L’idée est simple : sortir boire un verre ou faire la tournée des bars. En somme, ne pas rester à l’appartement pour fixer ma machine à écrire comme si cette dernière allait faire le boulot pour moi. Mon éditeur est en train de perdre patience, il exige plusieurs chapitres à la fin du mois, quand j’ai à peine une trame à lui offrir. L’inspiration n’est pas au rendez-vous, je me perds dans mes idées, dans ce que je souhaiterais écrire. Rien ne semble sonner juste du moment où je couche mes idées sur le papier. Soit c’est bien trop complexe à mettre en place, soit l’idée est bien trop bancale pour tenir la route sur plusieurs chapitres. Alors je perds patience, je me frustre d’un rien et mon travail n’avance pas. Ce qui ne passe pas pour la maison d’édition qui a signé pour deux Parker et qui actuellement ne fait son business qu’avec un. La pression est de plus en plus forte et je sais parfaitement que ce n’est pas comme cela que je vais pouvoir écrire plus. Je tourne en rond chez moi et la meilleure idée qui me soit venu est d’aller me changer les idées dans un bar. Qu’importe le résultat, ce sera une soirée de perdu. Autant la rentabiliser avec une énième conquête.

Sortie du troisième bar, aux alentours de deux heures du matin. Seul, la tête dans le seau, prêt à allumer mon énième cigarette. C’est quelque chose de plus fort qu’il me faudrait. L’esprit embrumé, je me décide à retrouver les potes d’Ariane, ceux qui ont toujours de la bonne came. Ils traînent toujours dans le même quartier, ça ne devrait pas être bien compliqué. Tituber au bord des avenues, avant de s’engouffrer dans les ruelles un peu plus sombres, une en particulier que l’on emprunte bien trop souvent. Je manque l’arrêt cardiaque lorsque, perdu dans mes pensées, je trébuche sur les jambes d’un gars poser là. Il commence à gueuler et je marque l’arrêt en entendant sa voix. « Yele ? » Il faut un instant pour que mes yeux s’habituent à la pénombre et que je le trouve assis sur quelques matelas entassés les uns sur les autres, quelques cartons et un sac à ses côtés. « Putain, mais tu fous quoi ? » Il a dû se faire virer de l’une de ses conquêtes encore, ce con.

La soirée a été longue, et il a encore perdu de l’argent. Oui c’est encore possible puisqu’il lui en reste à peine. Il arrive à en gagner de temps en temps, assez pour garder espoir et vouloir jouer encore et toujours un peu plus. Il a fini par traîner dans quelques bars puis par se poser au milieu de la nuit dans une ruelle qu’il connait bien. Une ruelle dans laquelle il passait souvent avec Ariane à l’époque où ils consommaient souvent tous les deux. Il est resté un long moment à décuver en regardant le ciel et les gens qui font des allers retour pour acheter ce dont ils ont besoin pour planer le temps d’une soirée. Et il a finit par s’assoupir. Quelques minutes, quelques heures, il n’en a aucune idée. Mais il se fait réveiller par un abruti qui tape dans ses jambes.

“Putain mais quel con…” Il grogne dans sa barbe, à peine réveillé. Il ouvre les yeux et son regard noir remonte jusqu’à la personne qui se tient debout devant lui. Et merde. Il ne la connait que trop bien cette voix, ce visage aussi. Il ne pouvait pas tomber sur un autre mec bourré ce soir ? Il regretterait presque de ne pas s’être endormi ailleurs. “En quoi ça te regarde ?” Il se relève et grogne en cherchant déjà un autre endroit où s’enfuir et partir le plus loin possible de Wyatt. “Qu’est ce que tu fais là ? T’as pas une vie à vivre loin de moi ?” Yele le centre du monde, Yele le petit protégé de la famille, Yele qui déteste son frère depuis des centaines d’années certainement. Il s’avance vers la grande rue, celle où il y a encore de nombreux jeunes qui trainent. Peut-être qu’il arrivera à perdre son frère en marchant dans la foule.

C'était juste pour couper, pour ne pas me mêler à la foule, que je coupais au travers de cette ruelle. Je n'ai pas réellement reconnu l'endroit, bien trop absorbé dans mes pensées pour ne serait-ce que remarque le corps adosser juste là. Je m'emmêle les pieds sur une paire de jambes, entends un grognement bien familier. « Putain, mais quel con… » Et surtout, cette voix que je reconnaîtrais entre mille. Yelahiah accoudé sur le matelas, sa tête des grands jours et son humeur exécrable. « En quoi ça te regarde ? » Bien entendu, qu'il tape fort dès le début. On a jamais été capable de s'entendre tous les deux. Monsieur le fils prodige est trop bien pour se mêler à la basse populace. Pourtant, c'est bel et bien lui qui dort à la belle étoile à l'ombre de la plèbe du commun des mortels. « Calme toi le camé. » Il n'y a pas d'autres raisons que cela pour sa présence ici. Encore une fois, il a abusé, encore une fois, il n'a pas su se contrôler. À croire qu'il n'apprendra jamais rien ce sale gamin. Déjà, il m'excède de son zèle et son air hautain. « Qu’est-ce que tu fais là ? T’as pas une vie à vivre loin de moi ? » « Crois-moi que j'ai mieux à faire que ramasser les déchets. » Déjà, il me tourne le dos, déjà il tente de prendre la fuite en direction de la foule.

Le rattraper ou le laisser s'enfuir une énième fois ?

Les phares d'une voiture qui passait par là, me laissent voir en plein jour le spectacle qui se dissimulait dans l'ombre. Yele ne tapait pas une sieste dans cet endroit pourris. Il venait d'y installer un camp pour la nuit tant je reconnais ce vieux sac à dos usé par le temps. Il était à moi ce sac et je l'avais laissé chez maman, il y a des années-lumières de cela. « YELE ! » On a nos différents, il m'insupporte, mais je voudrais comprendre. Partir à sa poursuite, c'est mettre des coups de coude dans la foule, c'est garder un œil sur cette chevelure noire. Pour finir par fermer mes doigts sur son bras. « Qu'est-ce qui se passe ? » Mon instinct de frère, celui qui n'a jamais réellement fonctionner avec lui, me fais comprendre que ce n'est pas qu'un caprice de gamin. « Fais pas l'enfant, on peut se parler quand même. » Range ta fierté de côté gamin.

Il comptait finir cette nuit et cette soirée tranquillement après avoir un peu (beaucoup) trop bu. Comme toujours. Plus le temps passe et plus il tient l’alcool le Parker, alors il faut qu’il boive à chaque fois un peu plus pour se retrouver à moitié comateux dans les ruelles de Brisbane. Il rêverait de retourner à Londres le jeune homme, de partir et ne plus revenir en Australie. A part sa soeur, il n’a rien ici, plus rien qui ne lui donne envie de profiter du soleil et des températures australiennes. Mais il a besoin d’Ariane, et de Wyatt aussi au fond même s’il préférerait mourir que de l’avouer. “Je suis pas camé.” Il n’a pas pris de drogues ce soir, rien du tout. Il se lève et ne voulait pas tomber sur son grand frère. “Je t’emmerde.” Même dans cet état là il n’est pas un déchet. Même comme ça il reste le préféré et le plus brillant de la famille et Wyatt ne peut rien faire contre ça.

Il s’en va et tente de fuir pour pas que Wyatt ne le rattrape. Il prend pour acquis que son frère va tenter de le rattraper parce qu’il s’inquiète pour lui, et bien évidemment c’est ce qui arrive. Il entend son surnom à seulement quelques mètres et il souffle entre ses dents. Les doigts de Wyatt s’enroulent autour du bras de Yele et instinctivement il se retourne violemment pour se dégager. “Me touche pas !” Il n’a jamais été très tactile Yele, et encore moins avec son frère. Il déteste quand lui ou Ariane le rattrape de la sorte, ils pourraient le laisser faire sa vie comme il l’entend non ? “Laisse moi tranquille, va faire ta vie.” Comme il l’a toujours fait. Ou qu’il aille retrouver Ariane puisqu’il n’y a toujours eu qu’elle qui comptait à ses yeux. Il grogne Yele mais reste en face de son frère sans bouger pour le moment. “Oh tu parles maintenant ? Je pensais que t’avais des déchets à ramasser.” Il déteste son frère assez souvent, et aujourd’hui encore plus que d’habitude.

« Je suis pas camé. »
« Tu dira ça à tes yeux. »

Peut-être qu’il n’a rien pris, mais il a bu. Je saurais le reconnaître de partout ce regard vitreux qui m’as bien trop souvent accueilli. On ne se connaît que comme cela avec Yelahiah, dans le chaos et les cris. Il a grandi autrement, choyer d’être le petit dernier quand déjà, je devais m’assurait que tout irait bien pour nous. Adorer dès le plus jeune âge, promu au rang de petit prodige et d’ennemi juré la même année. Maman, c’est complètement rater sur ce coup-là, c’est elle qui a participé à creuser le fossé entre nous, me reprochant constamment d’agir différemment entre mon frère et ma sœur quand j’étais celui qui cherchait sa place au milieu de tout cela. Le gamin de dix ans devenus trop vieux pour être intéressant, qui a cherché son indépendance bien trop tôt pour être encore pris en considération. « Je t’emmerde. » Ces mots me rappellent à l’ordre. On n’a jamais su se parler autrement tous les deux. Toujours dans les coups et les insultes. Tellement que je lui laisse de l’avance pour filer.

Elles ont filé les années, ils ont grandi les gamins qui ne se comprenaient plus. Il en à baver Yele, plus que les autres. Dans le fond, je sais qu’il me déteste, mais parce qu’il ne sait rien. Jamais il ne saura que j’ai tout tenter pour sauver sa peau, que grâce à moi, il a évité la prison avec sa connerie. Pourquoi lui en parler quand il ne me croira jamais. Je pensais l’aider, lui donner l’opportunité de se rattraper et voilà que je le retrouve à errer dans les rues, tentant de se construire un abri de fortune pour la nuit.

Il est peut-être temps de réparer certaines choses.

« Me touche pas ! » La seconde d’après mes doigts relâche son bras, imposant un pas de recul. Lui laisser sa bulle, celle que personne n’a jamais osé franchir pour ne jamais le bousculer le petit dernier. Il perd patience, il s’emporte alors que je n’ai absolument rien dit. « Oh tu parles maintenant ? Je pensais que t’avais des déchets à ramasser. » Un point pour lui. Je hausse les épaules, prends le temps de sortir mon paquet de cigarettes pour en allumer une, avant de tendre le reste vers lui. Offre de paix à notre niveau. « Tu veux venir dormir à l’appartement ? » Et ça aussi, c’est une grande première. Il y met pratiquement jamais les pieds ou alors quand je ne suis pas dans les parages. Qu’importent les disputes, je ne laisserai pas mon petit frère à la rue. « Ari est déjà là-bas. » Celle qui agira toujours comme la Suisse entre nous deux. Lui donner toutes les options sans lui forcer la main. Tenter malgré tout, parce qu’il est ma famille. « Je poserai pas de questions. » Pas de suite en tout cas.

« Tu dira ça à tes yeux. » Il ne lui répond pas, il ne fait que lui lancer un regard noir. Si un regard pouvait tuer, Wyatt serait mort d’une centaine de balles dans le corps à cet instant. Il serre les dents, et il cherche immédiatement à s’enfuir le plus loin possible. Il ne veut pas avoir à faire à son grand frère, pas dans cet état là. Il déteste voir Wyatt, ils sont trop différents, et c’est bien trop tard pour créer un lien après tant d’années sans chercher à apprendre réellement à se connaître.

Yele s’échappe, et c’était prévisible. Aussi présivible que Wyatt qui l’attrape par le bras pour le ramener avec lui on ne sait où. Mais Yelahiah n’a jamais été du genre docile, ni gentil avec son grand-frère. Ils ont des comptes à régler depuis des années, des discussions qu’ils auraient dû avoir et qu’il n’auront sûrement jamais ensemble. Ils ne les auront pas aujourd’hui en tout cas. Ils ne se sont pas encore assez brisés pour qu’ils aient besoin à ce point de discuter. Il regarde autour de lui, personne n’est là pour sauver sa peau, et Ariane n’est même pas là pour prendre sa défense.

Il fronce les sourcils mais attrape la clope que son frère lui tend. Il n’en a pas sur lui, alors autant profiter de cette générosité inattendue pour se détendre un peu. « Tu veux venir dormir à l’appartement ? » Ok il commence à devenir vraiment bizarre le con. « Ari est déjà là-bas. » Ari vit avec le frère Parker, et Yele se met à hausser les épaules. « Je poserai pas de questions. » Yele pince les lèvres, il observe son frère de haut en bas comme s’il était quelqu’un d’inconnu. “T’es vraiment bizarre là.” La clope est allumée et soudain la rue se fait un peu plus calme. “Qu’est ce que tu cherches ?” Parce que rien n’est jamais gratui pas vrai ? Il y a forcément quelque chose qui se cache derrière un tel agissement chez Wyatt.

Nos habitudes voudraient que je laisse Yelahiah s’enfuir, que je lui donne tout l’espace dont il a besoin, avant d’aller pêcher des informations auprès de notre sœur. Cela fait trente ans que c’est comme cela, pourquoi changer ? Je devrais m’en foutre, mais voir ses affaires dans la rue, voir son regard perdu. On en oublie les habitudes tant cela ne ressemble pas à mon frère, lui qui fait toujours attention à son apparence, lui qui s’applique à vivre dans le confort et le luxe. Il se passe quelque chose que j’ignore et ce n’est pas normal. Preuve ultime que j’ai baissé ma garde quand pendant des années, j’allais à Londres juste pour le voir de loin une heure ou deux. Il ne me parlait pas, mais j’étais toujours au courant de ce qui se passait dans sa vie. C’est comme ça que j’ai pu l’aider lorsqu’il en avait le plus besoin sans jamais lui en parler. Aujourd’hui, je me suis perdu dans mes propres problèmes, concentrer sur ma petite personne, je n’ai pas su observer comme il le fallait et voilà que Yele est à la rue, même si jamais il ne l’avouera ainsi. Alors, je tente quelque chose de nouveau, une approche en douceur, sans insulte, sans haine. Juste un frère qui veut se rendre utile, au moins une fois.

« T’es vraiment bizarre là. » Un léger rire m’échappe face à sa réaction. Voilà où on en est arrivé tous les deux. Une simple action de ma part et il me trouve bizarre. J’ai vraiment été aussi horrible que cela ? Il m’a toujours énervé avec ses airs de petit prince et maman ne faisait qu’alimenter le conflit en ne cessant de le privilégier constamment, mais jamais je n’aurais pu imaginer que c’était à ce point. On ne s’entend pas, nos opinions divergent, mais de là à ne même pas pouvoir se tendre la main lorsque c’est nécessaire ? « Qu’est-ce que tu cherches ? » Il attend l’entourloupe Yele et je ne peux pas réellement lui en vouloir quand il a si souvent été habitué à ce que je l’oblige, plutôt que lui laisser le choix de la décision. « Rien du tout. » que je murmure avant de tirer sur ma cigarette, le regard perdu au loin. Comment lui expliquer que pour une fois, je voudrais l’aider quand je n’ai aucune raison valable de le faire à ses yeux ? Sa question m’énerve, je pourrais partir dans la facilité et l’insulter, mais ce soir je suis tout simplement fatigué. « Ariane me tuerait si elle savait. » L’excuse est bancale, mais elle fonctionnera. Notre sœur, le seul point que nous avons en commun, notre seule faiblesse commune. Elle hurlerait si elle savait, il le sait tout autant que moi. « Le canapé est pas super confortable, mais ça fera l’affaire. » Il fera le difficile, je le sais, peut-être que je lui concéderai mon lit, tout dépendra de lui. « Aller fait pas le gamin Yele. » Fallait bien que je gueule un peu, malgré tout.

Il a envie de tout à cet instant. De courir, de crier, de boire et de jouer au poker, mais certainement pas de rester là à écouter son frère le sermonner parce qu’il dort dans la rue. Yele serait capable de nier jusqu’à sa mère, parce que jamais il ne voudrait se rabaisser face à son frère. Il est et a toujours été meilleur que lui, il doit garder son rang de chouchou de la famille. Ariane n’est pas là pour lui sauver la mise cette fois, même elle elle n’est pas au courant de ce que le jeune homme peut vivre ces derniers temps. Il a réussi à le lui cacher et ce n’était pas une tâche facile. Elle est coriace la Parker, c’est peut-être la pire de tous, mais il a réussi à lui tenir tête.

Mais ce soir, il n’arrive pas à se débarrasser de Wyatt. C’est étonnant qu’il s’y intéresse autant. Il aurait pu passer à côté du brun et faire comme s’il ne le connaissait pas, mais non. Il a décidé que c’était le moment parfait pour le faire chier et lui courir après au milieu des gens. Il cherche forcément quelque chose, il doit vouloir une chose en particulier et Yelahiah attend juste de trouver le pourquoi il a décidé de faire croire qu’il voulait l’aider. Il fume, et il attend. C’est rare que les frères ne se hurlent pas dessus après plus de 3 minutes à discuter ensemble. « Rien du tout. » “Etonnant.” Il n’a pas vraiment confiance en Wyatt, ils ne se connaissent pas après tout. Il n’a qu’un lien de sang avec le jeune homme, mais pas de relation fraternelle véritable. « Ariane me tuerait si elle savait. » “Elle a déjà tout le temps envie de te tuer.” Il hoche les épaules et soupire, sa cigarette est terminée. « Le canapé est pas super confortable, mais ça fera l’affaire. » Yelahiah fronce les sourcils une seconde, se demandant s’il avait vraiment bien compris ce que son frère était en train de lui proposer. « Aller fait pas le gamin Yele. » “Ariane vit avec toi.” Et il ne veut pas que sa soeur soit au courant tout de suite. Il aimerait qu’elle ne soit jamais au courant de ce qu’il se passe dans sa vie, parce que ce n’est que temporaire. Il va s’en sortir, il gère. “T’es vraiment le pire des frères à me laisser le canapé.” C’est toujours mieux qu’une ruelle après tout.

Il est pire que casse-couille quand il décide de fumer sa clope avec son poignet cassé et ses airs de bourgeois qui n’en sont pas. Son regard est tranchant, à l’affût du moindre changement, de mon ton qui finira par changer. Il sait jouer avec mes nerfs comme personne et ce soir, il semble prendre un malin plaisir à me faire poireauter. Tout dans son comportement laisse sous-entendre qu’il n’a pas voulu de cette situation, mais accepter la main tendue de son aîné, c’est bien trop cher payé. « Étonnant. » Oui. Clairement. Comme le fait que cela fasse plus de cinq minutes que l’on se tient l’un en face de l’autre sans s’être encore étranglé. J’abaisse la dernière carte disponible, celle du cœur, autrement dit notre sœur. « Elle a déjà tout le temps envie de te tuer. » « On va donc pas lui donner une raison supplémentaire. » Elle m’étriperait si elle savait que j’avais trouvé notre petit frère dans la rue et que je l’avais laissé dans sa merde. Oh elle me ferait subir le pire des châtiments, c’est certains. « Ariane vit avec toi. » No way Sherlock. Il le sait ça. Bien pour ça qu’il vient toujours quand je ne suis pas là. C’est le manque de sourire narquois sur son visage qui me fait tiquer. Il ne veut pas qu’elle sache. Il n’avait probablement pas envie que je le trouve là, mais ce serait pire si Ariane savait. Je le tiendrais donc comme ça. « Et bah cadeau de Noël et d’anniversaire en avance, on lui dit qu’on a réussi à s’entendre pour une soirée. » Elle rêve de ça la gamine, que l’on passe du temps tous les trois. « Un effort pour elle s’est trop demandé ?! » Elle trouvera ça louche, il le sait autant que moi. À savoir si on est capable de jouer l’acte plus d’une heure. « T’es vraiment le pire des frères à me laisser le canapé. » Il m’énerve. Il cherche le moindre petit truc, il veut tout ou rien. Je souffle et me cherche une autre cigarette. « Je devrais te laisser là. » Dans sa merde et dans cette ruelle qui pue. Mais ce serait passé la soirée à me demander ce qu’il fout. Ce serait revenir dans la nuit parce que c’est toujours comme ça avec lui, il m’insupporte, mais je surveille. « Okay ça va t’aura mon pieu. » Je lève les yeux au ciel. « Juste ce soir gamin crois pas que ça te donne des privilèges. »

« On va donc pas lui donner une raison supplémentaire. »
“Tant que c’est toi qu’elle veut éliminer moi ça me va !”

Il hausse les épaules, oublie presque qu’ils sont au milieu de la rue et que c’est une clope de Wyatt qu’il est en train de fumer. Il se demande pourquoi son frère a soudainement décidé de se soucier de son sort. Il a toujours appris à se débrouiller sans son grand-frère, alors pourquoi ça changerait aujourd’hui ? Il toise Wyatt, se demande quand est ce qu’il annoncera que c’est une blague et qu’il va le laisser se débrouiller au milieu de la rue.

« Et bah cadeau de Noël et d’anniversaire en avance, on lui dit qu’on a réussi à s’entendre pour une soirée. » Il fronce le nez, s’entendre avec son frère, ça sonne comme quelque chose d’impossible. Mais il soupire, il est vrai qu’il serait bien mieux dans un lit, dans un appartement. Mais ça voudrait dire être redevable envers Wyatt et il se demande qu’est ce qui serait le pire. “Elle te croira jamais !” Qu’ils s’entendent bien ou non, jamais Ariane ne pourra croire une chose pareille. Elle les connait trop bien, et elle sait qu’il y a beaucoup de choses qui ne vont pas entre les deux Parker. « Un effort pour elle s’est trop demandé ?! » “Parle pas d’efforts pour Ariane tu vas être perdant à ce jeu.” Peut-être pas, mais Yele aime faire croire qu’il est toujours le meilleur et celui qui en fait le plus dans tous les domaines possibles et imaginables.

« Je devrais te laisser là. » “Tu devrais.” Il pose son dos contre un mur et continue d’observer le plus vieux de la fratrie, comme s’il allait partir. « Okay ça va t’aura mon pieu. » Un sourire prend place sur le visage du cadet. “J’aime mieux ça.” Il se rapproche de Wyatt, prêt à le suivre finalement. Un vrai lit, il ne peut pas dire qu’il ne veut plus le suivre. « Juste ce soir gamin crois pas que ça te donne des privilèges. » “Ouais on verra quand je t’aurais enfermé dehors et que je me serai installé.” Il ne supporterait pas vivre avec son frère et sa soeur, mais pour une nuit (ou plus) il peut faire quelques efforts.

« Tant que c’est toi qu’elle veut éliminer moi ça me va ! » Forcément, tant que l'on n'atteint pas son précieux postérieur, tout va bien pour lui. Il hausse les épaules et je me retiens de renchérir tant le moment semble flotter sur un équilibre fragile. Depuis combien de temps, on n'avait pas fait une pause dans cette guerre complètement inutile. Il ne reste que la fumée qui s'envole entre nous deux, seul témoin d'un instant de partage entre deux frères. Elle paraît surréaliste la scène, pourtant les minutes défilent, on n’en est toujours pas venu aux mains et les insultes reste bien simple, un peu comme si on avait atterri sur une autre planète. Elle a tout de même bon dos notre sœur que l’on agite tel un drapeau blanc entre nous deux. Pour lui faire plaisir, c’est tout ce que l’on évoquera lorsque l’on repensera à ce moment. « Elle te croira jamais ! » J’aimerais, pourtant, qu’elle arrive à me croire, que l’on soit capable de rester civiliser bien plus que quelques minutes. « Parle pas d’efforts pour Ariane tu vas être perdant à ce jeu. » Il me fait rire le gamin quand il a jamais d’efforts pour personne d’autre que pour lui-même. « Je vis avec, je te rappelle. » Genre tous les jours, elle est là. Enfin… De moins en moins, mais tout de même. Elle est là, elle crie dans mes oreilles, pique ma bouffe, mes fringues et mes carnets. Pourtant, elle est toujours pas morte et on s’entend encore à merveille – parfois. Alors, on pourrait faire un effort, tout simplement. Rien de fou. Juste le temps d’une soirée, pour le sortir de la rue un peu.

« Ouais on verra quand je t’aurais enfermé dehors et que je me serai installé. » Je lève les yeux au ciel et estime que c’est probablement sa manière de me remercier. « On verra ça quand t’auras supporté Ariane une soirée déjà. » Bien sûr qu’elle va trouver ça louche, elle va poser mille et unes questions pour savoir ce qu’on est en train de tramer dans son dos. Comme toujours, on répondra dans un sourire que tout va bien avant de se foutre sur la gueule dès qu’elle aura le dos tourné. En attendant, je laisse plus le choix au gamin quand j’attrape son sac à dos pour en glisser la lanière sur mon épaule. « Aller suit moi. » Te plaint pas, fait pas de caprices et tout se passera bien j’en suis certains.

On marche côte à côte dans un silence qui se pourrait être perturbant. Les cigarettes s’enchaînent et je vois bien qu’il semble avoir perdu du poids. Je me fais une note mentale de commander ce qu’il préfère en double ration avant de relever la tête vers lui. « Ca fait longtemps qu’on n'a pas été emmerder petite pluie. » Autrement dit, il va falloir planifier cela très prochainement. « Sa tête à claques me manquerait presque ! »