Ça fait une semaine que je suis revenue de Perth et j'avoue que j'ai beaucoup de mal à me remettre de cette dernière épreuve que nous avons dû faire. J'ai énormément dormi depuis que je suis revenu mais je n'arrivais à avoir l'énergie nécessaire pour passer une journée de boulot entière. Depuis mardi je prends beaucoup sur moi, je tente de rester fort physiquement et moralement auprès de mes patients, mais ce vendredi là est vraiment pire que tout. Toute la fatigue qui s'est accumulée revient à la charge cet après midi, à tel point que j'aurais envie d'annulé tous mes rendez-vous depuis 15h. Mais je ne peux pas le faire. Ni Swann ni moi pouvons nous le permettre.

Assit à mon bureau, tête reposant dans mes mains, je me rends compte que ma respiration est bien plus laborieuse qu'une heure auparavant. Pour me donner du courage, je me dis que Mme Helena Horowitz est ma dernière patiente et qu'après elle je n'aurais plus que 10 minutes de marche avant de retrouver mon lit. Peu importe qu'il ne soit que 18h30, je crois que j'ai sincèrement besoin de repos. Alors prenant plus profondes inspirations, je me lève et me dirige vers le lavabo. Je me passe les mains et le visage sous l'eau froide, me masse les paupières puis les tempes, lance un dernier coup d'oeil dans le miroir puis souffle doucement et me redresse. Une demi heure. Seulement trente minutes de plus et ensuite la délivrance.

Je me passe une main dans mes cheveux qui sont bien trop longs puis me détourne du coin et me dirige vers la porte que j'ouvre.  «Mme Horowitz ? » demandais-je en affichant un sourire sincère alors que mon regard sur pose sur la brune qui semble plongée dans un roman. Après quelques secondes elle relève son regard et je l'invite à entrer dans le bureau  «Moi c'est Martin » me présentais-je en lui tendant la main  «je vous en prit, installez vous » je désigne une chaise puis m'installe en face devant mon ordi  « J'aurais juste besoin de l'ordonnance» expliquais-je  «Et racontez moi un peu ce qui se passe, pourquoi vous venez ici etc  »

@Helena Horowitz

Je souris doucement à Mme Horowitz lorsqu'elle m'explique pourquoi elle a mit quelques secondes de trop avant de réagir à mon appel. A quel moment je lui dit que j'en ai rien à foutre de ces explications ? Si Swann pouvait entendre mes pensées il me mettrait une claque derrière la tête et, évidemment, jamais je n'oserais dire ça à une patiente.  « Ce sont les meilleurs livres ça» assurais-je en hochant la tête, sans perdre mon aimable sourire  «C'est quoi, d'ailleurs, ce que vous lisez ?  » toujours s'intéresser à son patient et ainsi apprendre à le connaître pour instaurer une relation de confiance. Voilà le plus important.

La jeune femme fini par me suivre à l'intérieur de ma salle et je m'installe à mon bureau. Je cligne un peu des yeux puis attrape les lunettes qui sont posées à côté de mon mug à l'effigie des Sea Shepherd qui contient la moitié de mon 10e café de la journée. J'osais espéré que ces lunettes de repos auraient l'effet escompté sur mes yeux, mais rien n'y fait. Je relève toutefois le regard sur Helena lorsque celle-ci me tend l'ordonnance tout en expliquant les résultats de sa venue.

Tout en l'écoutant, je tape rapidement les choses qu'il faut savoir, enregistrant les informations intéressantes à mon bilan. Chute monumentale lors d'un footing, cheville droite qui a tout prit, douleur depuis le week-end dernier. Pas de fracture d'après l'ordonnance donc entorse. A quel point cette entorse est-elle grosse ? Les ligaments sont-ils atteint ? Déchiré peut-être ? Ou juste élongé ? Je fini par reporter mon attention sur la jeune femme lorsque celle-ci enchaînes les questions concernant la suite de ma prise en charge avant de s'excuse, assumant que j'ai sans doute mieux à faire que de l'écouter.

Oui, je pourrais être en train de dormir là.  « Ne vous inquiétez surtout pas pour ça. Je fini à 18h donc vous êtes encore dans les temps» que j'ose un trait d'humour  « En ce qui concerne la prise en charge … elle est différente d'une personne à l'autre. En général je ne suis pas connu pour faire mal» assurais-je en retirant mes lunettes, me frottant la paupière gauche  « Après la cheville en fonction de ce qui cloche ça fait plus ou moins mal. Mais je pense que les douleurs que vous ressentirez seront surtout d'ordre musculaire parce qu'il va falloir travailler les muscles ou tout ce qui stabilise la cheville » j'incline légèrement la tête sur le côté puis désigne la table de massage d'un coup de tête  «Allez-y, retirer vos chaussures et allongez-vous »

Je me lève à mon tour et contourne la table avant de tirer le tabouret et m'y installer avec précaution, essayant d'ignorer le vertige duquel je suis pris brusquement. Prenant une profonde inspiration, je me frictionne les mains avec du gel hydroalcoolique puis pousse sur mes pieds pour rouler vers le bas de la table et pose mes mains chaudes sur la cheville blessée la jeune femme  « Vous me dites s'il y a quoique ce soit qui ne va pas, ok ?» je lui lance un rapide coup d'oeil  «Et s'il y a des douleurs » reprenais-je en commençant à lui mobiliser le pieds dans tous les sens, palpant les os, les muscles et les différentes insertions des tendons.

C'est un sourire poli qui s'affiche sur mes lèvres lorsque la jeune femme commence à me parler de son livre. Pendant un instant j'ai cru que jamais elle ne s'arrêterait et que j'allais devoir couper court à ses explications, mais au final elle se stoppe par elle-même, se rendant soudainement compte qu'elle a 'recommencé', arguant que ça lui arrive souvent de se perdre lorsqu'elle parle de ce qui la passionne.  « Y a pas de mal» assurais-je en souriant doucement alors que je lui indique d'aller s'asseoir sur la table de massage.

Je m'installe sur le tabouret, souffle un instant pour reprendre contenance avant de rouler vers les pieds de la jeune femme et attraper sa cheville entre mes doigts. Lui indiquant de me dire quand les douleurs sont présentent, je commence à manipuler l'articulation la bougeant dans tous les sens possibles et imaginables, lui arrachant quelques grimace et quelques cris de douleurs. Avec une certaine précision, elle parvient à me dire où elle a mal et j'hoche doucement la tête  « ça doit être une entorse. Rien de bien grave. Je pense pas que le tendon soit trop touché, sinon j'aurais bien plus de liberté de mouvements en tirant le pied vers l'extérieur. Donc ça devrait aller je pense» hochais-je la tête avant de relever mon regard sur Helena lorsqu'elle me demande de parler de mes passions. Je cligne une fois des yeux avant qu'un sourire plus sincère ne vienne prendre place sur mon visage.

 « J'ai beaucoup de passions» avouais-je  «J'ai toujours rêvé de devenir psychopathe, mais c'est du bénévolat. Alors quand je me suis rendu compte qu'en fait je pourrais être payer et que les victimes viendraient d'elles même chez moi, j'ai pas hésiter avant de saisir l'opportunité » je laisse échapper un rire amusé  « Non, je rigole, c'est pas vrai. C'est pas de gaieté de cœur que je vous fait mal hein» assurais-je avant d'hausser les épaules  «Ma vraie passion ce sont les voyages. Je suis né en Allemagne, j'ai grandit entre la France et l'Allemagne, j'ai débarqué en Nouvelle Zélande à 18 ans pour rejoindre mon frère et on est parti en tour du monde pendant 5 ans. En 2012 j'ai débarqué à Brisbane, j'ai fait ma formation de kiné ici. En 2017 après quelques coup du sort j'ai décidé de tout plaquer ici et je suis parti m'installer en Irlande près de Galway. » je me concentre un instant sur la mobilisation de la cheville ainsi que mes quelques massages avant de reprendre  « En mars 2019 j'ai quitté mon village côtier en Irlande pour me lancer corps et âme dans le défis de revenir à Brisbane sans avion parce qu'une autre de mes passions c'est l'écologie » je conclus dans un hochement de tête  « Donc voilà, je peux moi aussi parler beaucoup et facilement d'un sujet qui me passionne» je pouffe de rire et secoue doucement la tête.

Lorsque la jeune patiente me demande pour combien de séance elle en autre, je lui adresse un haussement d'épaules.  «Je ne saurais vous le dire exactement » dis-je avant de poser mon regard sur son pied, massant un peu les malléoles  « Je dirais une dizaine ? Voire un quinzaine si vraiment ça va pas, mais on partirait au moins sur 10 et on avisera en temps et en heure» je laisse ensuite échapper un rire lorsqu'elle me contredit, admettant que mes paroles sont fausses et qu'elle a bien vu mon sourire sardonique lorsque j'ai attrapé son pied.  «Touché » soufflais-je, faussement honteux, alors que je mobilise son articulation en inversion et éversion.

Au final, elle me pose ses questions sur mes origines ce qui se fini en récit de voyage. C'est donc un  doux sourire que j'offre à Héléna lorsqu'elle s'extasie devant mon récit de voyage et ne l'écoute à nouveau que d'une oreille alors qu'elle m'explique qu'elle adore les voyages mais surtout les livres et les récits. Au final elle n'a jamais vraiment voyagé et donc elle n'en sait rien si elle aimerait réellement ça ou non. Mais peu importe. J'hoche doucement la tête puis lui faire comprendre que je l'écoute puis relève furtivement mon regard sur ma patiente lorsqu'elle me demande combien je parle de langue, combien de pays j'ai visité et si j'ai eu des coups de cœurs.

 « Je parle Allemand, Français et Anglais de manière totalement fluide et régulière, je me débrouille pas mal en espagnol et je sais dire 'bonjour' dans au moins 15 langues différentes »  expliquais-je comme si c'était la chose la plus naturelle du monde  « J'dois avoir mis le pied dans une trentaines de pays, mais j'en visité réellement seulement 10 d'entre eux. Et j'ai eu un énorme coup de cœur pour Tromso dans le nord de la Norvège. On y est resté un an avec mon frère et on vu autant le soleil de minuit que les aurores boréales. »  je souris doucement  «Et on a aussi vu des aurore Australe un jour, c'était aussi un spectacle incroyable »  assurais-je avant de lâcher le pied de la jeune femme  « Bon, va falloir travailler un peu maintenant»  reprenais-je sans transition  «Vous allez pouvoir vous lever de la table et me suivre et »  

Je ne peux en dire d'avantage car, me relève de mon tabouret, sans doute un peu trop vivement, je suis brusquement pris d'un vertige plus violent que les autres. Tanguant un peu, je tente de l'ignorer et faire comme si de rien n'était mais je me rend à l'évidence que ça ne va pas et m’assoit à nouveau. M'obligeant à garder les yeux ouvert malgré le fait que la pièce semble tourner à une vitesse hallucinante, je prends de profondes inspirations, espérant pouvoir contrer les nausées.