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 time can heal but this won't (yasmine)

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Message(#) Sujet: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyDim 17 Mai 2020 - 19:58


Vous avez le droit de partir, monsieur Copeland. Pour mieux revenir. Prenez soin de vous, on se revoit dans quelques semaines pour s’assurer que vous guérissez bien. Je ne vais jamais guérir. Et il avait raison. C’était la seule chose qui avait traversé son esprit quand on lui avait dit qu’il pouvait rentrer chez lui : qu’il n’allait jamais s’en remettre. C’était quelques jours seulement après son accident. Quelques jours seulement après la mort de June. Quelques jours seulement après l’implosion de sa vie, de tout ce qu’il connaissait, de tout ce qu’il possédait. Quelques jours seulement, oui, et on lui disait déjà qu’il pouvait rentrer chez lui. Qu’il pouvait subir le vide de sa maison, celui dans son cœur, et le silence glaçant qui s’était installé là en son absence. Quelques jours seulement, et il savait déjà qu’il n’y arriverait pas, jamais. Ni ce jour-là, ni quelques semaines après, ni deux ans plus tard, ni dix. Parce qu’il savait que jamais la culpabilité ne s’en irait, que jamais il ne serait capable de se laisser mourir lui, pour que June vive. Ça le bouffait de l’intérieur et pourtant, il avait durement serré la main du médecin, lancé un regard un peu plus doux à Yasmine et quitté le hall des urgences. Les premiers jours à la maison n’avaient pas été simples. C’était lui qui était blessé et, pourtant, c’était lui qui était aux petits soins de son épouse. Il avait fait au mieux pour qu’elle ne se laisse pas couler : il l’avait surveillé pour qu’elle dorme, il l’avait forcé à manger et il avait lancé des discussions dans tous les sens pour qu’elle arrête de regarder dans le vide, pour qu’elle arrête de creuser le trou béant dans sa poitrine. C’était lui qui avait eu un accident de voiture et c’était elle qu’il plaignait, pourtant. C’était elle qui semblait avoir été percutée par une locomotive lancée à pleine vitesse. C’était elle qui avait le droit de se faire plaindre, pas lui. De devoir rester fort, ça l’avait fait aller mieux sur le plan physique en seulement quelques jours : oubliées ses côtés cassées, oubliées ses fractures, oublié sa commotion cérébrale. Il avait repris le travail, il avait fait en sorte de rassurer ses proches, il avait tout fait pour que l’accident reste un lointain souvenir. Seul son cœur brisé restait intact. Intact et inaccessible. À sa famille, à ses amis, à sa femme. Il ne mettait jamais le sujet sur le tapis, ne se laissait pas aller, ne versait pas une larme : il n’y avait rien, comme si elle n’était pas morte. Elle vivait à travers les rires qu’il entendait résonner contre les murs, à travers le paquet de céréales qui traînait toujours au fond du placard et qu’il ne comptait pas jeter – même s’il était périmé depuis quelque temps déjà – à travers sa chambre qui n’avait pas bougé depuis son départ, là où il y avait encore quelques jouets entassés, comme si elle avait laissé ça le temps d’aller quelque part et qu’elle comptait revenir après pour y jouer. Rien n’avait changé, en apparence. Vraiment rien.

C’est le grand jour. C’est aujourd’hui. Il s’est levé avec la boule au ventre. Même si elle est toujours là depuis quelques semaines, ce matin, elle était encore plus grosse. Plus douloureuse. Plus écrasante. Aujourd’hui, il va remettre les pieds à l’hôpital. Cet endroit qu’il a rejoint sur une civière il y a quelques semaines, qu’il a quitté sur ses deux pieds, amputé de son cœur et de son âme : sa fille, June. Dans la voiture, il se demande s’ils ont été capables d’inventer une machine qui lira en lui, car il ne sera pas capable de donner des informations par lui-même. Est-ce qu’ils pourront voir qu’il a mal, à travers les radiographies ? Est-ce qu’ils pourront voir qu’aucun médicament ne lui fera plus jamais rien ? Est-ce qu’ils seront capables de comprendre que sa blessure est interne, profonde et qu’ils ne peuvent pas la guérir ? Est-ce qu’ils savent ce que ça fait d’endurer un deuil, est-ce qu’ils savent que ça ne peut pas aller mieux ? Ils veulent s’assurer que tout va bien. Hurle. Ça ne va pas, ça n’ira pas. Et pourtant, il est là. Il est là et il se gare sur le parking visiteur, comme s’il venait rendre visite à quelqu’un. Est-ce qu’elle erre dans les couloirs ? Est-ce qu’elle se sent abandonnée ? Il ne croit pas aux esprits et même si c’était le cas, il ne voudrait pas que sa fille en devienne un. Il veut la savoir en haut. Au paradis. Mais est-ce qu’il croit en tout ça ? Pas vraiment. Pourquoi un être supérieur lui aurait retiré ce qu’il a de plus cher au monde ? Pourquoi tuer une enfant et garder des assassins ? Non, il n’y croit pas. Mais pour elle, il a bien envie de faire un effort. Le paradis, des bonbons partout, du gâteau en entrée, en repas principal et en dessert. Une piscine de ballons, un matelas en peluche, des dessins animés à la place de murs blancs. Le paradis pour elle, pendant qu’il subit l’enfer de son absence. Il avance vers les grandes portes vitrées de l’hôpital, qui s’ouvrent devant lui quand il est suffisamment proche. C’est un drôle de concept que d’ouvrir ses bras à de grands blessés. Il soupire faiblement en avançant. Quand il est parti d’ici, Olivia était avec lui. Il avait quelqu’un pour le soutenir, quelqu’un qui avait les mêmes blessures internes que lui, quelqu’un qui savait ce qu’il endurait. Aujourd’hui, il est seul. Il n’a pas dit à Olivia qu’il devait y retourner aujourd’hui, il a préféré dire qu’il partait travaillait. Il ne voulait pas qu’elle se propose de venir, même si, au fond, il sait très bien qu’elle ne l’aurait pas fait. Il voulait être seul. Mais être seul, ça fait mal. Il se rapproche du guichet d’accueil, la boule dans son ventre se déchaîne, le fait grimacer. Bonjour, je viens pour… Il réfléchit une seconde, croise le regard d’une personne un peu plus loin, d’une personne qu’il a l’impression de connaître alors que finalement, il n’a été avec elle que quelques jours. Et ce regard, c’est le dernier que June ait croisé avant de s’éteindre pour toujours. Yasmine. Celui de Yasmine, l’infirmière qui a fait de son mieux pour que sa princesse s’envole sans souffrances, sans peur. L’infirmière qui a été là pour lui durant les quelques jours de son hospitalisation. Celle qui est toujours là, aujourd’hui. Il comprend que le temps ne s’est pas arrêté, quand il est parti d’ici, que le monde a continué de tourner et que elle, elle fait toujours son métier. Il en aurait été incapable, à sa place, incapable de voir des gens partir, d’autres rester, de voir des larmes, des deuils, des souffrances à répétition. Et il doute que la survit d’une personne puisse consoler la perte d’une autre. Yasmine ! Cette fois, il dit son prénom à son encontre, suffisamment fort pour qu’elle l’entende. Et il s’approche d’elle, démarche assurée, pourtant il ne sait pas pourquoi. Je viens pour mon check up. Dit-il, sans attendre d’être arrivé à sa hauteur. J’aimerais être accompagné. Il ne dit rien de plus, rien de moins. C’est suffisamment compréhensible, il le sait, et ses yeux disent les mots qu’il ne prononce plus depuis assez longtemps : s’il te plaît.

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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyDim 24 Mai 2020 - 16:38



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Le retour au pays était toujours aussi difficile. Yasmine avait passé de nombreuses semaines à se demander si le contraste entre son Australie natale et le Niger où elle avait vécu huit longs mois – pénibles parfois, enrichissants surtout –, ne représentait pas le palier le plus difficile à surmonter pour elle. Le sommeil venait toujours avec plusieurs heures de retard, comme si son cerveau ne pouvait cesser de tourner complétement, se laissant trop facilement happé par les ruminations incessantes qu'elle couvait en silence, beaucoup trop magnanime pour avouer à qui que ce soit que depuis qu'elle était rentrée, il y avait quelque chose qui n'allait pas chez elle. L'impression d'évoluer en petite privilégiée, dans cet hôpital où chaque intervention exécutée par le personnel soignant était chapeautée par des subventions aux montants trop vertigineux pour qu'elle ne puisse être capable d'en deviner vraiment la valeur, ça la tourmentait sincèrement. Elle avait été témoin de trop de choses pour pouvoir accepter la différence notable de moyens entre les continents ; d'une certaine façon, ça lui laissait l'impression qu'elle n'était pas complètement utile ici. Simple maillon d'une chaîne, elle se perdait dans des rêves qu'elle faisait les yeux grands ouverts tout au long de ses journées bien remplies, ses nuits restant aux prises de cauchemars qu'elle refoulait tout bonnement eux aussi. Reprendre des études, c'était quelque chose à quoi elle avait songé ces derniers temps, convaincue par les paroles de la cheffe de camp qu'elle avait quitté quelques mois plus tôt et qui, la larme à l'œil, l'avait exhortée de passer un diplôme qui ferait d'elle autre chose qu'une infirmière.
Devenir médecin, c'était cet objectif qu'elle avait nourri pendant tant d'années, petite fille, malgré sa grande douceur et sa timidité, assez déterminée pour faire entendre à ses parents qu'elle méritait mieux que de rester à la maison à élever une tripotée de gamins aux yeux aussi vert que les siens. Mais là encore, la différence de moyens entre elle et les autres lui avait fait revoir ses ambitions à la baisse et se complaire dans le palier du dessous… celui dans lequel elle avait évolué longtemps alors, se satisfaisant de l'ersatz en même temps qu'elle se convainquait, chaque fois un peu plus fort, de la pensée douloureuse que de toute façon, elle n'était pas capable de plus que ça. Et pourquoi pas ? Le coude fiché au bord du comptoir d'accueil des urgences de l'hôpital Saint Vincent, c'est du bout de l'index qu'elle fit se mouvoir l'écran de son téléphone portable pour mieux s'arrêter sur la présentation digitale et pompeuse de l'Université du Queensland.
Elle aurait moins d'années à tirer que les jeunes gens qui sortaient du lycée, son diplôme d'infirmière l'exemptant de certains modules qu'elle était la plus à même de maîtriser… n'était-ce pas ce qu'elle avait toujours voulu ? Elle n'avait jamais tenu à imposer le coût de ses études à ses parents, mais elle travaillait depuis près de dix ans maintenant et en bonne économe qu'elle était, élevée modestement et avec les valeurs qui en découlaient, elle saurait se débrouiller pour financer son cursus – une bourse pourrait être envisagée, elle le savait, elle s'était déjà renseignée sur le sujet, encouragée par une Clara enthousiaste face à son grand projet. Sa bouche s'écrabouilla d'elle-même tout contre la paume de sa main, et ses yeux se perdirent dans la contemplation sommaire du site internet de l'université qui devint flou à mesure qu'elle se mit à y songer plus distraitement – quand l'appel de son nom la fit bondir de ses pensées, et tourner immédiatement la tête vers la source cette réclamation.
Un froncement de sourcils la fit définitivement revenir à la réalité. Relevant la tête pour de bon, Yasmine la tourna très brièvement vers Molly qui venait se réinstaller, les mains pleines de snacks en prévision de son après-midi surchargée, derrière son poste de travail, tandis qu'elle empochait déjà son téléphone portable dans sa blouse et qu'elle se dirigeait vers Jacob. Une légère inspiration l'aida à envisager le salut du jeune homme avec plus de sérénité qu'en réalité ; car quand elle posa son regard sur lui, elle ne vit qu'un homme brisé.

Il le portait moins sur le visage que son épouse – Olivia, qu'elle avait tenté d'approcher tant de fois depuis le drame, mais qu'elle n'avait pas su saisir, devenu aussi indiscernable que l'air qui lui manquait parfois pour respirer convenablement "Hey." lui répondit-elle avec un sourire timide, mais sincère, lorsqu'elle arriva enfin à sa hauteur. Yasmine glissa ses mains dans les poches de sa blouse, saisissant son téléphone portable en secret. Elle s'y accrocha comme on s'accroche à une bouée pour ne pas sombrer dans la marée soudaine d'émotions qui se bousculèrent dans son être et son esprit. Reprendre son travail ici sur une intervention de ce type, ça avait été une épreuve effroyable, marquante à tant de niveaux qu'elle avait eu du mal à s'en remettre. Seulement, ce n'était pas elle la plus à plaindre ; elle en était consciente, elle avait tout gardé pour elle pour mieux mettre son talent d'infirmière au service de ce couple qui connaissait les heures les plus douloureuses de son existence.
La superposition de l'image qu'elle avait gardé de Jacob avec celle qu'il présentait maintenant était aussi saisissante que celle de l'Australie et du Niger ; il donnait l'impression de bien aller, mais ils avaient partagé trop d'heures à veiller June, chacun retranché dans des prières et des pensées, pour qu'elle ne devine pas qu'en réalité, il était effectivement brisé. Ses blessures avaient laissé des séquelles indétectables à l'œil nu, tout comme la perte qu'il avait connu et qui se lisait sur chaque parcelle de son visage marqué par l'impensable, par la fatigue aussi "Je pensais pas que ce serait aussi rapide." s'étonna-t-elle en l'entendant justifier sa présence ici… et puis la supplication discrète et indicible, le regard qui se mit à briller et le sien qui vacilla de part et d'autre de son visage qu'elle observa sous la barrière épaisse de ses longs cils. Une pause qui dura moins d'une minute pendant qu'elle retirait les mains des poches de sa blouse pour les perdre dans les longues mèches brunes qui encadraient son visage au teint caramel "Bien sûr, Jacob. Je peux me libérer." n'hésita-t-elle pas même un instant à lui dire, rassérénée par la main métaphorique qu'il lui tendait pour qu'elle continue à faire ce qu'elle avait fait à la seconde où lui et sa petite fille avaient dépassé le seuil du service des urgences, cassés et comateux : l'aider – à surmonter une nouvelle épreuve, à supporter les souvenirs qui ne tarderaient pas à remonter à la surface, à se raccrocher à l'idée qu'il n'était pas seul.
Elle rompit le contact visuel pour jeter un coup d'œil à la montre qu'elle portait au poignet "T'as rendez-vous à quelle heure ?" Le tutoiement s'était imposé à cette époque-là, probablement parce qu'elle avait dû empiéter sur l'intimité d'une famille qui n'avait rien demandé, choisie par les astres sous des prétextes nébuleux et injustes – très certainement. Elle lui adressa un nouveau sourire, penchant la tête sur le côté pour désigner, d'un pouce à l'ongle peint en vert d'eau, la porte de service qui menait jusqu'à la cafétéria de l'établissement "Un peu de courage liquide avant d'affronter les machines et les médecins. Un thé... ou un café d'ailleurs, ça te dirait ?" Elle avait tendance à penser que le thé guérissait tout. Yasmine s'en voulut d'y croire à cet instant-là aussi, n'empêche qu'elle lui proposa tout de même avec une légère pointe de zèle, plus que soucieuse d'adoucir l'horreur dont ils avaient tous les deux été témoins et qui deviendrait, pour l'un d'entre eux au moins, un véritable fardeau.
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyMer 27 Mai 2020 - 21:04


Son accident l’a empêché de faire beaucoup de choses, dès son retour à la maison. Il avait du mal pour n’importe quelle activité : du mal à marcher, du mal à cuisiner, du mal à remplir un lave-vaisselle, du mal à se concentrer sur un livre, sur la télévision ou simplement du mal à réfléchir trop longtemps. La faute à ses côtes cassées, à ses contusions et à sa commotion cérébrale. Et pourtant, il faisait tout cela sans rechigner : il ne se plaignait jamais, se contentait de se mordre l’intérieur des joues et de grimacer silencieusement. Il n’avait pas besoin de faire savoir sa douleur à Olivia, elle se sentait et se ressentait, comme s’il avait acheté un nouveau parfum et qu’il avait vidé le flacon sur chaque parcelle de son corps. Il ne pensait pas que sa douleur mentale dépasserait aussi vite sa douleur physique, il ne pensait pas qu’aimer sa femme allait le faire souffrir, que de rigoler à une blague douteuse allait le faire culpabiliser et que de passer devant une simple porte allait le donner envie de s’évanouir, encore et encore, jusqu’à ne plus jamais se réveiller. Il ne savait pas toutes ces choses-là, le médecin l’avait prévenu pour son dos, pas pour son cœur. Il se souvient s’être demandé s’il existait un livre sur la question : si quelqu’un avait un jour essayé de mettre en mots ces maux-là. Si quelqu’un avait un jour tenté de décrire un deuil, d’en trouver les solutions pour le calmer. Dans ses recherches, il a trouvé ce que tout le monde connaît, ce que tout le monde rabâche, ce qu’il ne semble pourtant pas avoir vécu. Le déni, la colère, la négociation, la dépression, l’acceptation. Et la culpabilité, dans tout ça ? À la mort d’un proche, tout le monde sort ces belles phrases que personne ne veut entendre : « elle n’aurait pas aimé te voir dans cet état-là. » Personne n’a jamais dit ça à Jacob, concernant June. Certes, il gardait la face, mais personne ne lui aurait dit même s’il passait ses journées à pleurer. Parce qu’elle n’aurait jamais rien souhaité de particulier, du haut de ses trois ans. Parce que personne n’est capable de se mettre dans sa tête. Parce que personne ne sait quoi dire face à l’homme qui a tué son propre enfant – involontairement ou non. Aujourd’hui, des semaines plus tard, il n’a encore trouvé aucune réponse à toutes ses questions. Et même si les médecins ne sont pas des savants fous, même s’ils ne sont là que pour guérir une douleur qui peut se voir, il espère, au plus profond de lui-même, qu’ils sauront lui apporter des réponses. De l’espoir, rien qu’un peu : parce que l’espoir fait vivre, et qu’il n'en peut plus de se contenter de survivre.

À l’intérieur de l’hôpital, ses yeux ne tardent pas à s’arrêter sur un visage qui lui est – trop – familier. Ce visage qui a illuminé les derniers instants de vie de June, ce même visage qui était pourtant très fermé à l’annonce de son décès. Ce visage qui a connu les mêmes douleurs que lui, même si le degré et l’attachement n’étaient pas les mêmes. La matinée est terminée depuis un petit moment maintenant, c’est l’après-midi qui s’entame, et il n’y a pas foule aux urgences, apparemment. Il y a quelques personnes qui attendent, d’autres qui discutent, et des médecins qui vont et qui viennent d’une salle à une autre. Et il y a Yasmine, qu’il se sent obligé d’interpeller, comme si tout son corps le désirait alors que, au fond, il aurait préféré faire demi-tour, fuir, parce que c’est plus simple de ne pas lire la compassion dans les yeux de quelqu’un qui sait déjà tout. Quand ils se font finalement face, il lui explique pourquoi il est ici. Je pensais pas que ce serait aussi rapide. Il s’étonne de cette réponse, ça ne l’était pas tant : quelques semaines. Quelques très longues semaines. Ça m’a paru être une éternité. Il avoue, avant de hausser ses épaules. C’est pour s’assurer que je vais bien, mais que ce soit maintenant ou dans trois mois… bref. Elle a compris, il n’a pas besoin de le dire : ça ne va pas, ça n’ira pas. Il lui dit qu’il aimerait être accompagné – évidemment par elle. Ses yeux sont suppliants, bien qu’il sache au fond qu’il n’a pas besoin d’insister pour qu’elle accepte. Un lien s’est créé entre eux, sans qu’ils le veuillent forcément, un lien qui ne s’entachera jamais : on ne peut pas oublier de tels événements, jamais. Bien sûr, Jacob. Je peux me libérer. Sa réponse n’est qu’un simple sourire, ça le rassure d’être en sa compagnie. T’as rendez-vous à quelle heure ? Beaucoup de patients pourraient s’offusquer du tutoiement, pour eux, ça a été naturel. Ça a été le vouvoiement pendant un moment et puis, petit à petit, il se sentait bien plus soutenu par cette « simple » infirmière que par sa femme, alors leurs rapports ont changés. Toujours très professionnels, un patient et son médecin, mais un peu plus intimes dans la manière de se parler. Et quand on a tout perdu, ça fait du bien de ne pas avoir à faire attention à une multitude de petits détails comme ceux-ci. Dans une heure, à peu près. Je suis un peu en avance. Un peu, beaucoup. Il ne pensait pas réussir à rentrer tout de suite, il pensait qu’un mur invisible se serait construit entre les portes de l’hôpital et lui, et qu’il lui serait impossible de franchir le seuil. Je me pensais pas capable d’arriver aussi vite. Et ça ne le gêne pas de mettre des mots sur ce qu’il a ressenti dans sa voiture, en conduisant jusqu’à ici. Ça ne le gêne pas, parce qu’il pense que c’est le cas pour énormément de personnes : blessées ou endeuillées, l’hôpital n’a jamais été très accueillant, personne n’y vient en courant et en criant.

Elle lui montre la porte menant à la cafétéria, et Jacob ne peut s’empêcher de sourire à cette idée. Il n’aurait pas pu rêver mieux. Un peu de courage liquide avant d’affronter les machines et les médecins. Un thé… ou un café d’ailleurs, ça te dirait ? Il hoche son visage vivement. Je ne dis jamais non à un café. C’est sa seule drogue : la caféine. Il n’abuse jamais de l’alcool et évite le tabac au possible, mais le café, il doit en ingurgiter plusieurs litres par semaines. C’est peut-être ça qui l’empêche de dormir la plupart de ses nuits, ça et June qui ne cesse de roder dans son esprit. Il suit Yasmine, qui lui emboîte le pas pour rejoindre la cafétéria. Je t’avoue que j’ignore à quoi m’attendre, aujourd’hui. Qu’est-ce qu’ils veulent vérifier ? Et comment ? Il se doute qu’il y aura certainement une radio pour vérifier que ses côtes vont bien, quelque chose également au niveau de sa tête pour voir si tout s’est bien remis, s’il n’y a rien d’alarmant. Mais est-ce que c’est tout, ou est-ce qu’il y autre chose ? Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? Tu n’avais rien de prévu ? Elle est sur son lieu de travail, alors elle a forcément quelque chose à faire. Mais peut-être qu’accompagner d’anciens patients, ça rentre dans ce qu’elle doit faire. Il n’en sait rien, il n’a jamais été intéressé par tous ces métiers-là et ne connaît absolument pas les tâches des membres du personnel. Ils se mettent dans la petite queue qu’il y a dans la cafétéria, pour pouvoir être servi après les quelques personnes avant eux. Dis-le moi si je suis trop curieux mais… t’avais l’air plutôt intéressée parce que tu regardais avant que je t’interpelle, c’était quoi ? Un jeu ? Candy crush ? Lui qui a passé sa vie à travailler pour nourrir son ambition a pu se mettre aux jeux un peu nuls sur son téléphone, pendant ses quelques jours de repos. Même s’il a repris très tôt le travail, il y avait quelques jours où il restait à la maison à ne rien faire. Alors, pour une fois, il a une référence comme celle-ci.

@Yasmine Khadji :l:
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyLun 8 Juin 2020 - 11:55



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Comment ne pas compatir à la douleur qu'elle lisait sur le visage de l'homme qui se trouvait juste en face d'elle ? La question ne se posait même pas en réalité. Outre la formation qu'elle avait suivie, Yasmine avait été élevé dans un environnement propice à l'empathie démesurée, celle qui vous fait considérer les problèmes des autres comme les vôtres, quitte à s'y perdre jusqu'à l'atténuation complète de la douleur et de la tristesse. Ça lui arrivait souvent de juger la peine des autres comme étant plus légitime que la sienne, ça lui venait naturellement aussi de faire preuve de trop de sensiblerie lorsqu'elle assistait à des drames devant lesquels elle se sentait impuissante. Elle agissait tout de même, en faisant parfois trop, convaincue en son for intérieur de ne pas en faire assez pourtant. D'ailleurs, c'était probablement l'une des raisons qui avaient tant fait douter ceux qui avaient eux l'occasion de travailler avec elle quand, confrontés à la bienveillance de leur toute jeune nouvelle recrue, ils l'avaient d'emblée jugée pas assez costaud pour supporter tout ce qui lui tomberait sur les épaules au cours de sa carrière. Car menue, elle l'était, pétrie de bonnes intentions aussi, pour autant elle avait démontré que les apparences étaient trompeuses, et malgré les critiques qu'elle avait essuyé à propos de sa propre définition de l'éthique de travail, elle s'était démarquée.
Yasmine avait fait de sa compassion instinctive une force dont elle usait à bon escient, intimement persuadée qu'on gagnait plus à s'investir qu'à se distancer, et on la respectait pour ça désormais. Bien sûr ça continuait à faire jaser chez ses supérieurs directs de la voir prendre les interventions aux urgences au cas par cas, mais elle n'imaginait pas faire son métier autrement que comme ça. Elle était humaine avant d'être infirmière, aussi lui interdire de ressentir quoi que ce soit reviendrait à vouloir altérer la personne qu'elle était – et c'était impensable. Elle n'hésitait jamais à dépasser le cadre de ses attributions officielles parce qu'au-delà de la médecine pure et dure qu'on lui demandait de pratiquer par automatisme, elle savait combien faire preuve d'humanité pouvait bien souvent soulager davantage que les blessures physiques. Certains soignants avaient tendance à l'oublier, focalisés sur la guérison des corps qui n'avaient aucun secret pour eux, mais la vie ne s'arrêtait pas aux murs de cet hôpital ; envisager la sortie des patients en mettant du baume sur leurs idées noires et leur culpabilité, c'était tout aussi important que le reste. Elle en avait fait sa spécialité.
Elle s'investissait trop, c'était un reproche que bien souvent elle repoussait d'une pichenette et d'un haussement d'épaules qui lui était propre, se sachant assez aguerrie pour faire la part des choses et avancer en se nourrissant des épreuves qu'elle vivait en tant qu'infirmière. Toutefois, depuis qu'elle était rentrée du Niger, les choses n'étaient pas aussi évidentes que ça. Tout ce qu'elle vivait prenait une ampleur mal proportionnée, s'ajoutant à la somme des angoisses qu'elle gardait pour elle, soucieuse de n'alerter personne et de ne pas inquiéter. L'accident de June et Jacob en était la preuve concrète, son impact sur elle ayant dépassée le stade de l'implication telle qu'elle l'envisageait. Elle y pensait trop pour s'empêcher d'admettre ouvertement que ça avait terminé de fissurer quelque chose en elle.

Mais encore une fois, elle n'était pas la plus à plaindre "Je le sais. Je comprends." répondit-elle à Jacob, un hochement de tête appuyant ses paroles lorsqu'il lui avoua ne pas s'être attendu à réussir à dépasser le seuil des urgences. Ce n'était pas surprenant, elle connaissait nombre de patients qui avaient cultivé une sainte horreur de l'univers médical après y avoir vécu une épreuve difficile ; celle de Jacob était la plus difficile de toutes, ce n'était donc pas anormal. Le regard fiché sur sa montre, le temps de constater qu'effectivement il avait de l'avance et pas qu'un peu, et Yasmine releva la tête pour affronter les deux billes sombres qui formaient son regard malheureux "T'es là maintenant, non ? Tu peux cocher cette entrée sur la liste des choses que t'as été capable de faire aujourd'hui. Tu peux être fier de toi." Elle tachait de prendre les choses à la légère, puisque faire dans la lourdeur n'aurait sans doute pas aidé le jeune homme à anticiper son imminent rendez-vous avec sérénité. Elle se rendrait vite compte combien il l'angoissait d'ailleurs, ce check-up programmé.
Mettre les patients à l'aise, encore une chose pour laquelle elle excellait. Yasmine lui montra le chemin d'un geste de la main, l'autre se perdant dans la poche de sa blouse quand elle ajouta avec l'air de ceux qui s'apprêtent à offrir un présent à la valeur inestimable "Pour la peine, je te l'offre volontiers ce café." Un moyen de l'encourager sur cette bonne voie qu'il avait prise en réussissant à entrer, rien de moins. Le sérieux refit vite son apparition. Elle tourna la tête dans sa direction, s'apercevant donc que malgré l'air qu'il tachait de se donner au travers de la douleur évidente qu'il traînait comme un boulet dont il ne se départirait jamais, il n'était pas si confiant à propos des examens qui l'attendaient. Une profonde inspiration de la part de Yasmine, et elle se redressa légèrement, empruntant la mine d'infirmière consciencieuse qu'elle était pour mieux lui répondre avec moins de familiarité, mais plus de professionnalisme "Ce qui inquiétait le plus tes médecins à l'époque, c'était ta commotion cérébrale… ils vont vouloir te faire passer un test pour vérifier si tes symptômes ont disparu." En parlant, elle fronça doucement les sourcils "Ce sera un peu long, mais ce n'est rien qui te demandera trop d'efforts au final. Je serai là tout du long si ça te rassure." Elle déroula tout ça sur le ton de la supposition, elle était rompue à cet exercice cependant, connaissant le protocole sur le bout des doigts "Pour le reste, tu devras passer des radios pour tes côtes, et je peux déjà te rassurer sur tes contusions." Il n’avait pas bonne mine cependant, les hématomes et coupures s'étaient atténuées au moins "Tout ira bien." ponctua-t-elle, retenant la promesse qu'elle s'apprêtait à lui faire en se souvenant que la dernière qu'elle avait laissé échapper en sa présence n'avait pas été tenue ; June n'était plus là.
S'insérant dans la file d'attente de la cafétéria en même temps que Jacob, elle laissa cette pensée de côté pour se tourner vers lui et lui dire "Aussi fou que ça puisse te paraître, on a aussi le droit de prendre des pauses dans les hôpitaux." Une nouvelle boutade pour l'apaiser encore un peu tandis qu'il lui demandait si ça ne la dérangeait pas de l'accompagner. Elle le regarda avec un peu plus de détermination "S'ils ont besoin de moi, ils sauront comment me contacter. Ça me dérange pas, Jacob. Au contraire." Elle tendit la main pour la poser sur le bras du jeune homme, lui serrant doucement le biceps dans un geste banal, mais sincère, pour lui insuffler un peu de réconfort rapide. Elle le lâcha au moment où il reprit la parole "J'avais l'air si concentrée que ça ?" lui demanda-t-elle dans un très léger rire. Immédiatement, elle secoua la tête, retrouvant le fond des poches de sa blouse sur laquelle elle tira en haussant les épaules "Rien d'assez important pour qu'on en discute." Superstitieuse, elle préférait ne pas s'appesantir sur la question de sa reprise d'études ; et puis faire des projets devant quelqu'un qui en avait probablement perdu toute l'envie, trop peu pour elle. Alors se sachant assez douée pour détourner la conversation, elle enchaîna comme si elle ne s'était pas interrompue, lui accordant une œillade qu'un plissement d'yeux rendit vaguement suspicieuse "Parle-moi de toi plutôt. Comment s'est passée ta convalescence ? Tu as vu du monde ?" Elle imaginait que revenir sur ce moment de sa vie ne l'enchanterait pas, aussi compléta-t-elle avec un peu de précipitation "J'ai plusieurs fois pensé à te rendre visite. J'ai préféré attendre un signe de ta part avant de le faire… t'avais besoin de repos alors." fit-elle dans un nouveau sourire qui s'amenuit quand elle ajouta, un ton plus bas pendant que sa tête se pencha graduellement sur le côté "Comment va Olivia ?"
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyMar 9 Juin 2020 - 18:22


C’est un véritable traumatisme : il n’a pas eu besoin de consulter un psychologue pour mettre ce mot-là sur ses ressentis. Il y a d’abord l’hôpital – c’est le plus logique – il est arrivé ici avec sa petite fille toujours vivante, bien qu’en piteux état. Il est reparti d’ici avec elle, oui, dans un cercueil beaucoup trop petit pour être tolérable. Il y a aussi eu la voiture : il n’arrivait pas à monter dedans sans avoir l’impression qu’on lui comprimait la poitrine. Ça lui a passé au bout de quelques jours parce qu’il n’avait pas le choix que de la prendre, il devait aller au travail et il refusait qu’un employé vienne le chercher tous les jours. Il a lutté, il a puisé au plus profond de lui-même pour se sortir de cette frayeur-là. Il y a aussi le cinéma ; ils étaient de sortie pour aller voir un film, ce soir-là. Il ne ressent plus le même plaisir face à l’écran géant, il n’y a que de mauvais souvenirs, parce que le film qui se joue en boucle dans sa tête, c’est l’accident, rien d’autre. Alors il refuse d’y retourner, c’est un plaisir désormais banni, pour lui. Ce sont de véritables traumatismes, oui. Et c’est une victoire gigantesque que de réussir à entrer dans l’hôpital sans bloquer devant durant des heures, il le sait, il l’exprime. Je le sais. Je comprends. Il ne doit pas être le premier à dire ça, elle doit en voir tous les jours. La mort est entre ces murs et il est difficile de revenir après l’avoir confrontée une fois. T’es là maintenant, non ? Tu peux cocher cette entrée sur la liste des choses que t’as été capable de faire aujourd’hui. Tu peux être fier de toi. Il a l’impression d’être moins âgé qu’elle, quand elle lui parle de la sorte : mais ça fait du bien d’être encouragé positivement. En ce moment, à la maison, il se sent constamment tiré vers le bas. Alors qu’on lui tende la main et qu’on tire de toutes ses forces pour réellement donner une impulsion, ça lui change. C’est la seule chose dont je vais être capable aujourd’hui, mais je prends le conseil. Je coche, to do list terminée pour aujourd’hui. Il ne pense pas qu’il retournera au bureau après ses examens, il ne pense pas qu’il rentrera à la maison non plus. Il va aller à droite, à gauche, trouver un endroit où passer la nuit et rester seul. Confronter le souvenir de June à l’endroit où elle est le plus présente, c’est suffisamment éreintant, il n’a pas envie de faire face à Olivia en plus de ça. Pour la peine, je te l’offre volontiers ce café. Il sourit grandement à cette annonce. Je pense que j’ai jamais eu meilleure récompense. Un véritable accro, il ne s’en cache pas. Ils se dirigent vers la cafétéria, et il lui dit qu’il est incertain vis-à-vis de ses examens. Elle est infirmière, elle est la mieux placée pour le rassurer. Elle est d’ailleurs là pour ça, à la base, bien qu’il ne se le dise pas. Ce qui inquiétait le plus tes médecins à l’époque, c’était ta commotion cérébrale… ils vont vouloir te faire passer un test pour vérifier si tes symptômes ont disparu. Ce sera un peu long, mais ce n’est rien qui te demandera trop d’efforts au final. Je serai là tout du long si ça te rassure. Et effectivement, les derniers mots sont rassurants. Il va très certainement avoir le même médecin qu’il avait quand il a été admis ici, et il n’a pas peur de lui, mais il a plus confiance en elle qu’en n’importe qui d’autre dans cet hôpital. Parce qu’il y a un véritable lien entre eux. Pour le reste, tu devras passer des radios pour tes côtes, et je peux déjà te rassurer pour tes contusions. Tout ira bien. Il se le répète dans sa tête, un nombre trop élevé de fois pour réellement le quantifier : tout ira bien. C’est faux. Tout ira bien en apparence. Ça, il l’accepte. Dans la file d’attente, il s’enquit de savoir si elle a réellement du temps pour lui, si elle ne devrait pas être ailleurs. Aussi fou que ça puisse te paraître, on a aussi le droit de prendre des pauses dans les hôpitaux. Et le rire qui s’échappe de la gorge de Jacob est sincère. Il la comprend, bien qu’ils ne fassent pas le même métier. Dans le sien, les pauses sont également rares, mais présentes, et toujours un phénomène de foire quand elles arrivent. Ce doit être le cas dans les hôpitaux, le temps est long mais à la fois court, il l’imagine très bien. Il faut prendre le temps de se reposer de temps en temps, heureusement qu’ils ont cette cafétéria. S’ils ont besoin de moi, ils sauront comment me contacter. Ça me dérange pas, Jacob. Au contraire. Le geste qui suit se veut affectueux, et Jacob apprécie. Tout va bien, alors. Il tente d’être positif comme elle le lui a montré un peu plus tôt : affirmer que tout va pour le mieux. Et pour ça, pour le fait qu’elle lui tienne compagnie, ce n’est pas un mensonge. C’est dans les règles, tout va réellement bien. Au moins pour ça, oui. Finalement, il décide de la questionner sur ce qu’elle faisait avant son arrivée. Sa pause devait déjà avoir commencé puisqu’elle était sur son téléphone et qu’elle semblait dans un autre monde. J’avais l’air si concentrée que ça ? Il ne peut s’empêcher de remarquer sa manière d’agir en fonction des sujets abordés : il y a toujours une nouvelle chose à faire avec sa blouse. Il comprend que le sujet est très certainement personnel, et que rien ne sert d’investiguer plus longtemps. Elle le confirme d’ailleurs par ses propos, esquive. Rien d’assez important pour qu’on en discute. Parle-moi de toi plutôt. Comment s’est passée ta convalescence ? Tu as vu du monde ? Il la regarde un moment, comme un enfant qui a fait une bêtise. Je ne suis pas supposé dire ça à une des personnes qui s’occupent de moi, mais bon. Ma convalescence a été inexistante. Du moins, le repos. J’ai repris le travail quelques jours après. Il hausse ses épaules. Mais du coup, j’ai vu beaucoup de monde, c’est bien, non ? Il sait que ce n’est pas ce qu’elle voulait dire, mais il fait exprès. Il préfère être dans le déni sur ce sujet : il ne pouvait pas rester à la maison, c’était vital d’aller ailleurs, vital de reprendre le travail. J’ai plusieurs fois pensé à te rendre visite. J’ai préféré attendre un signe de ta part avant de le faire… t’avais besoin de repos alors. Il n’a reçu personne chez lui depuis l’accident. Olivia, sûrement. Il n’ose pas avec elle dans les parages. Il n’ose pas la faire se confronter à du monde alors qu’elle préférerait être seule, toujours. Je savais qu’on se reverrait ici. Il dit ça sans trop être sûr : son ton est faible, il ne pensait pas qu’ils se croiseraient, en fait. Mais ça lui fait plaisir que ce soit le cas. Comment va Olivia ? C’est la question qu’il espérait ne pas entendre. Il regarde autour de lui, comme s’il pouvait trouver la réponse sur l’une des affiches de la cafétéria. J’en ai aucune idée. Dit-il, pour commencer, il sait qu’il doit enchaîner, ça pourrait laisser sous-entendre qu’ils se sont séparés et, Dieu merci, ce n’est pas le cas. J’ai l’impression que ça n’ira plus jamais. Il pense à ces dernières semaines, et clairement, il ne voit pas comment ça pourrait s’améliorer. Je fais tout mon possible pour être là pour elle mais j’ai l’impression que ma présence lui pèse. Que son absence lui pèse. Et je suis incapable de faire quoi que ce soit pour apaiser sa douleur. Il souffle longuement en reportant son regard sur elle. Elle n’est plus rien de ce qu’elle était autrefois, et j’ai l’impression que… Première fois qu’il met des mots sur ça, sûrement la dernière. C’est de ma faute, tout ça. C’était lui au volant, c’est lui le seul responsable. Il se mord l’intérieur des joues et regarde combien de personnes il reste avant eux : deux. Ils ont encore le temps, dommage, prendre la commande aurait été un bon moyen pour changer de sujet, définitivement.

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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyMar 16 Juin 2020 - 20:44



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Elle aurait aimé faire partie de cette catégorie de soignants qui s'offusquent lorsque leurs patients ne prennent pas les conseils au sérieux en n'en faisant qu'à leur tête pour s'en sortir à leur manière. C'était vrai, il lui arrivait parfois de l'être, cette infirmière-là, plus souvent lorsque ses proches étaient concernés d'ailleurs, trop attachés à eux pour leur laisser le choix de prendre leurs traitements une fois sur deux, ou pour considérer le crash volontaire d'une voiture dans un arbre comme une guérison adéquate à des maux plus profonds encore. Avec Jacob Copeland, c'était un peu différent. Ils n'étaient pas proches, ils ne se connaissaient même pas finalement et pourtant, ils partageaient un lien, une connexion indéfectible que personne, mise à part Olivia peut-être, ne serait en mesure de comprendre véritablement. Alors devait-elle le fustiger de ne pas avoir sérieusement tenu sa convalescence comme le lui avait conseillé tout l'arsenal de toubibs qui avaient défilé dans sa chambre après son accident ? Elle hésita un instant tout en posant sur son profil de gendre idéal un regard gentiment scrutateur, la mine renfrognée comme elle savait si bien le faire lorsqu'elle voulait faire croire qu'elle était fâchée.
Yasmine ne l'était pas. Encore une fois, elle le comprenait, et pour cause. L'évaluation psychologique qu'on lui avait faite passer avant d'officiellement reprendre le travail lui était restée en travers de la gorge. Elle avait tenu le choc, elle avait fait en sorte que personne ne s'aperçoive, sous les lieux communs qu'elle prononçait face à un thérapeute revêche, que quelque chose n'allait vraiment pas chez elle. En vérité, elle avait eu trop conscience et ce rapidement, que si elle jouait franc-jeu, si elle admettait à qui que ce soit, et surtout à l'homme qui avait sa reprise de travail entre les mains, que son séjour au Niger avait chamboulé quelque chose dans sa vision idyllique du métier qu'elle exerçait depuis près de dix ans désormais, elle ne remettrait plus jamais les pieds dans le couloir du service des urgences, et pour un bon bout de temps qui plus est. Ils voudraient qu'elle parle avant toute chose, ils voudraient qu'elle soigne la morosité qui lui avait plombé l'estomac à l'instant où elle avait de nouveau foulé le sol Australien, l'esprit embrumé par les milliers d'images de misère et de détresse auxquelles elle n'avait jamais été confrontées jusqu'alors. Mais le problème était là : elle ne voulait pas parler, à qui ce soit, pas encore, pas tout de suite.
Alors, elle avait pensé avoir besoin de faire des projets et de reprendre le travail pour aller mieux – à cette période-là, elle ne prenait bien encore sens de combien cette certitude était stupide, et plus de deux ans plus tard, elle s'en mordrait les doigts. Pour l'heure, cette marche à suivre avait fait ses preuves dans le passé quand elle s'était acharnée à faire de son travail la seule raison valable de se lever tous les matins ; deux ans plus tôt, son agression étant encore trop récente pour qu'elle s'y épanche et admette que ça aussi, ça l'avait trop affectée, elle s'y était contrainte avec la volonté d'une acharnée, à travailler fort pour oublier qu'une fois la porte de son appartement fermée, elle n'était pas tout à fait en sécurité. Malgré tout, ça avait fonctionné, avait-elle pensé, pensait-elle sincèrement à cet instant-là : elle avait dépassé le stade de son traumatisme en s'intéressant à ceux des autres, et en tachant de garder à l'esprit que tout irait bien. Vraiment, une méthode imparable, et à laquelle elle n'avait pas hésité à se soumettre depuis son retour d'Afrique. Et comme tout, son retour du Niger, elle pensait pouvoir le gérer à sa manière sans qu'on ne soit derrière elle à infantiliser tous ses faits et gestes. C'était un fait, elle avait menti pour que son passe-droit lui soit accordée tandis que se dessinait un diagnostique auquel elle s'était soustraite à la seconde où son thérapeute l'avait accusée de se complaire dans ses angoisses ; d'après les experts, le syndrome du retour était banal chez les bénévoles humanitaires. Il n'en était pas moins harassant, surtout lorsqu'on s'obstinait à ne pas vouloir se faire aider.

Yasmine comprenait, oui, et bien plus qu'il ne pouvait sans doute l'imaginer. Pouvait-elle se permettre d'être plus explicite à ce sujet ? Sûrement pas "Et tu me dis ça seulement après que je t'ai proposé de t'offrir un café ?" Pour le punir d'avoir été si négligeant avec sa santé, elle ne lui aurait très certainement pas fait cette fleur. C'était faux évidemment, mais toujours soucieuse de détendre un peu l'atmosphère, elle ne dit rien de plus pour rattraper sa boutade – si ce n'est "J'espère au moins que le jeu en vaut la chandelle et que t'as retrouvé tous tes repères. C'est important." Elle fit une pause durant laquelle elle pinça brièvement les lèvres, et puis elle ajouta "Mais… OK, promets-moi quelque chose, hum ?" Un nuage de parfum vanillé suivit son mouvement quand elle se tourna vers lui, les mains plongées dans sa blouse. Les yeux se détachant de son profil le temps qu'elle se retourne entièrement dans sa direction pour affronter les siens de plein fouet, Yasmine poursuivit sur le même ton, doux et bienveillant "Sois prudent avec tout ce qui tourne là-dedans, d'accord ?" Et par là-dedans, elle désignait son esprit que son index vint à peine frôler quand elle le tendit dans sa direction. Certainement que ça faisait d'elle une abominable hypocrite de craindre qu'il néglige ce côté-là de la guérison ; mais c'était toujours plus facile de traiter les problèmes des autres, elle était bien placée pour le savoir.
Une confession faite sur son envie de lui rendre visite durant sa convalescence – inexistante donc –, et elle entama le sujet qu'elle aurait aimé pouvoir éviter. A croire qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de mettre les pieds dans le plat, aussi magnanime était-elle. Olivia, Yasmine l'avait vaguement croisée depuis tout ça. Elle avait toutefois essayé de l'approcher, lui tendant des perches pour percer la nouvelle carapace qu'elle s'était forgée suite au drame de sa vie. Tout, absolument tout avait ricoché pour mieux lui revenir en plein visage ; ce n'était pas grave, elle essayerait encore… pour autant, avoir de ses nouvelles lui tenait à cœur, ce fût pourquoi elle se risqua à poser la question à son époux.
Sa réponse lui fendit le cœur. Un soupir, et elle baissa la tête "Jacob, je…" Elle ne pensa même pas à avancer d'un pas supplémentaire lorsque la file d'attente de la cafétéria se remit en mouvement, campant à sa place durant une poignée de secondes qu'elle jugea nécessaires pour mieux trouver les mots qu'elle finit par lui dire, compatissante "Tous les deux, vous vivez la pire épreuve de votre vie. Ce que je vais te dire va te sembler affreusement cliché… pourtant, je crois sincèrement qu'il faut laisser le temps au temps." Elle inclina la tête sur le côté, harponnant son regard dans la foulée pendant qu'elle continuait sur sa lancée "Ça ne ramènera pas June c'est une certitude et il y aura des hauts et des bas que t'auras la sensation de pouvoir jamais surmonter. Ça s'apaisera. Ça te semble encore impossible, mais…. le temps au temps." Elle opina doucement, laissant filer un semblant de sourire toute à la fois, navrée de lui servir une tirade aussi niaise que celle-là "Je suis pas sûre d'avoir les bons mots pour panser cette blessure-là, je suis désolée. Tu veux que je te dise quelque chose ?" lui demanda-t-elle en baissant la voix, accordant un très furtif regard au médecin devant qui attendait de pouvoir passer commande. En même temps, elle trouva une mèche de cheveux lorsqu'elle leva la main vers son propre visage et la glissa derrière son oreille en lui disant "Je crois qu'il faut que tu te pardonnes à toi-même avant qu'elle puisse y arriver de son côté, même si..." Elle s'interrompit une minute. C'était un très long processus, ils auraient probablement besoin d'un peu de soutien – de la part d'un professionnel ou pas. Yasmine ne lui ferait pas l'affront de lui conseiller de consulter cependant, pas après sa propre expérience qui avait été désastreuse à bien des niveaux – en plus de ça, quelque chose lui soufflait qu'il savait très bien ce qu'il avait à faire. Elle se permit juste de lui affirmer avec toute la détermination sereine qui était la sienne, reprenant la suite de sa phrase en même temps que ses yeux verts sondaient les siens "C'est pas ta faute, Jacob."


Dernière édition par Yasmine Khadji le Ven 7 Aoû 2020 - 13:31, édité 2 fois
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyJeu 16 Juil 2020 - 19:37


Et tu me dis ça seulement après que je t’ai proposé de t’offrir un café ? Il sent l’indignation – faussée – dans sa voix, et ça le fait sourire. Elle ne le juge pas réellement, contrairement à ses confrères si leur avouait à eux aussi. Étrangement, il sait déjà qu’il ne le fera pas : il a déjà trop à faire, trop à penser, que de devoir en plus de tout cela ajouter les jugements de personnes qui ne peuvent pas comprendre. On dit que pour se rétablir, il faut du repos et de la rééducation. Lui, il avait besoin de passer du temps hors de chez lui, d’aller de l’avant et de vivre comme s’il ne s’était rien passé. Ça n’a pas véritablement fonctionné mais il est sûr et certain qu’il serait dans un pire état s’il avait obéi aux restrictions, s’il était resté à son domicile durant tout le temps de sa convalescence. Il aurait très certainement abandonné le navire, l’aurait laissé s’échouer, aurait demandé le divorce, aurait abandonné sa carrière. Il n’aurait juste pas pu accepter l’absence en étant aussi présent là où June n’est plus. Si ce n’est qu’une histoire de café, on va s’en remettre, n’est-ce pas ? Il la taquine à son tour, bien qu’il sache très bien que ça ne concerne pas que la cafétéria. Elle a de véritables inquiétudes le concernant et ne tarde pas à les verbaliser. J’espère au moins que le jeu en vaut la chandelle et que t’as retrouvé tous tes repères. C’est important. Mais… OK, promets-moi quelque chose, hum ? Il fronce les sourcils, attend de savoir ce qu’elle va lui dire. Sois prudent avec tout ce qui tourne là-dedans, d’accord ? Un léger sourire étire ses lèvres. Ça fait réellement du bien de parler avec quelqu’un qui se soucie de lui, et non pas de l’image que ça donne d’apporter ses condoléances. Il a entendu un nombre incalculable de fois « comment ça va ? » tout en voyant la personne s’éloigner ou n’écouter que d’une oreille. Yasmine, elle, lui porte toute son attention, et il pourrait jurer qu’elle y croit, à ce qu’elle dit. Qu’elle le veut prudent, qu’elle veut qu’il fasse attention, qu’elle veut qu’il aille mieux. Je ne suis pas sûr d’avoir retrouvé mes repères, je t’avoue. Il hausse ses épaules. Je suis toujours dans le même bureau, dans la même agence et j’ai toujours les mêmes employés, mais… Parce qu’il y a toujours un mais, après un drame. Mais c’est déplorable de voir tous ces regards… tristes. Partout, tout le temps. J’ai pas envie d’attirer la pitié de qui que ce soit mais quand on est le parent d’un enfant décédé, on est presque mort avec. On dirait que je ne suis plus que ça, qu’ils ont oublié le patron et l’homme derrière le père. Ça m’inquiète un peu pour la suite… La suite, il n’y pense pas réellement. La suite, c’est quand il ira mieux – si c’est possible qu’il aille effectivement mieux un jour. La suite, c’est quand il aura décidé de ne plus vivre sur ses acquis t de repartir de plus belle, de relancer ses vieux projets, d’accepter de devoir aller de l’avant. Il fait mine de, actuellement, mais il n’en croit pas un mot lui-même. Et la suite, il doit la conjuguer avec Olivia. S’il ne le souhaitait pas, ils seraient déjà séparés. C’est peut-être pour ça que tout le monde lui demande de ses nouvelles, quand on lui parle. Comment va Olivia ? Est-ce que ça va bien avec Olivia ? Et Olivia alors, comment se sent-elle ? Si seulement il le savait lui-même… Jacob, je… Il y a un léger silence derrière ce « je », qu’ils ont tous. Yasmine également, parce que c’est dur de trouver les bons mots quand les acteurs eux-mêmes ne savent pas l’issue, la suite. Qu’est-ce qu’elle pourrait dire pour le rassurer ? Ce n’est pas comme les radios ou les examens, elle ne sait pas comment ça va se dérouler, elle ne peut pas imaginer le résultat. Personne ne le peut, car jusqu’à preuve du contraire, personne encore ne peut réellement prédire l’avenir. Tous les deux, vous vivez la pire épreuve de votre vie. Ce que je vais te dire va te paraître affreusement cliché… pourtant, je crois sincèrement qu’il faut laisser le temps au temps. Ça ne ramènera pas June c’est une certitude et il y aura des hauts et des bas que t’auras la sensation de pouvoir jamais surmonter. Ça s’apaisera. Ça te semble impossible, mais… le temps au temps. Il est assez content qu’elle ne lui ait pas simplement dit que « ça finira par aller » même si, au fond, c’est la même chose. Seuls les mots changent, mais elle a trouvé les bons pour que ce soit un peu plus rassurant, un peu plus agréable à entendre. Je suis pas sûre d’avoir les bons mots pour panser cette blessure-là, je suis désolée. Tu veux que je te dise quelque chose ? Je crois qu’il faut que tu te pardonnes à toi-même avant qu’elle puisse y arriver de son côté, même si… Il croise son regard, et il se sent déjà revigoré. C’est pas ta faute, Jacob. Et même s’il n’y croit pas une seule seconde, ça fait du bien de l’entendre. Ça fait du bien de voir quelqu’un qui le comprend, qui accepte sa culpabilité et qui veut l’aider à s’en délester, plutôt que de simplement lui dire qu’il n’a rien fait et qu’il doit passer à autre chose. Elle, elle émet l’hypothèse de se pardonner lui-même, en acceptant ainsi l’idée qu’il s’en veuille, qu’il se reproche cet accident, cette mort, ce drame. Honnêtement, Yasmine… Il se racle la gorge pour s’éclaircir la voix. Je te remercie. Il lui fait un léger sourire. Je pense que personne n’aura jamais les mots qu’il faut pour effectivement panser cette blessure, mais tu dois être celle qui s’en rapproche le plus. Et il aime le fait qu’il puisse en parler avec elle, aussi librement, sans que ce soit tabou, redirigé vers un autre sujet. On dit que le temps guérit, mais ça, je n’y crois pas trop. Il avoue, finalement, pour reprendre ses termes de « laisser le temps au temps ». Peut-être que ça deviendra plus simple dans le futur, je n’en sais rien. Et je sais que tu ne me dis pas que je vais réussir à oublier, on sait tous les deux que non… mais je ne sais pas si Olivia arrivera à avancer, elle. Moi, peut-être. Elle, j’en doute. Là est tout le problème dans cette situation, quand on décide de rester ensemble pour se soutenir après une telle tornade : il est dur de recoller entre eux les quelques morceaux qui restent. Il se demande s’ils n’arriveraient pas mieux à se reconstruire seuls, car il est plus facile de passer à côté d’une vie à trois quand on est plus qu’un, que de tirer un trait sur la troisième quand on est toujours deux. Mais ça, il n’a pas envie d’en parler, pas tout de suite, pas alors qu’il n’est pas sûr de lui concernant sa relation. Ça pourrait l’inciter à la quitter, ou l’inciter à rester, et s’il ne prend pas la décision seul pour l’un ou pour l’autre, il le regrettera toute sa vie. Dis-moi, qu’est-ce qui te fait tenir dans ce travail-là ? Il la regarde de longues secondes, avant de poursuivre. Je sais que toutes les fins heureuses doivent largement aider à passer l’éponge sur les histoires comme June, ou du moins aider à passer au-dessus mais… il faut une sacrée force mentale, quand même. Je me demande comment tu fais, sincèrement. Il aimerait bien savoir, il aimerait bien pouvoir faire la même chose et ne pas tout vivre aussi intensément. Mais il ne peut pas comparer la perte de sa fille avec la perte d’un ou d’une patiente, finalement, ce n’est pas du tout la même chose. Toi, tu sais ce qui a été la pire chose dans ma vie, du coup… c’est totalement indiscret, mais j’ai le droit de te demander ça a été quoi, pour toi ? Peut-être qu’elle ne veut pas en parler et il le comprendrait parfaitement, mais il tente malgré tout. Si c’est trop compliqué, je comprends, t’en fais pas. Il lui fait un sourire avant d’avancer vers la caisse, puisque c’est à leur tour. Il la laisse cependant commander, car il ne sait pas ce qu’elle souhaite, elle.

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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyVen 7 Aoû 2020 - 15:43



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On apprenait aux soignants à parler aux patients, à trouver les bons mots sans pour autant les assaillir de termes médicaux incompréhensibles. Mais lors de sa formation, Yasmine avait toujours eu la sensation désagréable qu’on les incitait bien souvent à leur dire ce qu’ils voulaient entendre. Avec de l’expérience, elle avait acquis la notion, primordiale à ses yeux, que ce recherchaient les gens dans l’absolu, et ce malgré l’accablement induit par le malheur qui leur tombait dessus comme une chape de plombs, c’était la vérité, et tant pis si elle était toute crue. Elle n’avait jamais réussi à s’y plier, à l’idée de déformer un peu la vérité pour permettre à la famille de se sentir mieux sur le moment quand tous, dans une certaine mesure, les larmes et les demandes d’informations s’amoncelant sans jamais diminuer, étaient capables d’imaginer que le long terme serait pénible, douloureux : elle ne mentait pas, elle préférait s’en remettre au tact qu’elle avait hérité de son père, persuadée en son for intérieur que c’était une relation de confiance solide qui devait se créer entre elle et ces personnes qu’elle côtoyait généralement, mais pas toujours non plus, à la période la plus difficile de leur vie. Aussi, faire preuve de compassion était une chose, jouer les sirènes pour endormir mélodieusement la conscience des évènements des familles qui attendaient, pendues aux lèvres de ceux qui savaient, en était une autre. Et jamais elle ne serait assez aguerrie pour faire comme certains de ses collègues qui jouaient sur le suspens pour mieux leur asséner le coup de grâce, jamais.
Alors là, elle ne voulait pas faire miroiter à Jacob l’idée que, dans un futur proche, le souvenir de sa petite fille se tarirait pour lui permettre de faire la paix avec celle qu’il ne la reverrait plus jamais vivante, devant se contenter que de songes qu’il garderait durant toute sa vie. Plus encore, elle ne voulait pas le bercer d’une fausse illusion qu’il ne lui faudrait qu’un peu de volonté pour oublier qu’il avait eu une place dans la vie de cet être qu’il avait chéri jusqu’à la fin, le visage boursoufflé par son accident et par le chagrin. Yasmine ne ferait que se sentir mal à l’aise de le laisser croire que, les obsèques et les mois passant, tout redeviendrait comme avant : ce ne serait pas le cas, non. Il y aurait toujours quelque chose qui lui rappellerait la courte existence de cet enfant qu’il avait eu avec Olivia ; un détail lui reviendrait au moment le moins opportun ; la perception subtile d’une odeur qui s’échappait des cheveux fins dans lesquels il avait passé une main sûre pour soulager des terreurs nocturnes, un sentiment prégnant et rapporté par le partage lointain d’un moment qu’ils avaient passé rien que tous les deux, l’écho de son rire d’enfant qui sonnerait comme une alarme assourdissante à ses oreilles fragiles, mais qu’il ne pourrait s’empêcher d’écouter jusqu’à s’en crever définitivement les tympans. Tout ça, Jacob, Olivia… ça ne les quitteraient probablement jamais, mais ils apprendraient à vivre avec et à y puiser assez de force pour faire remonter que le positif à la surface - si tant y avait-il du positif là-dedans.
Elle, elle ne pouvait que se proposer comme soutien moral. Sans nul doute que la manière dont elle s’accrochait à l’expérience qu’ils avaient tous les trois vécus à des niveaux différentes était une façon pour elle aussi d’apprendre à vivre avec. Echappant à sa perception immédiate, l’opportunisme latent de sa démarche ne la rendait pas moins sincère, parce qu’elle avait une affection particulière pour le couple qu’elle avait tenté de soutenir tant bien que mal dans leur deuil. S’y prenait-elle assez bien ? Yasmine l’ignorait dans le fond, elle n’avait pas la science infuse, toutefois elle mettait assez de coeur à la tache pour qu’on ne lui reproche pas de ne pas essayer. Et pour ça au moins, la jeune femme se savait extrêmement douée.
En écoutant Jacob rebondir sur ses propos, elle comprit que l’unité qui le liait à son épouse en avait pris un coup, et un sacré. Ça ne la surprenait pas, tant de couples se séparaient après ce genre d’épreuve que quelque part ce qui la surprenait vraiment, c’était qu’ils étaient assez forts, assez attachés l’un à l’autre plus vraisemblablement, pour ne pas flancher face à l’évidence murmurée par le côté malfaisant du Destin. Après tout, leur fille partie, qu’avaient-ils encore à faire ensemble ? Qui plus est, se reconstruire en duo demandait plus d’énergie que de le faire seul - on se sentait entravé, obligé d’aller mieux pour élever celui qu’on avait à nos côtés, la motivation résultant d’un effet de groupe qui ne faisait pas toujours l’unanimité. Il fallait prendre tant de facteurs en compte pour ne pas délaisser la sensibilité des deus camps, et poser les fondations d’un tout nouveau mode de fonctionnement. C’était difficile, c’était évident. Mais ce n’était pas impossible.
Yasmine n’était pas une spécialiste du couple endeuillé, elle n’était pas une spécialiste du couple tout court, mais elle avait vécu sous le toit de l’un de ceux qui communiquaient sur tout et qui, malgré toutes les épreuves vécues au cours de leur mariage, était resté ensemble, uni. Sur cette idée, leur place dans la file de la cafétéria progressant d’un pas, elle se permit de lui demander, les sourcils très légèrement froncés "Vous parlez, tous les deux ?" Au moins pour qu’il soit sûr de voir juste sur l’état d’esprit de sa partenaire, car faire des suppositions, ça ne menait jamais à rien, surtout dans ce cas de figure.

Elle se laissa vaguement désarçonnée par la tournure que prit la conversation. Presque timidement, elle répondit au jeune homme, sa main droite plongée dans la poche de sa blouse retrouvant la fluidité de la mèche de cheveux récalcitrant qui lui revenait toujours dans les yeux, et qu’elle coinça pour de bon derrière son oreille "Aider les gens, c’est un objectif suffisant pour me faire tenir." répondit-elle d’abord, le sourire plein de fossettes perçant graduellement, faisant réduire ses yeux qu’elle posa finalement sur Jacob, une légère rougeur relevant le caramel de ses pommettes - un fait habituel lorsqu’elle parlait d’elle "C’est plus difficile certaines fois, c’est vrai… mais je suis comme tout le monde ici, j’essaye de faire ce que je peux sans y chercher aucune gratification malsaine. Il faut juste le faire, c’est normal." Et à nouveau, elle se trouva bien niaise d’émettre des paroles aussi stéréotypées. Mais telle était la vraie raison pour laquelle elle faisait ce métier ; si ça n’avait pas été la médecine, le social ou l’éducation aurait pu lui convenir tout autant tant qu’elle donnait de sa personne. Mais la science était devenue une passion qui l’avait poussée à se montrer un peu plus ambitieuse dans sa proposition systématique, inée, de tendre la main vers les autres - et encore aujourd’hui d’ailleurs, ses velléités de reprendre ses études pour devenir ce qu’elle avait toujours rêvé se renforçant de jour en jour.
Clignant légèrement des yeux, elle avança d’un nouveau pas en avant quand, un peu plus, les paroles du jeune homme la troublèrent un peu "Non, c’est pas compliqué." commença-t-elle par souci de le rassurer alors que si, pour elle, ça l’était. Soudain, la voix du responsable des commandes, flanqué de l’autre côté du comptoir, fut accueilli par la jeune femme avec un soupir de soulagement très discret. Elle prit un thé à la menthe sucré - trop, mais c’était comme ça qu’elle le buvait - qu’elle commanda d’une voix incertaine, puis laissa Jacob faire de même en méditant un instant sur ce qu’il cherchait à savoir à son sujet. Hiérarchiser les malheurs ne faisait pas partie de ses petites préférences, néanmoins elle se sentirait monstrueuse de palabrer sur ses difficultés devant un homme qui avait tant souffert ; c’était lui qui lui avait demandé pourtant, c’était lui qui creusait… mais attendre de Yasmine Khadji qu’elle verse dans la complainte, c’était comme d’attendre de prendre la petite souris sur le fait : les chances étaient minces, encore plus sur son lieu de travail. Alors son gobelet en main, réglant leurs deux consommation dans la foulée, elle se réinséra dans la conversation, se détournant du comptoir en disant à Jacob "J’ai plutôt été chanceuse jusqu’ici tu sais. Mes parents sont toujours en vie, mon frère est l’homme le plus intelligent et gentil que je connaisse, et je peux compter sur mes amis, même si j’en ai assez peu au final… c’est ce qui compte vraiment." Une pause inutile "Je crois. Je préfère m’attarder sur le positif, et ça en fait partie." Elle opina du chef comme pour se convaincre elle-même alors qu’elle passait sous silence ses nombreuses angoisses, ses souvenirs désagréables et les impasses qu’elle connaissait depuis quelques temps maintenant, trop consciente qu’en comparaison à celles qu’avait connues Jacob, que celles qu’il connaîtrait encore, elles relevaient d’une indécence qu’elle ne sentait pas capable d’assumer à voix haute.
Enfin, Yasmine lui adressa un sourire puis, pointant d’un doigt replié sur son propre gobelet fermement maintenu, la boisson chaude qu’il avait commandé, elle l’encouragea à en prendre une gorgée avec un ton d’infirmière très légèrement surjoué "Bois, ça te donnera de la force pour tes examens."
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyJeu 27 Aoû 2020 - 17:18


Ils ont été nombreux à lui dire que sa douleur allait finir par s’estomper. Que tous ses souvenirs redeviendront joyeux, qu’il oubliera les larmes pour, à nouveau un jour, arborer un sourire. Ils ont été nombreux à lui dire, comme Yasmine, que seul le temps l’aidera à passer au-dessus de l’accident et de sa perte. Ses pertes. Il n’a plus la même assurance qu’auparavant, plus la même confiance en lui-même et en ses capacités. Il se sous-estime car il s’accable de tous les torts, s’autoproclame tueur de son propre enfant. Il s’est perdu lui-même. Il a perdu June, il a perdu Olivia. Le temps ne fera rien d’autre qu’étaler sa peine sur une durée indéterminée, il souffrira de cette absence jusqu’à l’heure de son dernier souffle, quand il la rejoindra enfin. S’il n’a pas pu la voir grandir sur Terre, il a envie de croire à un autre monde, sans avoir la foi d’autre chose : il veut juste l’imaginer ailleurs, heureuse, attendant ses parents à bras ouverts. Un paradis pour elle, un paradis pour eux. Parce qu’elle le méritait, qu’elle le mérite et que si elle avait vécu plus longtemps, elle n’aurait jamais perdu ce droit. Il n’y avait que du bon en cette enfant, elle aurait été une adulte dont le monde se serait souvenu. Il se rappellera, lui, pour les huit milliards qui n’ont jamais entendu son nom, qui ne l’entendront jamais. Tous ces gens-là vivent dans le déni à sa place, lui disent que ça ira, ignorent toutes les difficultés pour ne se concentrer que sur la guérison. Yasmine ne le fait pas, elle. Son discours a des similitudes avec tous les autres, mais elle a la particularité de reconnaître qu’il ne vit pas quelque chose de simple, qu’il ne connaîtra jamais pire. Car il y a pire que de simplement perdre son enfant : c’est de lui survivre, et ça a été le cas de Jacob. Parmi tout ce qu’il ne veut plus entendre, elle a les mots qu’il faut, les mots justes, ceux qui sonnent presque agréablement à ses oreilles. Depuis l’accident, il a la fâcheuse habitude de penser pour deux, de parler pour deux, de croire pour deux. Vous parlez, tous les deux ? Il n’y a que cinq mots dans cette phrase et pourtant, il entend toutes les réflexions autour de celle-ci : est-ce qu’il est toujours capable de lire en Olivia ? Est-ce qu’il la connaît suffisamment pour parler à sa place s’il n’y a plus de communication entre eux ? Est-ce qu’il est sûr de lui ? Non. Il souffle, finalement, avant de détourner son regard sur n’importe quoi d’autre qu’elle. Mais je la connais par cœur… je crois. Ces deux derniers mots ne franchissent pas ses lèvres, restent dans son crâne, cachés du monde entier. Ça fait des années qu’il affirme cela sans se poser la moindre question, il ne veut pas faire marche arrière aujourd’hui. Pas à ce sujet-là. Il hausse ses épaules et reporte son attention sur elle, décidé à ce qu’ils passent à autre chose. Il y a d’autres thèmes à aborder dans cette discussion-ci, dont un en particulier, qui le fascine et l’intrigue dans le même temps. Comment est-ce qu’elle fait pour ne pas tout abandonner, jeter l’éponge, s’en aller loin de ce milieu-là ? Lui, il ne tiendrait pas cinq minutes entre les murs de cet hôpital s’il devait endosser toutes les responsabilités qu’elle porte en permanence. Aider les gens, c’est un objectif suffisant pour me faire tenir. Il peut le comprendre, d’une certaine manière, parce qu’il travaille également au contact des autres. Lui, il capture des instants de vie, ose des promesses sur le long terme. Il n’a simplement pas les mêmes contraintes qu’elle : s’il échoue, personne ne décède, personne n’est handicapé et tout le monde est capable de s’en remettre. Du côté de la jolie brune, les répercussions sont bien trop importantes, lui n’aurait pas la capacité de les assumer et c’est pourquoi il la respecte énormément. C’est pourquoi aussi il n’est pas capable de la comprendre, dans le fond : elle aide, mais elle y perd forcément. Elle poursuit, et peut-être que ça permettra de l’éclairer davantage. C’est plus difficile certaines fois, c’est vrai… mais je suis comme tout le monde ici, j’essaye de faire ce que je peux sans y chercher aucune gratification malsaine. Il faut juste le faire, c’est normal. Dans ces mots, dans cette description, il y voit une sorte de sacrifice. Comme tous ces soldats qui vont au combat pour le bien du pays, les gens comme elle, eux, s’oublient pour sauver les autres. Il se dit que ce doit être mentalement très compliqué, et finalement, il n’ose pas réellement y penser. Il y a eu combien de June, pour elle, jusqu’ici ? Et combien est-ce qu’il y en aura, après ? Normal. Il répète, finalement, avant de lui demander de lui dévoiler ses failles, à son tour. Elle sait ce qu’il a vécu de pire, elle a été à ses côtés. Lui non, mais il se montre curieux, indiscret, et il préfère lui préciser qu’il n’insistera pas, qu’elle peut ne pas lui répondre si elle ne le désire pas. Non, c’est pas compliqué. Elle ne peut pas tout de suite enchaîner avec la réponse à sa question puisque c’est – enfin – à eux de commander. Un thé pour elle, un café pour lui. Ils se décalent sur le côté une fois les deux boissons servies, et elle prend le temps de lui répondre, elle ne cherche pas à l’esquiver. J’ai été plutôt chanceuse jusqu’ici tu sais. Mes parents sont toujours en vie, mon frère est l’homme le plus intelligent et gentil que je connaisse, et je peux compter sur mes amis, même si j’en ai assez peu au final… c’est ce qui compte vraiment. Je crois. Je préfère m’attarder sur le positif, et ça en fait partie. Il hoche son visage doucement. Il n’y a rien de plus important que la famille. Il n’a pas eu besoin de réfléchir à cette phrase avant de la prononcer. C’est le cas pour lui, depuis toujours : il ne parle pas seulement de son père et de sa mère mais également de sa femme et de sa fille, et de tous ses amis proches qui sont aujourd’hui une véritable famille pour lui, des frères et sœurs d’autres parents. Hé bien, je suis content pour toi, s’il n’y a rien de trop dramatique à signaler. Il suppose plus qu’il n’affirme, en vérité. Et j’espère que ça continuera ainsi. Il ne souhaite à personne le drame qu’il vient de vivre. Celui-ci ou la perte de n’importe quel autre proche. C’est trop douloureux et comme on dit souvent, il ne le souhaiterait pas même à son pire ennemi. Bois, ça te donnera de la force pour tes examens. Elle lui désigne son café et un léger sourire se dessine sur ses lèvres. Oui, chef. Il aime bien le petit ton autoritaire qu’elle cherche à récupérer quand elle reprend ses fonctions, quand elle semble se rappeler qu’ils sont à la base un patient et une infirmière. Et il obéit réellement, en faisant attention à ne pas se brûler la langue – les machines sont traîtres, parfois, la mousse est tiède et le café en-dessous est brûlant. Là, ça passe, il y arrive. Il regarde autour d’eux un instant puis repose ses yeux sur elle. Est-ce que tu l’as revue, toi ? Est-ce qu’elle est revenue ici ? Il parle d’Olivia. Elle ne sait pas qu’il est ici actuellement, il se dit peut-être qu’elle a pu venir sans qu’il le sache, également. À la recherche de souvenirs, de réponses, d’autres questions que celles qui la tourmentent déjà. Si Yasmine vient aux nouvelles c’est que ça n’est peut-être pas le cas, mais il tente le coup, il n’a rien à perdre. Tu penses pouvoir me montrer l’endroit des examens ou c’est occupé présentement ? S’il a un rendez-vous à une heure précise c’est supposément parce que d’autres rendez-vous ont lieu avant le sien, mais là encore, il préfère poser la question que d’imaginer lui-même les réponses.

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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyMer 9 Sep 2020 - 18:04



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"On partage le même avis sur la question." Au moins une certitude qu’elle pouvait prononcer sans rougir, l’hésitation n’ayant pas sa place lorsqu’elle parlait de sa famille ; celle dont elle était la descendante directe, la petite dernière, la seule fille tant couvée de la portée, et celle que ses parents avaient su créer en tendant la main vers les autres, eux aussi. Encore un peu troublée par la manière dont Jacob avait choisi de faire dériver la conversation, Yasmine se mura dans un petit silence que sa fausse autorité à son encontre permit de rompre un instant. Entre les murs de cet hôpital, on lui demandait rarement comment elle allait. Molly s’y risquait parfois lorsqu’elle la surprenait dans un moment de latence, le regard perdu à des kilomètres de là… autrement, tous étaient trop tournés vers ceux qui avaient des blessures visibles plus faciles à soigner que celles qu’elle s’obstinait à panser en secret. Pourtant, son retour d’Afrique n’était pas facile, loin de là, elle donnait toutefois le change suffisamment bien pour que personne ne se rende vraiment compte de l’impact qu’avait eu son voyage humanitaire sur la jeune femme qu’elle était lorsqu’elle était partie. Mais elle avait changé, c’était aussi clairvoyant pour elle que la perte déchirante que connaissait Jacob et Olivia tandis qu’à sa manière, elle devait aussi gérer un deuil : celui des illusions desquelles elle s’était bercées toute sa vie, convaincue qu’elle était assez forte pour supporter l’insupportable.
Elle aurait pu partager ses réflexions avec Jacob, elle le sentait assez ouvert pour comprendre qu’elle avait aussi des secrets qu’il serait judicieux qu’elle partage un peu plus pour s’en délester et ne plus voir cette impression de faire du surplace. Seulement elle s’en voudrait de le lui imposer alors qu’il avait déjà tant de choses à gérer. C’était lui qui l’avait demandé, mais tenait-il vraiment à le savoir, ou se lançait-t-il dans un jeu de balle par pure politesse ? La question ne se posait pas finalement, parce qu’elle était la soignante, et qu’il était le patient, et qu’à moins de ne pas avoir de conscience professionnelle, elle n’était pas autorisée à dépasser les limites imposées par ces places distinctes qu’ils occupaient chacun de leur côté. Elle le faisait régulièrement pourtant, elle restait humaine avant toute chose, et ça faisait sa plus grande force… mais ici, elle avait la conviction d’avoir trop à partager pour s’y risquer, et ce fut de cette manière que, encore une fois, encore un peu plus, Yasmine Khadji préféra ne pas s’attarder sur ce qui l’empêchait de trouver le sommeil la nuit.

Elle but une gorgée de son thé à la menthe, éprouvant une satisfaction réconfortante, comme à chaque fois, lorsqu’elle sentit la chaleur du liquide se répandre sur sa langue. Le sucre l’aida à faire le point sur la voix du jeune homme vers qui elle retourna la tête ; qu’il choisisse de ne pas utiliser le prénom de son épouse ne l’empêcha pas de saisir que c’était d’elle dont il parlait, et elle respecta son souhait de la garder anonyme alors qu’ils savaient ce qu’il en était "Je l’ai entraperçue, oui." fit-elle en opinant très doucement de la tête, revenant mentalement sur la confession qu’il lui avait faite lorsqu’elle lui avait demandé s’ils parlaient.
A vrai dire, Yasmine craignait qu’Olivia ne parle pas à grand monde ; et elle l’avait sentie, l’animosité dirigée tout droit sur elle lorsqu’elle avait tenté de l’approcher pour prendre des nouvelles, pour lui rappeler qu’elle n’était pas seule. Car sur ce point, l’infirmière trafiquait un peu la vérité pour ne pas avoir à avouer à Jacob qu’elle comprenait qu’elle lui en voulait, mais qu’au-delà de ça, elle ne faiblirait pas dans son envie de lui apporter tout ce dont elle avait besoin quand elle se sentirait prête à l’accepter. Quelque part, Yasmine avait honte de son entêtement à ce sujet "Je suppose que c’était davantage pour le travail que pour…" Sur le coup, elle ne sut plus comment exposer les choses lorsqu’elle reprit la parole pour rompre le léger silence qu’elle avait laissé s’installer ; parler de souvenirs seraient tellement grossier qu’elle s’efforça de ne pas continuer sur cette lancée, reprenant une gorgée de son thé sur lequel elle souffla au préalable avant qu’elle ne se risque enfin à lui dire "On vous l’a sans doute déjà conseillé à tous les deux, mais vous devriez peut-être, tu sais… voir quelqu’un pour discuter de tout ça, pour discuter de vous deux aussi." Le suivi psychologique restait dans le champ de la proposition lors du passage des patients et des familles à l’hôpital. Il y avait des cas de figure où Yasmine pensait sincèrement que l’obligation serait plus judicieuse ; et c’était elle, celle qui avait refusé de poursuivre une thérapie post-voyage humanitaire qui cultivait cet avis, un comble. Mais comme pour tout, c’était plus simple de l’envisager lorsqu’on n’était pas directement impliqué "Il y a une salle d’attente. Je te montre où elle se trouve, suis-moi." lui dit-elle tout de suite après, dissipant un peu son embrassa d’avoir, encore une fois, dépassé une barrière un peu trop haute pour elle.
Ça ne semblait plus tellement avoir d’importance quand, appuyant sur le bouton de l’ascenseur qu’ils rejoignirent, elle se prépara à reprendre la parole, et ce tout en se tournant vers lui. Fatalement, sa main se perdit dans ses boucles brunes et épaisses, et son souffle se fit moins dense ; l’anxiété, elle se rappelait à elle, mais l’odeur du thé lui permit de mieux s’ancrer dans la réalité "Je suis consciente que je devrais pas te proposer ce qui va suivre, mais j’ai besoin que tu saches que si toi, tu as besoin de quoi que ce soit, pas seulement quand tu viens ici…" Si elle prenait le temps de s’arrêter sur sa conscience l’espace d’un instant, elle aurait sans doute compris que, considérant l’épreuve qu’ils avaient vécue, encore une fois à un niveau différent qu’il était inutile de comparer, était assez forte pour qu’effectivement, elle puisse se permettre de dépasser cette limite et ne pas culpabiliser ; mais la culpabilité était son mode par défaut, on le lui reprochait assez "N’hésite pas, Jacob, d’accord ? Jamais. Pour rien. Pour discuter de June, ou pour discuter d’autre chose, pour… partager un café qui soit meilleur que celui-ci." Elle se sentit gênée, évidemment, et le signe de tête qu’elle lança en direction du gobelet du jeune homme ne l’estompa pas guère. Alors les portes de l’ascenseur s’ouvrant devant eux, elle ajouta dans un léger rire qui fit davantage le job, apaisant un peu la brûlure de ses pommettes qui se rehaussèrent sous son sourire nerveux "Je t’assure que je ne propose pas ça à tous mes patients."
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Message(#) Sujet: Re: time can heal but this won't (yasmine) time can heal but this won't (yasmine) EmptyJeu 24 Sep 2020 - 22:22


On partage le même avis sur la question. Et il n’avait pas besoin qu’elle le lui confirme pour qu’il le sache. Jacob le ressent, avec Yasmine. Qu’ils pensent de la même manière, qu’ils peuvent être du même avis sur une multitude de sujets. Il arrive à percevoir qu’ils ont le même fond, bon, même s’ils n’ont pas emprunté le même chemin et qu’ils n’ont pas eu les mêmes épreuves à traverser. Il s’est construit avec ce qu’il avait, avec ce que le monde acceptait de lui donner et elle a fait la même chose de son côté. Mais il y a eu l’accident. Il y a eu les urgences, les médecins qui s’agglutinaient et tous ces visages qui se déformaient en quelques affreuses grimaces. Elle a été la seule à se démarquer, à se faire remarquer : elle a pris soin de June jusqu’à la dernière seconde. Aux yeux de Jacob, elle a su rendre sa fille extraordinaire alors qu’elle rejoignait les étoiles, il avait l’impression que ce n’était pas une fin mais un renouveau et que si elle mourrait ici, elle renaissait ailleurs. Avec elle, cette disparition a été légèrement moins éprouvante et il ne peut que la remercier pour ça, encore et encore. Et aujourd’hui, même s’il sait qu’il n’arrivera jamais à revoir leur rencontre avec de l’affection au fond des yeux, il s’estime chanceux de l’avoir connue. Et si cette relation ne perdure pas une fois les grandes portes de l’hôpital franchies, il sait que pour l’heure, entre ces murs, il trouvera toujours une alliée – et ça, c’est réconfortant, et à ça, il veut bien y penser avec gratitude.

Depuis l’arrivée du blond dans l’enceinte de l’établissement, les questions se multiplient, les réponses directes et les quelques détournements de sujet également. Il flirte avec les limites et il le sait, mais qui peut blâmer un père qui vient de perdre son enfant ? Personne. Et pour se responsabiliser lui-même, il admet que c’est indiscret et qu’elle peut choisir de ne pas lui répondre. Et si beaucoup de médecins se cachent derrière une humilité et une modestie qu’ils ne possèdent pas réellement, Jacob sait, sent que ce n’est pas le cas pour Yasmine : alors quand elle lui dépeint sa vie de manière positive, il accepte volontiers d’y croire et retourne à ses propres problèmes. Il lui demande si Olivia est revenue par ici, récemment. Copeland sait qu’elle passe souvent par ici à cause de son travail et que si ça ne devait pas particulièrement la gêner à une époque, aujourd’hui, ça doit l’anéantir. Je l’ai entraperçue, oui. Je suppose que c’était davantage pour le travail que pour… Le silence parle à sa place, le silence est glaçant, mais le silence fait du bien. Il hoche doucement son visage, il a compris où elle voulait en venir et il suppose, à son tour, qu’elle n’est revenue ici que parce qu’elle n’avait pas le choix. On vous l’a sans doute déjà conseillé à tous les deux, mais vous devriez peut-être, tu sais… voir quelqu’un pour discuter de tout ça, pour discuter de vous deux aussi. C’est vrai qu’on lui a déjà conseillé d’aller voir un thérapeute. Pas pour son couple, il bat de l’aile et c’est normal, mais pour traverser ce traumatisme, en parler sincèrement et ne pas avoir peur de toutes les étapes du deuil. Il n’en a pas réellement envie, de son côté, et il doute qu’Olivia ait le tempérament pour remettre ses émotions entre les mains de quelqu’un d’autre. Elle ne me parle pas à moi, je peine à croire qu’elle irait le faire avec quelqu’un d’autre. Il se trompe très certainement. Je sais que beaucoup de personnes disent que c’est plus simple de parler à un inconnu et je le dis moi-même mais ça ne me semble pas être ce qu’il faut pour nous. Je peux tenter d’être le plus convaincant possible que ça ne servirait à rien. On a besoin d’autre chose que d’une personne supplémentaire pour nous rappeler notre perte et notre peine. Il reste doux dans son ton, dans son refus dans sa globalité : il ne se ferme pas à l’idée, il lui expose pourquoi ça ne serait pas une bonne idée. Un sourire se dessine sur ses lèvres, finalement, car il remarque qu’il a réussi à parler pour eux sans se sentir gêné, sans être incertain. À ce sujet-là, il est encore persuadé de connaître sa femme sur le bout des doigts et même si ça ne semble être qu’un détail, c’est déjà beaucoup. Il lui demande si elle peut lui montrer où se dérouleront ses examens mais, comme il l’imaginait, les salles sont occupées pour le moment. Il y a une salle d’attente. Je te montre où elle se trouve, suis-moi. Et après la cafétéria, il pousse d’autres portes à ses côtés, son café entre les mains. Ils rentrent dans le grand ascenseur et elle se tourne vers lui avec d’autres mots sur le bout de la langue. Je suis consciente que je devrais pas te proposer ce qui va suivre, mais j’ai besoin que tu saches que si toi, tu as besoin de quoi que ce soit, pas seulement quand tu viens ici… N’hésite pas, Jacob, d’accord ? Jamais. Pour rien. Pour discuter de June, ou pour discuter d’autre chose, pour… partager un café meilleur que celui-ci. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent mais le discours reste en suspens, il attend une fin, que voici. Je t’assure que je ne propose pas ça à tous mes patients. Et le rire de Yasmine se confond avec celui de Jacob qui n’arrive pas à voir le mal dans cette proposition, tout simplement car à ses yeux, il n’y en a aucun. Il est sûr et certain qu’il y a un protocole à respecter entre ces murs, tout comme il en a écrit un pour ses employés et les clients dont ils s’occupent. Mais ici, il n’y a rien de négatif, il n’y a rien de malsain. Ce n’est qu’une femme qui a vu un homme se briser sous ses yeux et qui, avec ce qu’elle a en elle, peut l’aider à se reconstruire. Je te sens gênée. Il admet, en le voyant au rouge sur ses joues, à son petit rire nerveux, à l’inspiration prise avant de prendre la parole. Des détails qu’il remarque après autant de temps à la tête de son entreprise – il faut savoir lire dans la tête des gens, dans l’immobilier. Et je comprends pourquoi. Et d’ailleurs, je t’avoue être flatté d’avoir un traitement personnalité. Je serai ravi de partager un café… ou un thé, pourquoi pas, avec toi, meilleurs que ceux-ci. Et cette fois-ci, c’est à son tour de faire un signe de tête dans la direction de son gobelet. Et je ne peux que te retourner tes paroles, dis-toi sincèrement que je ne te vois pas que comme l’infirmière qui a été là au mauvais moment. Il voit la femme qui se trouve derrière, ce qui explique aussi ses indiscrétions de tout à l’heure, sa volonté d’en savoir plus sur elle. Il a perdu sa fille, il peut peut-être avoir gagné une amie. L’une ne vaut évidemment pas l’autre mais il ne crachera pas sur cette opportunité, loin de là. Le blond jette un coup d’œil sur sa montre. Il semblerait qu’on ait attendu plus qu’on l’imaginait à la cafétéria, c’est pour très bientôt. L’heure est passée bien plus vite à ses côtés et il ne peut que l’en remercier. Il pointe du doigt le panneau qui indique la salle d’attente avec un léger sourire sur les lèvres. Je peux être un peu moins dépendant et un peu plus débrouillard. Je te laisse aller voir des patients qui seront certainement plus dans le besoin que moi, je vais me débrouiller pour la suite. Merci encore, Yasmine, vraiment. Et pour simple au revoir, il tape légèrement son gobelet dans celui de la brune avant de tourner les talons pour rejoindre ladite salle, là où on viendra le chercher d’un instant à l’autre pour ses quelques examens.

@Yasmine Khadji :l:
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time can heal but this won't (yasmine)

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