AccueilAccueil  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Besoin d'un coup de main pour t'intégrer ?
Clique ici pour trouver un parrain et relever les défis du nouveau !
Le forum a besoin de vous pour vivre
N'oubliez pas de voter autant que possible.
Le Deal du moment : -28%
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 ...
Voir le deal
279.99 €

 twisted up like a slipknot (kyte)

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyDim 6 Déc 2020 - 20:49



Olivia Marshall & @Kyte Savard ✻✻✻ Trois têtes pivotèrent dans la lumière de mes phares, de manière si synchrone qu’elles eurent l’air un instant d’appartenir au même corps ne tardant pas à rebrousser chemin d’un seul élan, le pas faussement nonchalant mais les sens aux aguets. Aux dernières heures de la nuit, l’arrivée d’un véhicule de ce côté-là de la ville n’inspirait généralement guère confiance, le fléau difficile à discerner tant ceux-ci étaient diverses. Qu’il s’agisse de deals illicites, d’échanges de mauvais procédés, de règlements de compte en préparation, ou pire, d’opérations policières, tous inspiraient aux plus censés l’instinct de s’en éloigner sans chercher à en deviner le réel statut. Le moteur éteint ne fit pas grande différence tant ce dernier vrombissait silencieusement et j’entrouvris la fenêtre, retrouvant les soupirs brûlants que les prémices de l’été continuaient d’exhaler sur la ville assoupie. Cela paraissait pire par ici, le skatepark désaffecté aux arrières de la plage amplifiant l’ambiance de préau étouffant sans que je ne songe pourtant à descendre du véhicule sans tarder. Le dos calé au fond du siège conducteur, je laissais mon regard dépasser les quarters gauchis et fendus et autres rampes de lancement dont l’ensevelissement partiel sous le sable progressant n’était plus qu’une question de mois, mon attention portée aux installations lointaines semblant se recueillir sous le voile des ténèbres à peine troué, à intervalles réguliers, par l’éclairage public de l’autre côté de la rive. Délaissés pour la plupart, l’un de ces bancs semblait pourtant accueillir une silhouette allongée, distinctive au loin par les seules fluctuations de sa chevelure vaporeuse et noire de jais. Je plissais les yeux, me saisissant de nouveau du cliché plié dans ma poche, captation d’une caméra de sécurité gondolée d’avoir voyagé entre d’aussi nombreuses mains, encore humide de la dernière averse de fin de saison. L’effort avait payé finalement, et l’omerta de la rue rompue entre les lèvres tremblantes de l’une de mes sources, l’odeur aigrelette de l’alcool entourant ses propos sans qu’il ne montre pourtant la moindre hésitation quant à l’identité de l’homme que je lui présentais en photo. Le seul témoin de ma scène de crime, et mon élément le plus tangible à vrai dire lorsque les deux autres branches de la sainte trinité tant espérée par n’importe quel inspecteur - celles des indices matériels et aveux compromettants - demeuraient, pour l’instant, résolument décharnées.

L’affaire, pourtant vieille de quelques jours, se retrouvait d’ores et déjà classée parmi les prioritaires, nécessitant ainsi d’émailler les journées et autres nuits de rapports constants à l'attention de ce qui semblait être la hiérarchie tout entière. La surprise n’en était pas une pour les équipes dépêchées sur la scène en question, les plaisanteries faciles interrompues, l’indifférence blasée oubliée un instant, la concentration grave et immédiate face au corps découvert. L’orifice semblant avoir été causé à bout portant - la balle tirée de si près que la bourre de la cartouche était toujours logée en son sein - et la calcination pourtant quasi-totale du corps ne suffisant pas à masquer les plaies béantes le parcourant avaient dissuadé qui que ce soit du moindre échange de blagues grasses pourtant communes en ces occasions. Cela se passait ainsi généralement, l’idée de détendre l’atmosphère n’effleurant plus personne lorsque les traits et le corps figés par la raideur mortifère semblaient si jeunes, adolescents à vue d’œil. Le cortège d’horreurs soudainement plus si routinier, la déchirure plus lancinante entre les clans ; ceux qui l’infligeait et l’abandonnait à son sort au cœur de ce hangar abandonné contre ceux en charge de les retrouver. J’avais à peine sourcillé pourtant, acceptant l’enquête, une de plus, lorsque toutes paraissaient de toute façon dramatiquement ancrées au sein de ce qui ne pouvait être désigné autrement que par l’irréversible, l’irrémédiable, l’intolérable. Cela l’était à mes yeux pour tout un tas de raisons n’ayant pas besoin d’être nommées. Cela l’était aux yeux du procureur sur mon dos depuis l’affectation pour tout un tas d’autres sur lesquelles je m’arrêtais à peine, sachant pertinemment que ma réaction ne serait pas la bonne, certainement pas la plus diplomate, lorsque je m’y risquerais finalement. L’affolement gagnant ceux de son espèce à la moindre affaire sortant du lot était monnaie courante : des cadavres honnêtes ou des vermines qui ne manqueraient à personne ; des suspects établis, et du milieu de préférence ; des témoins légitimes et consciencieux se présentant avec crainte et ponctualité au commissariat pour répondre aux questions de formalité ; voilà ce qu’ils désiraient. Voilà ce que je ne possédais pas lorsque mon seul témoin ne bénéficiait pas de la clémence du procureur, sans-abri sans identité, seul zoom de son visage entre mes doigts pour l’avoir exposé aux caméras de sécurité encerclant l’entrée de la scène de crime. Celle sur laquelle il s’était rendu, les raisons de cette folie encore méconnues mais ne jouant pas en sa faveur aux yeux de la hiérarchie désireuse d’annoncer le plus rapidement, et publiquement, possible une arrestation en bonne et due forme.

Aurais-je pu me vanter en affirmant m’être battue pour préserver son identité des yeux du grand public que je m’en étais ôté l’occasion, ne daignant tout simplement pas les informer d’une quelconque avancée de ma part à ce sujet, la confiance et la naïveté depuis longtemps égarées concernant leur discrétion. À mon sens, l’inconnu, ne l’étant plus totalement, me devait presque des remerciements, son visage passé à cela d’être imprimé et affiché en quatre par trois sur tous les panneaux publicitaires de la ville si cela leur aurait permis d’enorgueillir leurs résultats auprès des hautes sphères. L’idée m’arracha un soupir désabusé certainement, amusé peut-être, tant la perspective me paraissait à peine exagérée. Je remontais finalement la fenêtre du véhicule, mon briquet à essence tournoyant à un rythme cadencé entre mes doigts sans que je n’y prête garde, l’actionnant machinalement de temps à autre, la gerbe d’étincelle jaillissant une seconde avant d’être aspirée par les filtres sertis du mécanisme. Quelques minutes encore et je finis par faire clinquer la sécurité de ma ceinture, ajustant dans mon dos la crosse de mon arme, le regard toujours vrillé sur l’homme n’ayant pas l’air d’avoir bougé un cil. Pour l’avoir observé la veille déjà, l’endroit semblait lui être privilégié et ses habitudes plutôt ancrées pour le marginal que l’on m’avait vanté. Le vieux fou du fond des docks ; c’était comme ça, à vrai dire, qu’on me l’avait décrit. Et si cela aurait pu m’aviser si ce n’était de m’entourer davantage, du moins de prévenir de mon intention de l’approcher ce soir, il n’en fut rien sans que cela ne surprenne personne et ce fut seule que je retrouvais le bitume sous mes chaussures, traversant le terrain abandonné, le pouce effleurant une dernière fois la pierre du briquet avant de héler : « Par ici. » Le briquet s’élança dans les airs la seconde d’après, sous l’impulsion de la paume de ma main, et atterrit dans celle de l’homme dont la cigarette inanimée entre les dents serrées avait attiré mon attention. « Brigade criminelle. Je ne vous veux pas d’ennui. » commençais-je sobrement, à quelques mètres désormais de celui recherché depuis plusieurs jours. « Mais vous pourriez m’aider à démêler les miens. » Je présentais à peine l’insigne suffisamment visible accroché à ma ceinture, son regard l’ayant déjà attrapé sans grande surprise, reconnaissant ici le premier instinct des êtres condamnés à voir le soleil poindre à l’horizon chaque matin, après une nuit passée dehors.






solosands
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyJeu 31 Déc 2020 - 2:19



twisted up like a slipknot

Kyte Savard & @Olivia Marshall

Ses pas claquent contre les dalles inégales de ciment fissuré, résonnent entre les coques rouillées de navires abandonnés et containers éventrés. Le cœur lourd et les poches légères, Kyte traîne sa carcasse jusqu’aux limites de la ville. Les coudes appuyés contre une barre de fer rongée par la corrosion, il braque ses yeux d’aigle sur l’horizon brumeux pour voir le jour crever dans le ciel et y déverser une mare de sang rose-orangée. Une bourrasque fraîche vient mordre son visage et l’odeur de l’iode remplace celle de l’alcool et de kebab qui imprègne les ruelles graisseuses en début de soirée. Deux doigts appuyés contre sa tempe meurtrie, il laisse l’astre dégouliner sur sa peau froissée, éclabousser son lieu de perdition comme pour conférer un sursaut de pureté à ce tableau déchu. Jusqu’à ce que la nuit ne tombe comme un voile sur Brisbane et engloutisse avec elle les dernières volutes d’espoir qui flottaient encore dans les embruns de l’océan. Il fait durer l’instant jusqu’à ce que la lassitude engourdisse ses vieux os puis s’arrache à la rambarde avec un soupir. Ses semelles usées foulent le béton humide, le traînent jusqu’à son banc de prédilection, un tas de bois moisi à la peinture écaillée par le temps et les gens. La main s’égare dans sa poche, les doigts effleurent le papier sec d’une cigarette récupérée au détour d’une gare, grappillée à un passant pressé qui préférait se délester d’un peu de tabac plutôt que de sa monnaie. Une moue approbatrice au coin des lèvres, le canadien hausse les épaules, fait glisser le bâtonnet sous ses narines frémissantes, inspire l’arôme fumé et boisé à défaut de pouvoir se l’allumer. Les yeux rivés sur la voute étoilée, il glisse la clope entre ses lèvres asséchées, aspire l’air nocturne à travers le filtre pour la beauté du geste, l’esquisse d’un souvenir.

Au loin, le ronronnement d’un moteur, une porte qui claque, des bruits de pas. Bande sonore de la ville à laquelle Kyte ne prête plus la moindre attention. Voilà bien longtemps qu’il s’est habitué à ces sons réguliers, comme on apprivoise ceux d’une vieille maison. « Par ici. » Une voix s’élève parmi les grincements lointains de la taule par-delà le port et brise ainsi la mélodie de sa routine. Une voix de femme. Belle, mélange de douceur et de fermeté. Jeune, bien qu’abimée par des années trop rudes ou la fumée de cigarettes consumées pour les oublier. Une voix à l’image de celle qui la porte. Il a relevé les yeux par réflexe, attrapé au vol le petit objet qu’elle lui lance. Les gestes encore affutés en dépit du grand âge, de l’hésitation tatouée dans sa musculature atrophiée par la malnutrition et une hygiène de vie sacrifiée sur l’autel de sa liberté. Effleurant du pouce le dessin gravé dans le métal brossé qui porte encore la chaleur de sa paume, il la regarde s’avancer d’un pas assuré quoi que chargé de prudence. Il ne la blâme pas. Rares sont les âmes qui s’attardent autour de lui par ces temps. Plus rares encore celles qui cherchent à s’en approcher, surtout en ces lieux déserts, à la nuit tombée. Seules d’insolentes naïves s’y risqueraient, ça ou des camées désespérées au point de laisser leurs doigts tremblotants s’aventurer dans le fond de ses poches trouées, des fois qu’elles y trouveraient un sachet de poudreuse ou quelques calmants pour panser leurs âmes lacérées. Mais qu’vient donc faire une jolie d’moiselle d’ton genre dans un quartier pareil ? Il n’a pas le temps de poser la question qui lui brûle les lèvres que la réponse fuse déjà, satisfait sa curiosité et glace son sang tout à la fois : « Brigade criminelle. Je ne vous veux pas d’ennui. » Les traits se durcissent, la méfiance gravée partout dans les rides qui se creusent entre ses sourcils sombres et au coin de ses lèvres craquelées. Pas d’ennui, mon cul ouai. Dans son corps, un tressaillement. Décharge d’adrénaline qui l’implore de se carapater. Le corps se redresse en position assise, les épaules se tendent. L’espace d’un soupir, il ne songe plus qu’à fuir ; évalue ses chances. Elle est plus jeune que lui, mais il connaît les docks comme sa poche. Elle est surement armée, mais il aurait sans doute le temps de bondir avant qu’elle dégaine, de se ruer derrière l’un des blocs de béton ou container oublié en priant pour que la balle morde la taule plutôt que sa chair. Il aurait pris le risque sans hésiter si elle n’avait pas ajouté : « Mais vous pourriez m’aider à démêler les miens. » A défaut de confiance, c’est un éclat de curiosité qui allume son regard pâle comme un glacier, justement éclairé par les phares d’une voiture tournant au loin, dans la zone industrielle de l’autre côté du fleuve. Les yeux plissés, il la toise silencieusement, jauge sa patience, teste son cran. Calme, droite dans ses bottes au milieu de ce cimetière urbain, un air décidé sur son visage aux traits trop réguliers pour ce foutu métier, elle attend. Intrigué, il décide de la croire pour le moment. Le nez pointé vers les nuages effilés, il inspire la nuit en faisant glisser le capuchon de son briquet, approche la flamme de son visage sans la quitter des yeux. Et elle ne bronche toujours pas. Bon sang, elle s’doute de rien la môme.    

Une bribe de satisfaction retrousse le coin de ses lèvres et le malfrat allume sa clope entre ses grandes mains desséchées. Le papier s’embrase et projette sa lumière orangée sur son visage, puis l’embout rougeoyant s’ajoute aux étoiles nocturnes. Kyte tire sur la cigarette, aspire la fumée qu’il savoure derrière ses paupières fermées, referme le briquet d’un mouvement de poignet. « Belle pièce. » Qu’il lance en le faisant sauter dans sa paume avant de l’y cloîtrer. Un pli entre ses sourcils froncés, il se cale plus confortablement contre le dossier de son banc défoncé. Les jambes croisées, les bras confortablement écartés, il redresse le menton pour l'interroger. « T’es pas là pour m’coffrer. Tu t’serais pas adonnée à c’te p’tite mise en scène en attendant d’voir la cavalerie débarquer. » Il observe, se trifouille songeusement la barbe, se prête allègrement au jeu. « Tu t’es pas non plus égarée. Tu sais qui j’suis, et t’es venue m’parler parce qu’tu sais exactement c’que tu veux en tirer. » C’est dans son ton assuré, dans son regard qui ne flanche pas. Il la sent posée, réfléchie, expérimentée. Elle connait la rue presque comme si elle y évoluait. Et pourtant il y a dans son corps une rigidité, une droiture qu’il reconnait et lui rappelle une autre femme de sa trempe, une autre justicière masquée. Le parallèle ne fait qu’attiser davantage ses questionnements et sa curiosité. « Alors quoi, quoi ? » Il s’impatiente presque, sait pourtant qu’il ne lui laisse pas l’espace de s’exprimer. Impatient de connaître la raison de sa présence ; animé surtout par l’envie de la deviner. « Un salaud d’ta brigade t’a pelotée ? Tu rêves de l’voir crever mais tu veux pas t’mouiller ? T’as pas confiance en la justice alors tu t’dis que j’pourrais m’en charger ? » La provocation toujours, prêcher le faux pour obtenir le vrai. Gratouiller la peau jusqu’à découvrir les fissures par lesquelles s’engouffrer. Une envie de détruire ou bien de guérir, il sait jamais trop avant d’y avoir succombé et de sentir dans son cœur la solidarité d’une peine partagée. Un soupir gonfle sa poitrine et lui échappe tandis qu’il secoue la tête d’un air navré. « Désolé ma belle, j’sais pas c’qu’on t’a dit sur mon compte mais j’mange pas d’ce pain-là. » Il conclut avec un haussement d’épaules en lui renvoyant son briquet. « Merci pour le feu, mais j’peux rien pour toi. » Car il a beau aimer jouer avec la flamme, l’expérience lui a appris à reconnaître les situations qui s’embrasent comme un ballot de paille en été. Et Kyte, il n’a pas la moindre envie de finir calciné. Les sourcils se froncent, le pouce et l’index s’appuient contre les paupières pour en chasser une image funeste, l’odeur âpre de la souffrance, la silhouette écharpée, si fragile que ses os semblaient sur le point de se briser. « Pis j’vais t’dire un truc moué... » La voix s’élève, rauque d’une émotion contenue et déjà oubliée. Il s’éclaircit la gorge, braque ses yeux dans les iris couleur feuillage qui l’observent encore. « Tu ferais mieux d’filer tant qu’tu le peux encore. Fait pas bon être flic et encore moins une go dans l’coin ces temps-ci. » Moitié menace, moitié mise en garde. Parler cryptique chargé d’un message que seule une oreille avertie pourra comprendre. Car à l’abri des regards, une rumeur serpente dans les ruelles mal famées de Brisbane, murmure les sinistres desseins des gangs qui gangrènent la ville et se disputent les quartiers clefs à la lueur des lampadaires comme des lupanars. Une guerre secrète, guerre discrète qui les suit parfois jusqu’aux docks, où les cargaisons de drogues s’échangent sous le couvert de la nuit. Lié par les mêmes valeurs et enchaîné par le code qui les a forgés, Kyte observe leurs allées et venues sans se mêler de leurs méfaits. Spectateur distant du théâtre des horreurs que leurs ripostes insensées amène jusque dans son petit havre de paix. Mais elle… sûr et certain qu’ils la repèreraient, avec son allure austère et son visage trop soigné. Et s’ils la trouvaient, ils n’en feraient qu’une bouchée. Comme ils ont fait avec cette petite demoiselle frêle au corps décharné, jolie fleur sauvage à peine éclose et déjà fanée, piétinée par la violence des hommes et leur insatiable avidité.

(c) oxymort

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptySam 9 Jan 2021 - 15:42



Olivia Marshall & @Kyte Savard ✻✻✻ Le parallèle ne devait pas être fait, ou à l’aide des plus grandes précautions, sous peine de choisir les mauvaises armes, de partir du mauvais pied, de perdre l’avantage avant même que celui de la surprise ne m’ait encore bénéficié. Associer celui qui n’avait rien à perdre à celui qui était démuni revenait à comparer le silence au vide, l’obscurité au néant, le rejet de la mort à la volonté de vivre et si les comparaisons m’étaient possibles, je prenais garde à ne jamais faire l’erreur de les confondre. L’homme n’avait pas tressailli à mon interpellation, le geste vif et le regard méfiant, empli pourtant d’une curiosité qu’il tenta à peine de dissimuler. Celle-ci comblée, le sursaut apparut, la défiance plus prégnante et le qui-vive évident. Qu’avait-il à gagner à rester dans les parages ? Pas grand-chose de prime abord, je ne tenterais pas de lui faire miroiter l’inverse ; à quoi bon, lorsque la seule expression de mon visage et moirures de mon insigne sous les éclats de la lune se chargeaient déjà de lui souffler qu’il avait, à l’inverse, tant à perdre. Son anonymat, pour commencer. Sa tranquillité d’esprit, par la suite, lorsque je n’hésiterais plus un seul instant à influer sur son statut, transformant ce dernier de personne d’intérêt à suspect principal ; les fuyards jamais bien vus aux yeux de la justice, les timorés nullement estimés aux miens, inflexibles. Feindre d’abattre mes cartes aux prémices de l’échange ne requérait de ma part aucun effort particulier. Je m’y soumettais sans qu’aucune contrariété ne s’éveille encore en moi à l’idée d’inverser les rôles et de quémander sa parole. Était-il du genre à la libérer aisément ou à en mesurer la portée ? Je ne demandais qu’à le découvrir, l’esprit attisé à l’idée de jouer avec le sien. Un chuintement familier et je cillais, une fois, saluant le choix qu’il semblait avoir fait, la flamme jaillissante et illuminant ses cernes marqués. « Belle pièce. » La senteur familière du tabac ne tarda pas à envelopper nos deux silhouettes, l’aura bleuâtre comme une traînée liant nos deux regards, fixes et attentifs, le mien jaugeant autant que le sien semblait juger, déjà. « Je sais. J’y tiens. » Ma voix calme s’élevant en quelques syllabes promptes et précises ponctua le nouveau pas en sa direction, la sincérité apparente puisque celle-ci donnerait le ton de nos premiers échanges, il le fallait. J’y tenais, en effet, aux arabesques du Rising Sun perceptibles en relief du métal brossé, emblème aux valeurs lointaines mais jamais oubliées, plus qu’à l’usage premier de l’objet dont je ne me servais jamais, lui préférant mes allumettes, jamais délaissées. J’y tenais sans que cela ne se manifeste réellement, mes sourcils refusant de se froncer en voyant l’objet disparaître au creux du poing serré de l’individu, accordant plutôt l’entièreté de mon attention au menton qu’il vint relever, le nuage de fumée tourbillonnant entre nous avant de se dissiper, mimant la mort d’un ectoplasme ; donnait-il le thème volontairement de ce qui allait suivre ?

« T’es pas là pour m’coffrer. Tu t’serais pas adonnée à c’te p’tite mise en scène en attendant d’voir la cavalerie débarquer. » J’inclinais le visage dans sa direction, le regard à la fois distrait et presque malicieux, alors que je consentis d’un geste de main, lui accordant la parole. « Vous d’abord. Mon tour, ensuite. » Au jeu des devinettes, lequel d’entre nous se montrerait le plus adroit ? Je ne le sous-estimerais pas, pas sans avoir au préalable palper l’étoffe qui était la sienne, le laissant ainsi au silence de sa réflexion puisque c’était celle-ci que je désirais mesurer. Curiosité, vilain défaut de l'esprit redresseur. L’envie de savoir si oui ou non un Homme a tué est l’une des passions les plus actives et insatiables de l’âme policière. L’extrait, vulgairement réinventé, du Dictionnaire du Diable ondoyait éternellement dans les méandres de mon esprit, sur l’instant de nouveau, mon statut rendu plus poétique qu’il ne l’était réellement par ces mots inspirés, ne pouvant ainsi rien faire d’autre que me plaire, invariablement. « Tu t’es pas non plus égarée. Tu sais qui j’suis, et t’es venue m’parler parce qu’tu sais exactement c’que tu veux en tirer. » Un pas de nouveau et un sourcil venant s’arquer, lui donnant ceci, au moins, comme indice saluant son discernement bien qu’il ne semblait guère en avoir besoin. L’énigme en question était donnée cela dit, presque enfantine ; la solitude ceignant ce genre d’endroits aux dernières heures de la nuit inhérente à un point tel que la briser, comme je le faisais ici, ne pouvait être rien d’autre que prémédité, intéressé. « Alors quoi, quoi ? » N’allait-il pas y venir de lui-même ? Seul un idiot s’y risquerait ; ou un innocent. Les autres, je les importunais, ceux-là qui m’évitaient et fuyaient le regard sondeur dont je ne me décidais pas à les épargner, mon insistance faisant l’effet d'une crécelle pourtant taiseuse. « Un salaud d’ta brigade t’a pelotée ? Tu rêves de l’voir crever mais tu veux pas t’mouiller ? T’as pas confiance en la justice alors tu t’dis que j’pourrais m’en charger ? » « Vous pourriez ? » l’interrompis-je cette fois-ci, feignant la curiosité, flegmatique pourtant, le provoquant à mon tour en le suivant sur la voie qu’il venait d’emprunter, celle qui le mouillait enfin et que je ne comptais pas laisser m’échapper, même ironiquement.

« Désolé ma belle, j’sais pas c’qu’on t’a dit sur mon compte mais j’mange pas d’ce pain-là. » J’acquiesçai silencieusement, retenant un soupir que je marquais volontairement, presque déçue. Ce fut mon profil que je lui présentais finalement, mon regard se levant vers le ciel en même temps que mes épaules se haussèrent. « Le vieux Bunk de Norman Park a déjà eu le même discours. Que vous étiez rangé, que vous aviez raccroché ... Rien d’autre que du bon à dire à votre sujet. J’espère que ça rattrape le fait qu’il ait vendu votre spot en échange de quelques billets. » Mes yeux plissés ne lui étaient pas dédiés, les étoiles pleuvant à mitraille au-dessus de nos têtes semblant réclamer mon attention alors que ma voix se fit distraite, mon esprit comme rappelé aux côtés du vieux Bunk en question, sa voix forte, ses gestes amples. Celui-là même qui avait paru s’en vouloir, réellement, à l’idée d’amener son lot de problèmes à un vieil ami, qui avait dû juger que je n’en étais pas finalement, laissais-je ainsi entendre. « Je le connais depuis un moment, il ne peut rien me refuser. » Je connaissais ses faiblesses surtout, n’hésitant pas à en jouer, les remords au placard tout comme les siens y avaient été relégués à l’idée de pouvoir renflouer son stock de liqueurs et autres eaux-de-vie. Un bruissement sur le côté me fit tendre la main, la paume vers le ciel pour accueillir mon bien à l’aveugle, mes sourcils froncés cette fois-ci, pressentant les mots avant qu’ils ne surviennent. « Merci pour le feu, mais j’peux rien pour toi. » Qu’avais-je demandé, déjà, pour que le refus surgisse si vite ? Rien, sans surprise, pas plus qu’il n’y avait de cette dernière dans la fragilité de l’instant soudainement révélée, l’évanescence de l’échange comme dans un rêve, un dont il ne serait pas obligé de se souvenir le lendemain s’il n’arrivait pas à vivre avec, un que je me chargerais d’assimiler à sa place pour recréer ce qui avait meurtri, punir ceux qui avaient infligé.

« Pis j’vais t’dire un truc moué... » Un fil d’argent dans la gorge que je ne pris pas le risque de rompre, mon visage vint se tourner vers le sien pour accrocher son regard, empli de ce qu’il ne voulait plus voir. « Tu ferais mieux d’filer tant qu’tu le peux encore. Fait pas bon être flic et encore moins une go dans l’coin ces temps-ci. » La menace dissonait, altérée par ce qu’il ne parvenait pas à dissimuler dans la gravité de son timbre, dans ses mots porteurs de sens et de douleur, à chacune de leur syllabe. L’humanité circulant tout à coup heurtant peut-être un autre, plus sensible ou plus novice, me fit à peine broncher alors que je laissais un sourire imperceptible marquer le creux de ma joue. « On se connaît à peine, vous vous inquiétez pour moi. » J’ironisais d’une tranquillité cassante, anormalement mélodieuse. Les mèches de cheveux emmêlées par l’iode ambiant, je les dégageais finalement d’un haussement d’épaules en rejoignant le banc, la tranche du dos comme assise, les pieds sur le bois écaillé. « Inutile vraiment, ce serait une perte de temps. » Sous le jeu de mes doigts, une nouvelle flamme rougeoya dans la pénombre d’une teinte d’agonie, s’éteignant finalement pour rejoindre toutes les autres, mortes, souvenirs incendiés que nous étions deux à porter. « Vous en avez manqué, déjà. Il y a de ça dix jours. » Ce n’était pas lui qui en avait manqué, à vrai dire. Ce n’était pas lui mais ses seize ans à elle ; si peu à côtoyer la vie, à s’agiter dans le vide, à éclore sans apprendre. Ça n’était pas moi non plus par ailleurs et je taisais le reste sans peine, laissant silencieuse la futilité des sentiments pour choisir les mots justes et sagittaux qui toucheraient peut-être autre chose, chez lui. « À moins que ça n’ait été rien d’autre que volontaire, d’arriver juste après. La cavalerie toujours en retard, tout juste bonne à vérifier si la fille respire encore, si elle n’aurait pas besoin d’aide, finalement. » Dieu sait qu’elle en aurait eu besoin, elle que je pouvais imaginer hurler à la clémence du premier, désillusionnée quant à l’existence d’une quelconque pitié dans les rangs de ceux d’en bas. « Ou juste à temps. Pourquoi, au juste ? » Je m’humectai les lèvres avant de les entrouvrir de nouveau, mais aucun son ne sortit immédiatement. Mes pupilles se dilatèrent et cherchèrent une réponse parmi les nuages, en vain. « Qu’elle ne parte pas seule ? » Elle l’avait été toute sa vie, son dossier l’avait confié, décrivant à mon œil l’une de ces fleurs délicates et immuables, s’entrouvrant à la nuit tombante puis se recroquevillant aussitôt le jour levé. Se réfugiant dans les endroits sombres et mortifères de la ville, ceux qui ressemblaient à son cœur, fille de l’ombre que la clarté faisait fuir, que l’aurore avait finalement emporté. Mon tour touchait à sa fin, les devinettes s’épuisant. Une dernière réponse, pourtant, vint claquer sur mon palais en retrouvant finalement son regard d’un cillement dans la pénombre environnante. « Pour finir le travail, peut-être. C’est votre truc, apparemment. » C’était ; pardon. À sa provocation répondait la mienne, cette dernière ne prenant rien de l’allure d’un tâtonnement pourtant, tout de celle d’une allégation sur laquelle je n’hésiterais pas à statuer, sans frisson de sa part.  



solosands
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyDim 31 Jan 2021 - 4:26



twisted up like a slipknot

Kyte Savard & @Olivia Marshall

Inconsciente ou insensible, la brune laisse les mises en garde couler sur sa peau sans pénétrer son cœur. « On se connaît à peine, vous vous inquiétez pour moi. » Sa voix chante presque, l’ironie creuse un pli mutin sur sa joue, marque son visage austère d’une note adorablement enfantine. A voir comme elle manie le sarcasme comme une arme, Kyte doute qu’elle en ait conscience. Il hausse les épaules, balaie l’air devant lui, chasse la remarque comme la fille qui l’a prononcée. Mais elle ne tourne pas les talons. Pire, elle fait un pas vers lui encore, se hisse à ses côtés sur le banc. Pas besoin d’échanger la moindre parole ; elle annonce le jeu et il en connait les règles. En refusant de fuir, elle s’approprie le territoire, s’y installe même en hauteur, fait comprendre à ce vieux clochard acariâtre que rien ne pourra la déloger de sa tour. L’affront l’irrite, l’interpelle, l’intrigue. Il a toujours aimé les femmes de caractère, celles qui sentent le danger à plein nez. Il devrait fuir celle-là avec plus d’entrain encore que les autres et il le sait. Mais il ne bouge pas lui non plus, défend son bout de terrain et peut-être aussi quelques bribes d’honneur. Dans ses yeux, une lueur de défi. Dans son cœur, l’espoir de piquer son intérêt quelques instants encore. Qu’importe l’image qu’elle voudra bien projeter sur sa pomme pourvu qu’il cesse d’être un fantôme et continue d’exister dans l’ambre vert de ses yeux. « Inutile vraiment, ce serait une perte de temps. » Il perd le fil, hausse un sourcil interrogateur, se laisse distraire par la flamme élusive qui danse entre ses mains trop fines pour un métier si rude. Il y a comme une tristesse dans l’air quand elle s’éteint, bouffée par la glace de ses prochaines paroles. « Vous en avez manqué, déjà. Il y a de ça dix jours. » Voilà longtemps déjà qu’il ne compte plus les jours, les années, les mois. Quand on vit en dehors des sentiers tracés par la société, on se rend vite à l’évidence : tout ça n’a pas le moindre intérêt à part pour te foutre un coup d’grisaille en constatant que le temps file entre tes doigts et se referme sur ta gueule comme du sable mouvant. Alors il ne compte plus, non. Pourtant il sait d’instinct à quel jour elle fait allusion, sent la scène de crime se tailler un chemin dans leurs tripes à coup de poignard. Ainsi donc, voilà l’information que le vieux Bunk lui a vendue. Peut-être qu’il errait du côté des docks ce soir-là, à la recherche d’une jeunesse sacrifiée, prête à réclamer les petits comprimés mal coupé qu’il refile sous le manteau. Peut-être qu’à la lueur grésillante de l’éclairage public, il a reconnu sa silhouette familière ; décidé dans la foulée de vendre leur amitié en l’échange de quelques billets. Bah, faut bien qu’il vive. Comment lui en vouloir après tout, quand il aurait fait la même chose pour sauver sa propre peau. Qu’importe au fond, du moment qu’il peut se concentrer sur le pourquoi du comment, imaginer les tournants et les panneaux qui ont permis à la brune de remonter le chemin jusqu’à la planque qu’il occupe. Du moment que ses pensées à lui restent sur ces sentiers sinueux et ne retournent pas à cette fameuse nuit. Que ses naseaux ne s’emplissent pas de l’odeur âpre de fer, de mort et de pisse. Que ses yeux ne replongent pas dans les orbes terrifiés qui semblent le supplier de faire quelque chose, n’importe quoi, pour l’aider à raccrocher la vie qui s’échappe et qui la fuit. « À moins que ça n’ait été rien d’autre que volontaire, d’arriver juste après. La cavalerie toujours en retard, tout juste bonne à vérifier si la fille respire encore, si elle n’aurait pas besoin d’aide, finalement. » Les paroles l’y ramènent pourtant. Dure, accusatrices. Sa voix résonne à ses oreilles, supplications étranglées, mots hachés par les gargouillis quand le liquide sombre s’échappe de ses lèvres si pâles pour aller mourir sur sa joue. Ses doigts à lui, poisseux de l’essuyer inlassablement à l’aide d’un vieux mouchoir imbibé pour surtout ne pas la toucher, retenir un peu de sa dignité. « Ou juste à temps. Pourquoi, au juste ? » Elle questionne, impitoyable, sa voix comme une lame qui tranche le silence, éventre la nuit, éteint les étoiles. Les lèvres pincées, Kyte fixe ses mains sèches, jointes entre ses genoux sur lesquels il s’appuie pour ne pas courber l’échine. Car il ne sait pas pourquoi au fond. C’était stupide, il aurait dû ignorer les cris et continuer son chemin. Ils n’en seraient pas là en cet instant. La bleue serait pas venue fouiner dans les recoins de sa vie comme de sa conscience s’il s’était contenté de détourner le regard et rebrousser chemin. Seulement il n’avait pas pu, pas quand tout dans son corps lui gueulait de la rejoindre. En dépit des ombres encore présentes qui s’attardaient autour de leur proie, ceux-là même qu’il ne s’est pas gêné pour menacer de son poing levé. En dépit des caméras, des voitures qui tournaient à l’angle de l’autre côté de la rive, des sirènes lointaines hurlant à la lune. Il n’avait pas fui, non. Et si c’était à refaire, il le referait. « Qu’elle ne parte pas seule ? » Il se redresse, une protestation dans la gorge qu’il ravale dans un soupir. « P’t-être bien, ouai. » Il souffle sans chercher à nier sa présence sur les lieux du crime. Trop occupé à échapper aux images du passé pour penser à se préserver de l’avenir. Les raisons lui reviennent en même temps que les émotions qui l’ont retourné ce soir-là. Il s’était traîné jusqu’à elle pour faire fuir les charognards et dissuader les prédateurs de revenir. Pour voir s’il restait pas quelque chose à sauver. Pour qu’elle soit pas seule quand le gouffre béant de la mort chercherait à l’aspirer. Pour que le dernier visage qu’elle voit avant de s’éteindre ne soit pas celui qui l’a déchiquetée. Pour qu’elle sente sur son front la caresse d’une larme et puise dans son cœur l’esquisse d’un regret. Pour que dans ses derniers souffles enfin elle inspire un semblant de sécurité. Il l’avait gardée longtemps dans ses bras. Bien plus qu’il n’aurait dû. Serré contre lui et bercé son corps inerte, son visage se mêlant aux souvenirs de tant d’autres auprès de qui il était arrivé trop tard, ou juste à temps. Il avait chanté des mélodies funèbres que seul le bitume pouvait entendre, hurlé la rage qu’elle n’avait plus et pleuré sa jeunesse volée. Il avait caressé l’idée de l’enterrer pour lui offrir un peu de dignité, s’était résigné à l’abandonner dans son sillage pour qu’on puisse la retrouver. Alors il avait fini par se relever, glissé un centime durement gagné dans la gueule avide de la cabine téléphonique, lancé un appel d’urgence aux condés. Puis il avait attendu, planqué dans un buisson, surveillant la tendre enfant jusqu’à ce qu’ils débarquent et referment sur elle le nylon noir dans un zip sinistre. « Pour finir le travail, peut-être. C’est votre truc, apparemment. » Les poils se hérissent sur ses bras, les sourcils se froncent, la colère enfle dans sa gorge. Froide, calme, menaçante. « Pas une fille. Pas une enfant. » Il siffle entre ses dents, secoue la tête, se détourne d’un geste sec. L’émotion brouille la raison. Assez pour le trahir, annoncer clairement sa présence sur les lieux du crime en révélant un détail que la brigadière n’a pas partagé : l’âge précoce de la victime. Il se fiche pas mal de tous ces autres péchés qu’il sous-entend, ceux-là même qui ne l’empêchent jamais de dormir la nuit. Pas autant du moins que les regrets liés à ses nombreux manquements. Cette putain de malédiction qui le suit à travers les hivers et les océans. Ce coup du sort qui s’arrange pour qu’il n’arrive jamais à temps. « Alors c’pour ça qu’t’es là. » La curiosité remplacée par la lassitude s’évade dans un ricanement amer. « T’as pas d’piste. Juste les dires d’un vieux dément qu’m’a foutu sur ton enquête pour s’faire un peu d’argent. » Un sourire sans joie froisse son visage, creuse des rides au coin de ses yeux iceberg. Deux doigts plantés sur sa tempe, il secoue la tête, rigole sans un son, braque son regard sur les chaînes d’une grue qui se balancent au grès du vent. « Et tu d’demandes si j’fais l’suspect idéal. S’tu peux m’placarder ça sur la gueule. Filer un os à ronger au procureur qui t’colle au cul pour lui dégoter un coupable. » Il grogne, se racle la gorge, crache par terre avec dédain. « Un crime de plus, un crime de moins, au fond tu t’fiches pas mal d’savoir qui l’a fait, hein ? Du moment qu’en taule y’a un pourri qui paie. » C’est déjà ce qu’il s’est passé il y a des années de cela, en Norvège. C’est vrai qu’une fois il l’a cognée, sa Lenore. Après qu’elle lui ait balancé le fer à repasser dans la gueule il avait pas eu la bonté d’âme de retenir son poing pour calmer un peu sa furie, non. Alors sûr qu’on l’avait vue en ville avec les bleus parsemés sur son beau visage enneigé. Sûr qu’on avait jasé, aussi. Sûr qu’après leur divorce et leur réconciliation passionnée, après une engueulade de plus et la baraque qui a cramé, on s’est dit qu’il avait tout du parfait suspect. Qui aurait cru, après une énième dispute que les voisins faisaient semblant de ne pas écouter, qu'il était allé faire un tour à moto pour se calmer. Que c’est seulement en revenant qu’il avait vu flammes dépassant de la cime des arbres au loin derrière la forêt. Que même s’il avait accéléré, roulant à fond sur les chemins de montagne accidentés, il était arrivé trop tard. Ou juste à temps. Pour découvrir sa môme dans le jardin, le regard hanté, braqué sur la maison en flammes pendant que dans ses yeux c’est leur futur, présent et passé qui s’effondraient. Pour récupérer le corps de sa femme, même pas calciné. Les poumons remplis de la fumée qui l’avait étouffée. Cette putain de fumée qu’il sent toujours dans l’air chaque nuit. Qui brûle son cœur de ce genre de douleur que même la liberté ne peut apaiser. « Alors ça f’ra toujours une raclure d’moins dans les rues, ouai. Pis j’dois bien l’mériter pour que’que chose après tout, ça j’peux pas l’nier. » Haussement d’épaules, la désinvolture pour cacher le dépit et la morsure de ses regrets. « Mais en attendant  l’vrai coupable y court toujours. Prêt à s’vanter, libre de r’commencer. » Il inspire le silence et un peu de la fumée qu’il recrache dans la nuit, se cale plus confortablement contre le bois craquelé, cherche le regard de celle qui représente encore un mystère à ses yeux. « Alors dis-moi ma jolie, quand t’sais tout ça... comment c’est qu’t’arrives à dormir la nuit ? »

(c) oxymort

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyLun 8 Fév 2021 - 0:00



Olivia Marshall & @Kyte Savard ✻✻✻ Prendre de la hauteur comme flâner avec flegme, s’imposer au décor comme le réinventer sans ciller, le passage en son sein bientôt confus pour ceux à qui j’imposais ma présence, imaginaire peut-être lorsque je m'édictais pourtant, et pour un temps donné, ultime possesseur des lieux. Cela avait tout d’un jeu aux règles nébuleuses, l’imprécis de ces dernières justement dont je tâchais de m’emparer dès les premiers instants, trop consciente qu’aux suivants, l’adversaire du moment risquait de se rendre compte posséder autant de cartes entre ses mains que celles dissimulées entre les miennes pour qu’il ne puisse les compter. Celui-là semblait méfiant par ailleurs, lucide et bien plus éclairé que ce à quoi je m’étais attendue aux dires de la source m’ayant menée jusqu’à son banc. Je n’en laissais rien paraître pour autant, notant les informations dans un coin de ma tête, procédant aux ajustements du discours s’écoulant d’entre mes lèvres, attentive aux nouveaux éléments que ses réactions révélaient, que ses regards trahissaient, dont son corps témoignait. Sa vie dans la rue transpirait par ses pores, sa silhouette se mariant au paysage que je pouvais toujours prétendre mien sans jamais réussir à l’incarner tel que lui. Les saillies s’échappant tranquillement du rebord tranchant de mes lèvres, je l’observais tout de même se mouvoir et se fondre, s’agiter à certains instants sans jamais donner l’impression inverse que celle de flotter dans l’espace environnant, décalé mais à sa place, toujours. Les âmes de la rue me paraissaient reconnaissables au premier coup d’œil, rares étaient celles néanmoins semblant fouler le sol comme il le faisait ; comme s’il y était bien, comme s’il ne le redoutait pas. Comme s’il lui appartenait depuis longtemps déjà. Était-ce ainsi qu’il s’était déplacé, ce jour-là aux abords des docks ? S’était-il contenté de demeurer en retrait, conscient tout de même que là était sa place, décidant par sa non-intervention de qui méritait vivre et de qui avait à périr ? Ce ne fut pas contre cette pensée encore celée qu’il s’opposa pourtant, le dos tendu sous la tension d’une décharge n’ayant pas eu lieu, pas encore, sans que cela ne m’empêche pour autant de prêter attention à ce qui semblait valoir la peine de briser la sécurité de son silence. « P’t-être bien, ouai. » Il ne niait pas alors, m’épargnais même d’avoir à inviter les preuves au sein de mon récit, se contentant de la parole pourtant facile à débouter d’un de ses compagnons de rue. La sincérité, louable ailleurs, me maintenait en alerte dans ces conditions-là, consciente des écueils pouvant se cacher en une coopération trop assurée. Sa présence sur les lieux confirmée à demi-mots, ne me restait plus à présent qu’à en deviner les raisons, modelant les règles du jeu à ma guise, lui accordant le bénéfice du doute ici et l’accusant du contraire, là.

Alors quoi, avait-il interrogé. Alors quoi, le relançais-je : l’odeur du sang l’avait-elle attiré sans qu’il ne sache y résister ? Il ne serait pas le premier, laissait ainsi sous-entendre l’œillade que je lui lançais, feignant l’absence de tout jugement si, par stupidité, un éclat d’orgueil venait à traverser ses prunelles. Il ne serait pas le dernier non plus, à contrôler ses pulsions primitives, l’humanité à fleur de peau, l’animalité ancrée au plus profond malgré tout et ne demandant qu’à reprendre ses droits lorsque le sang semblait couler aux alentours, celui des autres de préférence. « Pas une fille. Pas une enfant. » gronda-t-il sans attendre, la vérité transperçant l’émail de ses dents menaçant de se fendre à les grincer sans pitié. Il existait de ces jeux auxquels certains n’acceptaient plus de jouer, ou plus de bon cœur, et je devinais la nausée étant la sienne à l’image que je dépeignais, sillage d’un courroux demeurant pourtant bâillonné. « Des standards, donc. Je peux respecter ça. » Je répliquais sur le même ton, refusais encore de changer de fusil d’épaule et de me départir du sarcasme régnant en maitre dans chacune de mes intonations. Je notais pourtant les aveux de ses réactions, les confessions de son corps abîmé par autre chose que le temps. Je prêtais attention à l’émotion et la colère d’années révolutionnaires n’ayant servi à rien, ce jour-là. « Alors c’pour ça qu’t’es là. T’as pas d’piste. Juste les dires d’un vieux dément qu’m’a foutu sur ton enquête pour s’faire un peu d’argent. » De ses yeux plissés et le souffle fumant, je le discernais fixer le lointain. L’imaginais peut-être désireux de retrouver l’instant précédent, celui où il n’avait rien d’autre à faire que de distinguer, dans les constellations, l’aigle de l’ourse, le scorpion du taureau. « Oh, j’en ai une. Elle risque de ne pas vous plaire. » Je me contentais, à l’inverse, de jouer de nouveau du cliquetis du briquet à la flamme ravalée avant même d’exister ; le reste de mes paroles refoulé, laissant la place aux siennes qui ne demandaient qu’à sortir désormais, brûlantes à force d’avoir été contenues, un rire silencieux et désabusé comme première salve de lave. « Et tu d’demandes si j’fais l’suspect idéal. S’tu peux m’placarder ça sur la gueule. Filer un os à ronger au procureur qui t’colle au cul pour lui dégoter un coupable. » Il se trompait, le dédain étant le sien semblant traverser mes propres veines à l’entente de ce qu’il avançait sans que je n’en manifeste encore le moindre indice, me contentant de plisser les yeux, le regard rivé vers la mer, plate et sans reflet. « Un crime de plus, un crime de moins, au fond tu t’fiches pas mal d’savoir qui l’a fait, hein ? Du moment qu’en taule y’a un pourri qui paie. » En était-il un, par essence ? Faisait-il partie de ceux que je pourrais imaginer jeter en pâture dans la gueule d’un système qui n’attendait que cela, un coupable pour quelque chose, pour quoique ce soit à défaut du crime dont nous parlions aujourd’hui. Je maintenais mes lèvres closes, le silence pour l’enjoindre à continuer, trop consciente de l’hypocrisie à laquelle je ne désirais pas me plier sur l’instant. La nécessaire pour défendre l’industrie qu’il dénonçait âprement, celle du meurtre en continuel et perpétuel essor, celle du travail à la chaîne imposé pour répondre à la rentabilité souveraine, gangrenant ce milieu comme tous les autres. Il le savait et moi aussi, nos emplacements sur la chaîne alimentaire à deux pôles opposés toutefois.

« Alors ça f’ra toujours une raclure d’moins dans les rues, ouai. Pis j’dois bien l’mériter pour que’que chose après tout, ça j’peux pas l’nier. » Il ne voulait pas être sauvé, n’est-ce pas ? À quoi bon, sa vie réduite d’elle-même à une seconde de survie, une esquisse de vide dans l’éternité. Une existence entière enterrée avec des secrets bouillonnants derrière ses lèvres gercées, des regrets affleurant à la surface de sa peau asséchée. Combien de temps, déjà ? Combien de temps, encore, à se débattre avec ce qu’il semblait pourtant vouloir enfouir, à essayer de mettre des mots sur ce qui le hantait, à n’en pas douter ? Il ne voulait pas, non, être sauvé d’une culpabilité portée en bandoulière depuis plus d’années qu’il ne m’était capable d’imaginer ; ne voulait pas plus tomber pour ce dont il ne serait jamais damnable. « Mais en attendant l’vrai coupable y court toujours. Prêt à s’vanter, libre de r’commencer. » Je pouvais deviner ses pupilles se dilater sous les faibles rayons de la lune, les miennes froides et minces comme des billes que je lui accordais de bon gré, l’affrontement silencieux ne durant sûrement que quelques secondes, un temps fou, avant qu’il n’inspire légèrement, que la réalité s’insuffle à nouveau dans mes veines, et qu’il n’incline la tête pour se défaire de la dernière de ses énigmes. « Alors dis-moi ma jolie, quand t’sais tout ça... comment c’est qu’t’arrives à dormir la nuit ? » Plus autant qu’avant. Plus aussi bien qu’avant, lorsque j’y parvenais encore. Plus réellement, ou jamais ce qu’il fallait, depuis quelques années, ces dernières se lisant sur mon visage aux traits tirés et au regard assombri de cernes et de souvenirs semblant y être incrustés. Cela n’avait rien à voir avec ce qu’il soupçonnait néanmoins, rien à voir avec ce qu’il tentait de réveiller en moi et je me contentais d’arquer un sourcil en redressant mon dos, la réplique convenue, musique à mes oreilles à force d’être répétée : « Comme un bébé. » Le mensonge maîtrisé désormais, l’aveu de faiblesse réprimé comme tous les autres, plus facilement encore lorsque les raisons de mes insomnies demeuraient loin, si loin, de la conversation tenue. Le monde agonisant et les idéaux saignant les pavés de la ville n’en faisaient pas partie ; tant pis si cela en disait autant sur moi que ce que je désirais taire. « Une raclure est une raclure et quand une autre de cette espèce finit par y passer, ça ne perturbe en rien mon sommeil que de faire tomber la première me passant sous la main, pour un meurtre ou un autre… » Ma voix vint se perdre dans la houle environnante, l’ambiguïté volontaire, le sibyllin étudié ; la sincérité sous-jacente néanmoins lorsqu’il s’agissait d’assumer vouloir les coincer, eux qui ne méritaient pas d’attendre l’Enfer auquel je ne croyais pas pour payer d’un crime un jour commis, et le choix à l’aveugle si le délit en question ne nécessitait pas autre chose. « Mais une fille, un enfant ? » Mes sourcils se froncèrent cette fois-ci, sans que je ne cherche à retenir quoique ce soit des affres que cela éveillait en moi de reprendre les mots qui avaient été les siens, l’image que nous avions tous deux en mémoire. Elle en était une encore, d’enfant, il avait raison. Et à la découverte de son corps mutilé, je n’avais pu empêcher mes pensées de se tourner vers ma fille, mes pupilles renversées derrière mes paupières résolument closes.

Je soupirais en les rouvrant, laissant mes doigts courir dans le revers de ma veste, en extirpant finalement la pellicule froissée que je posais à plat sur le banc. « Ma piste, c’est vous. » Sur le cliché, son visage reconnaissable malgré ses traits déformés par l’effroi de la scène dont il cherchait à s’enfuir et ses joues suantes sur lesquelles se reflétait encore la danse du feu de l’horreur d’arrière-plan. Ce n’était pas la seule image pourtant que je possédais de lui et je me désintéressais de celle-là simplement pour faire défiler les autres sur mon téléphone, l’index presque las d’en constater le nombre. « Sous tous les angles, même les moins flatteurs. On aurait pu penser qu’à force de traîner dans le coin, vous auriez appris à déceler les caméras. » Elles entouraient les lieux, impossibles à manquer. « Pourtant, c’est votre visage sur les lieux du crime et en gros plan que vous offrez à tous ceux qui n’attendent que ça. » Trouver le suspect exemplaire, en faire le coupable idéal, puis passer aux autres pour gonfler les chiffres, contenter les uns, glorifier les autres. « Vos principes ne tiendront pas la route face à eux. Pas plus que tout ce à quoi vous êtes déjà en train de penser en regardant ces photos pour m’expliquer à quel point le scénario dont vous seriez l'acteur principal ne tiendrait pas la route. Il n’y a rien qui ne puisse être arrangé par une histoire bien ficelée qu’il ne me reste plus qu’à raconter. » J’en avais déjà le début, le milieu et la fin, deux corps en pièces centrales, le calciné apparaissant devant mes yeux sur l’écran lumineux, et le sien derrière les barreaux auquel je ne me résignais pas, ou pas encore. À la photo de la victime, je lui préférais finalement celle de la vie, le visage frais de la jeune femme et témoin d’une jeunesse désormais volée que je lui présentais alors, n’attendant pas qu’il s’empare de l’appareil pour le poser sur le bois, lui aussi. « Mais ce que je veux moi, c’est la vraie, pas celle qui arrangera tout le monde. » Ça n’avait jamais été dans mes priorités après tout, d’arranger le monde. Qu’il ne s’y méprenne pas pour autant, ça ne l’était pas davantage de l’arranger lui, tout innocent soit-il. C’était elle, qui comptait. C’était elle qui avait compté, pour lui aussi, je l’espérais encore.




solosands
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyJeu 11 Mar 2021 - 3:05



twisted up like a slipknot

Kyte Savard & @Olivia Marshall

Elle ne cille pas. Belle et terrible comme l’ultime nuit d’automne avant l’hiver. Douce en apparence. Dangereuse et dévastatrice dans ses ténèbres glaciales si on ose prendre le risque de la sous-estimer. « Comme un bébé. » L’assurance résonne dans sa voix douce, rauque d’avoir trop fumé ou trop gueulé après les incompétents qui encombrent son service. La réponse flotte entre eux, contraste avec les cernes sombres estampillés sous ses yeux d’ambre, le pli soucieux au coin de ses lèvres, le néant qui bouffe son regard. Une sincérité évidente pourtant, implacable. Si la flamme de l’idéalisme a un jour brûlé dans le cœur de cette femme, voilà longtemps qu’elle s’est éteinte sous les cendres de ses déceptions. « Une raclure est une raclure et quand une autre de cette espèce finit par y passer, ça ne perturbe en rien mon sommeil que de faire tomber la première me passant sous la main, pour un meurtre ou un autre… » Une intuition que ses paroles viennent à la fois confirmer et infirmer. Ainsi, peu importe qui elle enfermera derrière les barreaux… pourvu que son crime soit à la hauteur du châtiment. Ma foi, c’t’une logique en soi. Une logique qui l’intrigue. Une logique qu’il peut respecter. Une logique qui lui donne quand même sérieusement envie de se carapater. « Mais une fille, un enfant ? » Ses mots reprennent les siens, ses doux sourcils se froncent, son visage se contracte et laisse filtrer une douleur si pure, si humaine que pendant un fragment de soupir, ils semblent la partager. Mélancolie éphémère, dont il ne reste pas la moindre trace quand elle rouvre les yeux. Ses mains fouillent dans sa veste, tirent quelques papiers froissés qu’elle plaque entre eux comme des munitions. « Ma piste, c’est vous. » Et c’est bien lui, là. Bec d’aigle reconnaissable et regard hanté, les joues creusées par son dernier séjour derrière les barreaux, les bouclettes graissées par la puanteur enflammée qu’il a dû traverser pour rejoindre la môme. C’est lui aussi sur l’écran de son téléphone, son reflet capturé dans les petits pixels ostentatoires qui défilent et se mélangent jusqu’à lui donner la nausée. « Sous tous les angles, même les moins flatteurs. On aurait pu penser qu’à force de traîner dans le coin, vous auriez appris à déceler les caméras. » Sois pas triste ma belle, j’peux poser pour ton objectif s’tu tiens tant à avoir un beau souvenir de moi, qu’il voudrait plaisanter. Mais dans sa poitrine, le cœur s’emballe, cogne contre les côtes comme pour s’en échapper. Dans ses paumes moites, la sueur afflue au même rythme que l’adrénaline pulse dans son sang. Il n’aurait jamais dû rester ici après cet incident. Il aurait dû retrouver le couvert de la nature sauvage et s’y terrer jusqu’à être libre de foutre le camp. « Pourtant, c’est votre visage sur les lieux du crime et en gros plan que vous offrez à tous ceux qui n’attendent que ça. » Il devrait l’assommer, là. Prendre son arme, l’allonger sur le banc et la menotter aux planches. Prendre un peu d’avance surtout et disparaître entre les entrailles bétonnées des docks défoncés. Pourtant, il ne bouge pas, l’écoute fanfaronner face aux nombreux clichés. Et une pensée le traverse : si elle savait qui t’es… si elle était là pour Interpol, elle ne serait pas tranquillement installée à te parler. C’est cette pensée qui lui cloue le cul sur les lattes de bois ébréchées, le pousse à l’écouter quelques instants encore, l’exhorte à retrouver son calme. Pour une raison qui lui échappe, la brigadière semble laisser entendre qu’elle est la seule à avoir connaissance de ces clichés. Comme si ses collègues n’attendaient pas sagement en embuscade derrière chaque buisson ou encore terrés dans une vieille camionnette défoncée, les oreilles soudées à leur casque pour enregistrer les moindres grésillements qui s’échapperaient du micro qu’elle porte sous ses vêtements. Mais si elle prend toutes ces précautions, si elle tente le dialogue au lieu de l’éclater par terre pour lui passer les menottes… c’est qu’elle n’a pas conscience d’avoir Kyte Savard en face d’elle. Autrement, elle l’aurait arrêté sur le champ. Et pas pour avoir traîné au mauvais endroit, au mauvais moment. No questions asked. « Vos principes ne tiendront pas la route face à eux. Pas plus que tout ce à quoi vous êtes déjà en train de penser en regardant ces photos pour m’expliquer à quel point le scénario dont vous seriez l'acteur principal ne tiendrait pas la route. Il n’y a rien qui ne puisse être arrangé par une histoire bien ficelée qu’il ne me reste plus qu’à raconter. » Merde alors, peut-être bien qu’elle pense juste avoir serré un clochard un peu naïf après tout…

Le système nerveux se régule, les yeux s’écarquillent pour feindre l’innocence incarnée. « J’suis sacrément dans la panade, pas vrai ? » Il grommelle parce qu’il l’est, mais surtout si elle s’amuse à faire les liens entre le rigolo sur les photos et l’écoterroriste mondialement recherché. Il esquisse un sourire contrit pour jouer le jeu, pour gagner du temps, pour la tester. Un sourire qui s’efface dès lors qu’elle fait glisser devant ses yeux la dernière photo. Le portrait de la petite avec ses grands yeux encore pétillants de vie, tout pleins de ces douleurs adolescentes qui l’ont poussée à s’aventurer si loin de son lit, pour flirter avec le vide et rencontrer ses démons bien après la tombée de la nuit. Ses grands yeux gris, ses cheveux corbeau, ce look un peu gothique à mèche en version miniature qui croit dire je suis différente mais qui hurle je suis si seule. Il n’a plus envie de rire, d’éluder, de plaisanter. Il n’ose toucher le téléphone, n’ose s’en détourner. Et avant même que les mots s’échappent de ses lèvres, il sait qu’il lui doit la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. « Mais ce que je veux moi, c’est la vraie, pas celle qui arrangera tout le monde. » Un sourire triste au coin des lèvres, il hoche la tête, vaincu. « Des standards, donc. J’peux respecter ça. » A son tour de lui resservir sa réplique comme elle l’a fait avant lui. Comme pour sceller entre eux un accord dont ils esquissent ensemble les termes encore flous. « La vérité pourra pas la ramener, mais la p’tite… elle mérite au moins ça. » Il finit par grogner en désignant son reflet du menton, un pli amer au coin de ses lèvres gercées. Son regard cherche celui de la brigadière, le glacier se fond dans l’ambre verte, en quête de réponses aux questions qu’il n’ose formuler. Il a envie de lui faire confiance, mais tout dans sa nature le pousse à se méfier. Il connaît les flics et leurs stratégies douteuses, sait qu’une parole d’apparence sincère peut cacher un piège qu'ils ne laissent entrevoir que lorsqu’il est déjà trop tard. Balance ton prochain pour éviter la taule. Crève par sa main si t’as osé briser la loi du silence. Une fois coincé dans cet engrenage complexe, y’a plus le moindre espoir. Quoi que vous fassiez, la justice ou la rue finiront par vous déchiqueter. « Mais qu’est-ce qui m’dit qu’tout ça c’pas une tactique pour m’coffrer ? » Il finit par demander, les plissés yeux sondant encore les profondeurs insaisissables de ses iris dans la pénombre. « Au fond, qu’importe l’histoire que j’vais t’raconter : si d’autres que toi ont vu ces photos, j’pourrais aussi bien déjà être derrière les barreaux. » Car il veut croire en sa sincérité, mais connaît les rouages moisis de sa profession, la politique qui gangrène le système et ce besoin de trouver un coupable à balancer à la presse au plus vite pour apaiser les esprits échauffés, tourmentés par le destin tragique d’une enfant à qui le monde entier a fait défaut. Un gros titre imprimé pour rassurer la populace, remède placebo, baume factice qui ne guérit qu’en apparence les balafres que ces faits divers creusent dans la tranquillité des bonnes gens. Mais dans cette foutue société, on préfère toujours un beau mensonge plutôt qu’une affreuse vérité. Et lui, avec ses airs de clochards crado et son visage capturé aux côtés de la gosse agonisante, il offre l’exutoire parfait à leur besoin de justice galvaudée et de châtiment. « Enfin, disons que j’suis prêt à prendre le risque de t’croire… » Les paroles lui échappent sans qu’il les ait prévues. Sans qu’elles le surprennent pour autant. Quel autre choix a-t-il après tout ? Il est trop tard pour filer. Trop tard pour souhaiter avoir été plus discret. Au fond c’est quitte ou double, s’il rentre dans son jeu, il pourrait peut-être bien s’en tirer. Reste ce criss de micro… Parce qu’il a vu dans les prunelles de la brigadière brûler le feu de la justice, et c’est à ces seules oreilles qu’il accepte de confier de quoi tailler le glaive qui lui permettra de la donner. Pas aux petites bites qui lui laissent prendre tous les risques en allant chercher la vérité auprès d’un clodo. Amusé, il secoue la tête et un sourire de défit étire ses lèvres, fait briller une rangée de dents jaunies, petites étoiles moisies qui s’ajoutent à la nuit. « J’sais pas toi, mais j’me sens d’humeur aquatique. On fait trempette dans l’fleuve et j’te raconte tout c’que tu veux savoir depuis les eaux. Deal ? » Une envie de la tester un peu, de voir jusqu’où elle est prête à aller pour montrer patte blanche. Une occasion pour tous les deux de se mettre à nu et signer un pacte de confiance à l’ancienne, comme ça se faisait dans le pays de sa femme Norvégienne. Mais plus que tout cela, c’est l’occasion de vérifier qu’elle n’a pas un micro planqué entre les seins si elle décide de se déshabiller… ou bien de niquer la mécanique si par malheur elle décidait de jouer la carte de la pudeur. Dans tous les cas, cette baignade au clair de lune sera pour lui l’assurance que les mots qu’ils échangent ne resteront jamais plus que des murmures soufflés à la surface huileuse des eaux sombres du port abandonné.

(c) oxymort

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyDim 25 Avr 2021 - 21:57



Olivia Marshall & @Kyte Savard ✻✻✻ Mon regard ne s’égara pas un seul instant, pas plus pour se poser sur la fenêtre de lune trouant le ciel sans laisser entrer la moindre lumière tant tout paraissait soudainement terne, que pour se raccrocher à l’extrémité de sa cigarette, seule braise demeurant vive, œil écarlate dans le noir me fixant sans ciller. Ce n’était pas celui-ci qui m’intéressait, me retenait et me maintenait attentive. Il n’avait toujours pas dit un mot, l'homme taciturne, mais ses yeux avaient des accents que ne possédait point la langue et ses lèvres serrées et closes avaient le mérite d’être plus éloquentes que l’une de ces longues plaintes aux allures de défense bancale auxquelles j’avais fréquemment droit. Je ne le souhaitais pas coopératif, pas aussi tôt, l’impression trop ancrée et forte d’années expériences qu’une source trop bavarde et conciliante à l’extrême cachait souvent en son jeu des trésors de duplicité encouragée par la plus fielleuse des couardises. Prêt à vendre le plus faible de leur ennemi pour échapper aux menottes, quitte à se terrer dans le premier trou assez profond pour que, l’imposture dévoilée, il ne nous soit plus possible de les confronter à leurs grossiers mensonges. Des raclures donc, capables de nous pisser dessus en essayant de faire passer cela comme un caprice de la météo ; il y en avait plein les rues, surtout celles-ci, en faisait-il partie ? L’instinct me chuchotait à l’oreille que non, sans que je ne parvienne à le conscientiser autrement que par mon inclination à croire en ce que les yeux révélaient : les siens ressemblaient à des fleuves de glace, le bleu presque noir à force de scintiller ici pour s’assombrir au mot suivant, intenses et brillants comme ceux d’un aigle, témoins d’une intelligence que je notais de ne pas mésestimer, ne surtout pas oublier. C’était le reste, pourtant, qui éveillait mon flair et me poussait à croire en mon pressentiment ; l’on ne pouvait pas feindre ainsi le fond du regard tremblant comme un brouillard de souffrance et de confusion rembrunie à force de ne plus savoir à quels maux se vouer. La loyauté envers la rue ou le code de la justice ? Je me souvenais en avoir vu, des yeux s’animer de cette façon, au cours de mes premières années de service, à l’armée plus qu’au sein des forces de l’ordre, les années écoulées depuis mon départ de la première ne m’ayant toujours pas permis de les oublier pour autant. « J’suis sacrément dans la panade, pas vrai ? » Je retins un froncement de sourcils, les yeux plissés néanmoins et prenant garde aux modulations que sa voix emprunta, la question semblant rhétorique entre ses lèvres, presque malicieuse sans que je ne puisse m’expliquer pourquoi, énième zone d’ombre me laissant à penser que c’était à son tour, à présent, de préserver quelques précieuses cartes dans sa manche. Piégé, voilà bien la sensation que j’avais espéré insuffler dans ses veines avant même de lui adresser les premiers mots quelques instants plus tôt. Je me méfiais de sa facilité à me reconnaître le gain de la première manche néanmoins, le pressentiment fugace qu’il effleurait-là du bout de sa verve fluide et volontairement triviale un pan d’autre chose dont je ne parviendrais pas à me saisir, quand bien même essaierais-je. Chaque chose en son temps. Suffisamment de mots s’étaient échappés d’entre mes lèvres jusqu’à présent, le discours méticuleusement avancé puisqu’il avait été nécessaire. Ça n’était plus le cas à présent et je me ralliais à ma pensée indéfectible, celle-là même me rappelant en tout temps à quel point trop en dire finissait par ne plus rien dire et à altérer la parole pour le seul plaisir de se mettre en valeur. Le silence demeurait l’allié ultime, premier et dernier, sans malice ni complaisance, parsemé d’écueils dans lesquels les uns pouvaient bien sombrer puisque je demeurais là, l’oreille tendue pour entendre le fracas de leur chute.

Et puisqu’un silence valait mille mots, qu’en était-il des images ? À lui de me le dire alors que je les lui présentais, les rappelais à sa mémoire que je ne pensais pourtant pas cotonneuse ou désabusée au point de les en avoir effacées. Je les lui laissais pour l’instant, les dés possiblement truqués et les cartes dans ses manches, la mort sur le dernier cliché que je lui présentais semblant l’emporter de toute façon dès l’instant où, d’un seul geste entre nous, elle abattit d’un seul coup ses quatre as sur la table. « Des standards, donc. J’peux respecter ça. » Des standards, donc, puisque c’était ainsi que nous avions convenu de la désigner entre nous, cette impossibilité de détourner les yeux et de passer à autre chose. Des affaires comme celles-ci, il n’y en avait pas par centaines et heureusement ; il ne suffisait que de l’une d’entre elles néanmoins pour que celle-ci ne devienne à mes oreilles une mélodie obsédante, mon esprit programmé, semblait-il, à la reprogrammer en une boucle incessante, excluant toute autre forme de pensée puisque seule celle-ci importait. Ça n’avait pas toujours été le cas, je le savais, le prénom de ma fille autrefois comme unique envolée de notes capable de m’apaiser, son sourire à la fin d’une journée comme lueur suffisante à me déposséder de ce qui ne devrait pas s’ancrer en moi à ce point. Où était-elle, à présent ? Pas sur ce cliché, Olivia. Tout ceci n’a rien à voir, tout ceci ne la concerne pas. Cela n’avait rien à voir, non ; cela prenait toute la place pourtant lorsqu’il n’y avait qu’ainsi que j’oubliais finalement son absence et son sourire éteint, l’ardeur au travail et l’investissement pour d’autres comme seul moyen de continuer à me sentir utile, quelque part au moins. « La vérité pourra pas la ramener, mais la p’tite… elle mérite au moins ça. » Mes muscles crispés se détendirent lentement, empruntant à ma respiration sa placidité sereine, presque funéraire. Il y avait bien de cela après tout, les souffles familiers soulevant ma poitrine comme semblant tout droit venus des vivants comme des disparus que je souhaitais considérer. Il paraissait sincère, lui aussi, à croire que la justice importait encore même au-delà d’un seuil du crime de toute évidence, ici, franchi. L’on aurait pu croire à un conte moralisateur d’un œil extérieur mais celui-là n’aurait pas compté, les nôtres s’accrochant l’un à l’autre pour l’instant comme uniques participants à une conversation inaudible, tableau lent et fresque infinie du temps s’étant arrêté pour elle mais que nous étions capables de prolonger et de venger, sans jamais rattraper ou dédommager, si l’on décidait de croire en chacun. « Ses parents seraient du même avis que vous. » Eux aussi comptaient, survivants d’une famille décimée. Eux, surtout, méritaient à ce que l’on ôte l’opprobre jeté sur leur fille dès l’instant où, sur sa mort, ses bourreaux avaient-ils jeté l’ombre de l’infamie liée aux gangs et aux affaires y étant mêlées. Il ne s’agissait pas de l’unique raison, toutefois, me poussant à m’engager sur ce chemin et je relançai d’une voix tranquille, le visage tout aussi lisse pour ne pas heurter plus que la question menaçait de le faire. « Vous en avez ? » Des enfants ; un suffirait. Il me fallait cela, les mobiles de chacun, leurs desseins et leurs inspirations pour mieux les saisir et les empêcher, eux, de me prendre par surprise. Il me fallait cela, pour comprendre les mots qu’il ne paraissait pas enclin à laisser venir au bord de ses lèvres, la fébrilité pourtant perceptible à ne pas pouvoir empêcher leurs cris au fond de l’âme transparaissant au travers de ses yeux.

« Mais qu’est-ce qui m’dit qu’tout ça c’pas une tactique pour m’coffrer ? » Un sourire aurait pu m’échapper, dans un autre contexte, ou face à un autre que lui. « Je ne demanderais pas aussi poliment. » Il se fit entendre ainsi, à la place, l’ironie paisible et presque douce avant que je ne hausse les épaules sans détourner mon regard, simulant une réflexion dont je n’avais pas besoin. Avions-nous besoin d’une quelconque tactique pour le coffrer, lui ? Il semblait penser que oui et cela m’amusait, la crosse de mon arme lourde dans mon dos et suffisante généralement à enjoindre le premier venu de bien vouloir me suivre, les renforts en appui lorsque la prise sonnait bien, importante, capitale. « Rappelez-moi votre nom ? Que je décide à quel point l’idée de le rajouter à mon trophée de chasse suffirait à me faire oublier le reste. » Je demandais, la légèreté simulée ostensiblement, l’esprit en éveil néanmoins, déjà avide d’obtenir une réponse à décomposer puis disséquer ; s’il y en avait une. Le cas contraire, je lui signifiais déjà que cela ne serait pas là l’objet de l’une de mes traques, son nom inconnu que j’acceptais de laisser ainsi si de terrain d’entente, nous parvenions à en créer un. Il n’était pas la cible que je visais et pouvait voir comme une malchance le fait d’être devenue l’arme en question dont je désirais m’employer pour arriver à mes fins, n’en restait-il pas moins que je demeurais son unique issue face à l’exigence maladive d’une hiérarchie sur le point de s’échauffer. « Au fond, qu’importe l’histoire que j’vais t’raconter : si d’autres que toi ont vu ces photos, j’pourrais aussi bien déjà être derrière les barreaux. » Sa méfiance à mon égard était discernable, compréhensible autant que la mienne me poussant à ne pas répondre aussitôt, la stupidité comme seul fer de lance à un quelconque réflexe de lui assurer que je demeurais bien la seule à posséder ces photos, la seule aussi à me savoir ici, en sa compagnie. Aucune lueur ne vint pourtant éclairer mon regard, au risque qu’il ne la prenne comme un signe de provocation n’ayant pas sa place dans l’échange où tout semblait encore en jeu, sur le point de se sceller. « Enfin, disons que j’suis prêt à prendre le risque de t’croire… » Des risques, il y en avait. De mon côté comme du sien lorsque le zéro n’existait pas et que les résiduels demeuraient les seuls avec lesquels nous acceptions de jongler. J’en prenais autant que lui, me garderais bien de le lui confier en revanche en le voyant se redresser ainsi, l’œil goguenard me faisant arquer un sourcil face aux lignes se redessinant. « J’sais pas toi, mais j’me sens d’humeur aquatique. On fait trempette dans l’fleuve et j’te raconte tout c’que tu veux savoir depuis les eaux. Deal ? » Le filtre de sa cigarette gagna ses lèvres à nouveau et la fumée virevolta autour de son visage, accordée aux teintes de suie de sa silhouette, cheminée au creux de laquelle brûlaient d’anciennes blessures que je n’identifiais pas encore.

Par-delà son épaule, la mer ne parvenait pas à avancer d’un pouce sur le rivage, se confondant au ciel qui ne tarderait plus à s’éclaircir mais paraissant tout aussi désireux que lui, sur l’instant, à faire durer les plaisirs. Il n’y avait pas que cela pourtant et, lorsque son regard attrapa de nouveau le mien, je ne répondis à son sourire indiscernable qu’en cessant de ciller l’espace d’une seconde. La suivante, je délaissais le banc dans mon dos, mes semelles rencontrant la poussière comme une vieille amie alors que, lentement, je laissais mes bras se glisser hors des manches de ma veste l’un après l’autre, la brise étouffante s’engouffrant sur la peau fine de ma nuque et de mes bras nus avant de descendre le long de mon dos comme une langue humide. Un sourire vint errer sur mes lèvres et je daignai enfin relever mon visage dans sa direction, capturant son regard d’un battement de cils et lui intimant de ne pas le détourner. « Je te laisse vingt secondes pour vérifier par toi-même ce que tu as en tête. Après ça, c’est moi qui te fais hurler. » Qu’il me fouille, ici et maintenant, puisque ses pensées criaient leur évidence et que je leur en reconnaissais le droit. Qu’il me fouille, je ne l’en empêcherai pas, mes bras venant s’entrouvrir lentement en signe d’accord qui ne durerait que le temps indiqué. « Je ne prétends pas à ce que l’on se fasse confiance les yeux fermés, loin de là, mais laisser planer des doutes et me plier au jeu de celui qui pense avoir piégé l’autre ne m’intéresse pas. » S’en contenterait-il, de l’idée d’avoir su déjouer l’un de mes plans en grillant un dispositif d’écoute dissimulé à sa connaissance ? Je ne le ferais pas à sa place, préférant lui assurant ainsi de la sincérité des mots prononcés jusqu’à présent, même les plus caustiques. Les paumes en évidence, j’en laissais une se retourner, les gestes toujours mesurés alors que l’un de mes bras se repliait dans mon dos pour s’emparer de mon arme. Sans le quitter du regard, je laissais mes doigts désarmer à l’aveugle la culasse du Sig Sauer et le chargeur tomber dans l’autre main dans un déclic sonore et transperçant le silence environnant. Prête à prendre le risque de le croire, donc. « Autant te le dire tout de suite, je finirais par gagner. » repris-je tout de même, ponctuant ainsi ma phrase précédente autant que mes gestes, l’étincelle parcourant mon regard empreinte d’une malice qu’il ne devrait pas prendre le risque de dévaluer. « Et puis, si tu y tiens tant que ça et que les informations en valent la peine, je pourrais ensuite envisager de me tremper pour les obtenir. » finis-je en appréhendant d’un regard l’étendue d’eau brouillée et pâlie par la chaleur d’un nouveau jour à venir, l’amusement venant ceindre mes traits comme un reflet au sien. J’en avais fait d’autres après tout, pour en soustraire à des pires que lui. Cela faisait bien longtemps, à présent, que je ne les jugeais plus, les ombres et les lumières capables de ne plus faire qu’un, ne combattant plus car elles avaient trouvé un point d’entente, une harmonie que l’on peinait à concevoir, cherchant d’habitude à les opposer, jusqu’à ce que cela ne suffise plus.




solosands
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) EmptyDim 23 Mai 2021 - 1:20



twisted up like a slipknot

Kyte Savard & @Olivia Marshall

Le silence retombe, en proie au grésillement lointain des vaguelettes léchant le bitume sur lequel elles s’écrasent. Leurs regards se croisent et le temps semble se suspendre. Dans celui de la flic, il n’y a rien à quoi se raccrocher. Ni peur, ni amusement. Ni incompréhension, ni malice. Juste la certitude qu’elle ne le suivra guère sous la surface huileuse et sombre qui s’étale à leurs pieds. Dommage. L’envie d’une aventure nocturne. La joie de surprendre et d’entraîner, l’espace de quelques minutes ou quelques heures, les gens bien rangés en dehors des sentiers tracés par la bienséance et les normes sociales. Le besoin de se rassurer surtout, déjouer les pièges qu’elle pourrait placer consciencieusement pour le coffrer. Je ne demanderais pas poliment. Qu’elle avait dit avec un haussement d’épaules si désinvolte qu’il était tenté de la croire. Rappelez-moi votre nom ? Que je décide à quel point l’idée de le rajouter à mon trophée de chasse suffirait à me faire oublier le reste. Les lèvres scellées comme une porte de prison, il avait ignoré la question ; s’était bien gardé de souffler les syllabes qui ne manqueraient pas de faire bander ses collègues d’Interpol. Une précaution presque inutile au final. Car il comprend sans mal le message que tentait de lui communiquer sa mystérieuse justicière à visage découvert. Qu’elle connaisse ou non son identité : la belle a décidé de l’ignorer du moment que cette sombre affaire puisse être élucidée. Et il a envie de l’aider, envie de s’assurer que les raclures récoltent d’une manière ou d’une autre le fruit de leur cruauté.

Comme une longue plainte, la sirène lointaine d’un bateau le rappelle à l’instant présent et au temps qui s’écoule de nouveau normalement. A ces yeux couleur d’ambre qui le toisent une seconde encore avant de lui échapper. Les semelles claquent sur le sol inégal quand elle saute agilement sur ses pieds. Les mains disparaissent dans les manches de son blouson, dévoilant sa silhouette taillée par les exigences du métier. Un rictus intéressé au coin des lèvres, il la scrute comme un aigle guette sa proie. Mais elle tient plus de la louve solitaire que du mulot effarouché. C’est dans le frémissement espiègle de ses babines, l’éclat farouche de son regard, la fermeté de sa voix. « Je te laisse vingt secondes pour vérifier par toi-même ce que tu as en tête. Après ça, c’est moi qui te fais hurler. » Prisonnier de ses yeux revolver, il sent un sourire appréciateur étirer ses lèvres craquelées. Alors comme ça t’as envie d’me faire hurler, hein ? La remarque s’accompagne d’un flot d’images surprenantes mais pas désagréables. Pour autant, il retient sa petite plaisanterie, hausse plutôt ses sourcils, l’interroge silencieusement alors qu’elle écarte lentement les bras dans une invitation qui prend des airs de défi. « Vingt secondes… t’es dure en affaires. » Il se déplie pourtant, retrouve le sol avec un petit ricanement nasal. Imperturbable, elle poursuit : « Je ne prétends pas à ce que l’on se fasse confiance les yeux fermés, loin de là, mais laisser planer des doutes et me plier au jeu de celui qui pense avoir piégé l’autre ne m’intéresse pas. » Il y a quelque chose de respectable dans sa façon d’énoncer les limites à ne pas dépasser. Quelque chose qui lui fait penser aux rares nanas qu’il a croisées dans l’armée. « Ben là, le fun v’nait tout juste de commencer ! » Malice dans la voix, sérieux dans les yeux, prêt à lui tourner autour tel un vautour, à la recherche du moindre volume suspect, témoin discret de sa duplicité.

D’une paume glissée dans son dos, elle stoppe son élan. Les muscles bandés se détendent quand retentit le cliquetis distinctif du flingue qu’on désarme. « Autant te le dire tout de suite, je finirais par gagner. » Il voit à l’éclat de ses yeux qu’elle en est persuadée. Au moins autant qu’il est certain de pouvoir la rouler. Après tout, la partie est déjà bien entamée, et pour l’instant il lui serait impossible de déterminer avec certitude qui a pris l’ascendant dans leur pas de deux endiablé. Conversation cryptique et cartes astucieusement révélées, principes soufflés du bout des lèvres pour atténuer les menaces à peine voilées. Une manche délicieuse et dangereuse dans laquelle la belle ne l’aurait pas entraîné si elle n’était pas certaine de pouvoir la remporter. Alors il joue selon ses règles, présente ses paumes à son tour, s’approche d’un pas lent et mesuré. Les doigts effleurent le tissu léger, les yeux la déshabillent, mais ce n’est pas sa peau olive qu’il cherche à dévoiler. « Et puis, si tu y tiens tant que ça et que les informations en valent la peine, je pourrais ensuite envisager de me tremper pour les obtenir. » Son regard se fait mutin alors qu’elle évalue les vagues insondables longeant le port à l’abandon. Séduit par la franchise de son jeu de mot, il laisse échapper un petit ricanement. Elle lui plait, assurément. D’autant plus que ses mains palpant son ventre et l’étendue de son dos n’ont toujours pas rencontré le moindre câble qui indiquerait la présence d’un micro. Profitant du couvert de la nuit, il sourit à sa nuque et lance songeusement : « Personne sait qu’t’es ici… pas vrai ? » Il ne peut hélas pas voir son visage, ni mesurer l’effet de sa prétendue menace. Qu’importe au fond : il sait d’instinct qu’elle ne laisserait rien filtrer de toutes les façons, ses expressions taillées dans le marbre pour contenir la moindre de ses émotions. Il s’écarte avec un soupir et retourne se poser sagement sur son banc. « A c’qu’on dit j’suis bon juge d’caractère pis j’ai bien envie d’croire qu’t’es sincère. » Ses lèvres arrachent une dernière bouffée à la cigarette. Elle scintille une dernière fois dans la nuit et s’éteint sous sa semelle, termine sa course au fond de la poubelle éventrée qui orne son vieux banc. J’espère juste pas m’planter et qu’tu m’donneras pas une occasion d’douter d’cette capacité. La confession danse sur sa langue mais il la retient, pas certain de vouloir lui laisser entrevoir le moindre soupçon de vulnérabilité.

« T’as dit qu’ses vieux s’raient d’mon avis. Mais qu’les choses soient claires : moi j’les emmerde et j’fais pas ça pour eux. J’fais ça pour elle. » Il se lance plutôt, réfugié dans la colère pour oublier le palpitant qui s’emballe dans sa poitrine, les paumes qui se referment sur le jean rêche autour de ses genoux. « La môme… elle s’rait pas v’nue traîner de c’côté d’la ville par c’t’heure maudite s’ils avaient fait leur boulot. » Lèvres pincées, il secoue la tête, se passe une main sur le front pour chasser la morsure de ses grands yeux gris pleins de terreur. Pleins de vide, surtout. Fenêtre béante sur les plaies profonde qui lacéraient son âme. « L’aurait pas tenté de s’recoller l’âme à coup d’bonheur factice planté dans les veines. » Il n’a pas besoin de lire le rapport d’autopsie pour connaître les démons avec lesquels la gamine se battait, savoir ce qu’elle cherchait et quelle délivrance elle espérait trouver. Il en a rencontré bien trop dans son genre : ados désespérées, plus vraiment des enfants mais pas encore des femmes. Il en a écouté quelques-unes, conseillé autant d’autres, effrayé les dernières dans l’espoir de réveiller leur instinct de survie et les renvoyer dans leurs foyers. Pupilles hagardes et dilatées, discours hachuré, gestes saccadées, peau fine criblée de trous violacés, sombres comme ceux qui morcellent leurs cœurs meurtris par tant d’autres. Blessures de malice ou d’inadvertance. « J’sais bien qu’c’est pas facile d’être parent, d’savoir s’y prendre avec ses kids. » Il hausse les épaules, balance le tout d’une voix monotone, une voix qui n’y croit pas vraiment. « Alors j’en ai ouai, j’en ai. Et moi aussi j’ai merdé. » Soupir, craquement des cervicales. Il n’a pas envie de s’y attarder. Pour détourner son attention, il la désigne plutôt du menton. « T’sais c’que c’est, pas vrai ? » Ce n’est pas vraiment une intuition. Rien dans son visage ou son apparence ne laisse présager l’existence d’un enfant auprès duquel elle reviendrait tous les soirs. Rien à part cette âme de louve sauvage justement, mais ça pourrait aussi bien être une carapace forgée afin de survivre dans un métier bourré de cons. Non, son plus grand indice au fond, c’est que les gens qui demandent aux autres s’ils ont des enfants sont invariablement ceux qui s’imaginent être les seuls à comprendre. Les seuls à partager les affres qui accompagnent le fait d’aimer ces petits êtres si vivants, si fragiles qu’une moindre inattention peut vous les enlever. Il le sait, parce qu’il est le premier à la poser. Le ton compatissant parfois, condescendant le plus souvent. Si t’en as pas tu peux pas comprendre, alors casses-toi et marche à l’ombre.

« Ta p’tite. » Il reprend, les yeux rivés sur la zone industrielle à l’abandon qui découpe le ciel à l’horizon. « J’sais pas trop c’qu’elle v’nait faire du côté des docks mais c’pas trop compliqué de l’deviner. » Ce n’est pas un secret après tout. L’ancien port est une plaque tournante pour toute sorte de crimes et surtout la drogue, les grands containers servant de voiles pudiques pour camoufler l’horreur qu’ils abritent. « J’pense que t’sais aussi quelle genre d’raclures elle y a trouvé. » Dealeurs, gamins maigrelets qui se prennent pour des durs, rats effrayés voulant jouer dans la cour des grands. Ils se déchirent les entrailles pour un bout de territoire, crachent leur venin comme si ça pouvait faire grossir leurs couilles, la lame d’un couteau tremblotant au bout de leurs bras décharnés. Chacun de leurs gestes menés par la peur des représailles tombant de plus haut s’ils n’atteignent pas les quotas fixés par ceux qui ont survécu assez longtemps pour se retrancher derrière les fenêtres de leurs grosses berlines blindées. Qu’ils crèvent. La compassion qu’il aurait pu leur témoigner enterrée sous l’horreur des images que les souvenirs de cette nuit noire font remonter. « C’est ses pleurs qui m’ont alerté. L’était déjà trop tard quand j’suis arrivé. Pas pu voir leurs visages. » Gamins dégingandés, cagoulés et enveloppés dans un voile de lâcheté pour cacher ces visages dont même leurs mères auraient honte. Et ça l’arrange bien au fond, son désir de vengeance tempéré par la répulsion qu’il éprouve à l’idée de renseigner les condés. Son besoin cuisant de justice le pousse pourtant à lui révéler une petite miette, afin de lui laisser entrevoir la minuscule pièce de l’immense puzzle urbain qu’elle s’est donné la mission de reconstituer pour mettre en lumière les crimes qui pèsent sur cette morbide soirée. « Mais elle a un dit un truc avant d’s’éteindre. Un genre de poème. Sûr que j’l’ai déjà entendu avant mais j’me souviens plus où. » Il y avait d’abord eu un couinement, puis un soubresaut. Ensuite elle avait attrapé son poignet avec toute la force qui lui restait. Et d’une voix tremblante et entrecoupée, elle avait fredonné son petit poème funeste. Il y avait tant d’intensité dans ses grands yeux dilatés, tant de peur et de douleur dans ces quelques mots laborieusement murmurés qu’ils resteront gravés sur son âme à jamais. « Walls have ears. Doors have eyes. Boats have voices. Rats spread lies. Beware the rain. Beware the crow. Beware the man you think you know. » Il secoue la tête, lâche un profond soupir. L’envie de déconner dispersée par le vent de solennité qui l’habite désormais. « J’sais qu’c’est pas grand-chose. Mais crois le ou non… j’espère vraiment qu’ça t’mettra sur la piste et qu’tu feras payer c’gros tas d’fumier. »

(c) oxymort

Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé

twisted up like a slipknot (kyte) Empty
Message(#) Sujet: Re: twisted up like a slipknot (kyte) twisted up like a slipknot (kyte) Empty


Revenir en haut Aller en bas
 

twisted up like a slipknot (kyte)

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
30 YEARS STILL YOUNG :: 
écrire son histoire.
 :: nouer des contacts :: mémoire du passé
-