J'allais pas embêter Jill avec ça. Même si elle m'avait dit que je pouvais, même si elle avait insisté, même si elle tentait d'être forte et d'être fière, c'était apparemment impossible à mes yeux de lui imposer ma grossesse en plus de la sienne, ou du moins, le moindre détail le lui rappelant.

Elle avait des jours avec, et des jours sans. Aujourd'hui était une bonne journée, le Facetime qu'on avait pu faire en matinée me l'avait confirmé. C'est probablement pour cela que je n'ai pas demandé au taxi me prenant à la maison de m'amener chez elle, que je ne lui ai pas non plus mentionné ma quête de la journée. Elle allait bien ma soeur, momentanément mais elle allait. Mes soucis de future maman pouvaient bien attendre un autre moment pour lui être soulignés, pour agir à titre de piqure de rappel de sa propre parentalité.

Elise m'avait dit, la dernière fois pendant le dîner de l'enfer ou du moins ce qui y ressemblait pour Cade, que j'étais toujours la bienvenue si j'avais besoin d'une partenaire de shopping pour les trucs de bébé. À ça, j'avais acquiescé, sachant pertinemment qu'après la quinzième poussette à tester jamais Auden n'aurait pu contrôler ses pulsions meurtrières pour tout un régiment. J'ai peut-être fait erreur, de prendre Elise au premier degré, j'en doute un peu même, quand comme convenu mes doigts toquent à la porte de l'immense maison qu'elle semble habiter seule depuis un moment déjà. J'ose rien dire sur rien, encore plus sur ça, dès lors qu'elle finit par ouvrir la porte et que je lui offre plutôt le sourire le plus solaire, mais également le plus niais sûrement, que j'ai en banque.

« J'ai pas capté que tu m'avais peut-être dit que tu voulais aider par politesse. Je peux partir si tu veux. » si le malaise avait un visage, si l'awkwardness avait une ambassadrice, ce serait moi, toutes catégories confondues.



@elise williams

Tes muscles sont tout ankylosés quand tu te tires de ce lit où tu passes beaucoup trop de temps, quand tu te traîne jusqu'en bas des marches. C'est vers la cuisine que tu t'enlignais avant d'entendre frapper à la porte. Qui ça pourrait être ? Tu évites tout le monde. Tu ne réponds à personne sauf à Cosimo pour lui inventer des défaites comme quoi tu es occupé. Alors, c'est qui le premier à s'inquiéter ? À venir vérifier que tu n'es pas morte ? Tu devrais peut-être pas répondre. Avec la tête que tu as, tu ne convaincra personne que tu n'es pas morte. Tu sais pas trop quelle raison obscur te pousse à ouvrir la porte, à l'entre-ouvrir en fait, mais tu le fais. Il y a tes yeux qui se plissent immédiatement devant le soleil aveuglant. Tu as l'air d'une fille qui n'a pas vu le soleil depuis des jours. En fait, non. Tu n'en a pas l'air. C'est ce que tu es, carrément.

« J'ai pas capté que tu m'avais peut-être dit que tu voulais aider par politesse. Je peux partir si tu veux. » L'information met un temps fou à se rendre jusqu'à ton cerveau. Tu n'as probablement pas l'air toute là et c'est la stricte vérité. Pour tout dire, tu ne comprends absolument pas ce qu'elle fait ici, Ginny. Tu sais juste que tu peux pas l'envoyer chier. « De quoi ? T'aider pour quoi ? » Tu as juste l'air stupide à ne même plus te souvenir des promesses faites à peines quelques jours plus tôt - ou peut-être que c'est des semaines ? tu as un peu perdue la notion du temps. Tu ne sais même pas quel jour on est aujourd'hui. C'est la semaine ou le week-end ? Tu pourrais même pas dire. « Oh, le bébé. » Ce qu'il est chiant ce mot; bébé. « Fais pas attention. » Au ménage qui est seulement impeccable à 90%. À tes vêtements trop grands qu'elle doit trouver super confo. À ton air démunis qu'elle devra supporter si vraiment elle veut entrer. La porte que tu lui ouvres. Elle devrait pas entrer Ginny. Tout comme tu ne devrais pas la laisser non plus. Tu ne lui seras d'aucune aide.

« De quoi ? T'aider pour quoi ? » je savais que j'aurais dû téléphoner. Je savais que j'aurais dû me fier à ma première impression et ne pas insister, ne pas venir ici après avoir su par Auden. Su ce qui se passait et su ce qui se passait pour elle, surtout. Jamais je ne serai ingrate au point de lui en glisser un mot ou même de lui faire savoir que je suis au courant, pourtant tout en moi me hurle autant de partir que de rester. Je veux simplement m'assurer qu'elle sait qu'elle est entourée, qu'elle sait que si elle a envie de parler ou même strictement de se changer les idées, je serai là pour la rattraper. « Oh, le bébé. » mes lèvres se pincent et mes doigts se triturent. Un élan de plus de culpabilité.

Et elle se dégage Elise, elle esquive un pas, un autre. Je pensais vraiment pendant une seconde et un seule qu'elle fermerait la porte et me laisserait sur le pallier, pourtant elle se dégage et me laisse ultimement passer. Je ne lui en aurais pas voulu, comme je ne lui tiens absolument pas rigueur d'un ménage qu'elle juge lâche, son « Fais pas attention. » auquel je réponds d'abord d'un rire mollasse, mal assuré. « J'ai vu bien pire. » quelques tasses éparses ne valent absolument rien contre les dizaines de traîneries que je laisse éternellement dans mon sillage. D'ailleurs de loin, c'est une tache de peinture de la dernière fois que je vois poindre sur l'un des coussins du canapé immaculé. Oups.

« Tu veux un café? Un thé? » elle semble errer et les tasses me donnent l'impulsion nécessaire pour les ramasser une à une, les poser doucement dans l'évier. J'ignore si elle a bu quoi que ce soit depuis qu'elle sait, si elle a mangé. « J'adore ton pull, il a l'air si chaud. » et elle, elle a l'air gelé.

« Tu veux un café? Un thé? » « Non. » Et tu ne réalises même pas l'étrangeté de la question. C'est toi qui devrait lui proposer tout ça et non l'inverse. Tu te sens comme un imposteur dans cette maison, alors ça fait tellement de sens dans ta tête même si la vérité s'est complètement l'inverse. Ce sont les cernes qui couvrent ton visage qui lui fait penser que tu en as besoin d'un ? Pourtant, tu fais que ça dormir sans jamais venir à bout de cette fatigue, sans jamais réussir à ne plus avoir l'air d'une morte vivante. Tu as déjà hâte qu'elle s'en aille pour retrouver le confort et la chaleur de ton lit. « J'adore ton pull, il a l'air si chaud. » Tu l'aurais prédit qu'elle l'aurait aimé ce fameux pull, parce qu'il n'a rien de ce que tu porterais habituellement.

« De quoi tu as besoin ? » Elle est là pour ça, alors que vous regardez pour ça que ce soit réglée le plus rapidement possible. Enfin, elle avait pas en tête de vraiment se déplacer. Si ? Tout ce fait par internet de nos jours. Aujourd'hui encore plus que d'habitude. De toute façon, tu ne sais même pas pourquoi elle veut que tu l'aides. Son fils est plus jeune que le tien. Elle est forcément plus au courant de toutes les nouveautés pour les bébés. « C'est un garçon ? » que tu demandes, que tu tentes. Tu ne sais même pas où elle en est dans sa grossesse. Tu ne sais même pas si elle est assez avancée pour le savoir. Tu ne sais même pas quand il sera de ce monde le petit Williams. La vérité est que tu ne savais même pas qu'elle était enceinte il y a quelques jours à peine. Ils ont dut vouloir attendre la fin du premier trimestre, une connerie du genre. Mais tu paris tout de même que c'est un garçon. Tout comme tu paris que ce sera le portrait craché de Cosimo et qu'il sera parfait.

« De quoi tu as besoin ? » de savoir que tu vas bien. La réponse me brûle les lèvres alors que je joue les intruses dans sa cuisine. Les tasses cognent les unes sur les autres, j'en attrape deux pour préparer du thé qui me semble être bien obsolète comme alibi. « D'une alliée pour ne pas me perdre dans tous les magasins du monde. » que j'avance donc, à tâtons, la vérité qu'elle sait aussi bien que moi. J'ai la tête à des milliers de lieux d'ici, j'ai des idées qui se confrontent les unes les autres à la minute. Si j'avais une raison blanche et logique de passer la journée avec elle, ce serait celle-ci : elle est la seule qui peut mettre un peu d'ordre dans le chaos que comporte ma liste d'emplettes. À l'époque, c'était maman qui s'était occupée de tout, évidemment. Aucun item n'avait été laissé pour compte, je n'avais même pas eu le droit de choisir la couleur de quoi que ce soit. « On peut tenter le shopping en ligne, si tu veux. » rester ici, ne pas mettre le nez dehors, te protéger encore un peu de l'extérieur. Jamais je ne jugerai ses raisons de se cacher si elle y trouve un certain réconfort.

Elise semble vouloir que je reste, c'est donc le plus rassurée du monde que je dégaine les sachets de thé, choisissant pour elle une infusion de lavande qui risque de la calmer, ou au moins d'embaumer la cuisine de ce que la vie aurait comme parfum si elle mettait le nez dehors. On prend ce qu'on peut. « C'est un garçon ? » elle est pleine d'instinct, elle l'a toujours été, lorsque je me détourne pour hocher de la tête de la positive. « Oui. Ça a été confirmé la semaine dernière. » ce qu'on savait déjà, bizarrement, ou qu'on sentait un tout petit peu plus que tout le reste. Ils se moquent tous de ça, les impressions, les semblants de. Pourtant pour nous, c'était presque confirmé d'avance, c'était presque l'évidence. « Je pars sérieusement à l'instant à la chasse aux arguments contre qu'Auden l'appelle Auden II ou Auden junior là. Si jamais t'as des idées. » la blague est moche et la blague est nulle ; mais si elle lui arrache un minuscule petit sourire ce sera au moins ça.

« D'une alliée pour ne pas me perdre dans tous les magasins du monde. » Ce n'était pas forcément la réponse que tu voulais entendre. Tu t'attendais plutôt à des objets, des meubles, parce que ce besoin là, tu ne te sens absolument pas à la hauteur. Les boutiques d'enfant ce n'est plus ta tasse de thé. Il y a trop longtemps que tu n'en a plus, des bébés et même personne dans ton entourage n'en avait avant aujourd'hui. « Je- j'crois pas être la bonne personne pour ça. » Et il empeste à des milles à la ronde ton mal être. Celui qui fait une montagne avec rien. Celui qui rend un simple magasinage pour bébé angoissant. « On peut tenter le shopping en ligne, si tu veux. » Et déjà ça devient un peu moins angoissant, alors que tu lui fais signe de la tête que oui. Ne pas sortir. Pas encore. Pas tout de suite. Ne pas courir la chance de croiser qui que ce soit. Surtout ne pas sortir.

Elle vient poser une tasse de thé devant toi Ginny même si tu lui avais pourtant dit que tu n'en voulais pas. Tu n'en veux pas. Tu ne veux rien. C'est vide. C'est juste, vide. Mais elle est quand même pratique cette tasse quand tu la couvre de tes deux mains, quand elle vient te réchauffer un peu plus. « Oui. Ça a été confirmé la semaine dernière. » Un garçon donc. Un autre garçon pour elle comme pour lui. Sans trop savoir pourquoi, tu étais convaincu que ça ne pouvait être autrement. « Je pars sérieusement à l'instant à la chasse aux arguments contre qu'Auden l'appelle Auden II ou Auden junior là. Si jamais t'as des idées. » « Tu as une liste ? » C'est que tu la coupes presque dans sa blague placé pour détendre l'atmosphère qui ne sert à rien. La blessure est trop récente. Elle te bouffe de l'intérieur. Ça ne sert à rien. Elle n'aura aucun sourire Ginny. Pas aujourd'hui. Tu as juste hâte de commencer que ça finisse. Est-ce qu'elle sait ? Est-ce qu'elle sait tout ? Probablement. Ils ont l'air de ce parfait petit couple chiant qui se dise tout. « Tu as gardé des choses à Noah ? » Probablement pas. Personne n'acumule autant de choses pendant dix ans. Elle doit probablement repartir de zéro. Tu viens finalement attraper le iPad placé un peu plus loin sur le plan de travail. iPad que tu pousses vers Ginny. Si tu lui as longtemps imposé tes choix, ta façon de vivre, ce n'est désormais plus le cas. Surtout pas là dessus. Elle mérite que les choses se passent à sa façon.

À la seconde où je pose la tasse devant elle, c'est comme si je me revoyais il y a des années. La gamine fragile et gelée qui ne veut rien, qui ne ressent plus rien non plus. Le miroir est effarant, il l'est encore plus quand elle entoure la tasse bouillante de ses paumes que je suis persuadée être glacées. Autant de fois elle tentera de me pointer la porte aujourd'hui seront autant de fois où je me trouverai une nouvelle excuse encore plus imaginative - intrusive - de rester.

« Tu as une liste ? »
« On voulait attendre avant d'en parler, au cas où. »

Elle n'est pas indifférente à la maladie de Noah. Elise n'était pas aux premières loges quand il a été hospitalisé et encore moins lorsque les recherches de rein pour remplacer celui atrophié étaient ma seule et unique priorité. Pourtant, elle sait qu'il s'agissait d'une maladie héréditaire et elle sait également que c'était moi qui en était porteuse. Le calcul se fera vite, à savoir que très tôt dans la grossesse les examens qu'on a pu passer ont laissé présager que tout irait bien. Les trois mois passés, une frousse de moins de confirmer que tout allait bien. « Tu as gardé des choses à Noah ? » doucement, j'ajoute un trait de miel à mon thé, lui tendant ensuite le pot en sachant très bien que jamais elle n'en prendra elle qui ne boira fort probablement même pas sa boisson en premier lieu. « Y'a une boîte ou deux de ses affaires qui ont suivi de Londres à ici. La majorité est allée à Bailey et Jill par contre, pour les jumeaux. » c'est Noah d'ailleurs qui a insisté, lui qui voulait faire une place à Bowie et à Tracy de la meilleure des façons dans nos vies.

Une seconde passe, une inifinité d'autres. Quand je repère maintenant sa tablette électronique posée sur le comptoir, fermée mais chargée. celle que j'ouvre et sur laquelle je pianote un texto d'insultes blanches à Auden envoyé sous le nom de sa belle-soeur, mais surtout où je file en vitesse rapide vers la première boutique en ligne que je connais. Elle ne parle pas, ne parle plus, se mure dans son silence et c'est tout à fait normal. « Elise, je sais. Je vais pas te poser la moindre question et j'en parlerai plus jamais. » que je finis par ajouter, à demi-mot. Et si elle me demande je sais quoi, la réponse sera facile. Tout. Autant mon ton que mon regard ne sont là que pour la rassurer, pour la calmer. Elle n'y entendra ni n'y verra aucune once de pitié par contre. « Mais t'as pas besoin de faire semblant. Pas avec moi. » juste un espoir qu'elle laisse tomber le masque au moins ici. Elle n'en a pas besoin.

« On voulait attendre avant d'en parler, au cas où. »
« Arrête de te justifier Ginny. J'en ai rien à faire de pas avoir été mise au courant. »

Ça ne fait pas vraiment changement de ne pas savoir ce qui se passe dans la vie de Auden. Il y a des années que toi comme Saül n'aviez pas vraiment de nouvelle de ce qui se tramait dans sa vie et vous n'aviez pas non plus chercher à savoir. De toute façon, tu n'as plus à savoir. Tu ne fais plus partie de cette famille désormais.Et puis, la véritable question que tu te poses c'est pourquoi Saül, lui, ne te l'a pas dit. Parce qu'il était horriblement jaloux, visiblement. Il n'a plus à l'être maintenant. Il va l'avoir lui aussi son héritier, le vrai. L'autre possibilité aurait été qu'il craignait ta réaction, qu'il craignait te blesser. Quelle connerie ces belles paroles de vouloir t'épargner. Tu ne les crois plus, celles passés et encore moins les futures. « Y'a une boîte ou deux de ses affaires qui ont suivi de Londres à ici. La majorité est allée à Bailey et Jill par contre, pour les jumeaux. » Tu relèves doucement la tête vers Ginny lorsqu'elle évoque les jumeaux. Il a jamais appeler Bailey. Pas surprenant. Ne l'a t-il pas fait parce qu'il s'en sort bien ? Probablement pas. « Il s'en sort comment ? » Et la question risque probablement de la surprendre. Elle surprendrait tout le monde qui vous a déjà vu vous côtoyer Bailey et toi.

« Elise, je sais. Je vais pas te poser la moindre question et j'en parlerai plus jamais. » Ça pique. Ça pince. C'est le martyr. Le contraire t'aurait étonné, mais tu préférais quand même quand elle jouait à la naïve qui fait semblant de ne pas voir que rien ne vas. Mais elle fait pas semblant Ginny. Elle a jamais compris comment faire. « Mais t'as pas besoin de faire semblant. Pas avec moi. » « J'ai l'air de faire semblant ? » Non. Vraiment. Elle sait pas ce que s'est de faire semblant. Tout serait impeccable si, vraiment, tu ferais semblable. Tu tentera de camoufler tes blessures, tes déchirures. Tu ne caches rien là. Tu n'en es même pas capable. Parce que ça fait trop mal. Parce que c'est trop récent. « Très bien. Tu peux ramasser tes affaires et t'en aller, parce que j'ai absolument pas de te voir et encore moins de magasiner pour ton merveilleux petit bonheur en devenir. » Quoi ? C'est pas ça qu'elle voulait entendre ? C'est pourtant la seule chose sur laquelle tu faisais semblant. Tu l'a laissé entrer même si tu n'en avais pas envie. C'est pas vraiment contre elle. Ce serait pareil avec n'importe qui d'autre. Tu n'as pas envie de voir personne. Tu as besoin de vivre ça tout seule encore. Juste une journée ou deux de plus. Juste ça. Vraiment ?

« Il s'en sort comment ? » c'est avec toute la retenue du monde que je tente d'empêcher mes sourcils de se froncer à l'instant où elle pose la question. Personne n'aurait pu se douter qu'Elise aurait ce genre de mots à l'égard de Bailey, sachant à quel point leurs tensions étaient connues de tous à l'époque comme elles devaient potentiellement l'être encore aujourd'hui. Pourtant, la lueur dans son regard et l'intonation qu'elle ajoute à la question ont tout pour me mettre la puce à l'oreille qu'elle s'en inquiète véritablement. Les gens se donnent des poignées de seconde chance et se laissent la liberté d'avancer les uns les autres, ces jours-ci. Jamais je ne m'en plaindrai. « Bien, mieux. » surtout pas lorsque je réponds à sa question avec toute la franchise dont je suis capable, sans ne rien dévoiler qui ne m'appartient pas non plus.

Franchise qui ne passe absolument pas, lorsque j'aborde la situation actuelle et surtout, la sienne. « J'ai l'air de faire semblant ? » docile, je secoue la tête de droite à gauche, la réponse négative qui me donne l'air d'être une gamine prise sur le fait ce que je suis fort probablement. Elle est furieuse Elise, et sa colère se transpose en un air de glace, des lèvres qui se pincent et une langue qui claque contre son palais. J'ai tout gâché, j'ai tout cassé, j'ai tout démoli ; encore.  « Très bien. Tu peux ramasser tes affaires et t'en aller, parce que j'ai absolument pas de te voir et encore moins de magasiner pour ton merveilleux petit bonheur en devenir. » la sentence tombe et son regard avec, celui qui me détaille quand bien même je reste immobile sur mon siège. Mes paumes se resserrent de chaque côté de ma tasse d'eau bouillante à peine infusée.

L'horloge n'a même pas concédé une dizaine de minutes que déjà la brune me chasse de son territoire en un claquement de doigts. « T'es sûre? » bien sûr qu'elle l'est. Bien sûr que ma place n'est pas ici et que si j'insiste, si j'ose rester alors qu'elle ne me rêve que dehors, elle s'assurera de m'attraper par le collet pour me jeter sur la terrasse sans la moindre considération pour le reste. Et le pire là-dedans, c'est que je la laisserais faire amplement sans jamais lui en vouloir. Elle ne va pas bien Elise et si elle doit passer ses nerfs sur quelque chose ou quelqu'un, qu'elle le fasse sur moi ; ma carapace est immense depuis les années. Mais la voilà, la carapace, celle qui reste en place alors que je finis par céder, reprenant mon sac et refaisant le trajet vers la porte à l'inverse. Une seconde passe, et une autre, avant que je me détourne en attrapant son regard par-dessus mon épaule et tentant une dernière et ultime fois. Tout ce que je peux. « T'as pas à vivre ça seule. »

« T'es sûre? » Sûre de quoi ? Que tu veux qu'elle s'en aille ? Oui. Sûre que c'est la bonne chose à faire ? Non. Que tu pourras mieux respirer quand elle sera dehors ? Non. L'ambiance sera la même. La lourdeur des murs sera toujours là, sera même sûrement pire un coup seul avec tes démons. Tu veux qu'elle parte au même niveau que tu voudrais qu'elle reste, mais tu ne l'avouera jamais. Pas à elle. Ni à personne d'autre. Tu les chassera un à un les personnes qui viendront sur le pas de ta porte. Tu le fera jusqu'à ce que tu arrives à aller mieux, juste un peu. Alors, oui, c'est quand même la solitude que tu choisis même si c'est sûrement la pire idée du monde.

Au finale, tu n'es sûre de rien.

Mais elle n'insiste pas Ginny quand elle se lève finalement de l'îlot pour se diriger vers l'entrée, vers la sortie que tu lui a gentiment pointé du doigt. Pourquoi elle insisterait de toute façon ? Elle t'a sûrement toujours détester et avec raison. Elle est gentille juste parce que vous êtes censé être de la même famille. Curieusement, vous êtes devenues belle-soeur aussi rapidement que vous ne l'êtes plus. Tu ne fais plus partie de cette famille. Elle n'a pas besoin d'être là. Elle n'a pas besoin de jouer à l'amie qu'elle n'est pas. Plus maintenant. Plus jamais. Qu'elle aille plutôt à ces cours pré-nataux stupide avec sa nouvelle belle-soeur.

« T'as pas à vivre ça seule. » Peut-être. En même temps, il n'y a personne en qui tu as assez confiance pour le vivre avec. La personne en qui tu avais une confiance aveugle est la cause de tous tes maux. « Tu peux pas comprendre. Personne peut. » Encore moins en ce moment là. Alors qu'elle porte la vie, que tu portera le vide éternellement. C'est sans un mot de plus que tu lui refermes la porte au nez comme tu en mourrais d'envie dès la seconde où tu l'as vu sur ton perron. Tu n'aurais jamais dû la laisser entrer. Peut-être une prochaine fois.

Et ouais, l'angoisse, elle triple.