En fait, il peut tout vous expliquer. Il a acheté le ticket parce qu’il n’a pas su dire non (et qu’il faut avouer que l’idée d’un Père Noël secret étant assez séduisante) et parce qu’il pensait aussi le donner à Lucia. Il s’était dit que l’idée la séduirait sans doute bien plus encore que pour lui-même, à en juger à quel point elle aime tout ce qui se rapproche aux fêtes de fin d’année et à l’esprit de Noël en général. Jusque là, donc, il tenait entre ses mains un plutôt bon plan. Le problème s’est joué après, quand il a rempli le ticket de son nom par simple habitude et qu’il en a tout simplement oublié l’existence dans les jours et autres semaines qui ont suivi et oh, oups, un sms d’un inconnu.

Voilà comment il s’est retrouvé en panique à devoir trouver un cadeau qui ne soit pas aussi horrible que son esprit paniqué à l’idée de devoir faire la blague du “c’est moi, ton cadeau”. Elle pourrait peut-être fonctionner avec Lucia mais il doute que ce fameux Nathaniel soit aussi enclin que sa petite-amie à accueillir dans sa vie un blond aux cheveux éternellement rebelles - les gens préfèrent acheter un Caniche, généralement. Fort heureusement que le DBD est ce qu’il y a de plus proche d’un Havre de Paix à ses yeux, et savoir qu’il rencontrera la seconde partie de son duo d’infortune là-bas a au moins quelque chose de rassurant. Matt pourra l’observer de loin et il se moquera d’à quel point il a pu toucher ses cheveux une infinité de fois durant leur discussion mais il est très doué pour faire comme s’il n’avait rien entendu dès lors que son frère dit quoi que ce soit.

Les bras chargés d’un cadeau dont il est finalement plutôt fier - surtout au vue des circonstances -, l’anglais arrive au rendez-vous presque à l’heure. Au moins, ses quelques micro minutes de retard sont rattrapées par le sourire qui décore déjà son visage, lui créant de douces fossettes au creux des joues, lesquelles ne sont miraculeusement pas tiraillées par le froid de l’hiver anglais. Disons surtout qu’à l’autre bout du monde, c’est l’été. Cela joue donc beaucoup sur l’absence totale de froid pour venir lui glacer les joues, il est bien vrai. « Swann ? » Il relève la tête par automatisme, comme toute personne normalement constituée le ferait après avoir entendu son prénom. Son regard se pose sur un homme bien plus grand que lui et force est d’avouer qu’il est plutôt surpris de paraître soudainement si frêle - et son ego a mal, aussi, autant l’avouer. « Nathanael Weaver, enchanté » L’homme lui présente son bout de papier comme si c’était le Ticket d’Or pour entrer dans la Chocolaterie et c’est une comparaison qui fait sourire l’anglais bien plus que de raison. Si vous pensez que cela a à voir avec le fait qu’il soit question de nourriture, vous avez tout à fait raison. “Salut. Je vois que tu as déjà découvert mon identité, je te fais grâce de la répétition.” Pourquoi tu parles comme ça, Swann ? Le voilà qui se prend presque pour un super-héros dont on aurait découvert l’identité secrète. S’il devait en être un, il serait sûrement un genre de Kick Ass. Autant dire que même le costume ne donne pas envie, et ne parlons même pas de l’absence de tout super-pouvoir et plus encore de charisme ou de crédibilité.

« Je n’ai rien d’un père Noël et j’en suis désolé, mais en revanche je peux t’offrir un café, ça fera passer la déception non ? » Faisant mine de réfléchir à la proposition pendant de longues et interminables secondes - c’est à dire trois secondes, en réalité -, Swann finit par hocher de la positive avant de montrer l’entrée du café-bar d’un geste de la tête. Je pense que ça pourrait faire l’affaire, en effet.” S’il lui offre un café alors l’anglais lui offrira un muffin et tout le monde sera heureux - parce que oui, il pense qu’autour de nourriture il ne peut jamais n’y avoir aucun problème. Parfois, il préfère effectivement croire que les choses peuvent se régler aussi facilement. Imaginez le en médiateur pour la police, il serait incroyable - ou pas. “Tu es déjà venu ici ?” Vanter les mérites du café de la famille est un rôle dans lequel il sera toujours doué. Enfin, c’est en tout cas un rôle qu’il continuera de jouer pendant longtemps, même si tout le monde dans son entourage connaît déjà le DBD par cœur. “Je te conseille les cookies.” Il pourrait tout lui conseiller que personne n’en serait étonné. “J’espère que tu ne suis pas de régime sportif ou même de régime tout court, sinon je suis le Père Noël de tes pires cauchemars.” L’anglais avance ce fait en rigolant mais ses mots ont tout de même une large part de vérité, il faut bien l’avouer. “Là c’est bon ok, promis, j’ai fini mes avertissements. J’ai l’impression de rencontrer mon correspondant de l’école, c’est un retour en arrière.” En réalité ils n’ont échangé que quelques sms, il est bien vrai, mais pourtant Swann a l’impression de connaître Nate depuis toujours et c’est finalement loin d’être un sentiment négatif.

Swann n’a pas à faire semblant d’être intéressé seulement pour être poli : il l’est réellement. Il aimait déjà la manière qu’a eu Nathanaël de parler avec lui par sms, il a désormais réellement envie de savoir s’il est le même genre de personne une fois l’intermédiaire du téléphone retiré de leur conversation. Que ce soit le cas ou non n’aurait rien pour l’étonner et il n’en laisserait découler aucun jugement non plus. Il a simplement envie de connaître la réponse. “Vraiment, quel genre de club ? Où ça ?” Il veut savoir s’il connait et s’il y est déjà allé, il veut savoir quel genre de club pourrait gérer Nate alors que Swann l’avait bien trop imaginé chercheur ou professeur pour se laisser croire qu’il pouvait exercer n’importe quel autre métier. “Les cookies sont aussi parfaits que des cookies peuvent l’être. Et je ne dis pas ça que parce que le patron me paye pour.” Son aîné a le rire facile et il en est de même pour lui qui n’a aucun remord à vendre son frère sans même n’y avoir été forcé d’aucune manière. Tout ce dont Matt serait capable contre lui seraient de lui faire des gros yeux, mais ça personne n’a besoin de le savoir dans les moindres détails. “J’allais dire qu’ils ne sont pas si gras qu’ils n’y paraissent mais ouais, t’as raison, ils sont su - per gras.” Par conséquent, ils seront effectivement la parfaite excuse sur laquelle laisser reposer tous les possibles kilos superflus gagnés pendant la période de Noël. Ce qu’il y a de bien avec des cookies c’est qu’on peut en manger toute l’année, et donc laisser l’argument s’étendre sur les onze autres mois. Incroyable, n’est ce pas ? Ce ne sont que des arguments supplémentaires pour lui d’y goûter.

Autant Swann aime généralement les défis, autant il est plutôt bien attaché à rester vivant aussi. “Si je dis un chiffre on va tous les deux faire des calculs pour savoir quel âge je te donne, ça ressemble à une très mauvaise idée.” Et Swann tenterait de s’en sortir en disant que “non mais tu n’as pas d’âge de toute façon” alors que dans son esprit il en est au point de tenter de définir le mois de naissance en plus de l’année pour savoir quel pourrait bien être son signe astrologique. Mais ça, il voudrait bien attendre quelques heures avant de le lui préciser, il est déjà au maximum de son quota de bizzaritude. Il a appris à y aller étape par étape, sinon ses correspondants disparaissaient toujours bien avant l’heure. Pour Nate, en tout cas, cela ne semble pas le gêner que de se moquer de leur différence d’âge et si ce n’est pas un sujet difficile pour lui alors il n’en est pas un pour Swann non plus. Il vit plutôt bien son trentième anniversaire, en réalité. Cela a beaucoup à voir avec le fait que son esprit ait oublié de vieillir depuis quinze ans. “Je venais colorier mes dessins pour l’école tous. les. soirs. ici.” Ce n’est pas parce qu’il était à l’autre bout du monde et que le DBD n’existait même pas que ce mensonge est pour autant affreux ou moins drôle. Lui se trouve très drôle en tout cas, le confirme son sourire fier de gamin qui l’est tout autant.

L’anglais approuve la table choisie par Nate et il en profite pour aussitôt déposer son cadeau sur la table, le tout commençant à peser son poids à force de le tenir aussi fermement entre ses mains, comme si sa propre vie en dépendait. “Marié ? C’est la meilleure occasion de dire que ton plus beau cadeau c’est tout l’amour que tu lui portes.” Un peu trop pris dans ses blagues et ses sourires stupides, il ne prend pas le temps de prendre en compte ses mots et l’utilisation du passé. Il ne s’occupe pas non plus de son annulaire puisqu’à ses yeux ce n’est une habitude que les gens prennent une fois mariés et pas avant. Il a failli l’être, mais ses mains restent dénuées de toute alliance encore aujourd’hui. “Ils font le meilleur café de la ville et l’hôpital n’est pas loin, au cas où tu ne vois pas le temps passer et vois un peu trop gros.” Ils passent aussi rapidement du café au whisky selon l’heure de la journée mais Swann ne se risque pas à parler d’alcool avec des inconnus. Il est maladroit sur bien des sujets mais pas celui-là, au moins. “Ma première passion dans la vie est la nourriture. La seconde c’est mon métier. La troisième c’est ma copine. Et ma famille aussi. Et le sport. Et je change l’ordre selon à qui je parle, du coup ne t’attarde pas trop dessus.” S’il doit se présenter alors il doit présenter les choses qu’il aime dans la vie, non ? Force est de constater que ce n’est pas après trente années de vie qu’il devient moindrement doué pour les présentations, en réalité, surtout alors qu’il relègue ses proches et Lucia en bas du classement alors qu’il sait pertinemment qu’ils sont plutôt sur la première place. Ce n’est qu’une fois de plus la preuve de son manque flagrant d’organisation en plus de son insatiable envie de faire le bien partout. Une véritable Mère Térésa. “C’est là où j’aurais dit “mais ton cadeau c’est mon amour éternel” à ma copine, pour me rattraper.” Il rigole tout seul, fier de sa blague - laquelle il serait pourtant bien moins fier de faire face à la principale intéressée, ceci dit. “C’est normalement avec elle que t’aurais dû échanger ton cadeau mais j’ai remplis l’étiquette avec mon nom machinalement, du coup les cheveux sont plus courts et tu gagnes une pomme d’Adam en plus.” Et elle, elle aurait lancé bien moins de mauvaises blagues à la seconde aussi. Et elle, elle l’aurait emmené ailleurs. Et ouais, en gros, tout aurait été différent. “Elle aurait mieux géré le papier cadeau aussi. Ah, et elle aurait pu dire que t’avais vécu le double de sa vie.” Puisqu’il était le premier à se moquer de son âge, il n’en faut pas plus à Swann pour se laisser entraîner à sa suite dans le même genre de blague. “On me dit dans l’oreillette que c’est ma présentation que t’avais demandé, pas la sienne. Je parle trop. Ça valait la peine d’être précisé, tu penses ?” Non. Bien sûr que non.

Savoir qu’un club de jazz est doucement en train de naître dans le quartier suffit à rendre l’anglais heureux, quand bien même il n’aime pas particulièrement ce genre de musique et que ce n’est pas non plus le genre d’établissement qu’il a un jour fréquenté. Avouons aussi que le DBD occupe tout son temps et qu’il n’est fidèle qu’à ce café là, quand bien même il ne concurrence pas l’établissement de Nate. “Je viendrai y faire un tour. Je sais pas si c’est une bonne ou mauvaise nouvelle pour toi, mais je le dis quand même.” Il va se vanter à tout Brisbane de connaître le patron, c’est le côté négatif. Le point positif, c’est qu’il viendra sûrement avec Lucia et qu’ils seront deux clients pour le prix d’un. Ils seront trop occupés à se dire qu’ils s’aiment pour faire du zèle - comme si l’un ou l’autre était réellement du genre à faire du zèle, de toute façon.

L’anglais est soulagé que son nouvel ami (oui oui, déjà) ne prenne pas la mouche à cause de sa maladresse puisque c’est dans son caractère et ses coutumes que de toujours dire le mot de trop là où il ne le faut pas. Il essaye vraiment de réfléchir avant de parler, il le jure, mais les mots viennent toujours bien plus rapidement qu’il ne s’y attend à chaque fois. Finalement, il est touché d’entendre l’histoire de Nate et l’amour de sa vie (il l’a décidé ainsi, ne le contredisez pas), surtout alors qu’il ne s’attendait pas à un tel conte de la part de l’homme qui semble si détaché du monde et de ses problèmes. Elle était tout sauf un problème, sans aucun doute, et il en est sûrement de même du club qu’il a racheté. Swann aurait envie de faire le même geste, finalement, même s’il ne souhaite bien sûr pas la mort de Lucia. “Une merveilleuse idée, en effet.” Cette fois-ci il n’a pas de blague à ajouter ou de stupide commentaire à faire. Son sourire est sincère et les étoiles au fond de ses yeux sont la faute du romantisme avec lequel sa petite-amie l’a totalement contaminé. Même si, apparemment, Nate semble douter du niveau de lover de l’anglais - à raison. “Ça fonctionne dans les plans que je me fais dans ma tête, en tout cas.” Et ça fonctionne aussi parce que Lucia est follement amoureuse de lui et qu’elle lui pardonne toutes ses maladresses et ses tentatives de romantisme manquées. Parfois, pourtant, il arrive à viser dans le mille. Il est son petit-ami, quand même, et pas un boulet qu’elle traîne à la cheville. “Ça, ça veut dire que ça ne fonctionne absolument. pas.” Il reprend dans un rire franc, n’ayant rien à cacher à Nate. Il n’a pas d’ego sur-développé non plus, loin de là, et avouer ce genre de faiblesse n’est en rien difficile pour lui.

Ils commencent un jeu de devinettes comme s’ils avaient six ans et à en juger par le niveau global de la discussion, personne ne pourrait douter de leur âge s’ils ne voyaient pas leur visage au préalable. “Je pense que tu ramerais longtemps avant de deviner mon métier. Je suis kiné. Et j’entraîne les Junior de la ville au football américain.” Loin, bien loin de domaines pouvant mettre en pratique sa passion dévorante (ah, ah) pour la nourriture ou son humour typiquement anglais (comprendre : mauvais). Pourtant, le domaine médical est pour lui une vocation tout comme l’aspect pédagogique de ses séances d’entraînements avec des enfants, en attendant qu’il puisse un jour fonder sa propre famille. “Mais je me tiens un peu mieux au travail, ne commence pas déjà à plaindre mes patients dans ta tête.” Le blond reprend rapidement, le ton dur et le regard perçant. Il n’a absolument rien de crédible, preuve en est qu’il éclate lui-même de rire au bout de quelques secondes. Je pourrais bien ajouter qu’il se moque de ce que peut bien penser Nate de lui mais ce serait un énorme mensonge. Promis juré, il n’est pas vexé qu’on le prenne pour un pongiste - simplement hilare. Il ne sera jamais le genre d’homme à comparer la taille de ses biceps ou triceps, cela ne l’intéresse pas.

“Repi - quoi ?” D’accord, d’accord, il se pourrait bien que Swann soit quelque peu bavard ce soir. La faute à son café pris en dehors des heures habituelles, il ne voit que cette raison là pour être encore plus surexcité que d’habitude. Tout serait pire encore s’il avait passé du temps en compagnie de Matt, lequel ne fait que le replonger toujours un peu plus en enfance - quand bien même il ne l’a jamais connu dans ce temps-là, quelle ironie. “Le bonneteau date du Moyen- ge ou de l’Antiquité ?” Tout ça pour dire qu’il ne connaît absolument pas ce jeu et encore moins le terme qui s’y rapproche. C’est une façon détournée de l’expliquer, laquelle lui permet de garder le sourire. Les règles du jeu s’éclaircissent lorsqu’il commence à en parler et, tel un enfant, Swann comprend tout bien plus rapidement lorsqu’il est question de mettre en jeu des cadeaux. “Je suis prêt.” Il avance sans même réfléchir une seconde de plus, le regard brillant face au défi qui se présente face à lui et qu’il est obligé de gagner. Bien sûr qu’il aura le bon cadeau. “Si j’ai un cadeau nul, je retire une partie de ton cadeau à toi.” Voilà ses menaces, alors. Elles seraient presque crédibles, sur un malentendu.

Passant bien vite d’un sujet à un autre, Swann laisse en même temps glisser sa passion pour le sport ainsi que le métier qu’il exerce par vocation. “Je fais ça pour la drague, bien sûr. T’imagines bien que j’ai jamais eu de mal à trouver des cobayes pour m’entraîner aux différents massages.” Ce n’est qu’un demi-mensonge qu’il profère là avec un immense sourire laissant ses dents toutes exposées. Il est fier comme un paon et se croit revenu quinze ans en arrière, à vouloir jouer le dragueur invétéré avec toutes les jeunes femmes qu’il croisait. Nate s’en moque sûrement de savoir qu’il passait plus de temps avec les professionnels de la santé et du sport plutôt qu’avec sa propre mère et ce sont eux tous qui lui ont donné l’envie d’aider son prochain aussi. Une histoire comme une autre, il n’y a rien d’intéressant là-dedans et il pose la question par simple politesse, sans aucun doute. “Les bloqueurs ont ton gabarit, c’est vrai. Pour le reste, on est pas obligés de ressembler à Terminator.” Ce n’est pas un reproche mais bel et bien une simple remarque amusée, comme l’avait été celle de Nate à propos de son gabarit quelques secondes plus tôt. En réalité, Swann est plutôt heureux qu’il semble s’y connaître dans ce sport. “Cornerback. Mon rôle c’est de me faire détester.” Résumé enfantin mais qui correspond plutôt bien aux yeux de l’équipe adverse qui se révulsent dès qu’il intercepte la moindre de leurs balles. Après tout, c’est justement là tout son rôle.

Bref. Là n’est pas tout le sujet et, très vite, l’anglais se reconcentre sur les explications de son nouvel ami pour le jeu qu’ils s’apprêtent à jouer. Dans son esprit, il l’avait simplement nommé “le jeu des gobelets”, ce qui est tout de même bien plus parlant selon lui. Il hoche donc de la tête pour assurer qu’il a compris tout ce qu’il y avait à savoir, déjà concentré face à ce qui semble être un nouveau défi d’envergure et incapable de répondre à sa question à propos du fameux “donner c’est donner, reprendre c’est voler”. Ouais, ouais, passe au jeu Nate ; c’est plus le moment : après l’heure c’est plus l’heure. Finalement, le brun de ses yeux ne se détache pas des gobelets, surtout de celui qu’il a noté comme étant “le meilleur”. Tout lui paraît être d’une simplicité enfantine, tant et si bien qu’il en vient même à soupçonner que son Secret Santa lui rend la tâche un peu trop facile pour s’assurer qu’il ne perdra pas. Tant pis, c’est loin d’être une mauvaise chose. “Sûr.” Le blond assure une ultime fois, ses avant-bras croisés sur la table, ses yeux toujours incapables de se détourner du jeu face à eux. On sait jamais, Nate pourrait décider de lui jouer un mauvais tour. “Même si je jouais à ça avec ma copine, je finirais par lui donner le meilleur cadeau à chaque fois.” Même si elle ne faisait que perdre, même si elle était totalement nulle, même si… Il finirait toujours par vouloir la rendre heureuse sans même qu’elle l’ait à lui demander une seule fois. Il ne voudrait pas la voir perdre, quitte à improviser de nouvelles règles de jeu en pleine partie. “Allez, retire le pansement, dis moi ce qu’il y a derrière tout ça.” Et, surtout, sous ce fameux verre. Impatient, Swann ? Non, voyons.

Pour prouver sa bonne foi, l’anglais pousse à son tour son cadeau vers Nate pour le lasser découvrir l’assemblage de toutes les spécialités anglaises qu’il a réussi à commander dans les temps pour ce rendez-vous, entre bonbons à l’effigie de la reine, scones, du thé (bien. sûr.), des biscuits, … En bref, un véritable pêle-mêle du parfait patriote, le tout entouré de cartes postales mettant en avant l’Union Jack ou la ville de Londres. La cerise sur le gâteau ? Une boule de Noël à paillettes à l’effigie de la Reine, à placer sur son sapin. Dommage, il n’a rien trouvé qui chante Joyeux Noël cette année. "Le meilleur et rien que le meilleur."

« Parce qu’une femme t’a déjà laissé toucher son corps sans être certaine de tes aptitudes ? » - “Voyons, on se connait pas assez pour déjà entrer dans ce genre de détails.” L’anglais continue et reprend sur le même ton de l’humour, absolument pas sérieux. Répondre à cette question sérieusement aurait été bien moins amusant, avouons le nous. « Et t’occuper des papis dans mon genre, c’est dans tes cordes ? Je crois que je me suis bloqué en arrachant du papier peint… Tu sais l’âge tout ça, ça joue… » - “Wow, quels exploits. J’en entends tous les jours, mais j’avoue que la tienne est d’un certain niveau.” Ses patients y vont toujours de leur petite anecdote et il se doit de ne jamais se moquer d’eux, mais face à Nate il ne se cache pas pour réprimer son immense sourire. S’il ne répond pas directement à la question, pourtant, il serait ravi de recevoir Nate dans son cabinet, quand bien même il y a déjà plus de patients que de créneaux horaires disponibles.

L’anglais rit de bon coeur aux préjugés que Nate peut avoir au sujet de son physique et il tente de les contrer un à un, tout en sachant à sa façon qu’il en a tout de même été quelque peu vexé. Son ego n’est pas énorme mais tout de même, il y a certaines choses auxquelles il continue de tenir et le sport en est une. Et au niveau de la bagarre d’après-match, c’était lequel ton rôle ? » Sa première réponse est un nouveau rire alors qu’il secoue pourtant déjà la tête de droite à gauche. “Drapeau blanc. J’ai du être Suisse dans une autre vie.” Si on omet les fois où il se jetait corps et âme dans la mêlée sans même savoir si ses poings s’abattaient sur ses amis ou l’équipe d’en face ; quelle importance ? Tout le monde le faisait, alors il suivait. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

« Tu as un bon fond Swann, c’est indéniable… Mais est-ce que ta petite-amie apprécierait de toujours gagner aisément parce que tu refuses de la voir perdre ? » Il ouvre la bouche pour répondre mais est finalement soulagé qu’il ne lui en laisse pas le temps. Il n’aurait pas su quoi dire, en réalité. Non, Lucia n’aimerait sûrement pas savoir qu’il la surprotège et lui mâche toujours tout le travail, tout comme il fait passer dans un filtre tout ce qui a rapport à elle. Pourtant il ne veut que son bien et il sait que l’inverse est tout aussi vrai, ce n’est que sa façon à lui de le lui prouver, peut être ? Peut-être, parce qu’il n’en sait rien, tout comme il ne sait de toute façon pas grand chose et il s’en veut de laisser un inconnu voir aussi clair dans son jeu et leur couple. « Alors écoute… Ce n’est pas grand-chose hein… Mais tu as la chance d’avoir tiré le gros lot… » Et déjà l’anglais n’entend plus ce que l’homme face à lui peut bien lui raconter. Il est bien trop heureux de recevoir un cadeau pour prendre la peine d’avoir l’esprit critique à son égard, surtout alors qu’il s’agit de quelque chose d’aussi utile et pratique au quotidien qu’une batterie externe. Il ne s’en servira pas à son travail, mais lorsqu’il s’agit de ses séances de jogging qu’il réalise en ayant oublié de brancher son téléphone pendant la nuit, là, tout est différent. Il en aura aussi l’utilité lorsqu’ils décideront d’un nouveau road trip avec Lucia - même si tout le monde sait qu’elle lui volera bien rapidement la batterie parce qu’elle est toujours sur son téléphone. « Si la couleur ne te plait pas… Je vais faire comme toi et te permettre de gagner à chaque fois… Il y en a une bleue ciel et une rouge dans les deux paquets que j’ai enlevé » Il se sent bête de s’être fait rouler dans la farine aussi facilement mais l’idée d’un tel jeu où il ne peut y avoir que des gagnants lui plaît. “C’est ma couleur préférée, en fait. Le gris.” Et cette fois-ci, il ne le dit même pas pour lui faire plaisir : c’est la vérité. Ni noir, ni blanc, il trouve son bonheur dans l’entre deux et le parfait mélange des couleurs primaires entre elles. Se fondre dans la masse est aussi le motto de sa couleur favorite et, finalement, cela n’étonnera sûrement personne. “Je trouve que c’est un super cadeau et qu’on est quittes.” Il n’y a pas de consommation à offrir en plus pour se faire pardonner quoi que ce soit : Swann est l’anglais le plus heureux du monde et désormais propriétaire d’une batterie flambant neuve. Il a toujours été le genre de personne à se contenter de peu pour être heureux, Nate en a désormais la certitude.

Les yeux de son ami se voilent soudainement lorsqu’il lui tend le panier et pendant un instant, Swann craint d’avoir fait quelque chose de mal. C’est apparemment tout le contraire. « Emily adorait Londres » L’anglais a un doux sourire, nostalgique d’une femme qu’il n’a pourtant jamais connu et de souvenirs qui ne sont pas les siens. « Merci beaucoup… » Il clôt ses paupières comme seule réponse. Il n’y a pas de blague à ajouter à la suite, lui-même trouverait une telle chose déplacée et c’est donc la raison pour laquelle il se retient sans aucun mal de jouer à l’imbécile. Empathique, il est touché par la nouvelle attitude de Nate, surtout alors qu’il n’avait lui-même absolument pas prévu que leur discussion prenne une telle tournure. Ils étaient supposés s’échanger quelques cadeaux et blagues allant avec, jamais rien de plus. Voilà pourtant que l’anglais a l’impression de connaître ses plus grands secrets et que la réciprocité soit identique. De toute façon, il a raison : impossible pour un véritable anglais de refuser un scone, surtout alors qu’il est si gentiment proposé. “Ton meilleur ami n’a même pas Queen en groupe favori, je présume ?” Qu’il relance, se moque, roule des yeux, joue des stéréotypes et des clichés à foison. Et puis, de toute façon, les anglais ne sont pas éternellement insatisfaits, c’est une idée reçue, voyons. “Le plus louche serait de rejeter la faute sur quelqu’un alors que tous mes amis savent que je serais capable de parler à mon ombre pendant des heures.” Ils ont tout le temps du monde, voilà ce qu’il essaye de lui dire à sa manière. "Je suis sincèrement heureux d'être tombé sur toi, tu sais." Oh qu'il est sentimental, Swann.

Passer du coq à l’âne n’a jamais dérangé Swann, surtout pas alors que la personne face à lui se montre aussi bavarde sur un sujet ou un autre sans jamais se plaindre des changements. Ils passent presque littéralement du rire aux larmes et des anecdotes stupides aux confessions plus intimes. Bien sûr, l’anglais se retient de bien des choses parce que c’est dans son caractère que de garder beaucoup de choses pour lui, mais cela ne l’empêche pas d’être heureux de dévoiler quelques bribes de son intimité et notamment parler de sa petite-amie. Il a toujours les yeux brillants en parlant d’elle et ils le sont presque autant lorsqu’il découvre son cadeau. Gamin bien éduqué et habitué à se contenter de peu, il aurait été ravi de recevoir n’importe quoi, en réalité. Les explications de Nate le laissent souriant, il gagne des points dans son cœur - sans qu’il n’y ait ni classement, ni échelle, ni même quelconques cœurs en fait. Le blond est simplement heureux de partager sa compagnie et il en oublie presque le temps qui défile.

“Ose me dire qu’Hey Jude n’est pas une des meilleures chansons du monde.” Faussement sérieux, faussement outré, l’anglais plonge son regard dans celui de son ami. Et même s’il ose effectivement s’en aller à de telles paroles, il ne subira aucune conséquence : bien sûr que toutes les chansons de Queen sont bien meilleures et que toutes celles des Beatles après 64 (et bien plus imprégnées de drogues, aussi, mais là n’est pas le sujet). Il est vrai aussi que Lucia connaît peut-être la chanson par coeur, maintenant. Oups ? Non, en réalité, il n’est pas aussi désolé qu’il voudrait tenter de le faire croire, tojours bien trop fier de ses racines anglaises et de tout ce qu’elles ont fait de lui. Même à l’autre bout du monde, il n’arrive pas à tourner la page.

Son cerveau tourne à mille à l’heure pour savoir quel nombre exact de cœurs rouges et jaunes envoyer dans le sms à Lucia pour lui dire qu’il rentrera un peu plus tard, il cherche ensuite à combien de singes se cachant les yeux ajouter dans le second message lui proposant de venir au DBD les rejoindre si elle veut. Il a des dilemmes d’adulte, Swann, c’est évident, et toute sa réflexion lui impose de tirer la langue en même temps qu’il réfléchit et continue d’écouter les remarques de Nate. Il se mord la langue lorsqu’il en vient à rigoler, l’imbécile. “Bien sûr qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau!” Il reprend et rigole de bon cœur. Même en essayant très fort, ce serait bien sûr impossible à croire, à moins qu’ils en viennent à inventer une histoire d’adoption mélodramatique. « Quoi que ton père est peut-être mieux que je ne le suis, alors non, n’envisage pas le changement, c’est risqué ! » Le message à envoyer à sa petite amie devient la diversion idéale puisque parler de son véritable géniteur est la dernière chose que souhaite Swann, raison pour laquelle son sourire se voile temporairement de tristesse. Elle n’a pas le temps de subsister bien longtemps puisqu’il n’a pas envie d’être triste ce soir ni même de penser à l’être. En se comparant à son père, Nate ne risque absolument rien, c’est au moins une certitude immuable. “Je suis plutôt tenté par le changement, au contraire. Certains se marient quand ils ont trop bu mais nous, on a bien mieux à faire.” Et il fait tinter son verre contre le sien, amusé par sa propre remarque tel un homme parfaitement autonome. Des conneries, il en a encore bien d’autres à raconter, se promettant au fond de lui de trouver le temps de lui proposer un autre jour pour se revoir.