Ils ont gagné, et je suis restée le temps qu’il fallait pour faire la fête avec tout le monde. Ils ont gagné et je me souviens des paroles de Jack. S’ils gagnent, on s’enfuit. Alors j’ai attendu de voir s’il tenait parole. Je ne lui ai rien dit, rien demandé. Je ne lui en ai pas reparlé de toute la semaine. Il est vieux, il pourra sûrement mettre l’oubli sur le dos de sa mémoire de merde. Mais il n’a pas oublié, et on est parti. On est vraiment parti tous les deux à la fin de cette aventure. Elle ne retournera pas à Brisbane avant encore une semaine. Elle aura quitté cette ville pendant un très très long moment. Et ça ne lui manque pas, rien ne lui manque de cette ville.

Je l’ai laissé choisir, il a eu le droit d’organiser puisque c’est lui qui a lancé l’idée. J’aurais pu tout organiser si Loan et Kelly avaient perdu. Je n’ai pas regardé les vols, je n’ai rien fait pour ne pas critiquer ce qu’il aurait pu choisir. “J’espère que t’as bien choisi.” Mais je ne compte pas partir pour faire de nouveau du stop et marcher pendant des heures. J’ai été capable de le faire le temps d’une aventure, je ne le ferai pas plus longtemps. “Ca va nous mettre en retard sur tout ce qu’on a à faire à Brisbane.” Je souris, je ne sais pas si ça aussi ça se fera. Il pourrait toujours faire marche arrière parce qu’il veut de sa vie de bohème. Peut-être qu’il ne voudra même plus me voir quand on aura posé un pied à Brisbane. Je monte dans l’avion, et je grimace en voyant qu’on est entouré par pleins de personnes. “Je préfère quand ils n’y a personne autour de moi dans l’avion.” Les jets privés me manquent.


@Jack Epstein

“J’espère que t’as bien choisi.”
“Ca va nous mettre en retard sur tout ce qu’on a à faire à Brisbane.”
“Je préfère quand ils n’y a personne autour de moi dans l’avion.”

Quelle gamine qui attire les regards de tout le monde sur leur chemin. Elle gémit et elle critique et lui, tout ce qu'il trouve à faire, c'est de laisser son rire remonter entre chacune de ses attaques qu'il voit simplement comme des signes qu'elle est là, qu'elle laisse la guerre derrière, qu'ils vont bien. La final de Race of Australia les aura tous vidés, ils ont eu besoin d'un moment pour prendre le temps de souffler, et il s'en doute bien Jack, qu'elle a douté. Qu'elle a cru qu'il allait se tirer, un peu comme tout le monde finit toujours par dégager lorsqu'ils ont eu ce qu'ils voulaient. Dans sa vie, elle en a peut-être des tas, de référents du genre. Il n'en fera pas partie pourtant, il se l'est promis.

Surtout pas quand il détourne la tête pour attraper son regard à elle par-dessus son épaule à lui. « Arrête de râler sinon je leur dis que t'as passé illégalement des joints à la sécurité. » il chuchote et pouffe, lui-même ayant aidé à les rouler, ses joints de contrebande. Ils ont l'air de deux junkies de bac à sable et c'est correct, c'est okay qu'il ne soit pas retombé dans la coke. C'est que de l'herbe, c'est pas nocif, c'est pas une clope verte qui va le bousiller et oh my fuck qu'il voudrait sniffer.

« Regarde Ivy, y'a même du champagne au verre. » il la distrait autant qu'il se distrait lui-même en lui agitant sous les yeux le menu des alcools servis en classe économique. Les prix sont exorbitants et la qualité des verres doit être dégueulasse, ça lui donnera de quoi rager pendant les quelques heures de vol qu'ils ont à cumuler avant de fuir pour une petite semaine la véritablement réalité. Ils l'ont mérité. « On prendra pas de retard. » le voilà qui ramène ses idées à elle une éternité plus tard, appuyant sa tête sur le siège, la laissant dériver de côté de manière à ce que ses yeux se vrillent direct sur le profil de la blonde. « On a une semaine de plus pour peaufiner le plan. » le plan, plutôt son plan à elle. Il jouera les alliés sur sa vie Jack, mais c'est elle le cerveau de l'opération. Sans ça, sans elle, il est fichu. Il le sait, et Ivy aussi.

”Si t’en parles on aura rien à fumer en arrivant là-bas.” Là-bas, je ne sais pas vraiment encore où c’est. Il n’a pas fuit Jack, il ne s’est pas dit qu’il pouvait partir et ne pas tenir sa promesse et ça m’étonne. Pourquoi il s’enfuit vraiment avec moi ? Je penche la tête mais ne pose pas ma question, je préfère critiquer absolument tout ce qui passe sous mes yeux, et ça a l’air de plaire au Epstein qui n’arrête plus de sourire depuis que la compétition est terminée. Il me menace et je ne fais que lever les yeux au ciel, persuadée que s’il devait choisir entre la drogue ou moi il récupérerait les joints pour partir avec lui.

On est en classe économique, et c’est là que j’ai envie de le tuer, que je regrette de lui avoir laissé organiser tout ce voyage. Si j’avais organisé ça on serait au moins en première classe. Je grince des dents en posant mon sac et en m’asseyant côté hublot. “Si je commande quoi que ce soit au verre c’est sur ta tête que ça finit.” Je grogne et regarde vers l’extérieur. Je l’écoute continuer de parler de nos plans, c’est la seule chose qui me redonne le sourire, qui me rend un peu heureuse dans cet endroit absolument affreux. Les heures vont être longues, très longues. Je ne vais jamais réussir à m’endormir sur de tels sièges et l’odeur des gens trop proches de moi est exécrable. “On a qu’à prendre un verre chacun.” Je me tourne pour croiser son regard, même les accoudoirs sont affreux. J’aurais presque envie d’en arracher un pour assommer la femme qui n’arrête pas de parler derrière moi. “Et on trinque au sauvetage de ton label et de mon compte en banque.” Parce que c’est ça l’objectif principal. Nous sauver tous les deux des merdes dans lesquelles on s’est foutu. “De toute façon, soit on réussit soit on meurt.” Dramatique ? A peine.

Il se moque, gamin au corps d'adulte qui a vu la vie défiler devant ses yeux d'un sens comme de l'autre. Lui agitant le menu des cocktails et autres alcools sous le nez comme s'il s'agissait de la pire blague qu'ait pu porter l'humanité, c'est en se réjouissant presqu'autant qu'un gamin à Noël qui réalise qu'envers et contre tout elle leur en commande tout de même, des verres. Quelle gamine polie. “Et on trinque au sauvetage de ton label et de mon compte en banque.” quand elle le dit, ça sonne toujours mieux. Quand elle l'affirme, il prend un peu plus confiance en lui, en elle, en eux. Quand elle le dit, ça sonne vrai et juste ça, là, ça lui donne envie d'y croire. Qu'ils peuvent le faire.

“De toute façon, soit on réussit soit on meurt.” le peu de sérieux qu'ils avaient pu aller gratter se retrouve noyé de champagne bon marché et de rires pas du tout forcés. « Rien que ça. » rien que ça et tout ça à la fois. C'est tragique et c'est marrant, un temps. Mais s'ils ne réussissent pas c'est la fin - autant pour elle que pour lui.

***

« Trois... deux... un... » il fait le décompte avec toute la patience du monde, la clé grinçant dans la serrure de la cabane sur la plage qu'il a louée pour toute la durée de leur séjour. Bien loin de l'hôtel de luxe auquel elle doit être éternellement habituée en vacances, et surtout de ce à quoi elle a dû s'attendre quand il s'est amusé à jouer les fourbes sur tout le trajet entre l'aéroport et l'endroit où ils dormiront à inventer des fonctionnalités et autres ajouts à la chambre qui étaient toutes autant exagérées de bourgeoisie que fausses. Ce n'est que lorsqu'il retire sa paume des yeux d'Ivy qu'il affiche le plus grand, le plus con, le plus moqueur des sourires emplis de contradictions. « Quoi? Je me prépare au pire. »

À ce qu'elle râle, d'abord, que le spa n'est pas à même la chambre ni que leur vue ne donne pas sur la ville en effervescence mais plutôt sur l'océan à perte d'horizon. Encore heureux, il se dit que peut-être Race of Australia lui a appris à préférer communier en nature envers et contre tout le reste, le luxe au passage. De toute façon, ils sont juste là pour bosser, pour brainstormer, pour planifier la suite des choses. Non?

Je n’ai pas dormi pendant le trajet de l’avion. Bien trop occupée à râler sur chaque détails qui nous entourait et que je détestais. Mais je m’en suis sortie en vie, heureusement que le trajet n’était pas long. sinon j’aurais fini par me jeter par le hublot. J’ai suivi Jack, assez frustrée de n’être au courant de rien mais il n’a pas voulu parler de tout ça Jack, il n’est pas si mauvais pour garder les secrets finalement, et je trouve ça rassurant pour la suite des événements même si je préférais savoir ce qui m’attend pour cette semaine de voyage. Je fais la discussion sur le trajet, et il rit souvent le vieux.

Il me faut un minimum de luxe pour que je puisse profiter de ma vie et de mes vacances après cette aventure éprouvante. Si j’avais pu choisir, nous serions dans un hôtel, ou dans une villa. Avec piscine, accès direct à l’océan, spa et jacuzzi… Tout ce dont j’ai besoin pour me détendre après tout ça. Je ne bouge pas, laisse sa main sur mon visage, me barrant la vue. Il veut faire grand effet Jack alors que je ne pense pas qu’il ait eu les mêmes envies que moi pour nos vacances loin de tout. J’ai peur, qu’on se retrouve seulement dans une tente au milieu de nul part. Mais j’espère qu’il a pris en compte le fait que je sois une fille riche qui a ses petites habitudes qui ont déjà été mise à mal par Race of Australia.

Il enlève enfin sa main et je fronce les sourcils le temps que mes yeux s’habituent à la lumière. Je grimace lorsque je vois que la cabane me semble bien trop petite pour accueillir tout ce dont j’aurais besoin. Et je commence à comprendre que je devrais prendre mes vacances moi même quand nos plans auront abouti. “T’es pas prêt au pire.” Parce que je n’ai jamais été horrible avec lui, pas une seule fois. Ou peut-être quand j’ai remarqué qu’il avait ramené Elise sur ROA mais j’essaie d’oublier cette histoire. Je passe à travers la chambre qui est minuscule, et je n’ai pas encore vu la salle de bain. “Ca j’aime.” Je me retrouve sur la terrasse et fais face à l’océan. “Ca m’avait manqué, l’océan.” Je souris, je sais que ça lui avait manqué à lui aussi.

“T’es pas prêt au pire.”
« Je suis terrorisé. »

Il pouffe de rire, rentre ses affaires à lui et se débat contre ciel et mer pour rentrer les siennes à elle. C'est à croire qu'elle est retournée à Brisbane rien que pour revenir vu ses sacs, mais il ne dit rien Jack. Il préfère profiter d'un coup d'oeil ou bien de deux autres de suite, la voir évoluer dans la cabane en bord de côte qu'il a choisie autant pour l'endroit où elle se situait que pour le potentiel de tranquillité qu'elle apportait.

“Ca j’aime.” et pour la vue, oh la vue. “Ca m’avait manqué, l’océan.” les vagues, rien que le bruit lui manquait à Epstein, c'est pour dire. Les flots viennent se casser sur la petite plage privée, ou l'impression de, que constitue la baie. À ce temps-ci de l'année peu de gens viennent s'égarer sur l'île, rendant le tout bien plus intime qu'il ne l'aurait été à un autre moment au calendrier. « Mon père avait un bateau. Un voilier. » Jack le typique boho qui retire ses chaussures, se retrouvant pieds nus sur le bois qui craque de la terrasse. Ses orteils s'ancrent dans le sable quelques pas plus tard. « Tu sais naviguer? » il passe d'un point à un autre, d'une discussion à une nouvelle. L'eau glacée pour certains mais bouillante pour lui qui vient chatouiller ses orteils l'instant d'après. Devant elle et derrière lui s'étend l'horizon, parfait synonyme de fin du monde tant la ligne est fine entre le ciel et l'eau.

Quand il revient sur la terrasse, ce n'est que pour attraper son nécessaire à rouler clope de tabac et d'autres herbes variées, mais aussi pour tendre sa main vers elle et l'inviter à le suivre dans la foulée. « Je sais rien de tout ça. » mais apparemment, il sait très bien rouler ses joints en marchant Jack. Il lui tend la première bouffée une fois qu'il est allumé, profite de l'inspiration qu'elle prend pour ramener un voile un peu plus sérieux à leur balade improvisée sur la plage. « Mon créneau c'est la musique - rien d'autre. » il y revient oui, il y revient humblement. Il sait pas vendre, il sait pas gérer l'argent. Il sait pas se battre au palmarès, il sait pas enfiler les opportunités d'affaires aussi naturellement qu'il inspire la bouffée suivante quand la cigarette artisanale revient se loger entre ses lèvres. « Je dis pas ça parce que je veux reculer, je dis ça juste pour que tu saches que tu pars de loin. » elle n'a pas l'air d'avoir peur des défis - pourtant lui, il en est tout un.

« Je suis terrorisé. » “T’as raison.” Il sait que je fais peur, que je pourrais lui faire vivre l’enfer même si Jack donne l’air de ne jamais être touché par quoi que ce soit dans ce monde. Il pourrait lui arriver n’importe quoi qu’il garderait ce sourire con ancré sur le visage. C’est aussi amusant qu’horripilant quand on le connait un peu. Et moi, il m’énerve souvent ce sourire d’idiot.

Et il le fait encore, ce sourire, quand je m’approche de la terrasse et que mes yeux ne quittent plus l’océan. J’ai toujours préféré vivre au bord de l’eau, et Brisbane m’a manqué pendant ces quelques semaines parce que le fin fond de l’Australie manque cruellement de plages.  « Mon père avait un bateau. Un voilier. » Je tourne la tête vers lui quelques secondes avant d’observer à nouveau à quel point la mer est calme. Pas un bateau, personne pour gâcher le paysage. « Tu sais naviguer? » “J’ai mon permis bateau.” Permis que j’ai eu comme tous les autres. En menaçant et en payant généreusement l’examinateur. Un sourire en coin se dessine sur mon visage et je m’installe confortablement sur un des transat. “Il t’a appris à naviguer ?” Etonnement, j’apprécie l’endroit que Jack a choisi, même s’il est encore loin de la ville. Ce n’est qu’une semaine, je peux encore tenir un peu pour me remettre de toute cette aventure.

On part marcher sur la plage, et la balade pourrait durer la nuit entière tant je trouve ce bruit et ces sensations apaisantes. « Je sais rien de tout ça. » Je sais de quoi il parle, on part une semaine pour parler de tout ça justement. Pour se concentrer sur nos plans. « Mon créneau c'est la musique - rien d'autre. » “Et tu fais bien ton créneau ?” Je pouffe de rire en me tournant légèrement vers lui. S’il le faisait si bien que ça son label ne serait pas au bord de la faillite, alors je me pose tout de même quelques questions. « Je dis pas ça parce que je veux reculer, je dis ça juste pour que tu saches que tu pars de loin. » Il ne veut pas reculer. Et c’est la partie la plus importante de la phrase, celle que je retiens. Je réfléchis quelques secondes, et je sais qu’on va réussir à faire tout ce qu’on veut. “Tant que tu sais tenir les secrets, il n’y a pas de raison pour que ça se passe mal.” Je tente de me rassurer autant que lui. “Je n’ai jamais bossé dans la musique t’auras sûrement quelques trucs à m’apprendre.” Je hoche la tête, je sais beaucoup de choses que je n’ai jamais mis en pratique. Mon père a passé sa vie à tenter de m’apprendre à être soit une bonne femme soit un monstre des affaires. Et peut-être que je finirai par réussir dans le deuxième domaine. “Tu promets que tu me suivras, quoi que je te dise de faire, tant que c’est pour que tout se déroule bien ?” J’ai besoin de cette promesse, de savoir que je ne suis pas seule dans cet histoire. Parce que si je tombe, il tombe avec moi, et la chute risque d’être longue et douloureuse.

La plage s'étend à perte de vue, ils ont l'air d'être seuls (pas juste l'air) et c'est tant mieux. “J’ai mon permis bateau.” le contraire l'aurait étonné. Elle semble avoir tout Ivy, et si elle ne l'a pas elle s'assure de régler la situation à son avantage. C'est ce genre de détermination et de persévérance qui lui manquent à Jack, pour avancer dans la vie. Égoïstement, il espère que passer autant de temps aux côtés d'Ivy permette qu'il lui en gratte quelques bribes. “Il t’a appris à naviguer ?” « Ouais. » qu'il lâche, roulant désormais un joint qui sera autant salvateur que nécessaire pour la suite. « C'était le seul point en commun qu'on avait, on l'a usé à la corde. » son père était un bien curiieux personnage - bien fermé aussi. Ils n'avaient que peu d'atomes crochus, celui-là en étant fort probablement le seul.

“Et tu fais bien ton créneau ?” il inspire la fumée, elle éclate de rire lorsqu'il la relâche. Quand la clope verte quitte ses lèvres pour rejoindre celles d'Ivy, il souffle, pensif. « La musique, oui. Le reste pas du tout. » la musique est sa passion, est sa raison d'être. Il sait qu'il a l'oreille et il sait qu'il compose bien, produit aussi. Pourtant il est totalement au courant que du moment qu'on lui fiche autre responsabilité entre les mains, il panique, il l'échappe, il flippe. Le contrôle le déteste. Elle, elle est née pour diriger. “Tant que tu sais tenir les secrets, il n’y a pas de raison pour que ça se passe mal.” elle a l'air de douter - elle a tous les droits. Pourtant Epstein est loyal, et dans telle situation, il le sera encore plus. “Je n’ai jamais bossé dans la musique t’auras sûrement quelques trucs à m’apprendre.” son humilité l'épate, son calme avec. Le joint fuit en cendres au fil des demandes de la blonde, lui, il a fini par l'encourager à s'installer à même le sable rien que pour se donner l'impression d'être petits dans un univers bien trop grand encore un peu. “Tu promets que tu me suivras, quoi que je te dise de faire, tant que c’est pour que tout se déroule bien ?” « C'est promis. » il est honnête, il est au taquet, il est là et il ne bouge pas non plus. « Je suis all in, Ivy. J'espère que tu sais. » au cas où elle doute, le voilà qui quitte l'horizon pour planter ses yeux à lui dans les siens à elle. Leurs pupilles commencent doucement à se dilater.

« J'ai un truc à ajouter au contrat. » alors le voilà, qui négocie. « Mes artistes. Une fois que t'auras fait ce que tu dois faire pour le label, et pour moi. » il est sérieux Epstein, bien plus qu'il ne l'a été avec elle depuis le tout début. « Je veux que tu fasses pareil avec eux. » il a déjà tant confiance en elle, il anticipe peut-être un peu trop au final. Ou alors il a espoir - c'est selon.

J’aime cet endroit. On profite encore un peu de ces moments que nous a offert l’aventure de ROA. Jamais je n’aurais cru pouvoir devenir aussi proche de Jack. Je ne sais pas pourquoi il est là pour moi à ce point, pourquoi j’ai eu envie de lui parler de mes problèmes et d’écouter les siens. Il va m’aider et je vais faire la même chose, on a besoin l’un de l’autre sur beaucoup de points et je ne compte pas laisser tomber. J’ai déjà des milliers d’idées qui me viennent en tête et j’espère qu’il me suivra. Je ne veux pas avancer pour qu’il me laisse en plan, ou pour qu’il décide du jour au lendemain que ça n’en vaut plus la peine. « C'était le seul point en commun qu'on avait, on l'a usé à la corde. » Des problèmes avec les pères, c’est bien un autre point qu’on a en commun donc. “C’est compliqué les pères…” Je ne retiens pas cette information parce qu’il en sait bien plus que la majorité des habitants de cette planète sur moi. Malgré ce qu’ils peuvent tous croire.

On parle travail, parce que j’ai bien l’impression que c’est mon dernier espoir pour pouvoir renflouer mes comptes. Je n’ai jamais travaillé, mais il faut bien commencer un jour pas vrai ? « C'était le seul point en commun qu'on avait, on l'a usé à la corde. » “Pourquoi tu t’es lancé dans un label ?” S’il aime la musique, pourquoi il n’est pas seulement resté sur ses chansons et ses compositions ? Ce sont des tas de questions qui tournent dans ma tête, mais je préfère garder le joint qu’on partage entre mes lèvres un peu plus longtemps, le laissant répondre à son rythme.

Et enfin je pose la vraie question. Est ce qu’il me suivra jusqu’au bout ? Ou est ce qu’il est capable de m’abandonner juste parce qu’il trouvera que le jeu n’est plus assez amusant ? Je pince les lèvres et je regarde vers l’océan. Je respire encore une fois la fumée et je sens les premiers effets. J’aime être dans cet état, et Jack a l’air d’apprécier aussi d’avoir retrouvé ces plaisirs. « C'est promis. » Il promet. Et c’est un soupir de soulagement qui s’échappe d’entre mes lèvres. « Je suis all in, Ivy. J'espère que tu sais. » Mes yeux rencontrent ceux de Jack quand je tourne la tête. “C’est juste que… ça pourrait durer longtemps… et ça ne sera peut-être pas tous les jours drôle…” Moi je m’en fiche, quand j’ai un objectif en tête je suis capable de tout faire pour l’atteindre, et je ne sais pas si Jack sera dans cette optique.

« J'ai un truc à ajouter au contrat. » Je ne lâche pas ses yeux, et je ne me concentre même plus sur la clope verte qui fait des allers retour entre mes lèvres et les siennes. « Mes artistes. Une fois que t'auras fait ce que tu dois faire pour le label, et pour moi. Je veux que tu fasses pareil avec eux. » Je grogne et lève les yeux au ciel. Mais ça me rassure de l’entendre dire une chose pareille. “Ca veut dire que tu comptes me faire travailler pour toi pendant un moment !” J’aime qu’il soit capable de se projeter vers l’avenir. “Rectification…” Je glisse le joint entre les lèvres de Jack et me rapproche un peu de lui. “Je travaille avec toi, et pas pour toi.” Je n’aime pas qu’on me donne des ordres, et je pense que pour ça Jack est le partenaire parfait. “T’es pas prêt à ce qui t’attend !” Je souris et je ne lâche pas son regard, continuant de jouer avec les limites comme on l’a toujours fait en s’embrassant et en jouant à notre manière.

“C’est juste que… ça pourrait durer longtemps… et ça ne sera peut-être pas tous les jours drôle…”
« Je suis pas drôle à tous les jours non plus. »

Il relativise, les vagues se heurtant à leurs pieds sans jamais aller plus loin et risquer de noyer leurs vêtements. Ce sont les prémices d'un contrat qu'ils rédigent, elle bien plus que lui. Mais le voilà qui n'oppose aucune résistance, dangereusement confortable en l'instant. Elle est exigeante la blonde, intransigeante aussi, tout ce qu'il n'est pas et in a way elle semble être là rien que pour lui apprendre quelles sont les limites et comment les atteindre comme les utiliser. Lui, il inspire sagement son joint, le lui lègue le temps d'une demande une seule. “Ca veut dire que tu comptes me faire travailler pour toi pendant un moment !” elle éclate de rire alors lui aussi, docile petit musicien qui fait ses premiers pas dans un monde qu'il a toujours détesté. À ses côtés à elle pourtant, c'est presque comme s'il avait accès aux coulisses des rouages. “Rectification…” le joint la quitte elle pour revenir à lui. “Je travaille avec toi, et pas pour toi.” « Oui chef. »

Jack est risible, pourtant il ne rigole pas. Encore un truc qu'elle demande - non, exige - et qu'il lui cède sans broncher. Et c'est ça son problème à Epstein, c'est qu'il fait confiance vite et fort. Qu'il donne des chances à foison, qu'il se laisse guider par les autres sans ne jamais prendre les rennes. Là encore il délègue, la colonne pas assez solide pour ce qui suivra. Pourtant Ivy lui donne presque l'impression qu'un jour il pourra jouer dans les cours des grands - et que ses artistes auront cette chance-là eux aussi. C'est tout ce qu'il souhaitait entendre, tout ce qu'il désirait voir se profiler. Jamais égoïste, éternellement dédié.

“T’es pas prêt à ce qui t’attend !” qu'elle nargue, qu'elle raille, qu'elle se moque l'australienne. Il inspire sur le joint, le termine alors qu'il trace le reste du mégot contre le sable avant de le ranger dans les poches de son vieux jeans déchiré. « Toi non plus. » à ça s'ajoute son sourire à lui. Jack le conquérant, ou ce qu'il semble être pour le moment.