Il la regardait gérer son petit et Tim se demandait ce qui avait bien se passer dans sa vie pour qu'elle ait l'air aussi dévastée et sans un mot. Avec Ariane, le silence n'existait pas, elle avait toujours des idées à la pelle pour tuer l'ennui et faire en sorte que les événements ne deviennent pas trop lourds à vivre. Ils avaient passé d'ailleurs un moment unique en son genre avec les souvenirs d'enfance qu'elle avait partagés avec lui, sans rien demander comme compensation en retour, si ce n'est quelques commentaires mordants sur son style des années 90. Timothy aurait aimé pouvoir lui montrer également le garçon qu'il avait été mais il n'avait aucune preuve véritables en dehors de quelques images que son cerveau avait conservées précieusement. Il n'y avait rien d'heureux à l'intérieur, c'était d'ailleurs le problème que Tim devait gérer depuis son émancipation, il ne savait pas comment s'apprécier en ne voyant de lui que le pire de ce qu'il avait traversé. On lui avait répété que ses souvenirs ne faisaient pas de lui ce qu'il était, mais c'était la manière dont il traitait avec eux qui avait toute leur importance. Il l'avait fait jusque là avec une certaine angoisse mais voir Ariane s'occuper de Gabriel lui permettait de reconsidérer quelque peu sa perspective de l'affaire, il en était capable. "Tu sais, si j'ai pas de souvenirs papier, c'est parce que j'ai honte de ceux que je pourrais montrer, honte de ce que ma mère a fait de moi. Honte d'avoir autant souffert pour quelqu'un qui savait pas qui j'étais vraiment." Il observa Ariane terminer le biberon de l'enfant avant de se lever et fouiller dans un vieux tiroir, ouvrir le cadenas qui détenait ses pires secrets pour en sortir une photo de lui pour l'anniversaire de ses huit ans, couettes fièrement levées, regard embue face à l'objectif alors qu'était écrit en lettres grasses derrière lui "joyeux anniversaire Esmeralda". Il posa la photo devant sa soeur sans rien dire de plus, elle n'aurait qu'à l'interroger pour tout comprendre et sûrement pour haïr encore plus leurs géniteurs.

Je m'en veux, là, juste là, de me taire. De pas renchérir avec une nouvelle merde, de pas le faire rire ni lui, ni le gamin qu'il glisse entre mes bras comme s'il était une des merveilles du monde - ce qu'il est la terreur, ma terreur. Non, à la place je me referme comme une conne, comme une merde, comme une soeur qui a pas envie de se faire plaindre par son frère, parce qu'elle sait bêtement pas que c'est ce dont elle aurait eu besoin, parfois, souvent, avant. De partager ses fardeaux pour en sortir plus forte, une connerie du genre que je suis trop vieille pour croire, désormais. Le train est passé et j'en suis devenue plus résistante, plus étanche à force. J'espère.

"Tu sais, si j'ai pas de souvenirs papier, c'est parce que j'ai honte de ceux que je pourrais montrer, honte de ce que ma mère a fait de moi. Honte d'avoir autant souffert pour quelqu'un qui savait pas qui j'étais vraiment." il pose une photo devant moi, la seule, le souvenir qui brouille sa vue et qui fronce mes sourcils. « On en parle, ou on oublie? » y'a tant de détails à pointer, y'a tant d'horreurs à soulever, mais c'est à lui de décider ce dont on en fait. J'autorise l'une ou l'autre des réponses, j'insisterai jamais sur le choix final qui lui appartiendra complètement et sans qu'il ait besoin de justifier. S'il en parle je l'écouterai jusqu'à ce qu'il ait vidé son sac, s'il veut qu'on enterre le tout et qu'on ne l'aborde plus jamais, je serai la première à dégainer la pelle.

« Tu seras pas comme lui, ni comme elle. » que je finis par statuer, plus honnête que je ne l'ai jamais été. Entre notre père et sa mère, je les vois venir d'ici ses doutes, ses éternelles craintes de ne pas être à la hauteur, d'être marqué trop creux de leurs stigmates à eux. « Et si t'en doutes, je te le répéterai autant de fois qu'il le faudra. » et si ça sonne comme une promesse, c'est que c'en est totalement une.

Allez savoir ce qui le poussait à sortir de son silence maintenant, des années après avoir pris cette décision sûrement futile de mettre une distance raisonnable entre lui et ses souvenirs. Tim ne pouvait peut être tout simplement plus se contenter de ce genre de réalités car on parlait de son passé, qu'il le veuille ou non. Cet enfant sur la photographie abîmée par les pleurs, c'était lui, une partie de lui, même s'il avait toujours tout fait pour la faire taire. Il n'était clairement pas indestructible ou invulnérable, le grand Decastel, c'était même tout l'inverse, il se contentait de survivre, éclopé de la vie qu'il était devenu par la force des choses. Cela dit, il parlait à sa soeur et est-ce que Tim pouvait se permettre de lui cacher qui il était vraiment? Ce n'était en tout cas pas ce qu'il voulait parce qu'il désirait avant tout être proche d'elle, connaître ce lien fraternel qui avait dû leur manquer depuis leur enfance. Quelque part, le brun allait avoir besoin d'Ariane et il espérait que la réciproque serait vraie et ce, même si elle n'était pas forcément prête à tout lui raconter de son côté. Donner du temps au temps, comme on le disait fréquemment. "Jamais j'abandonnerai les jumeaux. Jamais je les prendrai pour ce qu'ils ne sont pas mais... J'peux pas garder ça caché toujours, hein? Ça fait partie de moi. Cette photo, c'est moi. Ma mère m'appelait Esmeralda et elle m'obligeait à porter tout ça là alors j'allais à l'école comme ça et les gens se moquaient. Quand j'osais lui dire quelque chose, que j'étais pas... Ça... Il fallait que je me cache dans un placard sinon elle devenait violente. Elle l'a été, souvent, alors je laissais faire, c'était mieux ainsi. Elle est en institut maintenant et je suis pas allé la voir depuis presque un an, depuis qu'elle a essayé de m'étrangler en fait." Il na savait pas ce qu'elle allait dire mais Tim la regardait, parce que c'était Ariane et que si elle, elle le jugeait, la vie ne valait vraiment pas la peine d'être vécue.

On en parle alors. "Jamais j'abandonnerai les jumeaux. Jamais je les prendrai pour ce qu'ils ne sont pas mais... J'peux pas garder ça caché toujours, hein? Ça fait partie de moi. Cette photo, c'est moi. " la photo qu'il a laissée sur la table basse, qu'il assume, le souvenir comme dommage collatéral. La même photo que je touche du bout des doigts. C'est le geste le plus pudique que j'ai pu avoir depuis bien longtemps, quand je la rapproche de moi, le papier glacé qui glisse sur la table, et Gab qui bave contre ma nuque.

"Ma mère m'appelait Esmeralda et elle m'obligeait à porter tout ça là alors j'allais à l'école comme ça et les gens se moquaient. Quand j'osais lui dire quelque chose, que j'étais pas... Ça... Il fallait que je me cache dans un placard sinon elle devenait violente." j'ai envie de casser la gueule de tous ceux qui se moquaient de lui dans l'histoire, j'ai envie de casser la gueule de sa mère aussi, mais je dis rien. Il veut parler, qu'il parle, j'acquiesce à tout, je l'écoute, je suis là pour toutes les années où j'y étais pas. "Elle l'a été, souvent, alors je laissais faire, c'était mieux ainsi. Elle est en institut maintenant et je suis pas allé la voir depuis presque un an, depuis qu'elle a essayé de m'étrangler en fait."

« Tu vas vouloir retourner la voir un jour? » penser qu'à lui là-dedans, toujours. Elle je la comprends pas, elle, je veux même pas la comprendre. Mes yeux trouvent ceux de Tim, je presse en rien, j'attends juste. « Tu voudrais que je vienne avec toi? » pas pour tuer qui que ce soit, pas pour cogner qui que ce soit non plus. Juste pour être là, vraiment là. « Tu peux en parler autant que tu veux, Gab et moi on bouge pas. » j'ignore s'il en a parlé à quelqu'un d'autre, j'ignore s'il voit qui que ce soit pour travailler sur d'énièmes séquelles que ça aurait laissé. Mais là, de suite, c'est moi qui bouge pas. Ça compte pour quelque chose, je crois.

Il se demandait encore bien souvent comment il avait pu survivre face à tout cela. Rien n'avait été normal dans toute cette histoire et tant de choses auraient dû être faites pour empêcher un enfant innocent de souffrir vainement. L'époque n'était plus la même, Tim n'avait pas eu autant de gens dans son entourage pour vérifier qu'on faisait attention à son petit bonheur et c'était quelque chose qu'il avait fini par accepter. Justement, il était temps qu'il accepte la terreur de ses souvenirs, qu'il affronte ce qui l'effrayait le plus pour pouvoir être le père que les jumeaux méritaient. En effet, il n'allait pas pouvoir passer le restant de ses jours à ignorer totalement cette tranche lourde de son passé, pas plus qu'il ne pouvait oublier que sa génitrice était enfermée entre quatre murs. Il n'avait pas d'autre choix que de prendre les choses en main, convaincre le mal par le mal... Mais peut être pas seul, pas comme il se l'était imaginé. Il avait une soeur maintenant et même s'ils avaient perdu trente années de leur existence l'un sans l'autre, cela ne devait pas conditionner les trente à venir. Cette fois, Tim souriait délicatement à Ariane, quelque part un peu émue qu'elle ne dise rien, qu'elle ne s'excuse pas pour ce qu'il avait vécu mais plutôt qu'elle lui propose d'affronter le démon qui s'était immiscé en lui de la plus infernale des manières. "C'est quelque chose que je dois faire à un moment donné, c'est certain. Je peux passer le restant de mes jours à avoir peur de me regarder dans le miroir, à vouloir vérifier constamment que personne est derrière moi et prêt à me faire du mal... Alors, oui, Ariane, j'espère que tu viendras avec moi." Tout seul il paniquerait certainement. La dernière fois qu'il avait tenté le coup, l'affaire ne s'était franchement pas bien terminée pour lui et il ne tenait pas à revivre une expérience aussi traumatisante, pas maintenant qu'il avait des enfants. "Si je peux faire quoique ce soit pour toi, tu sais que je suis là, hein? Pour n'importe quoi." Elle était sa famille désormais et la loyauté de Tim se dévoilait à nouveau, elle était clairement devenue importante, Ariane.

J'aurais absolument jamais pu croire. Jamais pu concevoir ce qu'il a vécu, jamais voulu non plus.

Il prend presque le blâme Tim, c'est ça qui est pire. Il prend presque tout sur ses épaules et je déteste de le voir aussi mal quand c'est elle qui devrait l'être. La rancoeur ne fait pas partie de ses traits à lui ; mais elle noie les miens de traits, à moi. "C'est quelque chose que je dois faire à un moment donné, c'est certain. Je peux passer le restant de mes jours à avoir peur de me regarder dans le miroir, à vouloir vérifier constamment que personne est derrière moi et prêt à me faire du mal... Alors, oui, Ariane, j'espère que tu viendras avec moi." je hais ce que j'entends, je déteste les séquelles qui remontent et je déglutis le plus durement que je peux. Pour elle, pas pour lui. « On ira faire un truc insensé après, genre se faire tatouer, se faire percer sur un coup de tête. Sauter à l'élastique, acheter des billets pour une destination au hasard, ce que tu veux. » ma main ébouriffe ses cheveux, comme l'aurait fait une soeur qui aurait été là pour lui au véritable moment où il en avait besoin - pas des années après. Je fais ce que je peux avec ce que j'ai.

"Si je peux faire quoique ce soit pour toi, tu sais que je suis là, hein? Pour n'importe quoi." Gabriel s'est endormi je pense, si je me fie à son poids qui a doublé et à son souffle régulier qui brûle ma nuque, exactement là où il s'est blotti. « Je sais. » il a pas besoin de dire, comme j'ai pas besoin de le répéter. On est une famille maintenant, on est en retard mais on l'est véritablement. « Même pour cacher des corps. Vraiment, cacher des corps. » et je pouffe de rire, la précision parfaite, l'équipe qu'on formera peu importe le défi qui suivra, un coup de pelle à la fois.

Il avait tout de suite qu'il pouvait compter sur elle, sa petite soeur. Rien que la dénomination semblait encore fort étrange à ses yeux oreilles mais c'était bel et bien le statut qu'occupait Ariane dans la vie de Timothy. Il avait suffi d'une rencontre hasardeuse au fond d'un bar pour que cette vérité se dévoile et le jeune homme n'avait clairement pas envie de retourner en arrière car la présence de la rousse lui faisait énormément de bien. Elle ne le jugeait jamais malgré toutes les faiblesses qu'il avait développées depuis l'enfance, Ariane essayait toujours de le comprendre. Ils avaient eu des vies fort différentes mais à partir d'aujourd'hui, ils allaient évoluer ensemble, sans jamais retourner dans le passé et surtout, en ignorant ce père qui les avait engendrés. Tim n'avait, de toute évidence, pas besoin de lui et vu la relation qu'il avait avec sa mère désormais, il préférait amplement ne pas avoir affaire à lui de sitôt. Il allait déjà devoir gérer sa génitrice et cette perspective l'effrayait déjà beaucoup trop, sa soeur pouvait le deviner dans son regard, même si elle avait l'air surtout choquée d'apprendre la teneur du passé de Tim. "T'es toujours la reine des plans de sauvetage de secours... On peut aussi faire genre un truc pas dangereux, je sais pas si je serais en état pour quelque chose d'extrême. Je risque de beaucoup trembler, disons." Il avait au moins conscience de cela, qu'il allait paniquer à cause du traumatisme, Decastel, et qu'il ne serait pas prêt à sauter dans le vide ou à se faire tatouer les fesses. Il était trop peureux pour tenter ce genre de choses, même après un moment douloureux comme celui-là qu'il vivrait un jour ou l'autre face à sa mère, mais pas seul cette fois. "J'ai été gardien de cimetière donc ça, c'est pas un problème pour moi. Pourquoi, tu veux faire disparaître quelqu'un en particulier dans ta vie? Je me renseigne un minimum si je dois ressortir ma pelle et ma bêche sous peu." Il regardait Gabriel assoupi avant de sourire à Ariane, sans savoir à quoi pouvait bien ressembler sa vie, encore moins rangée que la sienne, c'était tout ce qu'il pensait mais sans avoir énormément d'informations sur la question à vrai dire. Elle était un secret bien gardé, Ariane.

"T'es toujours la reine des plans de sauvetage de secours... On peut aussi faire genre un truc pas dangereux, je sais pas si je serais en état pour quelque chose d'extrême. Je risque de beaucoup trembler, disons." « Je te tiendrai la main, t'inquiètes pas. » je la lui tiendrai là, mais je la lui tiendrai aussi quand on ira voir sa mère. Je la lui tiendrai probablement bien trop, je serai suffocante, je le suis sûrement déjà en vrai. Même si je le lui dis avec une touche d'ironie, avec un sourire dans la voix. Pourtant s'il y a bien un truc dont il pourra pas douter, c'est que peu importe l'épreuve je serai dans les parages à surveiller, à le protéger.

La blague vole, je me mets moi-même en cible, j'ai pas pensé, j'imagine que le fait qu'il ait baissé ses barrières m'a donné envie, besoin de baisser les miennes. "J'ai été gardien de cimetière donc ça, c'est pas un problème pour moi. Pourquoi, tu veux faire disparaître quelqu'un en particulier dans ta vie? Je me renseigne un minimum si je dois ressortir ma pelle et ma bêche sous peu." je ravale durement, inspire avec, Gabriel bave dans son sommeil. « Le gars, dans mon cahier. » le gars dans mon cahier ; really Ariane? Ma voix me fait chier, la vie me fait chier, et Jet tout autant. Qu'est-ce qui est nouveau là-dedans, au final?

« On s'est fait beaucoup de mal. J'ai des cicatrices de sa part, il en a de la mienne. » des cicatrices physiques, des cicatrices mentales. Tout est dans les pages, j'ai pas eu besoin de le laisser lire qu'il me laissait la liberté de le lui dire mon frère. Et voilà que je me replace dans les coussins, que je tente de diminuer le reste. « Je sais pas pourquoi on s'est pas entretué l'un l'autre encore. » le sourire qui remonte a rien à voir sur mon visage, il est malsain comme toute cette relation a toujours été. « Il est jamais vraiment sorti de ma vie. » comme toute cette relation l'est encore.

Il n'avait pas encore envie d'y penser, encore moins de s'y jeter corps et âme, dans ce futur troublant où Tim passerait de nouveau quelques instants en face à face avec sa mère. Le jeune brun préférait mettre tout cela de côté pour l'heure, toutefois rassuré de savoir qu'il ne serait pas seul à ce moment là. Il avait une soeur désormais et ce détail était en train de tout changer. Sa vie paraissait tout de suite moins solitaire, même si Decastel était gêné de ne pas connaître tous les détails du passé d'Ariane: il sentait d'ailleurs que tout n'était pas aussi rose que ce moment volé en vidéo et elle était en train de l'extérioriser, peu à peu. Timothy avait vite compris qu'il y avait eu des moments noirs en compagnie de cet homme dont elle taisait le nom plus qu'autre chose, certainement apeurée par l'idée qu'il puisse sortir d'un des placards autour d'eux deux. Tim ne savait pas ce que c'était, d'avoir cette vie faite de moments trop intenses, où on accumulait les mauvais choix. Il était bien trop timide, trop apeuré du monde autour de lui pour oser, Tim, mais il n'allait certainement pas demander à Ariane ce qui s'était passé. Il ne voulait pas la brusquer, encore moins la blesser en voulant aller trop vite alors qu'ils en étaient encore aux prémisses de leur relation fraternelle. Le brun resta donc silencieux pendant que la jeune femme étalait superficiellement l'étendue de ses cicatrices, plus émotionnelles qu'autre chose, cela, Tim pouvait bien le comprendre. Que pouvait-il dire? Qu'avait-il le droit de faire? Il n'en savait rien alors il se contenta d'approcher, de tenir la tête de Gabriel, son fils bien aimé, en osant prendre Ariane dans ses bras. Il ne savait pas si c'était dont elle avait besoin après tout cela mais il avait la sensation qu'il aurait aimé cela, de son côté. "Je sais pas vraiment ce que je peux faire ou dire pour t'apaiser, Ari'. Je peux juste être là, je suppose. Pourquoi il est encore dans ta vie s'il fait autant de mal que cela autour de lui?" Il était innocent, Tim, en posant cette question parce qu'il ne pouvait pas tout comprendre à son échelle, juste se renseigner et espérer que sa seule présence pourrait régler quelques troubles à l'intérieur du coeur de Parker. Un début, n'est-ce pas?

Ça m'énerve, de parler de Jet. Ça m'énerve toujours de parler de lui déjà, ça c'est pas nouveau, n'en reste que d'en parler à Tim signifie qu'Etish prend encore plus de place dans ma vie. Signifie que sa place, plutôt, n'a jamais vraiment changé. Et ça m'énerve, ça m'énerve à un point où je préfère rien que souffler, fort, cachant l'expiration dans un mouvement et un autre de ma silhouette qui se replace sur les coussins. Ouais, c'est putain d'inconfortable de parler des choses qui fâchent, même à l'une des personnes en qui j'ai le plus confiance dans ce monde.

"Je sais pas vraiment ce que je peux faire ou dire pour t'apaiser, Ari'. Je peux juste être là, je suppose. Pourquoi il est encore dans ta vie s'il fait autant de mal que cela autour de lui?"
« Y'a rien à dire en vrai. Tout va t'en fais pas. »

Il est troublé Tim, et je me déteste d'en être la cause. Il cherche les bons mots et la bonne façon de les amener, il cherche la bonne expression et il cherche ce qui aidera à alléger mon coeur, à panser mes plaies. La vérité étant que tant que Jet restera dans ma vie c'est assuré que j'en serai pas guérie. La finalité fait autant chier que les moyens que je devrais trouver de moi-même pour finalement l'en dégager, comme une grande, pour une fois, comme toujours.  

« Il te ressemble, quand il dort. » le temps a filé, Gab a retrouvé son lit, on l'observe doucement Tim et moi, dans l'embrasure de la porte de la chambre des jumeaux. « Elle, c'est Charlie tout craché. » Willow, assoupie, le calme sur deux pattes ; la pauvre gamine que j'ignore presque tout le temps plus pour la blague que véritablement et volontairement. « C'est pas grave si on était pas là avant. On est là maintenant. » que je finis par chuchoter à l'oreille du demi-frère, du frère surtout, avant d'embrasser sa tempe. L'instant d'après, je file au salon ramasser la boîte à souvenirs. On n'en a plus besoin de ça maintenant. Les prochains souvenirs, on va se les créer.

Elle mentait évidemment mais ce ne serait pas Timothy qui viendrait faire un commentaire à ce sujet. Il avait conscience qu'il était le garçon qui avait le plus terré son mal être depuis l'adolescence: combien de fois avait-il répondu que tout allait bien quand un désastre menaçait à l'intérieur de son coeur? Il n'avait jamais pu compter, c'était quotidien, c'était noir. Alors, Ariane ne lui annoncerait sûrement pas à quel point cette période avec cet homme l'avait tourmentée, Tim respectait ce choix là. S'il y avait quelque chose de majeur à dire, Decastel ne doutait pas que la rousse finirait par franchir le pas parce qu'il y avait un lien indéfectible entre eux. Il était spontané, normal, presque évident alors qu'ils ne se connaissaient pas depuis des années, ils étaient frère et soeur. Tim, déjà, l'aimait comme tel et il avait envie de lui suggérer, que c'était important pour lui qu'elle reste à ses côtés maintenant qu'ils avaient tous deux connaissance de ce qu'ils partageaient mais comme souvent, le jeune homme resta muet. Incapable de parler, il pouvait toutefois la suivre pour ramener la terreur au fond de son lit, les deux individus regardant les enfants sommeiller, révélant certainement ainsi la fatigue qui les étrennait. Timothy n'en disait rien, il ne pouvait plus se permettre de se plaindre quand sa vie était devenue mille fois plus belle avec l'arrivée des jumeaux au beau milieu du décor. "Et quand ils sont réveillés, c'est comme ça aussi?" Probablement pas. Timothy était aussi réservé que Willow pouvait l'être mais ils étaient encore trop jeunes, les petits, pour que leur caractère se marque vraiment. "Et surtout, on sera là demain, hein?" Il lui demandait, avec une pointe d'appréhension dans la voix alors qu'il la suivait à nouveau, cette fois pour regarder Ariane ranger les souvenirs désormais obsolètes. Cette vie était révolue mais ils avaient encore moyen d'en créer une nouvelle, une beaucoup plus belle ensemble.