La réponse au sms n’était pas si horrible qu’il n’y paraît, quand on y repense. Quand on repense à notre dernière discussion, surtout, et à toute notre histoire aussi, alors je me dis que tout aurait pu être bien plus dramatique encore. Je sais qu’à sa place en tout cas, je ne me serais pas donné autant de peine et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui prouve à quel point nous sommes différents. Je crois même que tout était bien pire dans le temps, preuve en est que je me repens aujourd’hui petit à petit de paroles et agissements qui me semblaient être normaux à l’époque. Nous n’avons jamais été faits pour être ensemble et ni même pour s’entendre, je ne comprends donc toujours pas comment on a pu faire semblant de s’aimer. Si pour elle tout était peut être vrai, je persiste et signe à dire que cela n’a jamais été mon cas. Tout ce que je ressentais n’étaient pas les bons sentiments, pas la bonne intensité, pas le bon moment. Pas pour la bonne personne non plus. Elle s’est retrouvée prise dans une histoire qui n’aurait jamais dû être la sienne, ni avant et encore moins aujourd’hui.

Allez savoir pourquoi j’ai envie de réparer les pots cassés aujourd’hui alors que j’ai toujours pris plaisir à observer les morceaux brisés à cause de mes actes et mes paroles. Je les trouvais intéressants, ces petites personnes au coeur brisé et à l’ego blessé à cause d’un rien, ceux-là même incapable de reconnaître un loup quand ils en voyaient un. Intéressants, oui, mais stupides surtout. Pourtant je ne suis pas supposé exprimer ce genre de pensées à voix haute puisqu’après on risque encore de dire de moi que je suis un connard ou un fils de pute, et vous avez même le droit à toute la gamme de synonyme allant de l’un à l’autre. C’est donc un connard qui a retrouvé l’adresse d’Helena plutôt facilement et un fils de pute qui sonne chez elle. L’avantage de parler à des gens qui sont de bonnes personnes, c’est que je sais qu’elle va continuer d’agir à tout l’inverse de ce que j’aurais fait à sa place et que donc elle va effectivement ouvrir la porte par simple habitude.

Le pire dans tout ça c’est que j’ai concentré tous mes efforts pour en arriver jusque là, entre ma discussion avec Dimitri et le temps certain dont j’ai eu besoin pour trouver quoi dire dans ces foutus sms pour ensuite avoir à chercher son adresse sans passer pour un psychopathe. Tout a été long, ennuyant et ennuyeux. Et puisque désormais je suis devant chez elle les mains dans les poches, j’ignore totalement quoi pouvoir faire ensuite. J’ai promis à son frère des excuses mais soudainement je doute être capable d’en formuler. Lorsque la porte d’ouvre à peine j’ai le stupide réflexe de passer mon pied dans l'entrebâillement pour ne pas qu’elle la referme aussitôt - avant elle avait pour habitude de me dire que j’étais beau mais il faut croire que les choses changent. “Attends cinq minutes avant de m’insulter.” Je demande, préviens, tente de commencer mon approche sans trop savoir où je vais. “Je viens pour parler.” On m’a toujours reproché le manque de communication, alors c’est maintenant ou jamais pour me laisser une chance.

@helena horowitz

Elle ne ressemble plus à la petite chose fragile que j’ai côtoyé pendant de longues années et à mes yeux c’est tout sauf une mauvaise chose. Si le contexte avait été différent, j’aurais pu lui faire comprendre que c’est une bonne nouvelle qu’elle ait grandi et évolué de la sorte, même si mon pied coincé contre la porte ne semble pas si heureux de la chose. Helena sait déjà pourtant que je ne suis pas doué pour les compliments et ce n’est qu’un doux euphémisme pour avouer que je suis incapable d’en faire. Mon regard continue de sonder le sien sans jamais s’en détacher et je l’observe passer par toutes les gammes de sentiments possibles, restant a contrario totalement impassible. « Tu viens quatre ans trop tard. Je n’ai rien à te dire, et je ne veux rien entendre. » Ironiquement, son frère avait été bien plus enclin à discuter. Elle me fait penser à moi dès lors que Saül vient me voir pour discuter - oh non ça alors, on m’informe dans l’oreillette que mon frère est incapable de se remettre en question quand bien même il est le plsu gros connard de l’univers. “Tu sais que je ne partirai pas avant d’avoir obtenu ce que je veux. Ne rend pas les choses plus difficiles.” Je n’ai pas fait tous ces efforts pour repartir sans rien, avec seulement des éclairs lancés par ses yeux en guise de remerciements.

Je n’ai rien à gagner dans toute cette histoire et tout ce que je fais (ou essaye de faire, en tout cas), c’est pour elle. Je le fais pour qu’elle tourne enfin la page et puisse avancer sans avoir à penser à notre histoire avortée, morte dans l’oeuf, ou n’importe quelle autre expression de la même trempe signifiant qu’il n’y a jamais rien eu de véritable. “Ne me force pas à rentrer moi même, Helena.” Je pourrais pousser la porte si j’en avais véritablement envie et elle le sait autant que moi, raison pour laquelle je lui réponds sur un ton las et fatigué tout en soufflant à peine. Je n’ai pas envie de me battre, de crier, de me disputer. Je suis fatigué de toutes ces choses-là, surtout avec la brune avec qui on a déjà joué ce jeu-là à de bien trop nombreuses reprises. “J’ai parlé à ton frère, tu sais. C’est lui qui m’a donné ton numéro.” Ce n’est un secret pour personne que je suis toujours prêt à vendre l’âme de mes partenaires dès lors que j’y vois une opportunité. Si j’ai gardé secrète l’aide de Dimitri dans nos quelques messages échangés, je ne tiens pas plus longtemps cette fois-ci. Il me sert d’argument d’autorité par excellence. Je sais à quel point elle tient à son frère et à quel point il représente beaucoup pour elle, lui, le doux et raisonné Horowitz. S’il me juge apte à un dialogue, j’espère qu’elle comprendra à son tour que c’est le cas.

« Sauf que contrairement à l’époque, je n’ai pas envie de faire passer tes désirs avant les miens. » - “On veut la même chose ce soir.”

On ne voulait jamais la même chose avant, ça c’est bien vrai, mais je pense qu’on a tous les deux assez grandi pour avoir évolué par la même occasion. J’ai passé l’âge de faire semblant de m’intéresser à elle et de me jouer d’elle aussi - enfin, disons surtout que j’ai changé de cible pour ça, après avoir jugé qu’elle avait assez donné du sien pendant de longues années. Elle voulait tout et toujours plus, avant, quand moi je n’ai jamais rien voulu. Je ne veux toujours rien aujourd’hui, j’imagine seulement qu’elle en est enfin venue à la même conclusion. Il n’y a jamais eu de nous et si je suis ici, ce n’est pas pour lui faire miroiter une telle chose à nouveau. « Tu ferais mieux de dégager ton pied rapidement, parce que chaque phrase que tu prononces fait un peu plus ressortir le connard en toi, et je suis à deux doigts de te le broyer. » Je n’ai pas peur d’elle, bien sûr, et ses menaces ne me font ni chaud ni froid. Il y a bien pire que de se faire coincer le pied dans une porte, surtout si on prend en compte le fait que cela ne fasse absolument pas mal, contrairement à ce qu’elle pourrait bien penser ou clâmer. Je garde ma main posée sur la porte sans encore appuyer dessus puisque je sais que si je commence à y mettre de ma force, je vais gagner. Autant lui laisser croire qu’elle agit d’elle-même et non sous la contrainte, cela me facilitera peut être la suite des évènements.

« Le salon, et c’est tout. Hors de question que tu t’aventures ailleurs dans cet appartement. » - “Je ne comptais pas aller plus loin.”

« Et tu as une heure. Pas une minute de plus. » - “Ce sera largement suffisant.”

« Ho et, Auden, la vérité … si tu en es capable. Sinon, tu peux de suite repartir. » - “C’est bon t’as fini ? Je peux en placer une ?”

Tous doutes levés, j’imagine qu’on peut désormais commencer la discussion. Je n’irai pas plus loin parce qu’il n’y aura rien, ni même aucun sous-entendu d’aucune sorte. Je préfère le lui préciser dès le départ avant qu’elle ne recommence à se faire des espoirs qui n’ont pas lieu d’être. Si je suis ici, c’est littéralement pour faire tout sauf renouer de vieux liens du passé - lesquels justement n’appartiennent qu’au passé. Le salon me suffit amplement, donc, tout comme moins d’une heure me suffiront à exposer le fait que je ne l’ai jamais aimé autant qu’elle a pu le faire en retour. Tout aurait pu être réglé en quelques secondes, en réalité, mais j’ai promis à son frère d’y mettre les formes et je ne compte pas le trahir, pas à ce propos. “J’avais pas prévu de te renvoyer mon mariage et ma vie au visage.” J’expire mes mots après avoir justement pris une large expiration, mes mains désormais posées dans mes poches puisqu’elles n’ont plus à combattre aucune porte. Je secoue mon pied endormi et endolori, pour m’occuper un peu l’esprit bien plus que par réelle nécessité. C’est mignon, chez elle. C’est grand pour une seule personne, aussi. Elle n’a jamais aimé la solitude, Helena, tout comme moi une fois que les masques tombent et que la vérité se doit d’éclater. “C’est pour elle que je suis parti. On se connait depuis toujours, pour ainsi dire, et je ne pensais jamais qu’elle reviendrait.” Mes yeux cherchent de nouveau les siens. C’est là le seul jeu pour lequel je lui concède la victoire : elle en a toujours eu de bien plus beaux que les miens, c’est vrai, et je le sais parce que je me suis perdu auprès d’eux bien trop de fois pour que cela puisse encore être calculé.

Les mimiques d’Helena que je savais auparavant apprécier ont aujourd’hui le don de m’agacer. Une fois une personne éloignée, tout chez elle devient un défaut ou une raison de s’énerver. En règle général, il m’en faut peu pour qu’une telle chose arrive. En compagnie de la brune qui ne lève que bien trop facilement ses yeux au ciel tout en soufflant, c’est bien pire encore. La seule réponse pour laquelle je contiens toutes mes réponses cinglantes, c’est parce que j’ai fait une promesse à son frère et parce qu’apparemment, je tiens désormais mes paroles. Contre toutes attentes. Je sais aussi qu’elles n’arrangeraient rien puisque si elle n’avait pas les épaules pour les supporter avant, elle ne les a toujours pas aujourd’hui. Je ne suis pas venu ici pour le mettre plus bas que Terre, j’imagine que notre relation s’en est déjà chargée.

J’ai beau lui trouver un nombre faramineux de défauts, elle n’a pourtant rien de quelqu’un de stupide. Je l’aimerais, parfois, ce serait bien plus simple et elle n’aurait pas à avoir de questions aussi incisives et pourtant si évidentes. « Donc quand tu étais avec moi … Tu étais amoureux d’elle ? » Elle était là lors de ce stupide événement autour d’arbres tout aussi stupides, elle a vu à quel point mes yeux ne voyaient que Ginny et à quel point le reste du monde semblait bien moins important aujourd’hui qu’il ne pouvait déjà l’être hier encore. “Oui.” La vérité, donc. L’ancien Auden aurait clamé haut et fort que l’amour n’existe pas et que je ne m’y abaisserais jamais. Auden d’aujourd’hui, marié et bientôt père à nouveau, n’a pas la moindre honte d’affirmer de tels sentiments, surtout pas après qu’on se soit tant battus pour pouvoir les exprimer à la lumière du jour.

S’il y a des questions pour lesquelles les réponses sont évidentes, il n’en est pas le cas de toutes, malheureusement. « Et que ce serait-il passé si elle n’était pas revenue ? On aurait poursuivi nos montagnes russes indéfiniment ? » Elle parle d’un “on” qui n’a jamais existé et là est bien toute la source du problème. Elle a toujours cru en nous et je vois bien qu’aujourd’hui encore, elle ne peut pas s’empêcher de croire qu’il y a toujours une infime chance que la roue tourne soudainement. Ce n’est pas le cas. Cela ne sera jamais le cas. J’espère simplement qu’elle finira par le comprendre. Elle est une bonne personne, elle n’a tout simplement jamais été faite pour moi ni moi pour elle. Nous ne nous sommes jamais réellement entendus, tout n’était que charnel, tout n’était que passager. “Je m’en serais lassé.” Je m’en lassais déjà. Je m’en lassais depuis le premier jour, depuis la première fois où a son lit j’ai plutôt préféré finir dans celui d’un autre, dans celui d’une autre. Une fois, dix, vingt, les comptes ont rapidement été perdus. Nous ne formions qu’un couple entre les murs de son appartement, lorsque je daignais répondre à ses appels et ses messages. “Je t’ai laissé tous les indices du monde, Helena.” L’amour rend aveugle et c’est on ne peut plus vrai. Elle n’a jamais voulu voir ce qui crevait les yeux et moi je n’ai jamais voulu lui dire ce qui me semblait évident. Nous étions tous deux lâches à notre manière. “J’ai jamais voulu être en couple.” Je le répète encore aujourd’hui. Je n’ai jamais voulu que ce soit le cas, je ne l’ai jamais été non plus. Un an plus tôt encore, j’étais effectivement célibataire. Je l’étais encore jusqu’à mon mariage. Il faut bien avouer que je n’ai jamais été doué pour les lentes transitions. “Et j’ai jamais voulu que tu tombes amoureuse de moi non plus.” Parce que c’est bien ce qu’elle était, non ? Pâmée, complètement pâmée. “Je te dis ça pour que tu tournes la page une bonne fois pour toutes.” Pour que cela fasse mal une bonne fois pour toutes, aussi.

Elle m’a demandé la vérité et maintenant elle ne veut plus l’entendre. Les femmes sont impossibles à comprendre et moi, je suis loin d’avoir du temps à perdre avec des stupidités du genre. J’ai donné de mon énergie pour pouvoir la contacter à nouveau et j’use désormais de toute ma patience envers elle mais Helena ne voit rien, ne comprend rien non plus. Elle est toujours bloquée quatre ans plus tôt dans une relation qui n’a jamais réellement existée. Je pensais que depuis le temps, elle l’aurait compris. J’avais tort, j’avais infiniment trop d’espoirs. J’explique mon point de vue et elle me balance le sien à la figure, comme si la brune valait mieux que moi, comme si elle savait mieux ce que nous avons tous deux vécus. Aujourd’hui, je me demande bien ce que j’ai pu y trouver à l’époque et comment j’ai pu partager autant de minutes et d’heures en sa compagnie. « Et t’appelle ça comment, vivre pratiquement chez quelqu’un ? Auden, tu passais parfois des semaines sans rentrer chez toi … Tu ne voulais pas emménager chez moi, mais tu y avais apporté un tas d’affaires … Arrête de te voiler la face … » C’est elle, qui se voile la face. Ce n’est pas parce qu’elle est la seule personne avec qui j’ai passé autant de temps - excepté Ginny - que c’est pour autant que je rêvais des mêmes choses qu’elle. On vivait la même vie mais on ne voyait pas le même futur. Je lui ai dit, je lui ai dit des milliers de fois, je lui ai fait comprendre par des dizaines de milliers de façons différentes aussi : je ne suis pas le genre à me mettre en couple. Je n’habite avec personne, je ne passe de temps avec personne. Elle devrait déjà s’estimer heureuse que ce temps ait existé. “Ça m’amusait, Helena. Ça ne signifiait rien.” Je voulais simplement être avec quelqu’un. Il n’y a pas d’histoire romantique là-dessous ; il n’y en a jamais eu. Elle n’est plus une enfant depuis longtemps, elle aurait pourtant dû le comprendre d’elle-même.

Si Helena a toujours été une exception à bien des niveaux, n’en reste pas moins qu’elle risque sa vie comme tout le monde lorsqu’elle parle de Ginny, même sans prononcer son nom. « A moins que tout ce que tu voulais, c’était fuir le vide qu’elle avait laissé dans ta vie en partant ?! » Mon regard soutient le sien et se veut noir de jais alors que je me retiens de prononcer des mots qui la mettraient, elle, plus bas que Terre encore. J’ai fait une promesse à son frère et compte bien la tenir, même si elle me rend la vie difficile et tout plus compliqué encore. “Laisse la en dehors de ça.” Mon ton froid et tranché lui laisse comprendre que je ne rigole pas le moins du monde à ce sujet et que je suis incapable de me montrer laxiste. C’est une histoire qui ne concerne que nous deux.

La suite à logique à tout ceci est une suite d’insultes, de reproches, de souvenirs teintés de menaces. Je la laisse parler et s’exprimer comme elle veut et si pour qu’elle sente son coeur s’alléger elle ressent le besoin de m’insulter alors soit, ce n’est pas la première fois et cela ne risque pas d’être la dernière non plus. Entre nous, ceci dit, je suis effectivement un putain de salopard doublé d’un hypocrite et oui, je sais qu’elle a été amoureuse de moi comme cela n’a jamais été le cas en retour. Je n’ai jamais demandé une telle chose mais à l’époque, je n’ai jamais rien fait non plus pour l’éviter. Aujourd’hui, la seule chose que j’évite c’est d’avoir à partir de son appartement en la laissant autant énervée et sans aucune réponse supplémentaire. Ce n’était pas mon objectif en venant ici et je n’accepte pas l’échec.

Helena s’en va ; je reste au même endroit. Elle crie, elle hurle, elle s’énerve ; je reste de marbre. « Dégage. Sors de chez moi ! » Non. Je ne la quitte pas des yeux mais mes gestes dénotent avec les siens, se faisant plus lents et peut-être même plus doux. Je ne sortirai pas d’ici maintenant parce que tout ceci aurait été fait pour rien et j’ai la fâcheuse tendance à ne pas accepter l’échec. “Doucement, calme toi.” Je reprends, nie ses ordres, avance d’un pas et d’un autre en sa direction. Si elle avait été quelqu’un d’autre, je sais déjà que j’aurais été incapable de réagir aussi doucement et j’aurais plutôt préféré parler avec ma colère. Elle a un statut spécial, qu’elle le veuille ou non, qu’elle l’accepte ou non. Elle est spéciale au point où je passe doucement un bras sur ses épaules pour venir rapprocher son visage de mon torse, son crâne de ma mâchoire. Ma main libre referme tout aussi doucement la porte pour garder cet instant pour nous et nous seuls, pour la calmer un peu plus aussi. “Je suis désolé. Je veux juste que tu sois heureuse.” Cela n’aurait jamais pu être le cas à mes côtés.

Elle est une bonne femme qui ne comprend rien à rien. Je fais des excuses, je la prends dans mes bras, j’agis comme une putain de personne personne dégoulinante de bonnes intentions et la voilà qui ne comprend rien à rien et qui m’écoute encore moins. Les reproches ont sifflé juste avant ; je les ai balayés dans un recoin de mon cerveau servant à stocker les choses inutiles. Elle n’arrive pas à comprendre que je ne sois jamais tombé amoureux d’elle alors qu’en retour je n’arrive pas à comprendre qu’elle ait des sentiments aussi facilement pour le premier venu. Elle est trop faible, trop empathique, et cela ne fait que la mener à sa perte encore et encore sans qu’elle soit capable d’apprendre de ses erreurs. J’en suis la preuve et je reste persuadé que même si je venais à lui proposer qu’on essaye à nouveau quelques chose à deux, maintenant, elle me sauterait aussitôt dans les bras. Elle est trop faible et malgré les promesses que j’ai pu faire à son frère, je suis incapable de changer ça. La seule chose que je sais c’est qu’en parlant de Ginny, elle franchit une dangereuse ligne rouge. « Et pourtant, elle est l’explication à tout, le centre de tout, non ? » Oui. Mais la seule personne à qui j’accepterai de concéder ce fait, c’est Ginny elle-même. Helena, elle, n’a pas à savoir que je l’ai quitté à la seconde même où j’ai appris qu’elle revenait au pays. C’est une information qui lui ferait plus de mal que de bien et aussi horrible puisse-t-elle penser que je suis, cela ne va pas jusque là. L’apprendre ne l’aiderait en rien, de toute façon.

Je ne résiste pas lorsqu’elle me repousse et je le fais tout aussi peu lorsque ses doigts viennent s’abattre contre ma joue dans un echo sonore. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle réagisse ainsi et j’ai simplement été pris de court, déjà hargneux à l’idée d’avoir fait tous ces efforts pour qu’elle me traite finalement de cette façon. Mon premier réflexe est celui de lever ma main, le poing fermé, le bras tremblant, tout mon corps prêt à rendre au double ce qui a rendu ma joue rouge. Mes pupilles tremblent, elles aussi, hargneuses. Je me retiens au bon moment, pourtant, me souvenant qui elle est et le statut qu’elle a acquis bien malgré elle, au fil des années. Elle est intouchable et elle le restera, peu importe à quel point je rêve d’enfin la faire taire. « Et tu crois que j’ai besoin de quoi ? Ta bénédiction pour l’être ? » Oui. Absolument. Preuve en est que cinq années plus tard, sa vie en est toujours au même point. Cela signifie bien qu’elle a besoin qu’on lui montre la voie pour avancer et je ne risque finalement pas de l’aider dans cet objectif là. L’histoire retiendra que j’ai essayé et moi, maintenant, je n’en ai absolument plus rien à faire. « Tu t’attendais à quoi en venant ici ?! Tu t’es acheté une conscience et tu voulais l’absolution ? » - “Tu crois que je regrette ? J’en ai rien à foutre de toi, Helena.” S’envolent ainsi toutes les belles paroles, les belles idées. Les utopies c’est stupide, de toute façon. C’était stupide de venir ici et c’était stupide de penser qu’elle allait être raisonnée.

Elle fait un dernier discours larmoyant que j’écoute à peine, mon esprit rendu sourd par la rage. Elle a raison sur un point : j’aurais dû partir bien plus tôt et j’aurais surtout dû ne jamais perdre autant de temps à ses côtés alors qu’elle ne m’a amené que de l’ennui. “Va te faire foutre, pleure à qui tu veux mais arrête de croire que tu tombes amoureuses tous les quatre matins à cause de moi.” Elle a le coeur d’un enfant qui a oublié de grandir et ça, pour une fois, ce n’est réellement pas de ma faute. Mes yeux noirs la toisent, ma main serre trop fort la sienne contre la poignée pour ouvrir la porte. La porte, d’ailleurs, que je laisse claquer à l’instant même où j’en franchis le pas. Je n’ai pas envie de la revoir non plus, elle m’a déjà fait perdre bien assez de temps et son sort ne m’importe pas. Il ne m’a jamais importé.