesse. I’m safe. « Then you are in deep shit trouble my friend. You love him. » Tu te redresses, la vérité qui pique, qui brûle, qui tiraille. Ariane sait autant que toi. Tu ne peux pas te voiler la face, t’es juste mauvais, t’es juste dans le pétrin jusqu’au cou. « And I hate it. I hate myself for that. » But I can only blame myself. I allowed it. Tu articules, acerbe, hargneux, meurtri. Tu méprises la ténacité de cette affection frisant la dépendance, tu dédaignes ton besoin insatiable de te rapprocher de lui comme s’il détenait les accords manquants à la mélodie de ton bonheur. Tu n’as jamais désiré ceci, tu n’as jamais recherché autant.

Tu tentes de sauver les meubles, tu pries qu’elle conserve ses confidences pour elle plutôt que de les exposer sur ses réseaux sociaux ou les déblatérer à Kane, enivrée de la fierté de savoir quelque chose que t’as jamais avoué explicitement au pompier. Elle agrée, elle scelle votre promesse, tu la dépeins tel un serment inviolable puisque si elle te trahit, votre relation périra. Tu la repousses dans les bras de Jo, tu minimises ta détresse, ne l’assumes pas. Go be loved as love should be. « Don’t be an asshole. Come here now. » T’as l’impression que son bras qui t’attire vers elle t’arrache des poignées de cheveux au passage. « I’m here, ain’t going anywhere. Even if you pulled out all of your stubborn sucky moves on me since I’ve arrived. » Ton corps se détend, tes muscles se décontractent contre les siens, preuve irréfutable que sa présence t’est salutaire. Tes lèvres ne bougent plus, toutefois. Tu tentes de calmer la terreur du futur, emprisonner dans un coin oublié de ta tête l'exactitude que tu pourras jamais désirer Asher comme il le faut.

Le silence vous étreint, éteint progressivement ta panique. Au bout de cette pause essentielle, Ariane te rappelle que tu as sollicité son aide, t’interroge sur ce dont tu as besoin, t’offres une véritable carte joker. Ta gorge est cependant aussi irritée que nouée. T’as cessé de la racler nerveusement mais les mots s’y perdent, y meurent. « I’m not against you man. I did not come here to fight you. We’re on the same team. » Ton regard divague, se pose sur l’horizon. « I needed to be heard and understood. I needed you to know. » Parce que sous ce couperet de tes aveux douloureux, elle est désormais ton filet. Celle qui a conscience de la chute que tu te prépares à effectuer voire répéter et a un aperçu d’à quel point elle te fracassera. « As much as I’d need it, you can’t change me. Nobody can. And he’s not negotiable. » I’m trapped.

Et si tout dans mes mots et dans mes gestes le brusque, quand il finit par se lover contre moi, y’a une seconde une toute petite, qui fait du bien, qui est douce. Ma paume qui presse son bras, mon menton qui se pose sur sa tête, je le sens qui se cale et je fais pareil. Y’avait toujours eu une drôle de relation de proximité entre Levi et moi, on n’entretenait pas vraiment de bulle ensemble, on finissait toujours par se grimper dessus, par se plaquer l’un l’autre, on s’en foutait du contact, on prenait ce qu’on avait besoin, on était égoïstes. Mais là, de suite, c’est pas un support quelconque qu’on se donne pour mieux s’ôter, c’est pas un corps sur lequel on prend appui pour faire des conneries non plus qu’on recherche. C’est juste une présence, juste quelqu’un qui est là, qui l’est vraiment.

D’où le silence qu’on entretient avec avarice. D’où la brise qui ne vient pas nous déranger au contraire, les vagues qui fonctionnent parfaitement comme trame de fond. J’ai toujours les pensées qui reviennent au pourquoi du comment, à la raison – ou les – qui a justifié que Levi m’ait demandé de venir. J’ai pas envie de m’éterniser là-dessus, pas envie de triturer mon cerveau à chercher des significations quand lui et moi on avait jamais été fans des doubles-sens. On se disait la vérité, cash, on savait être capable de la supporter, pire, on se foutait que l’autre ne la prenne pas bien ou ait du mal à la digérer. Parce qu’on arrivait toujours à se targuer d’être au moins honnêtes, authentiques l’un envers l’autre. C’est donc probablement pour cela que je ne reste pas toute seule à anticiper sa motivation, que je lui demande d’emblée, que je perds pas de temps à fabuler toute seule sans concret à la clé. Ses mèches hirsutes me piquent la joue, ma main qui remonte pour les dégager de ma peau, finissant par emmêler mes doigts dans sa tignasse sans même que je le réalise. « I needed to be heard and understood. I needed you to know. »  he needs me to be there when he’ll fall. C’est la seule chose que je comprends dans ses mots, c’est tout ce que j’entends même si ce n’est absolument pas ce qu’il affirme d’emblée. Il a besoin de quelqu’un d’assez solide pour le remonter, il a besoin d’une personne qui sera capable de voir sa chute en face, et qui sera là pour ramasser les morceaux après. Dans sa tête, il a déjà échoué, il est déjà tombé, il est déjà maudit. « I heard. I understood. I know. » and i’ll be there when you jump. Either if you go up, or you go down. Both will hurt, man. But being hurt is good. At least it means you can feel something. « As much as I’d need it, you can’t change me. Nobody can. And he’s not negotiable. » « Never wanted to change you. Not now, not ever. And no one should want to change you, not even yourself. » he’s trapped. He trapped himself. Et je déteste cette impression qui monte entre nous. Quand Levi avait passé sa vie à personnifier la liberté incarnée, quand il avait toujours été le gars qui partait sans foi ni loi, forever à l’autre bout du monde sans port d’attache. Le sentir pris au piège qu’il s’est lui-même tendu me déstabilise encore bien plus que tous les aveux qu’il m’a partagés. Surtout lorsque je réalise que même si Kane et moi on est là depuis presque toute sa vie, qu’on l’attend ici depuis toujours même sans l’encourager à son intention, c’est seulement et uniquement Asher qui a fini par le convaincre de rester. Pas nous. Pas moi.  

« This isn’t wrong, you know. » et je reste sur ce qu’il avance, sur ces blocages dans lesquels il se noie. Je reste sur toutes ces répétitions qu’il a avancées, sur toutes ces fois où, durant les dernières minutes, il n’a pas arrêté d’insinuer qu’il était le problème, qu’il était celui qui n’était pas normal, celui qui dérange. Normal is boring. Beige is boring. Levi’s not. Either. And that’s a good thing. « You are not wrong. » j’ai le regard perdu par-dessus sa tête sur laquelle mon visage est posé depuis un moment déjà. J’ignore même s’il m’écoute encore ou s’il s’est juste shut down le temps de reprendre des forces avant le prochain raz-de-marée de doutes et d’accusations qu’il se renverra à la gueule.  « Is it the first time you’re getting this close to someone? » et je parle même pas d’être physique. Je parle de vouloir être si proche, si fusionnel, qu’il se met dans cet état. Je parle de sentiments là, je parle de Levi qui a toute une vie que je ne lui connais pas, tout un historique que je lui découvre. Is it the first time you trapped yourself for someone?

Tu réponds avec sincérité à ton interlocutrice. Tu n’as jamais menti, ça n’a jamais été dans tes réflexes de déguiser la vérité. Tu caches énormément de choses sur ton cas, oui, mais lorsque tu parles, tu ne formules que du vrai. Ça t’est primordial. Tu es né dans un monde de magouilles et de stratégies, de mensonges et trahisons ; même si t’étais prédestiné à en faire partie, toute ta nature le réfutait dès le premier jour. Aujourd’hui, t’es furieusement allergique à tous ces procédés sournois, même si cela signifie que tu peines et brutalises des personnes en étant trop franc.

Tu lui assures que ton besoin résidait en le fait qu’elle t’écoute, qu’elle sache, qu’elle te comprenne. Tu as besoin de la Parker en back-up, tu nécessites qu’elle devienne une sorte de boîte noire protégeant ton secret inavouable et pouvant éventuellement déployer les armes nécessaires pour te tirer d’un pas possiblement mortel. Un poids s’ôte de sur ta poitrine lorsqu’elle affirme : « I heard. I understood. I know. » Et tu laisses le calme reprendre possession du bateau. Ce pont, théâtre de ta dignité que t’as déchiré en lambeaux devant la rousse parce qu’il t’était existentiel qu’elle reparte ce soir avec ton secret ; ce dernier étant devenu brutalement trop lourd à supporter seul. Tu te ravises, tu statues le fait que tu ne peux pas te résoudre à fuir une nouvelle fois. Avec Asher, c’est différent, et tu n’as personne pour te séparer de lui. « Never wanted to change you. Not now, not ever. And no one should want to change you, not even yourself. » Douce utopie. Tu n’es pas si naïf, tu n’es pas si confiant. T’as envie de lui railler que c’est facile à dire pour elle, mais tu te retiens. T’as pas la force de te battre avec ton acolyte. T’es épuisé mentalement et physiquement, transi par la dureté de ce que tu vas t’imposer sous peu.

« This isn’t wrong, you know. » Tu relèves le regard vers l’auteure sans bouger ta tête, son menton pointu enfoncé dans ton cuir chevelu. « You are not wrong. » Tu ne la crois pas. Ton amie t’énonce de belles paroles, mais dans les faits, tu es convaincu que t’as tort. Tu es défectueux. « Is it the first time you’re getting this close to someone? » T’inspires doucement, emplis tes poumons jusqu’à leur maximum comme si Ariane t’avait demandé d’accomplir un effort physique magistral. « No. » Tu souffles. Il t’aurait été si simple de lui rétorquer que cela ne la regardait aucunement. T’as pas de compte à rendre à la Parker, t’en as jamais eu. T’as toujours été réglo avec elle, fair and square. T’en es fier et durant vos plus violentes disputes, cet argument te paraît faire la différence. Cependant, tu continues. Sans comprendre pourquoi, tu poursuis cette démonstration de secrets de ton passé. « First one saved me. My family separated us. She lives here, now. Tricky fate. » Tu pouffes. Vicieux destin et ses jeux mesquins. « Second one broke me. Never seen him since. Could be dead. But I still care. » Tu ne jouis pas de cette rancune, t’as pas cette indifférence ni cette haine envers lui. Il t’a laissé avec une odieuse incompréhension, un manque cuisant d’explications. Tu redoutes qu’il soit parti parce que t’étais pas assez bien pour lui quand t’as enfin accepté de devenir intime. « He disappeared after we did it. » Tu précises sur un ton neutre, sans doute inutilement. Ariane fera ce qu’elle désire de cette information. De ce possible surplus de détails. « Third’s one there. » Tu désignes vaguement ton téléphone portable. « Pretty sure he’s a charm. » Tu te moques en toute ironie. T’y crois pas une seule minute, comment pourriez-vous être compatibles naturellement, quand tu ne peux pas lui donner ce qu’il désire tant physiquement ?  « Whatever. » Tu conclus, défait. Tu ne seras pas le cochon avant l’abbatoire. Tu feras un homme de toi et cesseras tes jérémiades, parce que de toute évidence, elles ne résolvent rien. Ta phase de ce soir te l’a bien prouvé. « What about you? » Tu inverses le sujet. « Is Jo the one? » Tu n’es pas assez dupe pour penser qu’Ariane a eu peu de partenaires sexuels, en revanche, tu ne considères pas qu’elle ait accordé son cœur à une ribambelle de guignoles. Ce serait incohérent de sa part.

Il est plus léger, je pourrais parier. Y’a quelque chose qui change dans sa posture, y’a sa tête qui se dépose sur mon épaule un peu plus confortablement, son souffle qui s’arrime au mien. Levi qui relaxe enfin, ou du moins, qui s’en donne l’opportunité. C’est pas tout à fait ça, et si je ne le connaissais pas par cœur depuis les années, j’aurais presque pu penser que la tempête était passée, diluée. Mais il ressasse, il ravale, il sait que le pire est à venir, que ça, c’est juste le signal d’alarme. La bombe qui menace d’exploser, qui nous l’a platement confirmé – et maintenant, je suis complice de son mal, je ferai partie avec lui des dommages collatéraux.

On a jamais partagé tout ça, tous les deux. En une question, j’ai l’impression qu’on tente de rattraper 20 années à se parler sans cesse, mais à ne rien se dire vraiment. Il aurait pu refuser d’en rajouter, il aurait dû en quelque sorte. Si on se fiait à nos schémas, si on prenait notre chronologie en exemple. Pourtant, je ne suis pas surprise du tout lorsque Levi avance à tâtons, lorsqu’il répond avec toute la franchise qui le caractérise. « No. »  le fait que son regard ne soit pas plongé dans le mien aide peut-être à ses confessions, qu’une fois qu’il reprend sa place contre moi il se dégage de toutes responsabilités ; mais je ne lui en tiens pas rigueur. Je n’ai pas besoin de voir ses iris pour le croire, je n’ai pas besoin de le cerner en profondeur pour lui faire confiance. Et je l’écoute, je m’accroche à sa fréquence, j’entends que lui.  « First one saved me. My family separated us. She lives here, now. Tricky fate. » et il laisse échapper un rire. Love this. La douce ironie, le pied de nez de perfection, la vie qui plaçait si bien les choses pour mieux nous faire chier dans le chapitre d’après. « Second one broke me. Never seen him since. Could be dead. But I still care. » oh these words. He broke me. Never seen him since. I still care. Sans m’en rendre compte, ou alors parce que c’est tellement naturel que je n’y accorde pas la moindre importance, ma paume le rapproche un peu plus de moi, le resserre plus fort, juste assez. I get that. Being broke, caring too much. This gigantic shithole. « He disappeared after we did it. » classique. « Fucker. » Jet did the same. All the time. Prendre tout, laisser rien. J’aurais dû m’en douter, la toute première fois où j’avais couché avec lui, quand il m’avait presque jetée hors de son van après, que j’avais fait tout comme. C’était avec Levi que j’étais allée fumer des clopes durant toute la soirée ensuite, que j’avais fait comme si de rien n’était. Les fois suivantes avaient été aussi dégradantes, aussi blessantes. Habituée à voir son dos, rien que ça. Une pratique parfaite qu’il m’a offert Jet, et la carapace de celle qui s’assurait au fil des mois de partir avant lui. Même si c’était juste dans mon cœur, dans ma tête. At least I was trying. Failing lamentably, but trying as hard as I could. « Third’s one there. Pretty sure he’s a charm. » Asher qui revient au poste, qui ferme la boucle. Levi qui déglutit en tout sarcasme, et la touche d’humour complètement conne, dérisoire, mais qui tente de désamorcer une atmosphère déjà bouillante d’avance. « He looks like a leprechaun when you stare at him on certain angles. That must count for something. »

« What about you? » hum? « Is Jo the one? » woah what? Et je me redresse à peine, bouge en faisant gaffe rien qu’à le replacer contre moi et non à m’en dégager. Since when do you care? Mes sourcils se froncent, mon silence me pèse. He always did Ariane. Like you always did. You both are just too blind, too piggish to see it. « Are you scared I’m gonna divorce you for him, or what? » à mon tour de me pincer les lèvres, d’y penser un moment. Joel et moi, c’était une institution. C’étaient une série de coups bas, de déchirures, de break downs, de build ups. C’étaient des disputes et des adieux, des attaques et des cassures. « Jo’s a lot of things. » mais c’était aussi inné, même pas forcé, naturel, évident. Since day one. « I spent half of my life trying to convince myself he wasn’t that ; the one. » c’était le genre d’amour qui était trop gros, trop intense, trop tout court. On avait passé presque 15 ans de notre vie à jouer l’un contre l’autre, autant qu’à être incapables de se lâcher même lorsqu’on était chacun aux extrêmes de la planète. On arrivait pas à se calibrer, on allait trop vite, on s’aimait trop fort, trop mal. « There were times it was easier. Miami was one of them. » la seule fois où Levi m’avait vue dans cet état, la seule fois où il avait été mon filet de sûreté, où il avait, sans le savoir, aidé comme personne l’aurait pu. J’étais sûre que c’était fini pour de bon avec Joel à ce moment-là – certaine. Ceci justifiant sûrement pourquoi ma joue se pose sur sa tête, pourquoi je me love encore un peu plus si c’est possible. You worked your magic back then, I’ll try to work mine now. « But in the end I kinda wish he is. » il était revenu. Pour de bon. Il avait changé. J’avais changé aussi. On s'apprivoise, on veut tellement, on s’aime tellement. Toujours trop fort et trop mal, mais maintenant, on sait ce que ça représente lorsqu’on est ensemble, et on refuse de supporter ce qu’on ressent quand on ne l’est plus. Would have been easier if Kane and Levi were my ones. Simpler. They already were, in their own ways.

« Is he going to be there tonight? » que je finis par demander, mon regard se perdant vers le portable de Levi, anticipant qu’il doit appréhender, et que d’office, savoir à quoi s’attendre fera aussi mal que sera nécessaire. How are we going to prepare ourselves for that? Parce qu’on est une équipe là, parce que je le vois pas autrement.

Ton ton est neutre, il flirte avec l’indifférence lorsque tu évoques les personnes que tu as su aimer dans ton existence. Celles qui ont su accrocher ton cœur, le perforer tel un vulgaire poisson pris au piège par un fortuné hameçon. Tu n’as jamais cherché à bâtir l’institution qu’invoque l’amour. Tu préfères le célibat, synonyme à ton sens de liberté et d’indépendance. Tu ne souhaites pas avoir un pied à terre quand la planète est si immense et que ta seule crainte est de mourir en ayant le remord de ne pas en avoir assez vu. Tu ne désires pas d’enfant, non pas parce que tu refuses la contrainte, mais parce que t’es terrifié à l’idée qu’ils aient le même mal que ton frère cadet. Tu ne penses qu’à toi parce que tu as toujours jugé être le seul maître de ton avenir, celui qui tient la plume de ton histoire. Où tu te dupes, cependant, c’est au niveau de l’encre : les personnes que tu rencontres ne cessent de l’altérer et certaines d’entre elles sont indélébiles.

« Fucker. » elle rage, ton alliée, sans que tu n’en sollicites autant. Un fin sourire sans joie étire tes lippes, gage de ta désinvolture, reconnaissant du soutien apporté. Tu conclus l’étreinte de sa main contre la tienne et mêlant tes doigts aux siens. Tu connais son histoire, tu sais à quel point elle comprend et à quel point, toi, tu n’assimiles pas tout. « He looks like a leprechaun when you stare at him on certain angles. That must count for something. » Qu’elle mentionne sur le cas Asher. Un rire file entre tes lèvres, tu réfléchis quelques instants, rembobines la bande de tes souvenirs. « You’re not wrong. »

Puis tu la questionnes sur ceux qui ont violé son cœur. Ceux qui se sont introduits au creux de son âme, l’ont fissurée pour s’y incruster, parasites romantiques. Ton intonation n’invite à rien d’autre que ce qu’elle souhaite articuler. Vous n’êtes pas dans les dettes mais bien dans la simple conversation sans requis. « Are you scared I’m gonna divorce you for him, or what? » Qu’elle raille. « Of course I am. » Tu rétorques. Tu fronces les sourcils sur sa description de Joel. Le silence vous étreint, puis t’interroges : « Would you marry him too? »

« Is he going to be there tonight? » Tu soupires. « I don’t know. » And I don’t wanna know. I don’t wanna know when and where and how. I just want it to be done with as soon as it begins.