Il est encore à l'atelier Yelahiah. Il y a passé une partie de la nuit, mais il n'a pas dormi cette fois. Il a récupéré un ordinateur et il a fait des tonnes de recherches. Sur l'entreprise Fitzgerald d'abord. Puis sur Saül Williams aussi. Et pour finir, sur Sebastian Fitzgerald, le gérant du label de musique. Il avait appris des tonnes de choses sur lui, il avait pris un rendez vous. Il allait le rencontrer, il était temps que tout change. Alors il cherche, il trouve ce qu'il peut, il prend des notes et il retient tout. Ca lui rappelle quand il faisait encore ses études de médecine. Ca lui avait manqué d'apprendre, de chercher de nouvelles choses et de se spécialiser dans d'autres. Il est fait pour ça, pour apprendre jusqu'à la fin de sa vie, pour renouveler ses capacités, et pour savoir faire absolument tout ce qu'il veut. 

Il a faim, et il a besoin de café, et Ginny n'est pas encore arrivée. Alors il cherche dans l'atelier si elle a encore quelques gâteaux. Bingo. Des cookies. Et il se fait couler un café. Il entend chantonner dans l'atelier principal, ce n'est pas Auden ça. Il ne le connaît pas bien mais il ne chantonne pas Auden. Alors il ne se gêne pas pour passer sa tête au travers de la porte Yele. Et là, c'est bien la dernière personne qu'il s'imaginait voir. Lola. Sa Lola. La Lola fan de Harry Potter, celle qu'il pouvait regarder dessiner pendant de longues heures sans rien dire, celle avec qui il est resté deux ans, celle à qui il a brisé le cœur il y a quelques années de ça. Et pourtant, c'est un sourire qui apparaît sur son visage, quand il l'observe dessiner, quand on se retrouve propulsé quelques années en arrière, quand tout allait pour le mieux dans sa vie. Il ne fait pas de bruit, il ne la dérange pas. Mais il reste là, figé sur place. Et il restera posté là un long moment, certainement jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'il y a quelqu'un derrière elle. Que ce quelqu'un est Yelahiah. Et qu'elle finisse par le virer à coup de pinceau parce qu'elle le déteste.

Entre 2017 et 2020, la vie de Lola avait pivoté à 180°. En quelques années, elle était passée de bénévole à l'hôpital psychiatrique avec quinze petits boulots, un studio minuscule, et un coeur brisé, à assistante galeriste avec un vernissage dans une semaine, locataire d'un grand appartement à Spring Hill, et amoureuse d'une photographe merveilleuse.

Et pourtant, lorsqu'elle releva les yeux et vit Yele, elle eut l'impression d'être projetée trois ans avant, dans son appartement, quand elle regrettait qu'il ne l'ait pas choisie, avec l'odeur des champignons lavés, la fatigue d'une longue journée, l'humidité des larmes sur les joues. Le film de sa vie se rembobina puis revint au moment présent en quelques secondes, et elle réalisa soudain à quel point c'était improbable que Yele soit là, dans la galerie où elle travaillait : deux mondes se télescopaient, et elle exigeait une explication. "Qu'est-ce que tu fais là ?" Il ne l'avait pas suivie, quand même, si ? Il n'avait jamais été du genre stalking, mais avec les documentaires que Lola voyait parfois, il y avait de quoi s'inquiéter...

Elle ne bougea pas d'un millimètre. Plus elle restait vissée à sa chaise, moins il y avait de chance qu'il ne disparaisse comme par magie. La possibilité qu'il soit une illusion restait très élevée. Il tenait un café à la main. Elle se concentra sur ce détail en essayant de comprendre. Il savait où étaient les tasses et comment marchait la machine à café. Même Auden ne savait pas comment marchait la machine à café. "Auden me remplace, c'est ça ?" Tout ça à cause de la dispute stupide de l'autre jour ? C'est pour ça qu'il ne répondait pas à ses textos ? Et que Ginny l'évitait ? En fait, ils cherchaient quelqu'un pour travailler à la galerie, et ils voulaient le lui dire au dernière moment.

@Yelahiah Blythe

Il ne bouge pas, je vous ai dit qu'il ne bougerait pas. Et il a le temps de l'observer peut-être quelques minutes. Il perd un peu la notion du temps, c'est étrange de la voir comme ça. Elle n'a pas vraiment changé, et il la reconnait, même de dos. Mais il savait qu'elle allait se retourner, qu'elle allait finir par sentir que quelqu'un l'observait un peu trop intensément dans son dos. "Je bois un café, et je mange des cookies. T'en veux ?"   Il tend le paquet sans vraiment savoir si il peut s'approcher. Il le voit qu'elle est perturbée. Il l'est aussi. Pourquoi ils se retrouvent là ? Pourquoi maintenant alors que Yelahiah fait des aller-retour dans cet atelier depuis des semaines déjà. Et puis, il ne donne pas les vraies raisons Yelahiah (comme une impression de déjà vu). Il ne dit pas qu'il est sdf, qu'il a perdu son boulot, qu'il a commencé à tout perdre après l'avoir perdu elle. "Qu'est-ce que toi tu fais là ?" Oui retourner la question, retourner la situation, ça c'est une très bonne idée. 

Il n'est pas hostile, il attend juste de voir à quel moment elle va se mettre à lui hurler dessus. Son café refroidit et ca, en temps normal, ça l'aurait fait râler. Mais là il fronce seulement les sourcils avant de poser à nouveau son regard sur Lola et sa toile. "Tu dessines quoi ?" t'es vraiment en train de lui parler dessin Yele ?

Auden la remplace ? Elle travaille ici ? Il fronce les sourcils parce qu'il réfléchit. Il fait toujours ça quand il réfléchit. "Oh non je compte pas bosser ici."  elle peut être rassurée. Yele n'est toujours pas vraiment fan de l'art. Les seuls moments pendant lesquels il apprécie ça, c'est quand Lola dessinait il y a une vie de ca, ou quand Ginny passe des heures à lui apprendre de nouvelles choses, de nouveaux mots. "Respire, tout va bien, personne va te remplacer."  et il mange un cookie qu'il a déjà sorti du paquet. Il n'a toujours pas bougé, et n'était toujours pas près de le faire. 

"Je bois un café, et je mange des cookies. T'en veux ?" "Non merci." Lola remarqua que sa main tremblait légèrement, qu'elle tenait encore le pinceau, qu'il fallait qu'elle le lâche, qu'elle le pose, et qu'elle respire surtout. Ca faisait plus d'une minute qu'elle n'avait pas respiré. "Qu'est-ce que toi tu fais là ?" Elle ne put retenir un sourire : c'était bien lui de se sortir d'une question difficile en faisant un pas de côté et en retournant le boomerang. "Je dessine." Super : comme ça, personne ne donnerait de vraie réponse, et on irait nulle part très vite.

"Tu dessines quoi ?" "Ton café refroidit." C'était un dialogue de sourds parce qu'ils ne disaient aucun des vrais mots, aucune des excuses ou des regrets ou des tu m'as tellement manqué qui restaient en travers de la gorge. Lola avait beaucoup parlé de Yele à Grace, elle avait énormément pensé à lui dernièrement, surtout dans la confrontation complexe avec la Coughlin sur les sentiments, sur les habitudes, sur le fait de dormir chez elle souvent, et soudain Yele était là. La coïncidence était trop étrange. S'il était arrivé ne serait-ce que quelques mois plus tôt, tout aurait été différent.

"Oh non je compte pas bosser ici. Respire, tout va bien, personne va te remplacer." Oui, ça n'avait aucun sens de toute façon, il n'avait jamais été attiré par l'art, et puis son truc à lui c'était la médecine, mais qu'est-ce qu'il faisait là, alors ? Il ne devrait pas être à l'hôpital ? Peut-être que c'était son jour de repos. Lola n'avait toujours pas la raison de sa présence, mais elle commençait à se douter qu'il y avait beaucoup de niveaux de vérité et d'histoires. Elle le vit manger un cookie et eut une envie incontrôlable d'en croquer un aussi. "J'en veux bien un, finalement", et elle ne bougeait pas du tout, l'invitant à se rapprocher, et ce n'était pas qu'elle voulait le voir de plus près, pas du tout, c'était juste pour un gâteau, parce qu'elle avait faim, parce que mâcher la calmerait.

"Qu'est-ce que tu fais ici ?" Elle se répétait comme un perroquet à moitié sourd, comme un rescapé de naufrage, hébétée. Tandis qu'il avançait vers elle, elle sentait sa main trembler encore un peu plus, et elle se demanda comment diable elle allait faire pour prendre un cookie sans qu'il remarque à quel point elle était émue. Heureusement, il posa la boîte de cookies sur la table, et elle put profiter d'un moment où il regardait ailleurs pour se servir. Mit tout le gâteau dans sa bouche, genre enfant de deux ans qui ne sait pas manger. Qu'est-ce que tu fais ici, Yele ? Pourquoi maintenant ?

@Yelahiah Blythe

Il aurait peut-être dû rester dans l’atelier de Ginny. Se laisser mourir de faim sur un canapé et faire comme si de rien n’était. Ou alors il aurait pas dû faire son curieux en voulant absolument savoir qui était en train de faire du bruit. Mais il l’a vu Lola, et elle n’a pas vraiment changé. Toujours aussi belle qu’il y a quelques années. Mais il se tait, il l’observe jusqu’à ce qu’elle se tourne vers lui et qu’il ait l’impression qu’elle venait de voir un fantôme. C’est peut-être le cas après tout. Il l’avait quitté, et ils ne s’étaient jamais revu. Un léger pincement au coeur, presque imperceptible mais bien présent quand elle refuse un cookie. Est ce qu’elle le détestait ? Il s’en fiche d’habitude, il a beaucoup d’ennemis Yelahiah et ça lui va comme ça. Mais pas Lola, Lola elle est à part, elle ne peut pas le détester.

Les réponses sont floues, elles sont vagues. Et il soupire Yelahiah, elle se méfie et lui n’a pas envie de lui montrer qu’il est au plus bas. Il ne l’avoue à personne d’ailleurs, parce qu’il gère, il sait ce qu’il fait (il ne sait pas du tout). “Merci j’aurais pas deviné !” Il lève les yeux au ciel en restant dans l’embrasure de la porte. Il ne sait pas si elle va finir par se lever pour tout détruire autour d’eux. C’est comme si elle était en arrêt sur image. Et il en aurait des choses à dire, des je suis désolé, j’ai fait une erreur, j’aurais pas dû te laisser… Mais rien ne sort parce qu’il a l’impression qu’elle pourrait s’écrouler dans la seconde la blonde. Il tâte le terrain, il reste loin mais il n’arrête pas de la regarder. “Oh donc c’est secret ? Squelette ? Arbre ?” Il se rappelle des quelques phases qu’elle avait eu quand ils se fréquentaient. Et il avait toujours adoré ses dessins Yele, il passait des heures entières à les analyser et à la regarder peindre.

Son sourire grandit un peu quand elle accepte finalement le cookie, est ce qu’on peut appeler ça un drapeau blanc ? Peut-être bien. En tout cas c’est un moyen qu’il a trouvé pour l’approcher sans qu’elle ne parte en courant. Il attrape une chaise, pose les cookies sur le côté de la table. Il s’est un peu rapproché en s’asseyant sur la chaise. Il ne va pas bouger de là parce qu’il est bien en face d’elle, et parce que ça fait bien trop longtemps que ça n’est pas arrivé. “Je… Je connais bien Ginny.” Ginny sait tout ce qu’il se passe dans la vie de Yelahiah, Lola ne sait rien. Est ce qu’il doit lui en parler ? Qu’est ce qu’il est censé faire en réalité ? C’est étrange cette situation, pourquoi tout est si compliqué dans sa vie ? “Tu vas bien ?” Question sortie de nul part mais la réponse l’intéresse vraiment. Il aurait pu lui demander si elle l’a oublié, si elle a quelqu’un, mais il va se contenter d’un tu vas bien ? Pour le moment.

"Merci j’aurais pas deviné !" "Si tu veux que je m'énerve, je peux. Je suis en train d'apprendre à le faire, dernièrement." Zut, elle en avait dit plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Se taire maintenant ou jamais. Mais Yele insistait, comme d'habitude, il ne lâchait jamais rien, et de constater à quel point certaines parties de lui n'avaient pas changé donnaient un peu le vertige à Lola. Le passé et le présent se superposaient, et elle sentait qu'elle n'avait pas le droit de revisiter ce qu'ils avaient été, qu'elle devrait repousser cette situation de tout son être. Mais qu'est-ce que ça faisait du bien de le voir. Et il parlait de ses thèmes de dessins d'il y a mille ans, et elle se retenait de sourire avec tout ce qu'elle avait de force et d'énergie. "Non, je suis passée à autre chose." Le double-sens de sa phrase était clair, et elle baissa les yeux. Elle ne voulait pas être brutale avec lui. Elle ne s'autorisait pas à être douce pour autant.

Il s'approchait avec les cookies, il s'asseyait en face d'elle, et il était là, tout entier, corps et âme et visage, et il lâchait une première vérité, et Lola tombait des nues. Comment Ginny connaissait Yele ? Et pourquoi n'avait-elle pas raconté à Ginny toute l'histoire ? Peut-être qu'ils auraient évité cette rencontre surprise, peut-être que Ginny l'aurait prévenue, bien sûr que Ginny l'aurait prévenue. Mais non, Lola n'avait parlé de Yele qu'à Grace, et c'était de sa faute si elle se retrouvait dans ce pétrin. "Toi aussi, c'est ton ange gardien ?" C'était la profession première de la peintre et propriétaire de cette galerie d'aider les autres, finalement. Pourtant, il y en avait des complications dans sa propre vie, et Lola aurait compris si elle l'avait plantée là un jour sans raison. Peut-être que c'était pour cela qu'elle s'attendait à être virée du jour au lendemain.

"Tu vas bien ?"

Dans quel monde ? Dans quelle réalité ? Comment était-ce possible que Yele, sorti de nulle part, lui demande comment elle allait ? Qu'avait-elle bien pu faire pour mériter qu'ils se retrouvent là, assis en face l'un de l'autre, dans l'inconfort d'années de silence, dans la gêne d'une rupture où elle s'était décomposée, où elle l'avait supplié de rester avec elle ? "Mieux", affirma-t-elle, et elle aurait aimé en rester là, ou lui retourner la question, ou quoi que ce soit plutôt que ce qui sortit à la place, "Elle en a valu le coup ?", et elle savait qu'il saurait de qui elle parlait, de la femme qu'il avait rencontrée et qui avait précipité leur rupture.

@Yelahiah Blythe

Oh mais c’est qu’elle pique la blonde. C’est qu’elle a gardé son caractère. Et le sourire en coin reste bien en place sur le visage de Yele alors qu’il penche légèrement la tête. Assez amusé par ces retrouvailles. Il ne s’attendait pas à la revoir, et là, il compte bien profiter du fait qu’elle soit juste en face de lui. Il ne fait que répondre à ses questions comme il l’a toujours fait, et si elle traine de la rancoeur autant qu’elle se défoule maintenant. Alors il attend juste, il peut tout encaisser et elle le sait. Elle le connait bien Lola, mieux que personne à vrai dire. Même son frère ne le connait pas sous toutes ses facettes, alors que Lola, oui. “Qu’est ce que t’attends alors ?” Il continue de la fixer. Vas y Lola, lâche toi.

Et elle est passée à autre chose et ça ça fait mal à l’ego. Et ça ça lui donne encore plus envie de rester juste là parce qu’il n’a jamais dit non aux défis Yelahiah. “C’est dommage j’aimais bien cette phase.” Il est toujours sincère, il ne lui ment pas et ne lui mentira jamais. Il lui a promis, et Yele tient toujours ses promesses. “C’est quoi ta phase alors ?” Non il ne lâche pas le morceau. Surtout maintenant que ses connaissances en art grandissent de jour en jour grâce à Ginny. Il la fixe toujours. Il la lâche du regard seulement pour aller chercher sa chaise et s’asseoir pour pouvoir entrevoir la toile derrière son dos. Et il parle de Ginny, parce que ça repousse la vraie explication. “Ouais on peut dire ça comme ça.” C’est exactement ça. La petite lumière qui est apparue au moment où il était vraiment au plus bas, et qui est là pour l’aider à remonter la pente même si il n’est pas toujours d’accord. “Tu travailles ici ?” Comment il n’a pas pu la voir avant alors qu’elle travaillait dans cet endroit où il est pratiquement la moitié de la semaine.

Une question anodine qui s’échappe de ses lèvres. Une question qui en cache des tas mais il doit encore l’apprivoiser un peu. Elle va mieux, et il ne sait pas si il est soulagée ou si il a arrêté de respirer parce que, elle, au moins, elle va mieux. Et l’autre question elle pique. Et elle le sait qu’il ne lui ment pas. Jamais. “Non.” Il secoue la tête parce qu’elle n’a pas valu le coup. Parce que rien n’a valu le coup depuis. “C’était une erreur.” Et il ne lui demande absolument rien. Elle pose une question, il répond. C’est aussi simple que ça.

"Qu’est ce que t’attends alors ?" Lola serra la mâchoire pour s'empêcher de dire tout ce qu'elle avait à dire, tous les mots qu'elle avait répété dans sa tête mille fois, les messages qu'elle avait voulu lui envoyer, les appels qu'elle avait voulu passer. Elle aurait aimé utiliser une chouette, pour que ce soit comme dans les films qu'ils regardaient ensemble jusqu'à ce que leurs yeux soient minuscules devant l'écran tellement ils étaient épuisés, mais ils ne mettaient pas sur pause, parce qu'il y avait encore une scène fantastique après. Elle se retenait, se retenait, parce que ça n'aurait plus de sens, parce qu'elle essayait de se convaincre que c'était enterré, qu'elle avait surmonté cette histoire, qu'elle n'avait pas besoin de closure. Tout cela avait été vrai avant qu'il n'apparaisse, et maintenant rien n'était ni vrai, ni faux ; les frontières de la réalité étaient floues, et tout était de sa faute. La colère montait.

"C’est dommage j’aimais bien cette phase." Tais-toi, Yele. "C’est quoi ta phase alors ?" Oh, elle en avait des idées de réponses. Elle pourrait dire : homicides, par exemple - avec un peu de chance, ça le ferait fuir. Elle ferait semblant d'être une serial killer et il s'enfuirait jusqu'en Angleterre, quoique, le connaissant, il n'aurait probablement pas peur. Il réfléchissait trop pour avoir peur. Que pouvait-elle bien dire pour qu'il disparaisse ? Rien. Justement, c'était ça le noeud du problème. "Je travaille les portraits. Les auto-portraits aussi. Le sujet de la féminité m'intéresse beaucoup en ce moment." Une réponse honnête, plutôt que toutes les insultes et remontrances qu'elle aurait pu sortir. Une seconde d'apaisement, mais ça ne cachait pas la tempête en elle.

"Ouais on peut dire ça comme ça. Tu travailles ici ?"
"Perspicace."

D'où venait toute cette rancoeur ? Pourquoi n'avait-elle pas pardonné ? Pourquoi est-ce qu'elle ressentait avec autant d'ampleur cette fureur d'avoir été quittée il y a un million d'années ? Elle était heureuse maintenant, est-ce que ça ne pouvait pas suffire ? "Non."

"C’était une erreur."

Ce fut la goutte de trop. Lola resta figée à regarder le visage de Yele, mais à l'intérieur, c'était Hulk qui prenait le dessus, Voldemort qui agitait sa baguette magique, Dracula qui s'apprêtait à décimer une population d'innocents. C'était tout sauf joli, donc fermez les yeux si vous avez peur du sang. "Tu te fous de ma gueule ?" Lola n'aimait pas les gros mots, mais parfois ça sortait, comme ça, quand il n'y avait plus de filtre, quand il y avait juste une rage aveugle et incontrôlable. "Tu n'as pas les couilles de faire semblant que c'était une bonne décision, que t'es ravi, que c'était la bonne et que vous êtes mariés ? Tu ne peux pas juste faire semblant cinq minutes avant d'aller te faire foutre à la fin de l'univers, là où le monde s'arrêterait s'il était plat et pouf tu tombes dans un trou noir et plus jamais tu réapparais dans ma vie ?" Elle reprit brusquement son souffle, se leva, et se mit à faire les cent pas dans la galerie. Elle avait les larmes au bord des yeux et ne semblait pas prête de se calmer.

"Semblant cinq minutes, c'est tout ce qu'on te demande !" Elle ne le regardait même plus. C'était au mur, ou au plafond, ou au sol qu'elle s'adressait, tout en gesticulant d'un coin à l'autre.

@Yelahiah Blythe

Elle est toujours assise, elle est toujours immobile même quand il essaie de l’acheter avec un cookie. Un cookie ou des tas d’ailleurs. Il en avait un paquet entier tout juste entamé. Il la voit sa mâchoire qui se serre. Mais il le sait Yele qu’elle garde les choses pour elle, elle l’a toujours fait. Elle ne s’est jamais énervée contre lui après son erreur. Et il l’attend l’explosion là, il est prêt. Il pourrait entendre n’importe quoi ça ne l’étonnerait pas vraiment. Et il pose une question sur son art. Étonnement elle répond et il l’écoute comme il l’a toujours fait. Il enregistre. Ce n’est pas une phase aussi originale qu’avant mais c’est tout aussi intéressant. Il aimerait pouvoir la regarder dessiner encore. Mais il ne peut pas dire ou demander une chose pareil. Alors il la regarde en hochant la tête. “Et tu les montre maintenant ?” Avant elle ne montrait pas grand chose, il avait été privilégié à voir quelques unes de ses toiles et ça lui avait beaucoup plu à l’époque. Ca lui plairait encore aujourd’hui si il avait l’occasion d’observer.

Ses mots piquent et Yele continue de sourire. Elle est amère Lola, et il commence à approcher du but il le sent. Il a juste à être comme il l’était il y a déjà quelques années. Comme il a toujours été. Et ça fait remonter des souvenirs, peut-être un peu trop pour la jeune femme qui ne s’attendait certainement pas à le revoir un jour. “Je suis toujours Sherlock” Oh ça évoque les vieux souvenirs. C’est petit Yele. Il la pousse dans ses retranchements, il va la chercher dans des souvenirs qu’elle a sûrement voulu oublier quand lui n’a jamais voulu les effacer de sa mémoire.

Elle la pose la question qui lui brûle la langue, et il répond honnêtement. Si il était resté avec Lola il n’en serait certainement pas là aujourd’hui. Il faut en faire des erreurs dans la vie, et il n’était pas prêt pour toute cette vie à l’époque. Il n’a jamais dit qu’il était prêt aujourd’hui. Mais revoir la blonde réveille quelques sensations qu’il avait presque oublié. Et il a envie de jouer comme ils l’ont toujours fait. Alors il la fixe en répondant, parce qu’elle va arriver là la réaction, parce qu’il le voit qu’elle ne va rien retenir Lola. Et oui elle s’énerve, et non il ne bouge pas d’un pouce et il mange son cookie. “Non” Il ne se fout pas de sa gueule. Il ne ment pas, c’est tout. “Je fais pas semblant. Je mens pas. Tu le sais très bien. Fallait pas poser la question si tu voulais pas la réponse.” Il n’est pas tendre parce que si elle a besoin de hurler elle doit continuer. “Je croyais que t’étais passée à autre chose ?” Il grogne aussi parce que c’est elle qui vient de lui faire comprendre qu’elle s’en fichait de le revoir. “J’aurais pas dû faire ça.” Et si tu savais tout ce qui se cache derrière ce ça Lola...

"Et tu les montres maintenant ?"
"J'ai fait ma première exposition cette semaine."

Lola ressentait de la frustration parce que ce n'était pas du tout comme ça qu'elle aurait voulu le lui dire, pas après tout le temps qu'il avait passé à l'aider en posant pendant des heures dans des positions inconfortables. A quoi ça rimait de lui balancer ça comme une poignée de poivre au visage ? Elle aurait voulu qu'ils soient amis et qu'ils puissent partager ces choses-là. Ils n'auraient pas dû se mettre ensemble ; c'était la fin de tout, d'officialiser une relation, et soudain elle se sentait en panique de s'être engagée à Grace. Elle avait sous les yeux la preuve de pourquoi c'était une mauvaise idée de s'attacher à quelqu'un, et ça venait réveiller démons et fantômes.

"Je suis toujours Sherlock." Lola eut un mouvement de repli. Tout montait : les souvenirs, la panique, et la colère. A tel point que finalement, elle explosa.

"Je fais pas semblant. Je mens pas. Tu le sais très bien. Fallait pas poser la question si tu voulais pas la réponse." "Je pensais que tu m'appréciais assez pour faire une exception, mais ce n'est pas la première fois que je me trompe là-dessus." Elle revint telle une furie vers le bureau pour récupérer son portable, ses clés : elle avait décidé que c'était l'heure de sa pause et qu'elle avait besoin de marcher autour du pâté de maisons pour se calmer. Il n'avait qu'à boire son café à la galerie, puisqu'apparemment c'était dans ses habitudes.

"Je croyais que t’étais passée à autre chose ?" "Je t'emmerde, Yele." Elle se dirigea vers la porte de la galerie, l'ouvrit, et l'entendit prononcer : "J’aurais pas dû faire ça." Elle hésita, détesta son doute, mais finit par refermer la porte, reposer ses affaires et s'installer sur sa chaise de nouveau, face à lui. La tête lui tournait comme si elle avait bu des shots de tequila - encore quelque chose qu'ils faisaient ensemble, avant. "Ce n'est pas à moi de partir", dit-elle froidement, car elle le trouvait si distant, si loin de ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, et elle fit signe vers la porte de la galerie, "j'expliquerai à Ginny pourquoi tu n'es pas là si elle s'inquiète."

@Yelahiah Blythe

La conversation est anodine mais le ton est étrange. Elle est froide Lola, elle est distante et les dents de Yelahiah se serrent parce qu’il déteste ça. Mais il hoche la tête, elle expose maintenant. “Où ?” il fait des phrases courtes, parce qu’il sent que la tempête arrive, il faut qu’elle explose pour qu’ils soient en capacité de discuter. Et il est lui, et ça l’énerve la brune, ce n’est pas étonnant. C’est pas la première personne qu’il arrive à énerver aussi facilement. Elle lui en veut peut-être autant qu’il s’en veut au fond.

Et ça arrive, elle bouge, elle hurlerait presque et lui la regarde faire des aller-retour dans la pièce en mangeant ses cookies. Oui il a toujours aussi faim. Et le café est presque fois et ça ça le fait grimacer. “Oh donc maintenant tu veux que je te mente ?” ça n’arrivera jamais, qu’on soit clair. Lola est la dernière personne à qui il a envie de mentir, surtout quand c’est elle la principale protagoniste de la conversation. Il parle d’elle, de son erreur, et il aurait peut-être dû la recontacter avant. Mais il l’avait vu dans ses yeux le jour de leur séparation qu’elle n’avait pas envie de le revoir. Alors il a fait sa vie, il a dégringolé sans l’embarquer avec lui. Il fait ça très bien tout seul. “C’est si je t’appréciais pas que je mentirais.” Point à la ligne, il n’a pas besoin de le prouver c’est quelque chose de totalement logique. Elle aurait peut-être préféré qu’il l’ait oublié, mais ce n’est pas le cas.

“C’est pas une réponse.” Oh non un je t’emmerde ça compte pas pour une vraie réponse. Mais dans ce cas là il pourrait se dire que ça compte pour un je suis pas passé à autre chose. Il ne sait pas si il s’amuse ou si il est juste en train de la pousser à bout pour qu’elle le déteste et que ce soit plus simple. Elle attrape ses clés, elle compte sortir. Elle ne se doute pas que si elle passe le pas de la porte il va la suivre ? Elle a peut-être oublié quelques facettes de la personnalité du Blythe Lola. Et il lui dit qu’il a fait une erreur, encore une fois, au cas où elle ait pas entendu la première fois. Elle revient, le regard bien plus froid. Il l’écoute parler, elle le sait qu’il ne partira pas, pas là, pas maintenant, et surtout parce qu’il n’a nul part où aller. “Je crois pas non.” Oh que non il ne bougera pas de cette chaise Lola, ou il bougera seulement pour la suivre à l’extérieur. “Personne part, je pense pas que t’ais fini de crier.” Le café est fini et il retourne se faire une tasse, comme si cet endroit était chez lui. Certes, c’est un peu le cas, mais c’est apparemment aussi un peu chez Lola.

"Où ?" Lola le regarda avec une telle colère qu'il allait probablement arrêter de poser des questions sur le dessin et la peinture et l'exposition. Elle ne supportait pas qu'ils parlent de sujets normaux comme s'il n'y avait pas un lourd passé entre eux.

"Oh donc maintenant tu veux que je te mente ?" "Oui !" Mais quelques secondes après, Lola prenait une respiration, et secouait la tête, "Non." Elle aurait voulu qu'on lui offre un mode d'emploi : comment croiser son ex paisiblement. Ca, c'est un bon cadeau de Noël. A la place, Lily lui avait offert un thermomètre, ce qui était, certes, une private joke très bien placée, mais quand même. "C’est si je t’appréciais pas que je mentirais." Le déni de Lola fit qu'elle ignora complètement cette phrase. Ca ne rentrait pas dans son cerveau ni dans son système. Elle préférait croire que Yele la détestait ou la méprisait ou la trouvait aussi nulle qu'il avait dû la trouver way back when quand il l'avait quittée.

"C’est pas une réponse." "Je n'ai pas de réponse", et elle retint les abruti et dégénéré qui lui passèrent par la tête. A la place, elle fit quelque chose de civilisé : elle lui demanda de partir. C'était bien ça, partir. Il quitterait les lieux et elle travaillerait, et avec un peu de chance il ne reviendrait plus jamais. Ce serait parfait, ça. "Je crois pas non. Personne part, je pense pas que t’aies fini de crier." Lola ferma les yeux et prit une grande bouffée d'oxygène. Elle allait en avoir besoin. Mais avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit, Yele partait faire du café. "Je veux bien du café aussi", dit-elle sur le ton le plus désagréable possible.

Elle avait le droit à quelques minutes de répit pour reprendre ses esprits. Il se concentrait sur le café ; elle tentait de se calmer. Elle se dit qu'elle pourrait utiliser la méthode d'art thérapie. Identifier l'émotion : colère. Où dans le corps : la gorge. Elle fronça les sourcils. D'habitude, elle éprouvait la colère au niveau des bras et des poings. La gorge, c'était la zone réservée à la... tristesse. Oh non. Oh non, non, non, pas du tout, ce n'était pas ça qui allait se passer. Elle referma immédiatement cette porte intérieure et se retrouva à paniquer derrière son bureau. Cette journée avec plutôt bien commencé, au tout début : les céréales étaient restés croustillants dans le lait. Comment en était-on arrivés là ?

Yele revint, s'assit, et Lola prit la tasse de café qu'il lui tendait, "Merci." Sa voix était plus douce de nouveau, comme fatiguée. Elle n'avait pas l'habitude de s'énerver, de se défendre. "Je n'ai pas envie de te crier dessus, Yele", dit-elle en le regardant de nouveau, en redécouvrant ce visage qu'elle avait fait tant d'efforts pour oublier. "J'ai eu du mal à faire confiance depuis que tu es parti, du mal à être avec quelqu'un, et je viens tout juste de commencer une relation alors que ça me fout la frousse, et soudain t'es là, sur mon lieu de travail, et ça me fait disjoncter." Peut-être le début d'un dialogue civilisé ?

@Yelahiah Blythe

Il fronce fort les sourcils quand elle lui dit qu’il devrait lui mentir, et soupire de soulagement quand elle dit que non. Il ne rajoutera rien, elle peut s’imaginer ce qu’elle veut, elle le connait encore trop bien. Parce qu’elle fait partie des seules personne avec qui il a vraiment été lui-même. Qu’elle le veuille ou non. Elle évite les phrase qu’elle ne veut pas entendre bien que ce soit la stricte vérité. Il secoue la tête et reporte son attention sur son café quelques secondes. Il aurait bien eu besoin de whisky ou de tequila à mettre à l’intérieur. C’est peut-être ce qu’il fera si il trouve une bouteille dans la salle d’à côté.

“Ouais” on va dire ça. Elle a certainement une réponse mais ils ne sont pas là pour parler de ça, ils ne sont pas là pour s’imaginer ce qu’il aurait pu se passer si ils étaient restés ensemble depuis toutes ces années. Lui essaie de ne pas y penser. Est ce qu’il serait encore médecin ? Est ce qu’ils seraient toujours ensemble ? Ne pas y penser on a dit. Et puis, le destin fait toujours les choses pour de bonnes raisons, pas vrai ? Alors peut-être qu’ils ne sont pas là pour rien. Elle bouge partout, elle se lève elle fait des allers-retour elle crie elle essaie de partir. Elle fait des courants d’air dans la totalité de l’atelier et il lève les yeux au ciel.

Ca ne pouvait pas être comme avant, ça ne serait peut-être jamais comme avant. Mais lui il essaierait, maintenant qu’il sait qu’elle est là, il ne risque pas de la perdre de vue. Elle revient et lui demande de partir. No way. Il se lève uniquement pour aller remplir sa tasse de café et une de plus pour la jeune femme. “Très bien madame.” Il répond sur le même ton en soupirant bruyamment. Il doit se calmer, c’est lui le fautif dans l’histoire. Mais ça, c’est encore compliqué à accepter. Et cette bouteille de scotch dans le recoin de la table lui fait de l’oeil. Mais il ne fait rien, il se souvient juste de l’endroit où elle est posée. Il s’en servira peut-être un peu plus tard selon comment la conversation finit par tourner. “Mais pourquoi ?” Pourquoi personne ne voulait lui hurler dessus alors que lui aurait fait un scandale pour bien moins que ça.

Aïe, et là ça pique, là la bouteille de scotch devient un aimant, là il a envie de partir et de s’éloigner d’elle parce que c’est pas du tout ce qu’il voulait entendre. Il se tait, il lui a fait du mal et ça il était prêt à l’entendre. Mais la relation, ça non, ça il avait pas envie de l’entendre. Et c’est à lui de se retenir de hurler, de s’énerver parce qu’il n’a pas le droit au fond. Mais depuis quand Yele fait uniquement ce qu’il a le droit de faire. Il se tait, il se lève et il retourne dans la pièce d’à côté en serrant les dents mais toujours silencieux. Et il le fait discrètement parce qu’il a appris à le faire au fil des mois, mais il en glisse de l’alcool dans sa tasse de café, il aurait dû le faire dès le début au final. Il ne parle toujours pas et le silence est pesant, mais si il commence à parler il risque de ne pas être capable de contenir quoi que ce soit.

"Mais pourquoi ?" "Parce que yeladorables", et elle eut un sourire doux-amer en se rappelant qu'elle les avait surnommés comme ça lorsqu'ils faisaient des trucs vraiment trop cheesy, comme louer un catamaran en vacances sans avoir la moindre idée de comment ça s'utilisait ce machin et se retrouver à boire la tasse six cent fois, ou comme imiter les toiles des grands artistes de la Renaissance mais avec Yele comme modèle pour qu'elle améliore ses drapés et ses clairs-obscurs, ou comme se faire des farces dans l'appartement comme celle où il s'était endormi tôt et elle s'était déguisée en Détraqueur et l'avait réveillé brusquement. Parce qu'ils avaient un jour été yeladorables, elle n'avait pas envie de lui crier dessus. Elle voulait juste lui dire la vérité. Et la vérité, c'était qu'elle était amoureuse de quelqu'un d'autre, que c'était trop tard.

Yele ne parlait plus et c'était mieux comme ça. Ils n'allaient pas épiloguer pendant cent ans sur ce qu'ils auraient dû faire il y avait des années, sur ce qu'il aurait dû faire lui, sur l'erreur qu'il avait commise - puisqu'il reconnaissait que c'était une erreur. Pourquoi crier lorsqu'on pouvait juste laisser le silence se faire ? Parce que le silence est toujours plus douloureux. On y sent vraiment la fin de ce qui était possible, de ce qui existait. Yele n'aurait pas pu arriver à un pire moment dans la vie de Lola. Timing raté. Et tout le monde sait que l'amour n'est qu'une histoire de timing.

Yele ne parlait plus et c'était mieux comme ça, mais n'allait-il vraiment rien dire du tout ? Il repartait, il revenait, et c'était toujours la même tasse, peut-être avait-il ajouté du sucre, mais Lola en devenait suspicieuse, qu'est-ce qu'il faisait là, et qu'est-ce qu'il y avait dans la tasse, et elle tendit la main pour réclamer la tasse, en sachant très bien qu'il n'allait pas la lui donner, mais il fallait qu'elle sache, pas pour juger, pas pour soigner, juste pour savoir, parce qu'ils s'étaient toujours dit la vérité. "Donne, Yele." Mais c'était ridicule, car il n'y avait probablement rien dans la tasse, et elle devenait complètement folle depuis qu'il était arrivé de nulle part.

@Yelahiah Blythe

Le surnom Yeladorale le fait sourire. Il aimait Yeladorable, il l’aimait vraiment beaucoup. Ce n’est pas le seul à faire remonter des souvenirs. Elle le fait aussi, pourquoi elle fait ça. “T’as pas oublié Yeladorable.” Elle dit qu’elle est passée à autre chose, mais son ton la trahi un peu. Mais il ne dit rien, il en profite, cherche son regard maintenant qu’elle a l’air de s’être un peu calmée. Elle n’a pas l’air de vouloir le laisser seul dans cette pièce, ni de le fuir en prenant ses jambes à son cou. Il se souvient de tout, il a une bonne mémoire, et chaque bon moment avec Lola a été enregistré en détail dans sa mémoire. Il n’y avait peut-être pas pensé depuis quelques temps, mais c’était toujours là. Dans un coin de sa mémoire. Et il y a un sourire qui grandit sur son visage au jeune homme, et il se surprends en se rendant compte qu’il apparaît uniquement parce qu’il est content de la voir. Mais chut Yele, c’est pas le moment. Elle devrait le détester là, alors pourquoi elle le déteste pas ? Pourquoi elle parle de Yeladorable ? Juste pour qu’il veuille encore plus que ça revienne ?

Elle a quelqu’un, et ça le blesse bien plus que ce qu’il aurait bien voulu l’admettre. Donc il n’admet rien du tout, il se tait, il tourne. Il aurait pu aller s’enfermer dans l’atelier de Ginny pour finir sa nuit et ses recherches sans plus jamais voir son visage. Mais il n’a pas envie de ça, et le revoilà perdu. Et si il ne s’attachait plus jamais à personne est ce que ça serait réellement plus simple ? Il soupire, il fait comme à son habitude et verse un peu d’alcool dans son café. Qui pourra le juger de toute manière ? Elle n’a rien à dire. Il boude certainement comme un enfant et il ne l’entend pas vraiment arriver.

Réflexe, il lève sa tasse bien trop haut pour qu’elle puisse l’attraper. Pourquoi elle observe comme ça ? Elle aurait pas pu s’occuper d’autre chose ? Genre l’autre personne qui partage sa vie. Il reste en face d’elle, il ne bougera pas d’un centimètre même si elle s’est rapproché de lui pour attraper cette tasse. “Non.” Elle lui parle comme si il était un enfant. Ce n’est pas une bonne idée qu’elle connaisse toute cette partie de sa vie. Il veut qu’elle garde une bonne image de lui, l’image du Yelahiah d’il y a quelques années en arrière. “T’as pas besoin de savoir ça.” Il secoue la tête mais ne peut toujours pas boire dans son café et ça aussi ça commence à l’énerver. “ça te regarde pas.” Il est froid, il est vexé, il est excédé alors qu’il n’a toujours pas le droit.