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 Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence

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Message(#) Sujet: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyJeu 1 Aoû 2019 - 21:44


Pourquoi il est venu ici, déjà ? Putain de question, putain de réponse. Il ne boit pas, ne se pique pas, ne cherche rien, contrairement à tous les gens qui l’entourent. C’était un amusement qui ne l’atteignait pas, en tout cas pas au milieu d’inconnus. Mais la journée, il voyait déjà trop rarement la lumière pour pouvoir totalement se défaire de celle de la nuit. Alors même s’il sortait largement plus rarement qu'avant, il avait du mal à résister à un appel, à dire non de but-en-blanc, à se renfermer dans la solitude de son appartement. Une ombre sobre sur un tableau badigeonné d’alcool, voilà ce qu’il finissait toujours par être, et les yeux ivres le filtraient, finissaient par le rendre invisible — et ça le fascinait, d’être invisible au milieu de ces gens qui goutaient à un bonheur qui avait l'air si simple à obtenir. Ça l’abîmait, aussi. Est-ce qu’on pouvait être addict à la sensation d’être une pièce rapportée ? Au fond, inutile de rechercher quoi que ce soit de rationnel derrière ce comportement : on l’appelait, on lui faisait une promesse de mieux-être, il s’y rendait machinalement, presque pour se prouver à lui-même qu'il en sortirait déçu. Pourtant il est là. Il se rend compte que le Jim qui l’a appelé n’était pas du tout le Jim auquel il pensait. Il a hésité, chose assez rare pour être soulignée, à prendre un verre, qui aurait été le premier depuis de longs mois ; mais dès les premières demi-heures qui s’écoulent, il voit bien que ce qui se passe autour de lui ne tardera pas à être hors de contrôle. Lui, dans l’œil du cyclone, se contente d’assister à ce spectacle de déchéance humaine zébrée d’éclats d’espoir — un baiser, un rire, d’autres choses encore, la musique plus forte, plus forte, dans les oreilles et les yeux et le cœur et le foie. Le foie tient pas longtemps. Il commence à voir dans les yeux du reste des participants ce regard vitreux, voilé par la nuit, qui annonce le début de la fin. C’est généralement à ce moment qu’il s’éclipse sans que personne ne le remarque, lorsqu’il n’a personne à sauver de l’étouffement ou du coma éthylique. A ce stade, les voix désinhibées se font fortes, comme si elles avaient besoin de cracher tout l'air de leurs poumons pour qu’on les entende. Il ne supporte pas le bruit. Il regrette déjà d’être venu, comme à chaque fois, finalement. Si les décibels montent encore d’un cran, son crâne va vriller.  Il se lève, s’excuse de gêner la cohue des buveurs, tâte sa poche pour constater avec déception qu’il a perdu son paquet de cigarettes, n’a pas la foi d’en demander une. De l’autre côté du salon, il lui semble entrevoir une accalmie, alors il s’y dirige machinalement, s’adosse à une fenêtre ouverte. Finalement, il lui faut vraiment une cigarette pour faire quelque chose de ses mains. Il demande une fois, deux fois, trois fois, dix fois, finit par l’obtenir. Le geste familier le détend instantanément et lui permet de faire abstraction du vacarme ambiant. Silhouette étrangère à la tempête, il observe de loin les formes humaines se mouvoir, s’enchevêtrer. Les couleurs sont fades et tout ça pue une tristesse, une tristesse qu'il n'y a que lui pour percevoir derrière ce cinéma. Poudre aux yeux. Poudre tout court, peut-être.

Et puis son regard accroche les différents couples d’un soir qui se créent sous l’impulsion du désir impérieux d’échapper au sort qu’il personnifie, lui seul avec sa clope mélancolique et froide ; il y a des aller-retours, des mouvements, des paroles susurrées (hurlées ?) à l’oreille, et il finit mécaniquement par observer un gaillard brun qui passe alternativement dix minutes à enlacer un bouclé sur le canapé, avant de s’éclipser pour se rapporter un verre et recommencer le même manège. Stephen ne veut pas spécialement s’immiscer dans la vie des gens (quoique ce n’était pas sa faute s’ils s’exposaient en public), mais il remarque que le plus grand des deux finit par ne plus toucher au verre qu’il faisait partager à l’autre. Sur le moment, ça ne lui dit rien. Il va sur l’autre balcon tenter de gratter une deuxième cigarette, y parvient, réfléchit au moment où il va partir, parce que les fumées diverses qui embaument l’appartement ne sont pas que du tabac, et qu’il commence à y avoir des rejets, et que des inconnus s’accrochent à son épaule comme des noyés en quête d'un  navire salvateur. Décidé à se barrer, il cherche son portable que quelqu’un a dû trouver intelligent de déplacer, dans tout l’appartement, entre les ‘Ehhh, doucement…’ des fêtards léthargiques. Trouvé. A vingt mètres de son emplacement initial, mais trouvé. Et puis son regard retombe sur les tourtereaux de tout à l’heure. Le bouclé semble complètement différent — ça se voit à sa gueule que son sang n’a pas la même teneur, ça se voit dans ses gestes, dans la désarticulation de ses mouvements tandis que l’autre continue de s’approprier ses cheveux avec le sourire de celui qui attend son heure, patiemment. Quelque chose ne tournait pas rond. « Tu pars déjà ? » Une voix le surprend. Jim. Encore conscient, mon vieux ? « Je sais pas. Tu connais ce mec ? » demande-t-il en pointant du menton le jeune homme aux yeux comme des fenêtres ouvertes sur le vide. « Nope. Et tu ferais mieux de pas essayer de gratter son numéro. Le gars à côté de lui est un sacré possessif, c’est chasse gardée. » « …merci, Jim, » fait Stephen en se détournant, exaspéré que personne d’autre ne sente que ce qui se passait était anormal. Après quelques minutes à batailler pour se faire comprendre, il finit par obtenir que le nom du gars est ‘Terry’, ce qu’il interprète sans trop prendre de risques comme un diminutif de Terrence. Et Terrence, il a pas l’air franchement frais, en tout cas pas assez frais pour que lui et son nouvel ami soient à égalité en terme de prise de décisions. Alors il regarde une dernière fois ses clés qu’il serre entre ses doigts, les fourre dans sa poche et va s’installer clope au bec à côté de Terrence. Il manquait pas de culot d’interrompre leurs embrassades — bon sang, les préliminaires dans le canapé du salon, vraiment ? —, mais il voulait en avoir le cœur net. Le compositeur prend la parole avec nonchalance, en vieil ami, comme tout cela était absolument naturel. « Putain, Terrence, je te cherchais partout ! » L’autre gars réagit du tac-au-tac — preuve qu’il n’y a rien en lui qui puisse altérer ses réflexes prédateurs —, lui jetant un regard noir en même temps qu’il serre le bras sur la taille de sa proie. « Mec, tu vois pas que tu nous déranges ? » Tout sourire — parce qu’il lui faut ça pour se donner du courage —, Stephen l’ignore complètement, s’adressant directement au principal intéressé avec ce qu’il lui restait d'audace et de jeu d’acteur. « Tu m’avais promis de pas trop boire, et voilà dans quel état je te retrouve ! » Sauf que le malheureux n’avait pas l’air d’avoir touché seulement à la liqueur. Stephen tire encore sur sa cigarette ; ça lui permet de garder un point d'ancrage. « Bon, Terry, dis à ta mère que tu vas bien, parce que ça commence à m’énerver. » Sanguin, le bonhomme ? Assez pour que le plan de sauvetage improvisé de Stephen tombe rapidement à l’eau s’il faisait un faux pas. Il ne lui restait plus qu’à espérer que Terrence était effectivement assez mal en point pour croire le reconnaître. Et il renchérit, toujours sans regarder l’individu qui s’était chargé de foutre le gaillard dans pareil état, et qui allait avoir du boulot pour lui prouver ses bonnes intentions : « Deux secondes, deux secondes. T’as bu quoi, Terrence ? » Et il n’y avait plus qu’à prier que le bouclé ne se plongerait pas lui-même dans une situation encore plus compliquée en répondant, parce que les ressources de Stephen en termes de mensonges étaient clairement limitées. Et la détresse mêlée d'une sorte de désespoir affectif latent qu'il avait cru voir en Terrence, elle, semblait illimitée.

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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptySam 3 Aoû 2019 - 12:07



Burn me out... leave me on the other side


S'il devait être parfaitement honnête, Terrence, il aurait affirmé qu'il allait mal. Il aurait osé dire que la vie était trop lourde, qu'il n'en trouvait plus le sens comme après une longue sieste et que tout était sans dessus dessous. Il ne savait plus très bien dans quelle direction se rendre, quel chemin emprunter et ça lui faisait peur de réaliser que demain serait probablement tout aussi effrayant qu'hier ou qu'aujourd'hui. S'il devait être tout à fait franc, il dirait qu'il est effrayé, qu'il redoutait d'aller dormir aussi certainement qu'il détestait se réveiller, parce qu'il savait parfaitement de quoi sa journée serait faite et comment elle allait se terminer. Il savait aussi les heures au travail à essuyer les remarques des clients, à chasser leurs paumes trop insolentes venir lui caresser le cul sans jamais lui demander l'autorisation, sans s'inquiéter de savoir l'impact néfaste que ce simple geste pouvait avoir sur son estime déjà six pieds sous terre. Et il se traine, Terrence, se lève et se traine comme le mort vivant qu'il était devenu, incapable de vivre normalement, malheureux et solitaire. Travailleur nocturne c'est lorsque le soleil est à son zénith qu'il ouvre enfin les paupières, boit un thé et sort dehors farfouiller dans les rues ou se réfugier dans le seul lieu extérieur qui lui inspirait de l'apaisement : la bibliothèque de Gabriel. C'est d'ailleurs ce qu'il avait fait aujourd'hui après s'être extirpé difficilement de lit en sursaut, le front moite à cause d'un horrible cauchemar qui impliquait sa mère, son père et des ombres du passé qu'il n'en pouvait plus de côtoyer. Il s'habille, ne prend pas la peine de se doucher parce qu'il n'en a pas la force, parce qu'il sait qu'il aura le temps de la prendre quand il sera revenu de ses balades dans la jungle urbaine et il fini par s'allumer une clope avant d'aller se réfugier dans la librairie de Gabriel toute la journée, dernier rempart contre le monde. Et puis les heures s'étaient enfilées sur le fil du temps comme des perles de bois, avant d'atteindre le moment qu'il redoutait tant : la nuit. C'était son jour de congé et il ne travaillait alors il avait envoyé un message à un de ses contacts pour le saluer et lui demander une adresse sympa, un truc où s'oublier, ou se paumer pour ne pas rester chez lui à chialer. La réponse ne se fait pas attendre. Et c'est sans réfléchir qu'il s'y rend, Terry, parce qu'il sait qu'il y trouvera surement de la came de qualité. Ou peut être pas.

C'est malheureusement l'appel de la drogue et de la douleur qui remporte cette manche comme souvent d'ailleurs, pas la raison qui le pousserait à rester sagement chez lui et à dormir ou à lire. Parce qu'il la connaissait d'avance, la raison qui le poussait à se rendre là bas, et ça faisait parti du truc. Se punir. Se faire mal pour se donner ce velléitaire sentiment d'exister. L'air est chaud au dehors et il marche d'un pas rapide jusqu'au lieu de la soirée, ses jambes qui le guident sans le retenir ou le pousser à faire marche arrière. Il arrive enfin devant l'immeuble, monte le étages jusqu'à reconnaitre l'odeur des petits joint fumés amoureusement et il esquisse un sourire triste. C'était ça, sa vie, venir échouer sur un bout de canapé, un joint entre le pouce et l'index à attendre qu'un mec le remarque et aille le baiser dans un coin sans ménagement. Parce qu'il ne méritait rien d'autre, Terrence. Le parquet grince sous les pas, il y a du monde partout et il va rejoindre une fille qui se trouvait là. Eh, excuse moi, tu sais ou je peux trouver... Il regarde son téléphone pour vérifier l'identité du mec qui était censé lui refilé sa drogue ..Caleb ? Elle lui indique qu'il n'est pas là et qu'il arrivera surement plus tard dans la soirée. Ok, merci. Et il peste intérieurement de ce putain de faux plan. Ca se trouve, il allait jamais venir ce Caleb. Il soupire, éteint son téléphone et va se choper une bière en s'installant sur le canapé. Les doigts qui tapotent le verre de la bouteille, il ne remarque pas tout de suite ce type qui l'a déja pris en chasse depuis l'autre côté du salon. Et quand il vient s'asseoir à côté de lui en lui posant une main sur la cuisse, il se raidit, Terry, déglutit parce qu'il déteste faire ça mais qu'il ne sait plus fonctionner autrement. Il se fige mais il sourit, frisonne de dégoût mais se rapproche et se laisse embrasser. Le mec fout sa main partout sur son corps et il se crispe, Terrence, avant de finir par se reculer, tête baissée, les paumes plaquées contre son torse pour le repousser. Non... écoute je - Il pense à trop de choses, l'esprit qui se perd un peu entre le le regard triste d'Harvey et les coups de reins d'Auden, entre la douceur du premier et la peur que lui avait inspiré le second. Il ne sait pas qui est Harvey, ce collègue un peu trop mystérieux pour qu'il n'ose l'approcher, mais quand il pense à lui il y a quelque chose de tendre qui s'installe derrière son nombril et il aime ça. Et puis il y a Auden et il ferme fort les yeux Terrence, ne veut plus savoir ce que ça fait que de se faire baiser comme un bout de viande , les poignets bloqués et la joue écrasée contre le carrelage trop froid des chiottes de l'atelier. L'inconnu sur le canapé insiste, laisse ses doigts faire leur chemin sous son t-shirt et mécaniquement il le repousse, incapable de comprendre ce qui se passe ni pourquoi il sentait que son mode de fonctionnement si bien rôdé faisait de la résistance. Je veux pas. Alors il lui dit "j'te paye un verre alors? En tout bien tout honneur" et puis un autre et encore un autre et il se sent bizarre, Terry, un peu trop bien et détendu pour que ce soit normal. Il y a ce mélange de peur et de bien être qui s'empare de lui et quand le mec en face revient à la charge pour l'embrasser il se laisse faire en riant contre ses lèvres, incapable de se défendre, l'esprit embrumé par une drogue glissée au fond des verres pour qu'il ne se rende compte de rien. Il se laisse faire mais ne participe pas, la bouche et le corps pris en otages et ce n'est que lorsqu'une voix prononce son prénom qu'il ouvre les yeux. Y a une nouvelle donnée dans l'équation. Les deux hommes se parlent et il ne comprend rien, suis le match de ping pong comme s'il ne le concernait pas mais le nouvel arrivant semble le connaitre et il décide spontanément de lui faire confiance. Peut être qu'il a oublié qui il était, trop shooté, mais il sent qu'il n'est pas hostile. Ah oui, oui... euh.. Caleb Il n'a aucun prénom en tête alors il laisse mourir sa phrase sur le seul nom qui lui vient, les infos qui se mélangent, le coeur qui pulse comme un tambour tribal et les tempes qui se compressent. J'ai bu.. ça. Et il ne sait pas très bien ce que c'est en vérité, mais il avait bu sans retenue. Peut être que c'est son instinct de survie qui parle mais il se lève soudain et prend la main de celui qu'il pense être Caleb. On se casse? j'me sens pas très bien. Tu m'files un truc? T'as de l'ecsta? Il le tire mollement pour qu'il le suive tandis que l'autre frustré sur son canapé peste comme un putois et finalement alors qu'ils sont sur le palier, il éclate de rire et se colle contre l'inconnu. Je sais plus qui tu es, pardon. T'es bien Caleb c'est ça? Ou alors on a déjà couché ensemble? Ta tête me dit rien et pourtant j'suis plutôt physionomi - et il le sent, le spasme de la nausée emprisonner son ventre et tordre ses tripes alors il se raccroche désespérément aux murs et court dans la rue en titubant avant de dégueuler royalement ses tripes sur le trottoir, le dos courbé et les yeux larmoyants, le corps endolori. Il se redresse enfin, n'a vomi que du liquide parce qu'il n'avait rien mangé  -et surtout la drogue que le mec du canapé lui avait refilé- et s'essuie la bouche d'un revers de manche. Il se sent un peu mieux, il pense. Je- j'suis désolé Caleb. Je me sentais pas très bien. Et il se demande s'il fait le bon choix de lui faire confiance. Parce que c'était bien connu, Terrence faisait toujours les mauvais choix. Peut être pas cette fois...


Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 1:01, édité 2 fois
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptySam 3 Aoû 2019 - 17:31


Terrence demeure parfaitement hébété durant la brève durée de l’échange. Stephen garde un œil sur lui, comme s’il pouvait tomber en poussière d’un instant à l’autre, fragile comme du papier peint du siècle dernier, se faire emporter par un contact trop brusque et ne plus jamais se reconstituer. Fragmenté dans l'espace de sa propre confusion. Il a l’air de chercher vaguement un sens à la situation, dans sa tête où les murs doivent prendre l’aspect de silhouettes troubles, et finit par le trouver, derrière l’écran enfumé de ses iris somnolents. Peut-être même qu’il n’y voyait plus grand-chose, plus grand-chose de cohérent, qu’il se guidait au sens le plus performant de l’être humain — la recherche d’une preuve de sa propre existence, dans la douleur, dans le plaisir, dans l’abandon. Les yeux n’avaient plus rien à faire là. Capteur obsolète ; ce qui bougeait en lui, c’était ce fond d’alcool trempé de misère qui avait pris la place du liquide de son oreille interne. Voilà pourquoi le sol devrait bientôt commencer à tanguer, et alors il n’y aurait plus que ses mains pour espérer attraper quelque chose de tangible. Pourquoi, Terrence ? Pourquoi personne ne vient t’aider… ? « Ah oui, oui... euh… Caleb. » Soit, il serait Caleb si ça l’arrangeait, ça n’était certainement pas le moment d’être difficile. La voix de Terrence est vaseuse, engluée dans les liqueurs qui ont traversé sa gorge, rendue sourde par sa bouche pâteuse. Il manque certainement de salive. Les humains deviennent des déserts pour moins que ça. Intérieurement soulagé que le gamin — il n’avait sûrement que quelques années de moins que lui, mais il faisait jeune — ne se raccroche pas plus que ça à l’énergumène qui le foudroyait du regard, le plus âgé se laisse savourer le goût d’une infime première victoire dans le champ de mines qui s’ouvrait à perte de vue. Stephen regarde le verre que lui montre Terrence, mais il est vide et il ne saurait déterminer à l’odeur quelle genre d’atrocité avait bien pu y être versée dans le but d’annihiler la conscience propre de la victime. Parce qu’à quelques dizaines de minutes près, Terrence devenait une victime, et il n'avait pas l'air de le savoir. Inutile de demander des précisions à l’ordure, n’est-ce pas ? De toute façon, le jeune homme ne lui en laisse pas le temps, puisqu’il l’agrippe par la main pour le faire sortir de l’appartement. Un peu d’air. Un peu de frais. Les repères qui se perdent. Un changement d’environnement brusque qui ne devrait pas plaire aux capacités motrices perturbées de Terrence. Stephen est complètement paniqué à l’idée que le jeune homme s’ouvre la figure dans les escaliers, alors il serre son bras pour prévenir toute perte d’équilibre. Le salaud lui avait pas concocté la moitié d’une horreur. Elixir de désappropriation de soi — déchéance soignée, avec un gout d’ambre et de liberté, au plus profond des chaines du désespoir qui appesantissaient ses gestes. Et je vous remets ça demain, et après-demain pour oublier, et encore après pour se souvenir, parce que la mémoire se fait courte quand on a très mal, et puis on vendrait beaucoup pour une seconde de futur, se vendre soi c'est pas plus mal, comme ça on se rapproche un peu du terme, et alors la dette serait effacée. Le capital veineux est là pour ça. Une poignée de tuyauterie pas trop mal foutue où on pouvait mettre un peu ce qu’on veut — du bonheur, des promesses, de l’adrénaline en boite, en sachets, en émotions de laboratoire. « On se casse ? j'me sens pas très bien. Tu m'files un truc ? T'as de l'ecsta ? » Le cerveau de Stephen met une petite seconde à comprendre que la seule raison pour laquelle Terrence l’a suivi… est parce qu’il le prend pour son marchand de sensations à la sauvette, son dealer, le Caleb qui avait été remplacé par cette autre enfoiré. Au moins, avec Caleb, c’était (enfin, ça aurait dû être) une transaction consentie ; mais consentait-on vraiment à ce genre de choses ? Terrence consentait-il à sa propre destruction ? Quand la détresse s’en mêle, les mots de volonté et de pouvoir n’ont plus grand-chose à voir avec la réalité. Terrence en était l’illustration, avec ses yeux qui croyaient le voir — qui croyaient sûrement voir son dealer partout, sur les murs, dans son reflet, dans les verres qu’on lui avait donnés —, qui vagabondaient avec langueur sur des objets qu’il était incapable de différencier. Une masse informe de couleurs avait dû se superposer aux lignes bien définies de tout ce que ses sens croyaient lui rapporter avec exactitude. Stephen avait touché à bien plus de choses que ce que sa sobriété actuelle laissait croire, mais c’était un usage récréatif limité à ses années bohème aux côtés de Robin. Jamais il n’avait ressenti l’addiction physique : par contre, il connaissait l’envie de laisser son corps derrière, de se détacher, de se regarder de l’extérieur — vivre à la troisième personne pour trouver de quoi mieux souffrir. Et il avait l’impression de voir dans les gestes si tristes, si incontrôlés de Terrence, une forme de douleur qu’il connaissait au moins un peu.

« Je sais plus qui tu es, pardon. T'es bien Caleb c'est ça ? Ou alors on a déjà couché ensemble ? Ta tête me dit rien et pourtant j'suis plutôt physionomi- » Mais il n’a même pas le temps de finir que Terrence se précipite à l’extérieur, envers et contre les précautions prises par Stephen pour l’empêcher de dévaler les marches. Le compositeur le suit comme il peut, manquant lui-même d’aller buter contre le mur en allant retrouver le malheureux dont le corps rejetait, impuissant, tout ce dont on l’avait bourré pour provoquer ce dysfonctionnement. Pas grand-chose à tenter, ça fait du bien de vomir quand on a des caillots de poison dans le foie. « C’est bon, tout va bien… » Il sort un mouchoir d’un paquet que la Providence avait gardé dans sa poche et le lui tend pour qu’il s’essuie, si tant est que sa motricité le lui permette. « Je- j'suis désolé Caleb. Je me sentais pas très bien. » Stephen passe un bras autour des épaules du gaillard pour le soutenir du mieux qu’il peut, s'empressant de balayer ce réflexe d'excuse. « Tu n'as rien pour être désolé, Terrence, rien du tout. Tu te sens pas bien, c’est pas grave. » Il reste en alerte, au cas où le corps du bouclé redemanderait une nouvelle purge. Le mélange de l’alcool et de ce qu’il avait ingéré d’autre n’avait pas l’air de faire bon ménage. Quelle heure il est ? Pas un chat dans les rues. Rien que la nuit noire et son silence sifflant, ses lampadaires comme des faucheuses et des bruits qui devenaient des êtres, à animer les hallucinations dans l’inconnu qui les submergeait. Une voix éraillée s’élance d’une fenêtre. Une voix de corbeau, une voix d'homme, une voix ennemie. « J’te retrouverai, petite tr… » Stephen couvre l’insulte de sa voix qu’il veut rassurante : « Il parle à moi, ça fait deux jours qu’il attend sa came. » Lorsqu’il retrouve un semblant d’équilibre dans les yeux vacillants de Terrence, il essaye de le redresser un peu sur ses jambes. « On n’a pas couché ensemble, non, et on va éviter que tu ne le fasses comme ça, d’accord ? Surtout avec des types… des types qui t’offrent des verres. » Il inspire profondément et réfléchit quelques secondes. Il ne se pose absolument pas la question de savoir s’il va le lâcher ici ou non — il prend toute la responsabilité de Terrence, c’est un instinct, il ne peut pas laisser les gens dans cette merde-là. C'était loin d'être la première fois. Il avait ramené des gens en piteux état qui lui inspiraient moins d'empathie que le jeune homme. « T’hab-… » Non, mauvaise idée. Peut-être que le gosse avait quelque chose chez lui. Ou peut-être qu’il avait quelqu’un qu’il ne voulait pas voir dans cet état. « Tu te sens de marcher ? J’habite pas très loin. J’ai sûrement la MDMA là-bas. Appuie-toi sur moi. » Bon, il pense pas trop à la cohérence de ses propos, d’un côté parce que Terrence pourrait se braquer s’il comprenait qu’il n’avait rien à lui fournir, et de l’autre parce qu’il culpabilisait de mentir (d'ailleurs, la distance jusqu'à chez lui pourrait s'avérer beaucoup plus longue pour Terrence...). Se servir de l’appât des pilules pour l’emmener en un endroit où il ne risquerait pas de se faire violer n’était pas très moral, mais aux grands maux les grands moyens ; il avait l’impression terrifiante que Terrence pouvait lui claquer entre les doigts, avec ses excuses bredouillées et ses mains qui cherchent la rondeur familière des jolis comprimés de bonheur. On va s'en sortir, d'accord Terrence ? Pas de cauchemar cette nuit. On va trouver le chemin. Personne t'avait vu, sinon on t'aurait sauvé, n'est-ce pas ? Il y a bien encore un peu d'espoir dans ce putain de monde. La compassion, la tristesse, les hommes et la pitié. Tout n'est pas en train de foutre le camp et de brûler, hein, dites — et tu brûleras pas aujourd'hui, Terrence, tiens bon...

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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyJeu 8 Aoû 2019 - 11:59



Burn me out... leave me on the other side


Ca tourne dans tous les sens et ça fait peur, c'est beaucoup trop d'informations, beaucoup trop d'émotions, il y a beaucoup trop de gens, la musique est trop forte et il se sent disparaitre, Terrence, devenu minuscule au milieu de tout ça, invisible, le corps en coton et l'estomac dans les talons. Il pense que c'est Caleb, le mec qui est venu lui parler, il est en presque sûr parce qu'il se souvient que la fille lui avait dit qu'il devait arriver. Mais il n'est plus certain de bien se rappeler de tout. Y avait-il vraiment eu une fille? Ou un Caleb? Il lutte pour rester dans le conscient, les yeux mi-clos, la tête qui se ressert sous l'étaux de la drogue qu'il a ingéré malgré lui et le coeur aussi frénétique qu'un troupeau de chevaux lancés au galop. Il peine à respirer, sent la nausée monter et il veut juste partir, se droguer encore et encore, trouver un corps pour le malmener et si c'était Caleb alors ça serait Caleb. Pourtant il l'avait repoussé, le mec du canapé. Pour la première fois n'avait pas cédé à sa pulsion, à son envie de s'auto-détruire mais était resté sur la passerelle, celle qu'il traversait avant en courant, sans chercher à se préserver.
De toute façon, il fonctionnait comme ça, Terry, se livrait aux autres, donnait son corps parce qu'il ne savait plus comment se faire aimer autrement, structure d'une vie bancale qu'il ne tentait plus de consolider. C'était terrible, à bien y penser, parce que ça faisait longtemps qu'il avait abandonné l'idée d'être aimé pour ce qu'il était; il ne savait même plus ce qu'il était en réalité, n'avait plus conscience de sa valeur ni de son potentiel et ne faisait que plonger dans les abysses encore et encore, mécanique bien huilé qui l'empêchait de véritablement exister. Pourtant depuis quelques mois, il y avait ce mec, ce collègue mystérieux qui faisait tout tourbillonner à l'intérieur alors qu'ils ne s'étaient échangés que des salutations de convenance. Mais étrangement, ça lui donnait un but. L'envie d'être meilleur, de lui plaire peut être? Et c'est pour lui qu'inconsciemment, il avait repoussé l'autre mec mais il ne s'en rend pas compte une seule seconde, ne réalise pas, Terrence, totalement dans le brouillard, apathique, absent, résigné. Et quand il décide finalement de partir en entrainant Caleb à sa suite, il sait qu'il va probablement finir par s'échouer chez lui, sous son corps peut être, dans ses draps, alors qu'il avait repoussé l'autre mec. Repousser l'un pour finalement céder à l'autre. Pas de logique. Plus de logique. Ca n'avait pas de sens et de toute façon à ce stade, pour Terry, la vie ne ressemblait qu'à un magma putrescent d'occasions manquées, de mauvais chemins, de décisions boiteuses et illogiques, de terreur et de dégoût. Alors ça de plus ou ça de moins... Loque en décomposition, il se laissait porter. Peut être que Caleb était gentil, après tout. Peut être que pour une fois il avait pris la bonne décision en allant avec lui. Seul l'avenir le lui dira mais pour le moment, le présent semble déjà bien trop lourd à porter pour envisager la seconde d'après.

Il ne sait plus trop comment mais il fini par se retrouver dehors à dégueuler ses tripes sur le bitume et il sent Caleb le rejoindre, être tendre, attentionné et quand il le rassure par ses paroles il relève ses yeux vitreux vers lui, Terry, touché, pas habitué à tant de bienveillance. Il essaye de sourire mais un nouveau frisson lui encercle l'estomac, sa bouche hypersalive et il est secoué d'un nouveau spasme, le corps qui se jette en avant, la main plaquée contre le mur pour ne pas se casser la gueule parce qu'il n'a plus la force de se maintenir. Rien ne sort, juste de l'air, mais c'était le coup de trop, ses genoux cognent, son dos et sa nuque lui font mal. Alors il s'essuie mollement la bouche avec le mouchoir tendu et ferme les yeux quelques secondes avant de les rouvrir, tête levée vers la fenêtre d'où braille l'autre enfoiré. « Il parle à moi, ça fait deux jours qu’il attend sa came. » Terrence reporte son attention sur Caleb les iris larmoyantes et ne comprend plus rien à ce qu'il lui raconte alors il se laisse simplement guider sans réflechir, petite poupée de chiffon qui ne sait plus où aller. « Tu te sens de marcher ? J’habite pas très loin. J’ai sûrement la MDMA là-bas. Appuie-toi sur moi. » Je crois. Il s'appuie sur lui, s'octroie le droit de se sentir bien contre sa chaleur tandis que son corps devient froid et il frissonne, les épaules secouées et les lèvres qui tremblent. Il lui dit qu'il a ce qu'il faut, carotte à laquelle Terrence s'accroche, rédemption tant espérée. Le chemin est long mais il ne remarque rien, perdu entre hier et demain, le corps fatigué, l'esprit embrumé.

Quand ils arrivent enfin chez Caleb, il a l'impression que le temps s'est arrêté, qu'il y a deux minutes encore il était assis sur un canapé dégueulasse à se faire toucher de partout, la bouche en otage et le coeur fissuré. Quand il entre chez lui il se dit que ça sent bon. Que c'est joli, propre aussi mais il ne sait pas si c'est la réalité ou juste son esprit qui lui joue des tours parce qu'il n'est plus en état de réflechir, d'analyser ou de comprendre. Il demande à son hôte de ne pas allumer la lumière parce qu'en vérité même celle du lampadaire au dehors lui brûle les yeux et il s'allonge par terre sans attendre, parce qu'il ne tient plus debout, parce qu'il n'a plus d'air, parce qu'il a soudain envie de pleurer et qu'il ne comprend pas pourquoi. Il avait sorti la drogue de son corps et le contre-coup était rude alors il se redresse doucement, s'assoit en tailleur la tete baissée, ses boucles lui cachant le visage. Il soupire, se laisse le temps, se demande si c'est une bonne idée d'être ici avant de se rappeler que Caleb était censé lui apporter de l'héro alors il relève rapidement des yeux cramés d'envie et lui demande T'as ramené ce que j'avais demandé? Tu l'as sur toi? Je tiens plus, me faut un truc. Et il réalise qu'il fait de la merde, que c'est trop demander à son corps mais il n'a pas le choix, il doit le faire, calmer la tempête et peut être même l'éteindre pour de bon. Caleb? Et il ne doute pas une seconde qu'il lui répondra oui.


Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 1:02, édité 1 fois
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyJeu 8 Aoû 2019 - 18:14


Terrence et sa bave qui a le goût de la rage de vivre et de mourir, Terrence et ses organes qui lui ordonnaient anarchiquement de les expulser, Terrence qui chancelle et titube sur le fil de la clairvoyance — même s’il penche franchement d’un côté, et pas le bon. Alors Stephen passe son bras autour de ses épaules, son autre main contre le dos du brun pour le soutenir et l’empêcher d’élire domicile dans la rue hostile qui ne demandait qu’à avaler son âme avec la facilité d’un enfant qui éclate une bulle. Ce n’est pas Terrence qu’il emmène, c’est un corps à demi-cadavérique. Il le tire, embourbé dans la vase et la boue, sur la rive froide pour ne pas qu’il se jette à la mer, la mer si bleue et si accueillante avec ses grands bras maternels et son sourire caressant — la mer qui, sous l’onde azurée, était de feu et d’angoisse, criblée de dégouts, de douleurs, de haines. Il y avait l’air, l’air sur le sable, l’air de la réalité qui claquait aux tempes ; puis la surface chatoyante de l’eau ; ensuite l’enfer des paradis artificiels et leurs brasiers glaciaux ; enfin, plus bas, le vide. Dans l’état de Terrence, on finissait par confondre l’air et le vide qu’il y avait tout en-dessous — voilà pourquoi ils le rejetaient et voulaient plonger à pleins poumons pour se noyer.
Le trajet semble interminable mais au moment de sortir ses clés, Stephen ressent un immense soulagement. Le temps qu’il referme la porte derrière lui et qu’il mette un semblant d’ordre dans le chaos qu’il avait laissé en partant, Terrence a eu le temps de s’étaler sur le sol comme la créature livide et amorphe que les substances lui faisaient croire qu’il était. Dans la noirceur, il ne peut déchiffrer le reflet tremblant dans les yeux clairs de Terrence — une perle que le garçon boirait avec une avidité de mort-vivant si Stephen lui disait qu’il s’agissait d’héroïne. « T'as ramené ce que j'avais demandé ? Tu l'as sur toi ? Je tiens plus, me faut un truc. » La rengaine de la came, toujours la même, les yeux implorants qui font mal au cœur et les veines qui supplient pour se faire empoisonner, une fois encore, en espérant que cette fois la vague laverait toutes les autres. En espérant que cette fois tout se purifierait. Autant s’injecter de la javel en perfusion. « Caleb ? » Merde, c’est vrai qu’il réagit pas assez vite au prénom temporaire qu’on lui a donné, mais ça n’est pas un détail que Terrence est en état de remarquer.

Soupirant, Stephen s’accroupit devant le jeune homme. L’obscurité ne lui permet pas de distinguer avec netteté, mais il sent bien les mouvements qui tanguent, le naufrage dans les muscles atrophiés, les yeux qui regardent ailleurs. Articulant chaque mot d’une voix qu’il veut ferme, le musicien ne quitte pas le bouclé des yeux. « Tu vas m’écouter attentivement, Terrence, d’accord ? » Il marque une courte pause, s’accrochant au prénom du malheureux pour le maintenir du côté conscient de l’univers, pas le laisser sombrer tout à fait dans le monde des symboles et des lumières factices où il n’aurait plus de nom, plus d’accroche, plus un fil pour espérer retrouver son chemin. Pas d’Ariane pour l’empêcher de se faire bouffer par le Minotaure qu’il confortait en son cœur — lui-même… « Le type là-bas t’a déjà donné quelque chose. Dans les verres. Si je te donne quoi que ce soit, je ne sais pas comment tu vas réagir. T’as pas envie d’overdoser, Terrence. Parce qu’alors tu ne vas plus rien sentir du tout. » Et peut-être plus jamais, qu’il a envie d’ajouter, mais il ne veut pas que l’éventualité de la mort n’allume une braise de paranoïa chez le jeune homme. Il ne pouvait pas lui avouer qu’il aurait beau se démener comme un damné, écumer les placards, chercher sous le lit et derrière chaque objet, rien ici ne pourrait satisfaire son envie meurtrière. Pas même une goutte d’alcool. « Tu vas devoir sérieusement redescendre. » L’autorité éviterait peut-être que Terrence ne lui saute à la gorge. Après tout, il était Caleb, et Terrence dépendait de Caleb. Caleb — euh, Stephen se relève, un peu sur ses gardes, et fait quelques pas pour remplir un verre d’eau fraiche et y laisser tomber une pastille rose pour la toux. Il revient à Terrence et lui tend le verre. « C’est pas ce que tu veux, mais ça va te faire du bien. » Mensonge, mensonge, mensonge. Il n’avait pas le choix : il n’avait rien d’adapté pour Terrence, et il ne pouvait même pas lui donner un antalgique de peur que le médicament ne réagisse mal avec ce qu’il avait déjà ingéré (et l’alcool était déjà un élément de trop dans l’équation pour qu’il prenne ce risque). Alors il tentait le bluff et l’effet placebo ; réhydrater le bougre en espérant que son cerveau était assez en roue libre pour lui faire croire que l’inoffensive pastille éclipserait ne serait-ce qu’un peu la nausée. « En attendant, reste pas sur le plancher, tu veux, Terrence ? » Il l’agrippe sous les bras pour le soulever — il pesait pas bien lourd — et l’obliger tant bien que mal à échouer son corps sur le canapé. « T’as le ventre vide et t’as bu, c’est pour ça que tu te sens pas bien, d’accord ? » Détourner du vrai problème, désamorcer la bombe, éviter qu’il ne vrille complètement. Il se sentait comme un négociateur de crise. Sauf qu’il n’avait pas une équipe du RAID derrière lui, et sa voix pour seule arme. « Tu vas tenir, bien sûr que tu vas tenir, pas vrai ? » lance-t-il derrière son épaule en versant pêle-mêle des biscuits apéritifs et des chips dans un bol (croyez-le ou non, il n’avait aucun plat préparé gastronomique de prévu, et il doutait qu’un yaourt soit la meilleure chose pour l’estomac retourné du bouclé). Et il lui tend ça. Même s’il est peu probable que le sens du goût de Terrence soit intact. Il ne faut pas qu’il ait trop de place pour réfléchir et se rendre compte de la supercherie ; dès que ce serait le cas, la brûlure reviendrait, féroce, dans son ventre et dans ses tripes, prête à tout dévorer, à lui faire commettre des actes dangereux. Stephen se sent atrocement impuissant, et la peine qu’il ressent face à ce spectacle n’est pas celle d’un dealer face à son client. Client de quoi ? D’un abri, d’un refuge, d’une main tendue ? Non, Terrence ne quémandait pas ça, Terrence voulait de la violence à en vomir et des émotions boulimiques, il voulait un surin qui suive le tracé de ses veines et l’ouvre en deux pour qu’on le bourre de plumes et de bonheur et d’hélium et de poudre brune et qu’il s’envole peut-être enfin, enfin — enfin Terrence au-dessus des nuages, éparpillé en molécules qui suivraient d’un œil terne, l’apocalypse en dessous, celle de son corps menaçant de claquer une bonne fois pour toutes. Et recousez-moi quand je serai mort...

Sa voix se brise un peu quand il reprend la parole et casser l’inertie, mais il essaye de le camoufler : « J’ai des cigarettes, si tu veux. Dis, Terrence, pourquoi tu t’es laissé approcher par ce mec ? » Lui parler pour ne pas rompre la communication. Briquet et clopes sur la table basse. Et la pensée de ce qui serait arrivé lui gonfle le cœur de chagrin pour ce morceau d’humain à la dérive. Le plus important n’était même pas d’isoler Terrence de ceux qui pouvaient lui faire du mal ; le plus important était de l’empêcher de se prendre les pieds dans lui-même et de se déchirer complètement.

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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyVen 16 Aoû 2019 - 0:00



Burn me out... leave me on the other side


Il sent que quelque chose ne va pas, vertige indolent, il a le coeur qui pulse. Il a peur de ce qui peut se passer ou ne pas se passer justement, encore un peu drogué, Terry, mais pas idiot. Il sent que ça cloche, que ça lui échappe, flaque d'eau entre ses doigts, que c'est pas du tout ce qui était prévu et ça dérape, il perd pied, tout fout le camps. Il le comprend quand Caleb se place en face de lui sans lui répondre. Il le comprend parce que normalement, il aurait déjà dû le formuler, ce "oui j'ai ce qu'il te faut" et les tempes qui percutent la peau et le crâne parce qu'il ne veut pas admettre qu'il est foutu. Pris au piège, animal effrayé devant les phares de la bagnole qui fonce droit sur lui. C'est une danse frénétique qui s'amuse avec ses côtes il n'arrive plus à maitriser quoi que ce soit, le souffle retenu et les yeux humides qui se relèvent immédiatement vers le visage de l'inconnu.

« Tu vas m’écouter attentivement, Terrence, d’accord ? » Cette phrase-là est le début de la chute. Il le sent, le sol qui se dérobe morceau par morceau, s'effrite comme on casserait de la craie. Pourquoi Caleb s'adresse à lui comme s'il avait six ans? Pourquoi il lui demande de l'écouter attentivement si ce n'est pas pour lui dire quelque chose d'important, quelque chose qui n'allait pas lui plaire? Il avait quoi à dire de plus crucial que "oui, attends, je te donne ta dose" ? Il panique un peu, Terry, quand il l'entend, parce qu'il refuse de s'être trompé. De toute façon désormais il ne pouvait plus faire grande chose d'autre qu'écouter alors il s'accroche à ses yeux clairs qu'il distingue dans la pénombre, observe avec tout le sérieux du monde ses mèches folles tomber devant son front et il a l'envie impérieuse d'aller d'un coup les replacer, pour faire quelque chose, pour l'empêcher de poursuivre, pour effacer les mots qu'il s'apprêtait à prononcer. Mais il est tétanisé sur place, Terry, le corps qui tremble et des vagues d'emotions trop intenses qui lui traversent le ventre. Il n'a pas bougé, pas remis ses mèches en place comme il voulait le faire et c'est à cause de ça, il en est persuadé (l'esprit un peu ailleurs à cause de la drogue) que Caleb continue de parler. Il parle et c'est la douche froide, ca fait mal et il refuse d'entendre ça, Terrence. Pourquoi il parle, Caleb, pourquoi il parle? Pourquoi il ne se contente pas de faire son job et de lui filer sa putain de dose. La chaleur du déséquilibre montre s'incruster sur ses joues creusées et il n'arrive pas à calmer son coeur. Ca bat trop vite. Il panique. « Tu vas devoir sérieusement redescendre. » Non. Non il ne veut pas redescendre. Redescendre pour quoi? Pour subir la vie? Pour qu'elle vienne lui marteler la gueule encore et encore avec ses sabots cloutés ? Qu'elle le détruise alors qu'il avait la possibilité de se saboter lui-même? Non. Il avait envie de le hurler mais il ne dit rien, reste là, le corps qui tremble plus fort et les yeux qui ne quittent pas les siens. Il va devoir redescendre, mais redescendre jusqu'où? Jusqu'aux enfers? Il n'a rien compris, Caleb. Et surtout, il n'a pas compris que c'est un peu ce qu'il recherche finalement, Terry, frôler les extrêmes, valser au dessus du vide comme un danseur inconscient, tourner sur la roue en fermant fort les yeux pendant qu'on y lance des couteaux, lécher les flammes en attendant la brûlure, gratter la peau avec la lame en attendant la coupure, tirer sur le tissu jusqu'à la déchirure. Il cherche ça comme on lancerait du sel sur des plaies putréfiées pour tenter de les guérir, comme on chercherait l'issue d'un labyrinthe en sachant très bien qu'il mène au vide mais il a désespérément besoin d'un but, même illusoire, d'une sortie de secours, d'une option ultime à toute cette souffrance. Et ce n'est pas comme ça qu'il la trouvera. Pas ici, il commence à comprendre.

Il ne dit rien, l'observe se lever et revenir avec un verre en lui expliquant que ça allait lui faire du bien. Du bien? Mais il n'est pas en état de comprendre ça, Terry. Le bien il ne connait plus, ça fait trop longtemps qu'il a pris ses bagages et s'est barré, le bien. S'il n'avait pas été drogué jusqu'à ne plus savoir marcher, il aurait accepté gentiment le breuvage, se serait excusé de la gêne occasionnée et serait reparti discrètement. Mais à cet instant précis il n'est plus lui même, les émotions décuplées, les bonnes comme les mauvaises, les sensations oppressantes et omniprésentes qui lui transpercent le corps comme des lances acérées. Ca le bouffe, ca devient trop fort, trop grand, ca gonfle dans les poumons et ça l'empêche de respirer. Il voudrait exploser. Mais il prend le verre, puis soudain ça s'enchaine et il se laisse faire, petite poupée de chiffon désarticulée, se retrouve le cul sur le canapé, observe tout ça comme s'il n'était pas là, absent, vide, résigné. Il déglutit puis finalement boit une gorgée pour hydrater ses lèvres et sa gorge sèche et au moment ou le liquide coule dans sa gorge il réalise clairement que ce n'est que de la flotte avec une pastille quelconque dedans. Et il ne lui faut que quelques secondes pour traverser plusieurs stades, de la colère à la tristesse, de l'envie de rire aux éclats à hurler de douleur. Le front qui transpire, signe de manque, il frissonne de partout, l'eau du verre qui s'agite doucement entre ses mains. Il lui file de quoi manger mais il ne peut rien avaler, Terry, aurait plutôt envie de vomir, l'estomac au bord des lèvres, aurait envie de se barrer d'ici pour trouver un truc à s'enfiler dans le nez ou dans le sang, n'importe quoi pour aller mieux. Il regarde le bol de chips et ne réagit pas mais il sent monter un truc en lui qui ne lui plait pas, l'envie d'envoyer le verre valser au travers de la pièce et de hurler jusqu'à s'en éclater les cordes vocales. Il ne demande pas grand chose, Terry, pas grand chose et il se balance d'avant en arrière, la respiration saccadée, les paupières mi-closes, l'impression de s'être perdu dans un endroit duquel il ne saurait jamais revenir. Il l'entend lui proposer une cigarette comme pour étaler de la pommade avant de poser la question qui fait mal et il sent ses narines se gonfler d'un souffle nerveux. Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi. Il n'avait pas de réponse, il voulait juste qu'on lui offre une solution éphémère, rapide, quelque chose de doux et de fort qui l'aiderait là, maintenant. Ses yeux vides se perdent sur le briquet et les clopes et il n'attend pas. D'un geste nerveux il claque le verre sur la table basse et s'empare d'une cigarette les mains tremblantes, l'allume avant de se lever et de se mettre à fouiller partout. D'un coup, comme ça. Parce qu'il se dit qu'il ment, l'autre. Qu'il ne veut pas lui donner sa came, alors il cherche lui-même et les idées se connectent bizarrement dans sa tête. Il cherche à comprendre ce qu'il veut, pourquoi il le torture comme ça et il pleure, Terry, tandis qu'il fouille et retourne tout. Tout. Caleb j'ten prie arrête tes conneries, donne moi un truc ca va pas là. Ca va pas. Il cherche dans les placards, déverse tout par terre dans un fracas infernal, regarde sous l'oreiller, sous le lit, sous le tapis, dans les tiroirs qu'il renverse, dans les plis du canapé, partout partout, les mains fébriles, le corps qui flanche, la peau moite. PUTAIN CALEB ARRETE TES CONNERIES ET DONNE MOI MA PUTAIN DE CAME ! et il hurle avec l'énergie du desespoir parce qu'il est perdu, apeuré, qu'il souffre et il a ce besoin impérieux qu'on le soulage rapidement. Il sort son fric de sa poche mais il grelotte trop -le manque qui gagne du terrain- et les billets qui tombent par terre. Terry qui se laisser glisser mollement, genoux au sol, pour ramasser. fait chier.. Il respire vite, trop vite, renifle, la tête tourne et il perd pied. Ca ne va pas. Il faut qu'il se calme, il le sait, mais les crises de manque c'est compliqué et il n'a jamais eu a les gérer. Caleb ca va vraiment pas j'déconne pas. Tu peux pas me faire ça, pourquoi tu me fais ça? Tu veux me baiser en échange c'est ça? Tu veux me baiser? Fais le si tu veux mais après, j't'en prie après. D'abord donne moi ce que tu veux mais pas un putain de doliprane dans un verre d'eau. J'vais crever là. Il halète et se relève difficilement. Tout tangue, la pièce tourne sur elle même et il a des picotement dans le cerveau. Il tremble si fort qu'il sent ses dents claquer. Sa vision se réduit. Mais il lui avait mis quoi dans son verre l'autre enfoiré à cette soirée pour que la chute soit si brutale? Il se traine difficilement jusqu'au canapé et tente de boire mais il renverse le verre sur lui, partout, pathétique petite chose qui ne maitrise plus rien, les forces qui s'envolent. Et puis d'un coup, ça lui claque dans la gueule et il tourne la tête vers l'inconnu, les yeux exorbités. T'es pas Caleb.. Et c'est une constatation. Pas une question. Il ressert ses bras autour de son buste et tout en tremblant, il l'observe. Tu veux quoi de moi, hm? Pourquoi tu m'as amené ici. Tu veux que je crève? Tu sais qu'un drogué peut mourir si on essaye de le sevrer comme ca? Il sort alors son téléphone Terry, envoie un sms à un dealer qu'il connait mais s'arrête en plein milieu, les doigts qui tremblent trop alors il plaque le téléphone contre le torse de celui qu'il pensait être Caleb encore quelques minutes plus tôt et lui lance, la voix faussement assurée, les dents qui claquent. Ecris pour moi s'il te plait. Ecris ton adresse et dis que t'en veux pour 400 dollars dans cinq minutes. Il est conscient qu'il peut crever là, Terry, parce qu'on parle pas d'un gosse qui s'essaye à la drogue et qu'on tente de "sevrer". On parle d'un camé qui se drogue depuis quinze longues années et dont le corps a pris des habitudes. son coeur pourrait lâcher et il se rend compte là, tout de suite, qu'il a peut être pas envie que tout s'arrête aujourd'hui. Il lance un regard suppliant à l'inconnu et il ne sait plus quoi faire, alors il utilise ce qu'il sait, ce qu'il connait, ce qui a toujours tristement fonctionné. Après on pourra faire l'amour si tu veux, autant de fois que ça te plaira, mais je t'en prie, je t'en supplie... Envoie ce message. Il a peur, Terrence, parce qu'il se trouve avec un inconnu qui ment, qui l'a emmené dans un endroit qu'il ne connait pas et il se sent pris au piège. Alors il déploie ses dernière stratégies, le coeur au bord de l'implosion et l'esprit qui s'évade déjà trop loin.


Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 1:04, édité 1 fois
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptySam 17 Aoû 2019 - 0:48


Il la voit, la panique qui se dessine sur les traits du brun, l’horreur qui succède à la complaisance, les gestes qui s’emballent et les mots qui s’emmêlent. Il y a eu un déclic. Terrence est descendu quatre crans plus bas. Le fil qui le retient encore est en train de brûler doucereusement. Il brûle si bien et Terrence a si mal que Stephen a l’impression de l’avoir dans ses os, la détresse dégueulasse des yeux pâlots et l’aridité d’une voix hors d’elle-même, une voix qui sort de Terrence mais sonne d’autre part, du mur peut-être, du piano, d’un monde où le compositeur ne pourrait bientôt plus le rejoindre. Si tant est qu’on l’écoutait encore… ! Terrence Terrence Terrence. Ne te laisse pas tomber. Je ne sais pas si je peux nous porter tous les deux sur l’autre rive. Pas si dans cet univers embrasé où j’ai mis un pied pour essayer de te sauver, tu décides d’alourdir la gravité pour qu’elle nous écrase totalement et que le courant finisse par avoir raison de toi. Terrence découpé en petits morceaux pour qu’il se dissolve mieux dans l’acide. Terrence disparu. Terrence qui n’est que de la boue, qui n’est qu’un peu d’eau sur le chemin, qui n’a peut-être jamais existé. Merde, merde, qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Un goût métallique se répand dans sa bouche. Il relâche sa mâchoire sans avoir le souvenir de s’être mordu si fort la joue, et il n’a aucune sensation de douleur.

Et quand Terrence se met à hurler, Stephen doit bloquer complètement son esprit pour s’empêcher d’entendre, parce que les cris ont un effet différent sur lui et qu’il doit se faire violence pour rester de marbre. Il se crispe imperceptiblement, laisse passer la tornade, le sent qui bouge, qui soulève chaque meuble dans l’espoir d’y trouver quelque chose. Il n’y a rien chez Stephen. Absolument rien d’autre que des cigarettes. Il se saisit compulsivement d’une, l’allume avec précipitation et commence lui aussi à enfumer l’appartement, parce qu’il ne supporte pas les voix qui haussent le ton, dirigées directement vers lui. Inspire. Expire. L’odeur familière du tabac qui lui permet de faire quelque chose de ses mains, de camoufler sa nervosité grandissante. « Tu veux quoi de moi, hm ? Pourquoi tu m'as amené ici. Tu veux que je crève ? Tu sais qu'un drogué peut mourir si on essaye de le sevrer comme ça ? » Chantage d’enflure, chantage de camé, la plus célèbre rengaine de ceux qui expérimentent le manque. T’auras ma mort sur la conscience. Les mots qu’il lui glissait en filigrane, billet doux taché de sang. Bons baisers de l’enfer. Je t’enverrai une carte. Stephen accuse le coup, commence à douter de sa capacité à gérer une situation qui est en train de déraper. Les paroles de Terrence l’assomment, la toile de manipulation qu’il met en place pour piéger sa conscience fonctionne à merveille. Mais t’es pas une clope, Terrence. Voilà la phrase stupide qu’il se répète pour s’empêcher de trop réfléchir. Machinalement, il passe à une deuxième cigarette. C’est totalement instinctif, il ne s’en souvient déjà plus et il se sent bizarrement coupable de la fumer, comme si chaque bouffée emportait un peu de Terrence avec lui.
Il se sent tellement mal et il y a tellement de choses qu'il aimerait lui dire pour lui faire comprendre qu'il ne le connait que depuis une heure, mais que son existence a pris une importance démesurée, qu'elle est tout ce qui importe en cet instant. Stephen, il se jetterait sous un train pour moins que ça. Mais est impuissant. La clope le garde dans le bon monde. Elle est salée et douloureuse, lui serre la gorge et les sentiments, part mais laisse un goût amer. En fait, il fume comme on pleure.
Troisième cigarette.

« Ecris pour moi s'il te plait. Ecris ton adresse et dit que t'en veut pour 400 dollars dans cinq minutes. » Stephen se regarde agripper le téléphone sans quitter Terrence des yeux. Il n’a pas envie de remonter dans les messages, il sait ce qu’il y trouvera. Ses doigts serrent l’objet comme si c’était à ce simple contact que tenait le pouls du jeune homme en manque. Ou comme si en le brisant il pouvait remonter le temps jusqu’à une époque où Terrence n’aurait pas autant de souffrance à porter sur son dos. Fracasser les lois de l’univers. Trouver une justice, enfin, qui épargnerait les hommes. Mais il n’y que lui… et lui s’appelle hésitation, s’appelle empirer les choses, s’appelle casser ce qu’il touche. Il n’a pas de maladie de cœur, Stephen, mais il a la bosse de la compassion qui déchire ses poumons, c’est pour ça que l’air le fuit et que ses actions sifflent, du vent pour bouger des pierres, des larmes pour éroder les montagnes. La bosse de la compassion, le creux de l’indécision. Entre lui et ses choix, un gouffre d’intentions manquées, d’adieux à rebours et d’empathie inexprimable. « Après on pourra faire l'amour si tu veux, autant de fois que ça te plaira, mais je t'en prie, je t'en supplie... Envoie ce message. » Le cœur qui manque un battement, les paumes moites, un frisson qui serpente sur son échine. Cette phrase lui glace le peu de sang qui circulait encore dans son corps. Il se sent complètement dépassé par la situation, dépassé de constater à quel point Terrence était littéralement abruti au point de réellement penser qu’il avait un intérêt quelconque à le récupérer au bord de la route. Comme si tout avait vraiment foutu le camp dans le monde. Comme si ça n’était pas possible, qu’il lui veuille du bien. Et il est là, à la croisée des chemins, l’objet du crime en main, engoncé jusqu’au cou dans des enjeux qui le dépassaient et dont il s’était pourtant spontanément porté garant. Mais c’était tout ce qu’il savait faire, après tout : donner tout ce qu’il avait et même plus, quitte à contracter des dettes qui ne se réglaient pas en une signature sur un chèque. Des dettes humaines. Je suis pas l'autre connard, Terrence... et pourquoi ça devrait être normal que tu te laisses à des salauds parce que tu as oublié ce que ça fait d'avoir un corps à soi ?
Le pire, c’est que Stephen aurait pu céder tant il était convaincant dans son délire, tant son âme se gorgeait d’une pitié infinie pour l’être qui l’implorait de le soulager d’une douleur tellement présente qu’elle semblait plus réelle que les contours de l’appartement saccagé. Si ses doigts ne tremblaient pas (encore) comme ceux de Terrence, en son for intérieur, en revanche, tout était sous l’emprise d’une secousse spasmique, de celles qui vous retournent les tripes et toutes les convictions morales avec. Pas de bon choix possible. Il se sent craquer, il se sent tomber, et puis il ne se sent même plus…

Quand sa voix retentit de nouveau au milieu de l’appartement dévasté, elle l’étonne lui-même. « Ah ouais ? » qu’il souffle, le regard habité par une triste ironie.
Mais putain, Terrence, ressuscite… ! Ouvre les yeux ! Je t’en supplie, montre-moi que tu sais que t’es plus qu’un bout de chair à vif quémandant sa morphine… !
Et il reprend, étrangement calme, placide, comme si tout ce qui était en train de se dérouler n’avait aucune influence sur lui ; sa manière de supporter les collisions dévastatrices qui se faisaient entre son désir illimité d’aider Terrence et la peur panique que quelque chose d’horrible ne se passe. Les mots qui tombent comme des gouttes, chronologiques, morbides, impalpables — contrairement à la sueur froide qui glisse sur son cou. « T’as de comptes à rendre à personne, hein Terrence ? Tu t’en contrefous de mourir. Tu te dis que tes conneries, elles font de mal à personne sauf à toi. » Il ne le remarque pas, mais les doigts qui serrent sa cigarette sont agitées d’un tic. « Si t’accordes si peu d’importance à ta vie, je vois pas ce que ça change que tu meures maintenant ou dans deux heures, une fois que ton meilleur ami sera passé. » La cendre tombe sur le plancher. Elle luit un peu, puis s’éteint. Et il n’en faudrait pas plus pour qu’autre chose s’éteigne ce soir. Non. Comment ça, non ? Non. Non, non, non… Putains d’humains. « Je sais pas à quoi t’essaies d’échapper, Terrence, mais dans cette pièce il n’y a qu’une personne qui pense que tu mérites d’être dans cet état, et ça n’est pas moi. Tu veux acheter quoi en me proposant ton corps ? Ta came, ou un peu d’affection pour te prouver que tu pourrais pas l’obtenir autrement ? » Il aimerait mettre une teinte accusatrice dans son ton, mais ne parvient qu’à une sorte de lassitude mêlée de dépit. Terrence, ne m'en veux pas, je suis tellement, tellement, tellement... « Dans ton état, ça s’appelle pas faire l’amour, ça s’appelle un viol. Si toi tu t’en fous, moi je m’en fous pas. J’aimerais bien que tu vives, Terrence, que t’aies pas besoin de te seringuer devant moi pour supporter. Et je suis désolé, d’accord, désolé pour toutes les personnes qui sont responsables de ça. Je suis désolé. » Il marque une pause, mais pas assez longue pour qu’il réplique (ou lui saute à la gorge…). « Aujourd’hui t’as pas d’excuse. Moi je m’en fous pas que tu te pourrisses le corps. Ça me fait mal, ça me fait mal, et ça fera jamais mal à Caleb. Et donc je fais quoi ? Moi aussi je vais prendre une seringue pour oublier que j’ai laissé un type se foutre en l’air sous mes yeux ? »

Il garde le téléphone serré dans sa main, regarde fixement Terrence, s’adosse au mur de façon à empêcher le jeune homme de pouvoir s’enfuir vers la porte et rejette avec lenteur la fumée de sa cigarette. « J’envoie pas. Je te laisse mourir. Peut-être bien que je n’ai pas le droit de t’ôter cette liberté, après tout. » Sauf que t’es pas libre, Terrence. T’es pas libre… « Mais va falloir que t’aies le cran de me tuer avant, parce que je me le pardonnerai jamais, d’avoir pas su trouver les mots pour te sauver. »
Il secoue la tête comme s’il ne venait pas d’encourager Terrence à se saisir d’un couteau de cuisine pour le planter. Tranquillité trompeuse. Mon nom c’est Stephen, et j’avais envie de me tirer une balle à chaque fois que tu m’appelais Caleb. Mais il a la bouche sèche, comme le feu qui crépite à la porte, prêt à embras(s)er Terrence comme une misérable clope et à ne plus le lâcher, ses lèvres avides de guérison et de maladie plaquées sur celles, froides, de la mort.
Quatrième cigarette.
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptySam 17 Aoû 2019 - 23:29



Burn me out... leave me on the other side


Et ça tourne, tourne, tourne, manège infernal sur lequel il est coincé, cage fermée dans laquelle il est piégé, Terry, noyé dans l'eau d'une machine à laver lancée à pleine puissance, incapable de respirer, de discerner le danger si seulement il y en a, pas foutu d'interpréter ce qu'il essaye pourtant de comprendre, pas foutu de se battre pour confirmer ses peurs et les affronter. Mais il ne peut pas, n'est pas dans son état normal, pris au piège dans sa tête aussi, dans ses tripes, dans son coeur. Parce que c'est pas un champion, Terrence et il n'a pas gagné le combat, il l'a perdu d'avance. Il le sent, c'est aussi limpide qu'une rivière en plein été; il a perdu. Il aimerait se relever de terre, les genoux écorchés, en sang mais qui tiennent encore le coup, froncer les sourcils serrer les poings et lui dire qu'il n'a pas le choix, Caleb, qu'il va devoir l'envoyer ce putain de message mais il n'y arrive pas, réduit à l'état de cendres qu'un simple coup de vent pourrait envoyer valser dans l'univers, la volonté de l'affronter proche de zéro. C'est ça qu'il est, Terrence, des parcelles de lui en train de s'évaporer et il a beau lutter, lutter et lutter encore il ne comprend pas comment il pourrait tout rassembler sans oublier des morceaux sur le côté. Peut être qu'il n'a pas envie de se battre en vérité, peut être parce qu'à bout de forces, il a cruellement besoin que quelqu'un le fasse pour lui, que quelqu'un le serre fort pour lui éviter d'être balayé dans un souffle. Il panique, fouille l'appartement, retourne tout, répand le chaos, c'est frénétique et pulsionnel parce que son corps entier réclame un peu de repos, mais il ne trouve rien rien rien et ça le rend fou, ca le fait sortir de ses gonds, le palpitant qui bat si fort qu'il pourrait sortir de son thorax et aller s'écraser contre le mur. Il hurle, transpire, tremble, les yeux fatigués et le corps paralysé. Et Caleb qui ne réagit pas, immobile, stoïque, indifférent. Surement.

Il s'était improvisé héros, "Caleb", mais ce n'est pas un héros d'acier ou de béton. C'est un héros de carton, en papier mouillé, un héros qui n'assume pas la situation alors que Terry ne lui avait pourtant rien demandé. Rien. Et il se met à penser que c'est injuste de lui imposer ça alors qu'il ne le connait pas, injuste de le séquestrer d'une certaine manière en essayant de le sauver, justicier fébrile et malhabile qui essayait comme il pouvait de trouver un moyen d'aider Terrence à garder la tête hors de l'eau sans se rendre compte qu'il l'y enfonçait. Tout ça, c'était peine perdue, il devait le savoir; Terry, il est foutu. L'aider aujourd'hui, et il recommencera demain. Le manque est trop grand, trop puissant et sans attendre une autorisation il prend le contrôle, s'insinue partout, prend possession de son âme, prend toute la place et glisse dans les veines. C'est lui qui parle désormais. C'est lui commande. Et il était capable de faire dire les pires saloperies au plus gentil des hommes.  

Et bien sûr que le cerveau a enclenché le mode survie ! Bien sûr qu'il use de stratagèmes pour éviter de crever, poussin inconscient qui se débat pourtant dans la broyeuse. Bien sûr qu'il lance ses dernières flèches, ses dernières bombes, tous crocs en avant, sur l'offensive. Du coup, il ne sait pas ce qu'il est en train de faire, Terry. Il ne sait pas et il ne le saura probablement jamais parce qu'il va surement s'effondrer au sol et ne va pas se relever, il pense. Ça pulse pulse pulse contre ses côtes, ça défonce tout, le vertige est trop grand et le gouffre au dessous trop profond. Il a peur. Il a peur. Son corps l'abandonne, entre la glace et l'enfer, il a envie de hurler et de pleurer sans retenue.

Il comprend qu'il est en état de manque, que l'héro qu'il s'est enfilé sous la peau il y a dix heures a épuisé tous ses effets et que son corps désormais réclame. Il pouvait gérer ça en temps normal, lutter doucement en prenant du subutex ou de la methadone, mais la merde que l'autre connard lui avait filé dans son verre doublait l'enjeu. C'était insupportable. Son coeur tachycarde, son cerveau est à l'agonie, ses reins font mal, son estomac se tord. Il ne comprend pas, Caleb, ce qui se passe dans le corps de Terry à cet instant parce que même lui l'ignore. S'il n'y avait eu que ces verres d'alcool remplis de kétamine, ca aurait pu aller. C'est sur que ça aurait pu aller. Mais il avait pris de l'héroine quelques heures avant la soirée, Terry, et le cocktail des trois était un des pires. Alcool, hero, keta. Il était sérieux quand il disait qu'il pouvait mourir finalement. Alors il attend, sent sa gorge qui brûle, les émotions qui ne trouvent plus rien pour se maintenir en équilibre. Et il est là, assis à côté de ce mec qu'il ne connait pas, le corps qui se décompose et les yeux qui ne parviennent plus à se fixer. Il veut qu'il envoie un sms. C'est simple. C'est facile. Quelques mots à rédiger et il pourrait enfin respirer. Et quand Stephen lui lance un « Ah ouais ? » qu'il sent résonner contre ses os, il sursaute, Terry, effrayé sans savoir vraiment pourquoi parce qu'elle est calme ensuite, la voix de Stephen quand il lui parle. Elle est calme quand elle énonce des vérités qu'il ne veut pas entendre. Il se trompe sur beaucoup de choses mais il a raison quand il dit qu'il n'a de compte à rendre à personne, a raison quand il dit qu'il essaye d'échapper à quelque chose et qu'il ne mérite pas de se foutre dans cet état. Il a raison quand il parle de viol et il l'écoute sans vraiment retenir, Terry, abasourdi par ce qu'il entend, les mots qui le traversent et le percutent sans laisser d'empreinte. Il est hors service, l'âme en perdition et les pensées qui refusent de se mobiliser. Il perd pied. Il a envie de crier et c'est ce qu'il fait, encore, quand il voit que Stephen le bloque. Il le bloque ici, l'enferme, lui cache la porte et il panique Terrence, petit oiseau pris au piège des griffes du méchant chat. Il va lui arriver quoi? ARRETE !! ARRETE TU FAIS QUOI PUTAIN ARRETE !!! La drogue, les mélanges, c'est compliqué à gérer. Il manque d'air, inspire lourdement, trachée écrasée par le poids de l'instant et poumons en fusion. Il crie parce qu'il a peur, qu'il est perdu, qu'il cherche une solution mais ne se souvient déjà plus du problème. C'est lui-même le problème, non? T'AS TORD, J'VEUX PAS MOURIR !! Il s'approche le pas trébuchant, les mains qui viennent frapper mollement le torse de l'inconnu et les larmes qui commencent à perle sur ses joues sans qu'il ne puisse les retenir. Le dos de Stephen claque contre la porte et Terry continue, frappe frappe frappe avec ses petits poings qui n'ont plus la force et qui ne font même pas mal. Je t'en prie.. envoie ce message. Je t'en prie. Pourquoi tu veux pas.. Pourquoi tu fais ça. J'ai mal. Et il souffre, c'est tout son corps qui hurle avec lui, le manque qui lui dévore chaque centimètre carré de peau, de muscle, d'os. Il tremble et il a peur, l'air qui ne rentre plus et la tête qui compresse trop fort. Il s'accroche aux épaules de Stephen parce qu'il a l'impression d'avoir tourné trop vite sur lui même, cale son nez contre son cou et respire avec difficulté. Il s'accroche à lui avec l'énergie du désespoir et il pleure pleure pleure tout ce qu'il peut, les sanglots non contenus et le front humide qui s'éclate contre son épaule. Pourquoi tu fais ça, pourquoi tu veux m'aider...? Je veux pas mourir tu sais, t'as tord, mais je mérite que ça je crois. Je manquerais à personne, on le remarquerait même pas, que j'suis plus là. J'suis rien tu sais, j'suis rien du tout, moi. Il pleure, les mots qui se perdent dans un souffle et les doigts qui s'agrippent contre ses vêtements de peur de se casser la gueule par terre, de s'évaporer. Il pense chaque mot, et c'est surement ça le plus triste. Les mecs se foutent entre mes jambes sans même remarquer que je pleure, que j'aime pas ça, que ça me fait peur, que ça me fait mal. Mais j'ai l'impression de mériter que ça. Avoir mal, peut être que c'est juste une punition. Il avait passé sa vie à se punir, à se faire punir, le cuir de la ceinture qu'on claque contre sa peau d'enfant et les mots horribles qu'on lui martele à longueur de temps. Il a grandit comme ça, à croire que le monde tournait dans ce sens et qu'il n'y avait rien d'autre si l'on inversait la rotation. Il inspire, les lèvres sèches qui tremblent fort, les dents qui claquent et sa main, fébrile, qui vient prendre la cigarette de Stephen avant de tirer dessus en saccade, les sanglots qui lui agitent les épaules. Mais ils m'aiment un peu quand ils font ça, et j'existe pendant quelques minutes. Et toi tu veux pas de moi ça veut dire que je suis vraiment nul. T'as même pas envie de moi alors que c'est tout ce que je sais faire, tout ce qu'on peut aimer chez moi. Si tu veux pas de moi ca veut dire que j'vaux rien. Il tangue mais recule, le regard vide et triste et ses yeux verts qui viennent se planter dans ceux de l'inconnu. Il a le visage de quelqu'un qui a passé sa vie à se déprécier, à se détester, à croire les paroles d'un père abusif qui lui disait sans cesse de se la fermer, qu'il n'était pas assez. A penser qu'il ne valait rien de plus qu'un peu de sexe offert contre un bout de matelas, un coin de mur ou sur le siège arrière d'une vieille bagnole. Comment on fonctionne autrement? comment on fait pour se faire aimer autrement? Il voudrait tant y arrive mais ne sait pas, Terry, toujours celui qu'on a utilisé bien avant qu'il se décide à le faire volontairement. Il soupire parce qu'il a mal, les dents serrées, le visage crispé, les bras qui se rassemblent devant le torse et il gémit de douleur, se tord soudain en deux, le ventre qui fait mal. Et il dégueule sur le parquet en tombant à genoux parce qu'il ne tient plus debout, la main qui cherche avec désespoir une autre main qui saurait trouver la sienne pour le rassurer. Il ne demande rien d'autre qu'un peu de soutien, pas un coup de pied au cul, pas qu'on l'accule contre un mur alors qu'il n'a plus la force de lutter. Mais de la tendresse, il pourrait mourir pour un peu de tendresse. Les coups, il en avait déjà eu assez.

Rien n'est sorti de sa bouche. Que de l'air. Parce qu'il n'est fait que de ça finalement. Il essuie sa bouche, tente de se relever mais ça ne va pas, alors il s'allonge au sol, recroquevillé sur lui-même, les spasmes qui l'agitent et la voix qui s'éteint. Serre-moi s'il te plait. Serre-moi ou envoie ce putain de message. Serre-moi jusqu'à ce que ça passe. Me laisse pas crever. J'veux pas crever. J'ai peur. Et froid. Et chaud. Et mal. Mal au coeur, mal au corps, mal à l'âme. Terriblement. Peut être qu'il pourra être le héros d'une nuit, Stephen, peut être qu'il comprendra qu'il n'a rien d'autre à faire pour le sauver que de le prendre dans ses bras et de le rassurer, finalement. Peut être..


Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 1:06, édité 4 fois
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyLun 19 Aoû 2019 - 1:17


Mais putain, Stephen, tu fais n’importe quoi.
C’est bien beau de tendre plus de mains que tu n'en as et de vouloir sauver toute la terre et toute la souffrance et de t’ouvrir les veines pour les autres faute de trouver une utilité à ton propre sang. Il devrait cependant s’en tenir aux sages promesses qu’il se faisait à chaque fois de ne pas s’impliquer dans des évènements qui le dépassaient et lui conféraient un pouvoir destructeur sur les êtres dont il prenait idiotement la responsabilité.
Il commence à regretter chaque mot sorti de sa bouche, à sentir leur poison, leur acidité, leur cruauté, à se demander ce qu’il lui avait pris de tenter un électrochoc sur un gars au cœur déjà exsangue. Homicide altruiste, hein ? Quel putain de dégénéré il était ! C’est à cause de lui qu’il hurle et qu’il essaye de libérer sa douleur des mots qui l’emprisonnent. Il a raison, Terrence. Il mérite qu’on lui gueule dessus. (Inconstance.) Et ce qu’il crie, Terrence ! Ce qu’il crie ! Ce qu’il essaye de sauver des décombres de sa propre vie ! Je t’en prie, fais-en trembler les murs, ruine tout ce qui t’a ruiné de cette voix chancelante... ! Peut-être qu’on l’entendra jusque dans les limbes, et qu’on renoncera à t’emporter, je t’en supplie ! « T’AS TORT, J’VEUX PAS MOURIR ! » JE VEUX PAS QUE TU MEURES NON PLUS, TERRENCE, JE VEUX PAS QUE TU MEURES ! Il devient complètement fou, les connexions sont en train de lâcher, il se regarde de l’extérieur, figé face aux conséquences de ses actes, incapable d’une réflexion cohérente tandis que Terrence lui hurle dessus parce qu’il le mérite, parce qu’il lui fait du mal pour essayer de l’empêcher de s’effacer totalement, parce qu’au final il ne vaut peut-être pas mieux que Caleb — à cela près que Caleb avait le mérite de lui procurer au moins un bonheur temporaire. N’est-ce pas ? De… quoi ? (Tout fout le camp…)

S’il ne se laissait pas complètement faire face au déchainement d’émotions de Terrence, ce dernier n’aurait même pas réussi à le faire reculer tant ses bras étaient faibles ; sauf que chaque coup appesanti de cette main atrophiée lui fait mal autre part, aux yeux qui entendent cette souffrance, aux oreilles qui voient la voix trainante et misérable, aux endroits sur lesquels Terrence s’accroche pour ne pas tomber alors qu’il est celui qui l’a forcé à tourner son regard translucide vers le fond du gouffre. Pour lui faire peur. Parce qu’il la connaît, la peur, il passe sa vie à être terrifié de ce qu’il fait, de ce qu’il ne fait pas, de ce qu’il aurait dû faire ; et si Terrence a peur de la mort c’est qu’il est vivant, si Terrence a peur de la mort c’est qu’il est vivant, et c’est la seule pensée qui tourne dans sa tête comme un oiseau en détresse s’écrasant contre les parois d’une boite en verre. Je veux te sauver, je t’oblige à regarder la vaste décharge qu’on traine tous en soi et dans laquelle je laisse s’accumuler tout depuis si longtemps (je suis un lâche, Terrence, je n’ai aucun droit de te faire faire tout cela, si tu savais, je n’ai aucun droit sur toi, personne n’a aucun droit sur toi…). Sauf qu’il a un devoir : celui de tout faire pour que Terrence ne meure pas. Alors pourquoi tu lui fais si mal, pourquoi tu le confortes dans l’idée que t’en as rien à foutre de lui en espérant qu’il comprenne l’inverse, pourquoi tu le ramènes à la douleur qui émane de tout son corps gorgé de failles et d’alcool et de merde ?
Mais oui, merde, Terrence, quand je t’ai mis au bord du vide j’étais prêt à tomber avec toi si quelque chose devait se passer, voilà pourquoi ! Et il n’y a pas que le corps qui en train de crever, Terrence ! Je n’essaye pas de savoir si tu vas succomber au manque, j’ai les urgences dans la main et ton pouls, je le sens comme mon pouls ! J’essaie de savoir si tout n’est pas déjà mort à l’intérieur ! Peut-être qu’ils ont bien réussi à le tuer, finalement, qu’il est trop tard… ! Il a peur de mourir, mais est-ce que c’est suffisant ? Y a-t-il quelque chose qui ressemble encore à une étincelle de volonté, quelque part dans les yeux sans fond écarquillés sur l’abîme de souffrance qui plombe Terrence ?
Dis-moi que t’as pas déjà tout lâché, Terrence, que j’ai pas un cadavre au bout de cette main qui tente tant bien que mal de t’emmener sur la terre ferme… la terre ferme… brûlante et salvatrice… Terry sur terre parce qu’on l’y a ramené, pas parce qu’on a crevé les ballons d’hélium et les nuages mousseux d’affections coulantes et de promesses cassées dans lesquels il espère bien mourir faute d’avoir la force de retourner batailler dans la vie pour autre chose. Autre chose quoi ? Autre chose, je sais pas, on cherche toujours autre chose, et puis faut bien croire que ça marche, qu’on s’y tient tant bien que mal, jusqu’à la fin… autre chose…
Mais il l’entend encore qui respire, secoué de spasmes, contre lui qui a arrêté de respirer depuis qu’il lui a dit qu’il le laissait mourir.

« Je manquerais à personne, on le remarquerait même pas, que j'suis plus là. J'suis rien tu sais, j'suis rien du tout, moi. »
Terrence, non… Terrence !

Chaudes, déchirantes, atroces. Elles embrassent le visage de Stephen comme deux mains gantées de douleur. Se dessinent, sur l’immobilité des traits, des lignes qui descendent vers le sol et vers son cou ; et il se dit qu’il ne mérite même pas de pleurer. Il mérite de garder en lui sa pitié qui fait mal à Terrence, il mérite de jouer son rôle de monstre jusqu’au bout. Les mots que détache Terrence comme des morceaux d’espérance de vie (d’espérance de mort ?) raclent la surface scabreuse de ses propres cordes vocales. Il a plus la force de la fermer, Terrence, la porte entrebâillée par laquelle il avait déjà deviné partie du mal de vivre du bouclé, lorsqu’il l’avait vu pour la première fois. Ouverte, elle donne sur tant de sentiments, tant d’ombres familières…
Stephen, il a toujours rêvé d’être invisible — au moins depuis qu’il s’est rendu compte qu’il est incapable de faire ce qu’on lui demande et que par conséquent, il est une source de souffrance pour ceux qui lui font confiance. Combien de temps il avait passé sans voir personne, à regarder le plafond qui le séparait de l’appartement du dessus, finissant par s’annihiler dans cet état de conscience végétative qui l’attirait comme un trou noir ? Il rêvait lui aussi, un jour, qu’on le respire et qu’on l’expire pour le réassembler, pour enfin combler le vide, pour qu’en passant dans d’autres poumons il voit enfin ce qu’il manquait dans sa propre poitrine, ce qui lui ôtait la capacité de vivre complet. Entre cette espèce de pulsion vitale qui le faisait voler au secours des êtres sans rien attendre en retour, juste pour le plaisir de leur satisfaction, et l’angoisse profonde qu’il avait de sa propension à heurter les autres, il manquait le liant, ce qui lui permettrait de ne pas respirer à perte, de ne pas se disperser dans son effort pour offrir la valeur de l’existence alors qu’il ne lui viendrait pas à l’idée de se la donner à lui-même.
Et Terrence qui dit qu’il n’est rien, Terrence qui met les mots sur l’espèce de désir étrange qui empoisonne sa vie, ça l’empêche de réagir, ça le sidère et il se sent projeté hors de lui-même, complètement hagard. Je manquerais à personne. Il a l’impression de chuter dans une suite infinie de miroirs dont les reflets s’interpellent sans se répondre — endroit, envers, dissonances de vérité. J’aimerais tellement mourir sans manquer à personne. Mais il n’a pas vraiment la possibilité de faire autant de liens, Stephen, parce que Terrence parle et qu’il n’a eu qu’une fraction de seconde de répit pour comprendre une des raisons qui rendaient cette rencontre si éprouvante pour lui.

« Mais ils m'aiment un peu quand ils font ça, et j'existe pendant quelques minutes. Et toi tu veux pas de moi ça veut dire que je suis vraiment nul. T'as même pas envie de moi alors que c'est tout ce que je sais faire, tout ce qu'on peut aimer chez moi. Si tu veux pas de moi ça veut dire que j'vaux rien. » C’est quoi l’amour Terrence ? Dis-moi c’est quoi l’amour ? Et on pourra parler, l’amour c’est beaucoup et pas grand-chose, faut croire qu’on trouvera, qu’on cherchera en tout cas, un rosaire pour Aphrodite et toute la compassion du monde… Et tu penses vraiment… ? Tu dis de la merde. Ils t’aiment pas, parce qu’ils sont pas prêts à te dire ‘je te laisse mourir’. Ça, c’est de l’amour, Terrence, de l’amour qui demande ni ton corps, ni tes veines. Besoin de rien d’autre en échange que de ton souffle qui ne s’éteint pas. Le reste il paiera, Stephen, échéancier à retardement. ‘Je te laisse mourir’, ça veut dire tu vaux tellement plus que ça, que des bras qui te prennent et des yeux qui regardent le mur derrière toi, que quelques minutes ! Personne ne vaut quelques minutes, Terrence ! Et tu n’es pas nul, parce que nul ça veut dire zéro, alors que tu es un, même si tu ne t’en rends pas compte, tu es un et c’est énorme, un et ça contient déjà l’infini et tu peux être tout ce que tu veux, Terrence, si on t’apprenait à vouloir…!
Je te laisse mourir. Je me laisse mourir.
Tout qui s’écroule chez Stephen (comme d’habitude), les convictions, les décisions, les raisons. Il n’est qu’une surface trouble d'empathie, il reproduit tout le vide qu’il sent en Terrence en lui-même, dans chacune de ses cellules, chacun de ses atomes — 99% de vide, mais on le vainc, le vide, Terrence — je crois ? Il le regarde le quitter, mettre son corps sur le sol froid et il le suit, il s’accroupit, les mains dans une position qui ne veut rien dire (éviter qu’il ne chute ? l’aider à chuter ?), tétanisé par la peur que ce soit le moment final, le moment où il échoue, le moment où il a tout perdu parce qu’il fait n’importe quoi. Toujours.
Mais si tu savais, Terrence ! Si tu savais… ! Dis-moi ce que je dois faire et je la prendrai sur mon dos, ta souffrance, je m’en fous du poids, j’aimerais voir autre chose que toute cette peine et toute cette injustice dans tes yeux ! Tu la connais, la couleur de tes yeux, sans les larmes et la douleur… ? « Serre-moi jusqu'à ce que ça passe. Me laisse pas crever. J'veux pas crever. J'ai peur. » Je te laisse pas. « Terrence… ! » Il pourrait le casser, Terrence anguleux de douleur et d’agonie, alors ses gestes sont lents — sauf qu’il faut bien qu’il le tire à lui, qu’il l’empêche de croire qu’il n’a que le sol, mais peut-être qu’il n’a pas la force de se redresser du plancher ; il prend une de ses mains, et la serre, la serre, pour qu’il sache qu’il est là, pour l’empêcher de se connecter au sol et de tomber sous terre, pour que le courant de cette souffrance passe aussi à travers lui et que lui la garde au chaud dans sa cage thoracique comme la fumée cancérigène de ses cigarettes. Sans plus la rejeter. Il serre cette main, peut-être trop fort, peut-être comme on serre la main d’un mort — comme on devrait serrer la main des vivants. Terrence est né un jour, il a grandi, et puis on l’a brisé, et puis il tombe, et puis il retourne à la position de l’enfant dans le ventre de sa mère, sauf qu’autour de lui il n’y a que de l’air qui ne suffit pas à le faire vivre et un monde hostile qui attend sa chute.
Tu fais toujours n'imp—
Stop. J'essaye.

Penché au-dessus du corps plié comme un carré de papier, il lâche la main pour passer les siennes sous le jeune homme et le tirer vers lui jusqu’à ce que sa tête et ses épaules quittent le sol. Penché au-dessus de Terrence, il voudrait par son ombre éclipser l’autre obscurité, celle qui menaçait d’engloutir autre chose que le corps amorphe qu’il relève encore un peu, le bras passé devant les côtes de Terrence pour l’empêcher de se laisser glisser vers le bas, l’autre qui s’enroule autour de la tête du bouclé, la sienne juste au-dessus, le souffle absolument réduit, si bien qu’il n’y a que les battements du cœur de Terrence qui sont perceptibles, seule pulsation audible du temps dans cet espace au bord du monde. « Désolé, désolé, désolé, désolé… » …désolé, désolé, désolé. Il n’y a que ça qui arrive à sortir de sa bouche, en syllabes tremblantes qui tombent sur Terrence sans fissurer le silence. Il aimerait que ce soit comme il le lui avait demandé, mais il se sentait alternativement terriblement chaud et terriblement froid. Il s’arrête de parler, le murmure se perd, ses lèvres remuent sans bruit, la bouche entrouverte, la gorge en feu, son esprit tout entier absorbé dans l’étreinte qu’il renforçait dès qu’il sentait une larme rouler sur ses doigts. Terrence, repousse-moi si je te fais mal, je t’en supplie. Je peux bien t’obéir, je te lâcherai pas…

Combien de temps...?

Il laisse finalement le dos de Terrence glisser pour que sa tête repose sur ses genoux — pas pour l’abandonner, non, il serrait toujours sa main comme un dément, mais pour avoir son visage dans son champ de vision, cesser de se cacher, de parler par-dessus ses cheveux. « Tu vas pas crever. Tu vas pas crever. Je te promets. » Sa voix s’étrangle sur la fin. Et alors qu’il retient sa respiration depuis tout ce temps pour ne pas qu’on perçoive ses sanglots, deux ou trois larmes quittent le bord de sa mâchoire pour s’échouer sur le front de Terrence avec le bruit d’un univers qui s’effondre. Elles sont froides. Il passe sa main dessus avant de se rendre compte qu’il n’a peut-être plus la force de la retirer — pour aller où ? Le monde est étroit quand on longe ses limites. Le monde, c’était sûrement pas beaucoup plus grand que cette pièce, quand on y pensait, pas beaucoup plus grand qu’une main qui en serre une autre, qu’une larme qui tombe. Laisse-moi pleurer à ta place, je t’en supplie, tu as déjà trop porté, je le sais, je le sais… Pas beaucoup plus grand qu’un palpitant desséché dans une enveloppe fébrile — et tu arriveras à destination, Terrence, même si je vois les marques de leurs mains et de leurs lèvres sur toi maintenant. Cyniques et névrosées, des mains avides de possession et de meurtre. Elles ont tellement emporté. Il repose son regard, plus lointain, douloureux, dans un vague sans lieu, ni consistance, tandis que des mots tombent encore de lui, sans même qu’il puisse les retenir, comme les larmes. Collatérales. Un souffle dans le vide qui sépare les planètes. La dernière trace de vie supportant toute l’entropie de l’univers, après que le vent aura détruit les temples, les montagnes et les pyramides. Après que Terrence aura compris. « Si ces gens t’aimaient ils seraient là… »
Et si tu savais, Terrence… ! (Mais toi-même tu ne sais pas…) Si tu savais comme j’espère que tout ce que je vois de moi en toi est faux, parce que moi je n’ai encore jamais trouvé le bonheur que tu mériterais… pour équilibrer la balance… pour vaincre enfin la souffrance… et les larmes continuent de tomber sur sa propre main, épargnant Terrence de tout ce dont il n’avait jamais été épargné.
Alors même si la tempête emporte tout, on écopera à quatre yeux, ce soir, et trouver enfin le bout d’une corde — même si on ne peut la saisir, juste pour savoir qu’elle était là et que l’espoir, à travers toutes les menteries et les désillusions, l’espoir n'avait pas menti… !
S’ils t’aimaient, ils seraient là…
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyJeu 19 Sep 2019 - 6:20



Burn me out... leave me on the other side


L'air manque, le sol tremble, le corps se perd. C'est un vertige qu'il ne contrôle pas, Terrence, et qui l'effraie profondément. Une crise de manque ou... pire? Il l'ignore. En tout cas, ça vibre derrière ses yeux, il a froid, il a chaud, il ne sent plus ni ses mains ni ses jambes et il n'arrive pas à savoir si son crâne est rattaché au reste de son corps tant son esprit semble flotter. Ca picote à l'arrière sa tête, il a la chair de poule et l'envie irrépressible de vomir, la nausée qui lui bousille les boyaux, acide, perdu sur un bateau en pleine houle, Terry, le corps secoué entre les vagues... Et puis y a son coeur qu'il sent partir au galop, de plus en plus vite, ca frappe sous son torse, ça se serre comme une aspiration hargneuse et incommodante, ça brûle dans sa gorge et il flippe, est terrifié à l'idée de crever là, de claquer comme une merde dans l'appart bien rangé d'un inconnu dont il ne connait même pas le putain de prénom. Ca ferait désordre, il a pas le droit.

Il ne comprends pas ce qu'il fait là, pourquoi il s'est fait si facilement avoir, encore, à suivre n'importe quel mec un peu sympa qui lui promettait de la bonne came. Il avait cru à son histoire, l'avait accompagné candidement dans ses mensonges sans même se rendre compte que c'en était, s'était laissé appâté bêtement pour la seule raison de cette carotte qu'il lui tendait : de la drogue, au bout du parcours de santé. Marcher, rentrer, parler, puis rien, un doliprane dans de l'eau, des cris, un sms jamais envoyé et des poings qui valsent dans les airs et contre le torse de Stephen comme autant de ronds de jambes lors d'un ballet, il martèle, Terry, laisse sortir sa peur, laisse s'exprimer son dégoût de lui-même, extrême, violent, formule tout, sans le formuler vraiment. Mais il comprend, "Caleb", et s'il ne comprend pas là, il comprendra. Il faut qu'il admette que l'instant est grave et qu'il a une réelle responsabilité, celle d'assumer ce qu'il avait commencé à faire dans sa grande bonté d'âme, l'amorce hasardeuse d'un sevrage de junkie mais surtout, surtout.. assumer qu'il avait besoin de lui et tenter de le rassurer en pleine crise. Il n'a pas l'air de savoir comment s'y prendre mais il s'execute quand Terry l'appelle, quand il le quémande à la façon d'un enfant qui réclamerait les bras de son père après un cauchemar sauf que cette fois, il nage en plein dedans et il est loin d'être passé, le cauchemar. Mourir? Il y avait déja pensé, Terrence, à maintes reprises. S'était fustigé, flagellé à mort de ne pas voir disparu dans son overdose d'il y a dix ans, s'était maudit de n'avoir le cran de rien d'autre que de rester, de nager à contre courant et d'avancer alors que tout en lui le poussait à reculer. On appelle ça le courage? Vraiment? Lui, il se trouvait lâche. Lâche. Lâche.

Il tremble fort, son corps ne lui appartient plus et se confondrait presque avec le sol. Il disparait? Il en a la sensation affreuse et il gémit, dents serrées, sourcils froncés, pour ne pas hurler. Mais il crève de terreur, la peur qui lui enserre le coeur et il ne dit rien, tente de rassembler les dernières forces qui lui reste pour demeurer là, bien là, même si en vérité il n'est là qu'à moitié. « Terrence… ! » C'est son prénom prononcé en entier et pas rogné comme le font tous les autres qui le fait percuter. Il ouvre douloureusement les paupières, revient à la réalité mais tout se confond, le plafond devient sol et le sol, plafond, sa main n'est plus au bon endroit et il à l'impression que mur s'ouvre en deux. Il a peur, veut être accompagné s'il doit passer de l'autre côté et il n'a que le sol. Et lui. Caleb ou peu importe son prénom. Il est devenu sa bouée. Son bâton. Sa barque pour ne pas sombrer. Garde-moi en vie, s'il te plait. Me laisse pas claquer. Le bout des doigts devient froid et il a la conscience de comprendre que plus le temps va passer, plus le froid gagnera du terrain. Il sent que son corps est attiré ailleurs mais il ne saisit pas où, trop cotonneux, les tremblements de plus en plus intenses et le coeur qui s'est lancé dans une course contre la montre; quand finira t-il par lâcher? Oh, ce sont les bras de Stephen qu'il sent, et une main qui vient réchauffer ses phalanges gelées. Il croit que c'est ce qui se passe mais pour dire vrai il n'en sait rien, perdu, paumé, grelotant jusqu'à en claquer des dents, l'âme aux portes des limbes, la nuque raide et les épaules courbatues. Il ouvre les yeux pour tenter de capter un truc, pour s'y raccrocher comme un fou parce que regarder et voir, c'est autre chose que le noir et s'il regarde, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait mort. Il lutte lutte lutte et il voudrait serrer la main en retour mais il pense qu'il n'y arrive pas, trop faible, trop abimé, trop usé. On le soutien et il n'est pas le seul naufragé; un bras autour de son torse et l'autre contre sa tête il a l'impression d'être une poupée de chiffon au tissu usé, oubliée depuis longtemps, qu'on aurait soudain envie de caliner et il tenter d'articuler des trucs mais rien ne sort, la mâchoire trop crispée, la gorge bouchée. Il voudrait qu'on le serre et pas qu'on l'effleure. Il voudrait qu'on le compresse pour ne pas qu'il s'évapore. Qu'on l'emprisonne quelque part, qu'on l'enferme si c'est ce qu'il faut pour l'empêcher de disparaitre.

« Désolé, désolé, désolé, désolé… »   Au milieu de ses tremblements et de ses délires il ne parvient pas à savoir s'il vient de prononcer ces mots, Terry, si c'est l'inconnu qui l'a fait ou s'il ne s'agit que de voix dans sa tête. Désolé? Il a envie d'être désolé? Désolé de faire de la merde et de réduire sa vie en brasier et puis en cendres, désolé d'être si nul, désolé de devoir mourir contre quelqu'un plutôt que tout seul. Désolé d'être né, désolé que le monde ne tourne pas dans le bon sens, désolé d'avoir perdu la boussole et de tenter de vivre de manière aléatoire? Il ignore ce qui se passe et le temps perd son essence alors qu'il l'écoute parler, lui dire qu'il va s'en sortir et que si les autres l'aimaient ils seraient là. Ca lui percute le coeur, ça. Parce qu'il n'y a personne. Alors personne ne m'aime? Il pousse un gémissement proche du cri, animal blessé qui voudrait lécher ses plaies pour les panser mais il n'y est pas autorisé. Il crie arrête ! parce que ça le fait atrocement souffrir de constater que c'est vrai, que dans cette pièce il n'y a personne d'autre qu'un inconnu et s'il n'était pas en train de s'éteindre comme une bougie sous le blizzard, s'il était conscient de tout, il comprendrait qu'il a faux. Que les gens qui l'aiment existent parce qu'il y a Léo et Gabriel, mais qu'ils ne savaient tout simplement pas où il était. S'il les avait prévenu par sms, ils seraient venus. Alors c'est faux. C'est FAUX! et alors qu'il pousse ce cri brisé sorti de nul part y a son corps qui se raidit avant de repartir en tremblements, yeux qui se révulsent, il ne gère plus rien. Il serre inconsciemment sa main dans celle de Stephen et tombe dans un état qui ferait paniquer n'importe qui parce que ses yeux verts on fait place au blanc. Et il n'a plus le choix, là, Stephen. Il va devoir choisir rapidement entre sauver Terrence en téléphonant aux secours, ou le laisser crever ici, au beau milieu du salon... Une chose est sûre, il allait devoir faire vite...
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Message(#) Sujet: Re: Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence Burn me out... leave me on the other side. ♠ Terrence EmptyVen 25 Oct 2019 - 22:25


« C’est faux ! » Claquement des cordes vocales, le filet des deux syllabes qui déraillent, souffle court. Tonalité. Répondeur ?

« Terrence, tu m’entends ? Reste avec moi, Terrence… Terrence, faut pas que tu tombes, je t'en supplie... » Et à part répéter son nom, d’autres tours de magie pour le ramener de l’autre côté ? Aussi piètre prestidigitateur qu’il était assistant social, décidément. « Ils sont là, d’accord ? Tu penses à eux. Les gens qui t’aiment. Ils veulent pas que tu crèves, Terrence, ils souffriront horriblement, tiens bon juste… le temps que je… » Il est demeuré, mais pas jusqu’à la mort faut croire, alors il a abandonné le château de cartes et les symboles et la tentative imbécile de traverser le temps pour sauver Terrence — Terrence qu’il ne connait pas, qu’il n’a jamais connu, c’est acté, ils sont inconnus, parfaitement inconnus, il a menti. Pour changer. Assez pour qu’il se prenne les pieds dans le câble qui maintenait le plus jeune en vie à coups d’impulsions psychotropes et analgésiques. « Je veux pas que tu meures, t'as pas à mourir comme ça, t'as toute une vie à vivre Terrence, elle sera belle, toute la vie Terrence, mais faut pas que tu t'arrêtes là, » souffle-t-il, à bout de bonnes volontés qui les avaient déjà menés à l’enfer, tandis que l’éden, l’éden n’existait pas. Fini l’instant de communication métaphysique avec l’essence des âmes ; retour à la réalité qui consiste à bouffer de la terre et du gravier, boulimiquement, jusqu’à ce que ça vous sorte par les yeux. Grotesque. Désarmant de médiocrité. Humain. Il avait échoué à ramener Terrence ; à la place de quoi il avait délibérément choisi de le précipiter dans le gouffre dont il avait prétendu l’écarter au péril de tout, et il ne comprend pas, Stephen, parce qu’il n’en avait pas envie ; encore une fois, l’être en action et l’être en intention, parfaitement opposés, s’annulent. Il avait créé le néant. Il avait appelé la mort. Putain, c’est pas l’heure des superstitions, t’es juste athée et dépressif, appelle, appelle, appelle ! La main qui tient le téléphone tremble autant que le mince débris de conscience qui maintient Terrence accroché à la terre des hommes ; et l’autre, agrippée au poignet du bouclé, à la main dont les extrémités perdent en chaleur. Suspendu à l’appel qui résonne. Mais y avait-il une autre destination que celle dont les couleurs bleutées et noires se peignaient dans les spasmes de Terrence ? Est-ce que c’est comme ça qu’on meurt ? Au bout d’une douloureuse lessive d’âme, sous les yeux impuissants d’un témoin devenu coupable ? Stephen est musicien, pas urgentiste. Et il découvre peut-être aujourd’hui que la mort le terrifie autant qu’il pensait qu’elle l’indifférait. La mort des autres, évidemment. Toujours. Sartre avait tort. L’enfer c’est lui. Juste lui. Appelle, ne réfléchis pas, t’es mauvais à ça.

Son cerveau vomit une marée d’émotions entrecoupées de fragments de paroles, des mots qui l’obsèdent, des réalisations, qu’il avait menti, que les chemins s’étaient séparés — que Terrence était désormais seul, à 180 sur l’autoroute de la destinée. 180. 180. Putain, compose le bon numéro ! Merde, on n’est pas foutu d’être un tel abruti dans un moment pareil ! « 911, quelle est votre urgence ? » Il lui semble que son corps entier est atrophié — mille battements par minutes, un fond d’adrénaline qui le pétrifie plus qu’il ne le revigore, la tête dans des murs —, pourtant ses lèvres remuent automatiquement, déballent avec incohérence l’information qu’il ne sait comment classer, parce que c’est pas facile d’essayer de faire les choses correctement, de parler impassiblement avec un mort en sursis dans l’autre main. « Je suis désolé, désolé, euh, vous m’entendez… je… allo ? » La voix répète, calme, méthodique, habituée. Habituée. « 911, urgences. Votre problème ? » « Je suis au 911 de… non, au 69 Fortitude Valley, quatrième étage, j’ai besoin d’aide, j’ai quelqu’un qui est en train de mourir, il tremble, il a des sueurs, je crois qu’il refroidit… » « Est-ce que la personne est consciente ? » Pour combien de temps encore ? Stephen les voit, les globes blanchâtres qui prennent par intermittence la place des yeux de Terrence, les muscles qui lâchent, se crispent, alternativement, le cœur si abîmé qu’on le voit à travers la poitrine, qu’il voudrait sortir, qu’il voudrait dégueuler, vomir à en crever tout à fait, tout à fait, pour de bon, et la question replonge le plus âgé dans les affres de sa culpabilité — les larmes, encore, l’humidité qui doit traverser les ondes téléphoniques, la main qui serre celle de Terrence comme si ça pouvait l’empêcher de sombrer. Tout ce qu’il faisait, c’était écraser inutilement des nerfs qui ne menaient plus nulle part, susciter des impulsions sensitives qui se perdraient dans la conscience vacillante de Terrence — ne parviendraient pas à destination. A cause de lui. Parce qu’il avait cru, l’espace d’une fenêtre ouverte dans la plus profonde des nuits — aveuglante de noirceur et de douleur —, avoir trouvé l’éclair d’une action de grâce. « Je crois, » répond-t-il d’une voix blanche, irrégulière, une voix si étrangère qu’il pourrait y répondre sans y penser. Il répondait il y a encore quelques secondes, veut-il ajouter, mais ça se perd. L’opérateur n’a pas le temps de répliquer qu’il continue, Stephen, abruti par la panique qui l’étreint et convulsionne ses capacités mentales, pas royalement foutu de laisser les commandes à la personne qualifiée, qui n’était pas lui. Qui n’avait jamais été lui. « Il se pique. C’est un camé. Il overdose. Non, c’est l’inverse, comment… il est en manque. Il va pas bien du tout. Il va pas bien, là, il va partir, je vous en supplie, il faut que vous m’aidiez… le laissez pas mourir, vous avez pas le droit… j’avais pas le droit non plus… » C’est dit tellement vite, avec une alternance improbable d’étranglements, de désespoir et de cascades de mots effrénés, qu’il faut bien qu’on lui coupe la parole pour qu’il s’arrête enfin, le geste altéré, les phalanges rompues. Cette voix, cette voix, si calme… ! lui semble sortie d’outre-tombe, tant elle semble déconnectée de la réalité, la réalité qui est qu’il y a un mort sur le chemin, et qu’il y a toute la misère humaine dans cette malheureuse pièce, qu’en ouvrant la porte les ambulanciers la feraient éclater sans doute, et que ça se déverserait sur le monde entier, sans limites, il n’y a pas de limite à la douleur… si calme ! Et la porte qui maintenait tout ce soufre, toute cette crasse, toute cette acidité de pétrole et de chrysanthème en cendres dans les trente mètres carrés du salon… Habituée. Maitrisée. Bienvenue dans un monde où les gens meurent, Stephen. (L’autre partie de lui ne réplique même pas. Elle a lâché. Elle supporterait pas.) « Les secours sont en route. Quel est votre nom ? » Et Stephen d’enchainer d’une voix frénétique. « Vous savez, c’est ma faute, entièrement ma faute, je devrais prendre sa place… il mérite pas de mourir, il devrait pas, il croit rien… il croit plus rien… mais j’ai essayé… je suis un imbécile, un connard de première. J’aurais dû… » Un sursaut de lucidité, le regard vague, il réplique à lui-même. « Terrence. De... moi ? Non, Ca– non, Stephen. » « D’accord Stephen, les secours vont arriver d’ici quelques minutes, ne raccrochez pas. » Stephen a déjà posé le téléphone sur le sol — lâché, tombé de la main, jeté peut-être, il lui coule entre les doigts comme de l'eau, comme un serpent, comme la vie qui quittait peut-être le salon en même temps qu'il se morfondait, terrifié, épuisé de sa propre haine envers lui-même, envers ceux qui avaient usé l'être allongé sur le sol jusqu'à la moelle de la dignité humaine ; haine de lui, premièrement parce qu'il était lui, mais parce que quelque part, ne venait-il pas d’entrer dans cette seconde catégorie également ? — ; et ses yeux fouillent inlassablement les signes de conscience, qui allaient se raréfiant, dans les yeux voilés d’ombre de Terrence. Dans les yeux qui devenaient l'ombre.

C’était curieux comme le temps perdait toute espèce de substance dans les pires moments. Quelque chose dans l’esprit fait clic. Et alors c’est comme dans un rêve — plus besoin de volonté, plus besoin d’essayer. Il est plus proche de la pierre que de l’organique, Stephen, tandis qu’il attend l’arrivée des secours, et qu’il ne peut rien faire de plus. Attendre.
Ils l’embarqueraient… les embarqueraient peut-être… et Terrence, faudrait le réparer, tout cabossé qu’il était, remettre les rouages à leur place, les remplacer peut-être, s’il n’y avait pas trop de parties à enlever, hein… y’a pas tout de cassé, n’est-ce pas ? « Terrence, reste ici… » Qu’il répète, ne sachant pas quoi faire de lui-même sans empirer l’état du jeune homme déjà meurtri par ses soins et par d’autres, palpant la main aux doigts froids, cherchant le pouls ténu qui subsistait dans la tourmente comme la seule chose en Terrence — à part la peur, à part la haine, méritée, qu’il devait ressentir pour Stephen — qui vibrait encore avec la profonde pulsation du monde (cette dernière, inaltérable, au-delà de la tragédie et du malheur ; et dans l'intensité du chaos et de l'immobilité fatale, Stephen confondait l'indifférence et l'injustice). L’inutilité, consciente, de ces gestes, creusait l’abîme entre la lumière et l’absurde. Si la voix désincarnée sortant du téléphone ne lui donnait pas d’instructions supplémentaires, c’était probablement qu’on le considérait comme un déchet, incapable d’esquisser la moindre action en la faveur de Terrence. « Stephen, ne raccrochez pas. » Ça grésille sans pouvoir l’atteindre, et il marmonne par habitude, sans regarder le foutu téléphone qui pouvait bien crever, il s’en foutait ! « Je suis là, je suis là… » Je nuis donc j’existe. Reste, reste, reste… !
Il sent une espèce de vaste bousculade autour de lui, le vent à ses oreilles — comment ils ont ? Ah, il s’est levé pour ouvrir la porte… puis… — et des gens, des gens, des gens… — pas tant que ça, à bien y réfléchir, peut-être que l’angoisse lui fait voir double — qui le poussent, l’écartent, le mettent au ban, l’exilent… loin de Terrence. Là où il ne pourrait pas lui nuire, lui mentir, le trahir. Le laisser mourir. Ils avaient raison. Faut l’éloigner, le bâillonner, l’assommer peut-être. Ahuri, il se laisse ballotter, on a du mal à l'évincer quand même, il n’a pas l’air d’exactement comprendre ce qu’on attend de lui. Il lève des yeux crispés sur le plafond. Ils ont allumé la lumière. Terrence voulait pas de lumière. De toute façon, là où il était, il n’y en avait probablement pas. Ampoule ou pas. Stephen ou pas. Il n’a aucune foutue idée de ce qu’ils sont en train de faire avec Terrence, mais personne n’a l’air disposé à le faire ressusciter d’un claquement de doigts, sur le champ — et se dessine chez Stephen, même à travers l’écran fumeux de sa cognition défaillante, le spectre de l’hôpital. Sa main agrippe brusquement une épaule habillée de blanc. Mais il n’a pas la force de la serrer aussi fort que cette main de Terrence qui n’existerait peut-être plus demain (arrête de penser à ça, tu vas te donner une attaque… tout seul). Sa main de héros sans héro. Il aurait sans doute mieux valu… pourquoi avait-il refusé de jouer le jeu ? Pourquoi s’être fait prophète d’une vie qui était en train de tuer Terrence ? Tu sais qu’un drogué peut mourir si on essaie de le sevrer comme ça ? Ça revient comme une claque, et il n’a pas le choix que d’encaisser. Ah ouais ? Putain, donnez la clé de l’énigme à Stephen, et il s’étoufferait avec. Je savais. J’ai pensé que tu revivrais… que j’aurais appelé, je ne sais pas, une justice ? Toujours cette putain de justice. Quoi, divine, suprahumaine ? Elle n’existe pas. Tu savais ça aussi. Alors pourquoi ? Pour prouver que tout n’était pas encore éteint. Apparemment tu avais tort. Relève la tête, le gars attend que tu lui parles. Et souviens-toi que c’est entre toi et ta connerie désormais. « Je viens. » Le tourbillon reprend, faut descendre, partir, partir, où… ?

Stephen, ne raccrochez pas. Il a l’impression que ça continue de faire des ronds en lui comme un caillou — ou une ancre… ou du plomb… (ou une larme) — dans un lac, et c’était plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas ? Ils voudraient pas d’un deuxième sur le dos… d’un deuxième appel en suspens, qui répondait plus à rien… qui était juste une oreille sur le combiné… fallait qu’il continue à répondre, à hocher la tête quand on essayait de s’assurer qu’il s’était pas évanoui entre temps, qu’il fasse mine de regarder autre chose qu’un monde atroce fait d’une masse visqueuse d’horreur et de souffrance. Et Terrence, tout poisseux là-dedans… s’il s’en dépêtrait pas ? Si ses bronches restaient obstruées ? Si la lumière filtrait jamais plus ses larmes… ? Ne raccrochez pas. Il a laissé son portable chez lui. Inconvénient, ça n’empêchait pas la voix dans sa tête, infatigable, de l’exténuer de reproches et de mépris. A l’intérieur, il n’y a plus de résistance, alors il tente d’agripper quelque chose dans le dehors, avec cette voix qui n’est pas à lui, ces mots qui n’ont pas de poigne. Qui sont juste des mots. (Comme les mots avec lesquels il avait cru pouvoir sauver Terrence... avaient juste été des mots.) « Je lui ai dit, vous savez ? » Sa voix se brise. Il a tellement, tellement, tellement honte. L’infirmier ne réagit pas, personne ne réagit, tout le monde s’en fout. Personne n’avait envie de savoir. Parce que tout le monde s’en fout de la mort, la mort la vraie, pas celle des chairs meurtries, ni celle des organes empoisonnés, la mort la vraie, la mort de l’espoir, la mort au bout du combiné, la mort de la lumière.
« Raccroche pas… »
Ah ouais ? Pourtant, Terrence n’est pas disponible, veuillez laisser un message… après… après…
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