Elles ont fini par passer la porte, les deux ingénues de retour dans leurs rôles malgré les flaques de sang, autres nuques lacérées et yeux vitreux qu'elles ont laissés derrière elle dans la pièce principale. Les gens au ménage vont rager ce soir qu'elle a pensé Chloe, se disant que demain avant-midi elle apporterait un plateau de cafés personnalisés et de pâtisseries à l'équipe simplement pour les remercier de leurs bons et loyaux services. Tout est calculé dans ce métier et chaque contact est important, les gens se parlent sur les plateaux et si on a le bon degré d'altruisme c'est là où on est présenté exactement aux bonnes personnes pour appliquer sur les bons rôles et jouer devant les bons réalisateurs. Le métier entre, dirons-nous.

La porte donc. Celle qui grince et qui craque, celle qui leur rappelle que de base ce film était une grosse blague et que ses décors sont fidèles à cette trame. « Il y a une lampe, dans mon sac. » qu'elle annonce Ava, la matronne en chef qui apparemment ne pose pas la question mais l'exige de façon détournée à la pauvre gamine sur ses baskets. Le script la dépeint d'ailleurs comme une stagiaire aux yeux brillants et à la cervelle limitée. Chloe déteste quand les blondes sont castées ainsi, surtout qu'elle connaît très bien Charlie à l'extérieur du set et qu'elle sait avec pertinence qu'elle n'a rien d'une bimbo avec deux neurones l'une dédiée au shopping et l'autre aux magazines à potins. M'enfin.

Et il fait sombre, ici, logiquement. D'où la lampe de poche qu'elle n'a toujours pas entre les mains, soit parce que Becca réclame son indépendance, soit parce qu'elle est occupée à entendre, elle aussi, des pas derrière leur duo. Pas de surprise ici, on est de retour au traditionnel scénario de base, et au bon vieux jump scare qui apparaîtra dans 3...2...1... ah non tiens, rien du tout.

Oh et puis merde, c'est quoi ce jeu de lumière, d'éclairs et de projections démoniaques qui s'étale sur les murs autour d'elles? Les didascalies précisaient que dans la salle suivante elles devraient analyser les reliques et lire l'incantation, pas avoir l'impression d'assister à un spectacle en sons et en effets spéciaux du plus populaire DJ d'Ibiza. « Y'a quelque chose d'écrit sur ce mur. » Ava aka captain obvious mesdames et messieurs, qui de son index d'où elle a retiré sa manucure à 200 balles pour plus de réalisme pointe le dit mur. Au cas où les spectateurs qui verront plus tard le film aient autant de vivacité d'esprit que leurs personnages.

« Il y a une lampe, dans mon sac. » “Pour quoi faire ?” La petite voix dans son oreillette ne lui dicte peut être plus rien mais elle reste professionnelle, Charlie, quand même. Elle sait que son personnage est stupide alors elle en joue pour mieux éclairer Ava de toutes les lumières possibles. Elle le fait sans même y penser et sans aucun ressentiment, parce qu’après tout c’est pour ça qu’elle est payée et c’est ce qui lui permettra de vivre à la fin du mois. Alors Ava, pourquoi t’as une lampe alors qu’on s’enfonce petit à petit dans une cave sombre et lugubre où on entend l’eau faire ploc ploc ?

Becca s’imagine déjà que les tambours de la musique ajoutée s’accélèrent en même temps que les pas derrière elles, les deux jeunes femmes qui sont les fières détentrices d’une lampe mais qui ne s’en servent absolument pas. A quoi bon, hein ? Elle s’attend à ce qu’une main se pose sur son épaule ou qu’un souffle passe près de sa nuque. Pourtant, rien de tout ça ne se passe. Elle se demande que peut être ils ont inventé une nouvelle façon de leur faire peur, cette fois, mais non.

Lumière, éclairs, spots, blablabla c’est déjà le Nouvel An ? Plus elles avancent dans le film et moins il ne fait de sens, qu’elle se dit la blonde. Elles n’avaient finalement pas besoin de lampe parce qu’apparemment ils ont tous utilisé les flash de leur téléphone et tout le reste pour éclairer le mur de la façon la moins subtile qui soit au monde. « Y'a quelque chose d'écrit sur ce mur. » Leurs dialogues sont toujours aussi recherchés, personne ne peut remettre ça en question. “On dirait du latin.” Ouais, sans blague. C’est toujours du latin, à croire que c’est la seule langue qui a un jour été parlée dans ce monde. Et bien sûr, dans le lot, il y a toujours quelqu’un qui sait encore lire le latin malgré les trois heures de cours prises dans toute sa vie, juste pour se faire bien voir auprès du corps enseignant. “Tu sais lire ça non ? Ça veut dire quoi ? Pourquoi … Pourquoi ça colle ?” Pourquoi est ce que ces écritures qui sont bizarrement rouge sang collent, comme s’il s’agissait réellement de sang ? Oh, que de questions essentielles.

La lampe devient l'espace d'un instant le joueur principal d'une scène écrite et prévisible par quiconque ayant déjà vu ne serait-ce qu'un demi film d'horreur. Elle rêvait de tellement plus Chloe. Elle rêvait d'être autre chose que la leading lady dans ce qui semble être une montagne russe de film, tantôt pathétique tantôt foutument réaliste. À la place, elle retient un éclat de rire quand Charlie farfouille dans son sac et qu'elle y trouve les magazines X glauques aux fétichismes discutables qu'elle y a laissés en blague, rien que pour la faire rire en sachant très clairement que les journées infinies sur le plateau ont parfois la tendance de s'alourdir avec les heures. Celle-ci plus que les autres.

“On dirait du latin.” les plus fins érudits grinceront des dents, quand Becca l'ingénue se targue d'une analyse lexicale. Elle sait reconnaître autre chose que lorem ipsum donc, qu'ils diront. Ava hoche de la tête avec contenance, Chloe elle, s'imagine les maîtres de conférence qui traiteront comme la peste sa prononciation dans quelques minutes. S'ils ont du temps à perdre, bien entendu. “Tu sais lire ça non ? Ça veut dire quoi ? Pourquoi … Pourquoi ça colle ?” « C'est humide, ça doit être l'encre qui coule. » la voilà qui improvise, à réplique inventée elle s'adapte voyons. C'est un jeu d'enfant de laisser les jets lumineux tout autour d'elles éclairer la scène, leurs minois de porcelaine brillants à travers.

Ici, on vous épargne un dialecte copié collé de Google translate, mais prenez pour acquis qu'elle parle en latin, qu'elle étire ses lettres et ses sons, et qu'au final, elle dicte à voix haute et avec assurance la malédiction. « Tu as entendu ça? » non, Becca n'a rien entendu. Parce qu'à l'instant il devait y avoir quelqu'un qui arrive dans la salle, qui se faufile et qui finalement les attaque. À la place, ce n'est qu'un silence de mort - oh l'ironie - qui emplit la pièce. « Et ça? » y'a pas de et ça, y'a juste Chloe qui donne un coup de pied hors champ sur l'un des sarcophage alignés au mur pour au moins avoir un son là où elle en annonce un absent.

WIN : le sarcophage reste fermé mais la lecture de la malédiction réveille les hiéroglyphes au mur qui décident de manière très yolo de les attaquer (comment ça c'est pas un win)
SO CLOSE : le sarcophage tombe et se fracasse au sol libérant une nuée d'insectes
FAIL : le sarcophage s'ouvre, une nouvelle momie se réveille et cette fois-ci elle a de mystérieux et effrayants pouvoirs magiques

« Tu as entendu ça? » “T’as dû rêver, il ne se passe rien.”

Les paroles du script collent étrangement à la réalité, là où Charlie sait qu’elle serait normalement de nouveau passée pour la blonde stupide qui n’entend jamais rien, là où les téléspectateurs auraient entendu un son aussi subtile que l’explosion d’une bombe atomique. Cette fois-ci, pourtant, rien ne se passe. Pour de vrai. Aucun son, à tel point qu’on entend leur souffle s'accélérer petit à petit sans que ce ne soit en rien de la comédie, pour une fois. Ce sont leurs reflexes humains qui commencent peu à peu à reprendre le dessus alors que tout est faux et que tout devrait être faux ; elles ne devraient pas se mettre à paniquer de la sorte alors que, justement, ce n’est qu’un jeu. Jeu d’acteur, de caméra, de lumière, de faux latin, de faux sang qui est de l’encre, ouais, bien sûr que c’est de l’encre et que cela ne peut pas être rien d’autre.

« Et ça? » Elle manque de rire quand Chloe tape dans le sarcophage, mais tout rire est etouffé à la seconde où elles commencent clairement à s’éloigner du script. Charlie cherche les fils de pêche reliés aux hiéroglyphes qui commencent à se séparer de la coque du sarcophage mais dès l’instant où ils commencent à réellement s’attaquer à elle et lui trancher la peau là, juste là, elle n’a plus du tout la moindre envie d’en rire ou de continuer à jouer. Telle une enfant gâtée et difficile, elle piétine sur le sol et arrête de jouer. Littéralement. “Coupez ! Coupez ! Je me tire, j’en ai marre.” Ce n’était pas dans le script, ce n’était nulle part. Personne ne l’avait prévenu qu’ils allaient réelelment la blesse ou à quel point la production manquait de budget pour effectuer le moindre son ou leur fournir des oreillettes convenables. Trop, c’est trop. Elle sort de son personnage et se dirige vers la porte de leur cave mitteuse pour enfin s’éloigner de ce maudit tournage - oh, elle ne pense pas si bien dire.

WIN - Oups la porte se ferme juste devant elle. Elles sont enfermées.
SO CLOSE - Oups elle tombe parce qu’une liane s’est accrochée à sa cheville. Et qu’elle bouge. Et qu’elle remonte le long de sa jambe, là, oh merde.
WIN - Run. La momie se réveille et sort de son sarcophage, pour de vrai de vrai.

“T’as dû rêver, il ne se passe rien.”

Comme à l’habitude, le personnage principal est excellent pour lire le latin et pour analyser les hiéroglyphes, mais est à chier pour déceler un seul minime et petit risque prêt à venir lui lacérer la gorge au moindre faux pas. Chloe en a assez, Charlie pareil. C’est que les écritures ont décidé qu’elles aussi, prenaient partie intégrante du jeu. Et les rôles se mélangent et les répliques avec. “Coupez ! Coupez ! Je me tire, j’en ai marre.” où, quand, comment et surtout, surtout pourquoi. Cohen n’arrive pas à se faire la trame, elle n’arrive pas à comprendre les effets et encore moins ne fait aucun lien de cause à effet avec toutes les erreurs que l’équipe a compilées tant tout est décalé.

« Attention! » quelle ironie lorsqu’on sait que c’est exactement la réplique qu’elle devait énoncer à l’instant, alors que Becca s’éloignait des sarcophages maudits pour se faufiler dans l’une des sections plongées dans la pénombre de la caverne. Elle devait la retenir et l’empêcher de tomber dans le piège, elle devait l’inciter à se rapprocher d’elle et ainsi dévoiler qu’elles sont entourées – mais ça, c’était avant de se sentir dramatiquement seule. Charlie a fini de jouer la comédie, Chloe cherche les sorties. Autour d’elles, les portes se ferment avec violence claquant contre elles de manière à ne laisser aucun doute sur le fait qu’elles seront impossibles à ouvrir de l’intérieur ; et probablement de l’extérieur aussi.

L’avertissement ne sert à rien, par contre. Parce que la plus jeune veut bel et bien se tirer, symboles maudits et hantés ou non. La liane elle, au sol, en a décidé autrement. Et la voilà qui remonte contre la cheville de Charlie, la ramenant au sol, l’attirant vers ses racines qui n’augurent strictement rien de bon, et tout d’horrible. « Retiens-toi là! » elle pointe un des tombeaux, et plus précisément l’une des pattes le gardant en place. Elle semble solide et elle semble intacte et elle semble vissée au sol, si l’actrice s’y accroche Chloe pourra couper la liane d’un geste bref et sec de, de, de, de, de – ce sceptre, là.

Win : elle arrive à couper la liane avec le sceptre, mais la momie n’est pas super fan de devoir partager sa relique royale avec Chloe.
So close : elle arrive à couper la liane qui retient Charlie, mais une autre décide d’attraper le pied de Chloe, here we go.
Fail : you guys are dead. La liane étrangle Charles, la momie bute Chloe en lui reprenant son sceptre. See ya, suckas.

EDIT : AHAHAHAHAHAAHH oh well that was fun.