Nathan,

Tu dois certainement te demander qui je suis et pourquoi cette lettre se trouve dans ton dossier. Je m’appelle Caleb, j’ai trente ans et il y a quelques mois j’ai appris que tu étais mon fils. Je ne sais pas vraiment quoi te dire tout ça parce qu’il y a un an je ne connaissais même pas ton existence. En fait, je ne sais même pas vraiment quoi te dire. J’ai envie que tu saches que j’aurais aimé être là pour toi, j’aurais aimé pouvoir m’occuper de toi comme n’importe quel père de famille le fait avec ses enfants. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir été là le jour de ta naissance et surtout, les jours, les semaines et les années après. Parce que je pense que j’aurais pu m’occuper de toi, tu sais. Je ne sais pas quel âge tu as, aujourd’hui, le jour où tu lis cette lettre mais tout ce que j’espère c’est que tu vas bien et que tu es heureux. Que tu as des parents qui t’aiment et qui te donnent tout l’amour que ta mère et moi n’avons pas pu te donner. J’espère que tu as des amis d’exception qui t’écoutent et te soutiennent dans les moments difficiles. J’espère que tu es bien entouré. Profite de la vie, fais les choses bien et je suis sûr que tout se passera pour le mieux pour toi. Je ne doute pas que tu sois un garçon bien, éduqué avec des valeurs et des principes.

Si tu lis ces mots cela signifie que tu as voulu en savoir plus sur toi et sur tes origines. Tu as déjà dû lire la lettre de ta mère, alors tu connais déjà tout sur elle. Mais laisse-moi te parler un peu d’elle. Elle a fait des erreurs, beaucoup d’erreurs. J’aurais aimé pouvoir te dire qu’elle est parfaite mais ça serait te mentir. Ta mère n’est pas une femme parfaite (et de toute façon retiens bien que personne n’est jamais parfait), elle a peut-être fait beaucoup d’erreurs mais sache qu’elle le sait, elle s’en est rendue compte. T’abandonner le jour de ta naissance a été la chose la plus difficile qu’elle n’ait jamais eue à faire et même si tu dois avoir du mal à le croire ou à le comprendre, elle l’a fait pour toi. Parce que tu sais, on était jeunes. Quand elle est tombée enceinte je n’avais que vingt-et-un an, elle vingt ans et je pense qu’aucun de nous n’était prêts à assumer ce rôle. Ne lui en veux pas, ne la déteste pas s’il-te-plaît, moi j’ai réussi à lui pardonner alors je pense qu’avec un peu de temps et de recul toi aussi tu vas réussir à le faire. On était vraiment très amoureux ta mère et moi, et on l’est encore d’ailleurs. Même si tout n’est pas toujours facile entre nous, on s’est rencontrés il y a neuf ans (presque dix) et aujourd’hui en décembre 2019, on s’aime encore comme au premier jour. Que tu aies dix, quinze, vingt ou trente ans le jour où tu liras cette lettre s’il te plaît ne cesse jamais de croire en l’amour. Je sais que ça peut faire mal, des déceptions tu en as déjà eues ou bien tu en auras mais sache que tu as toi aussi ton âme-sœur qui t’attend quelque part et le jour où tu l’auras trouvé ne la laisse jamais partir. Si je te dis ça c’est parce que j’ai été séparée de ta mère pendant huit ans et même si j’ai tout de même réussi à être heureux sans elle un amour comme le nôtre c’est précieux et il ne faut pas le laisser filer. Et je te souhaite de trouver et de vivre une histoire d’amour comme la nôtre un jour. Parce que tu le mérites, j’en suis sûr.

Je peux te parler un peu de moi si tu veux mais il n’y a pas grand-chose à savoir. Je m’appelle Caleb Jonathan Anderson, à l’heure à laquelle j’écris aujourd’hui j’ai trente ans et je suis le patron et chef cuisinier d’un restaurant de gastronomie française à Spring Hill à Brisbane. J’ai grandi dans une ferme à Warwick à deux heures de Brisbane. Tes grands-parents (mes parents) sont des personnes exceptionnelles. J’ai eu beaucoup de chance de les avoir et honnêtement ? Il n’y a pas grand-chose à savoir sur mon enfance. J’ai grandi heureux, entouré  de mes trois petites sœurs. Il y a d’abord Primrose elle a vingt-cinq ans et elle étudie le droit. Notre relation est un peu compliquée mais c’est ma petite sœur et je l’aime tellement. Elle est sûrement la personne la plus importante dans ma vie (avec ta mère.) J’ai deux autres sœurs, des jumelles Candlynn et Bailee, elles auront bientôt dix-neuf ans. Comme tu peux le constater on a une grande différence d’âge elles et moi et je pense que c’est la raison pour laquelle je ne me suis jamais senti réellement proche d’elles. Mais ça ne veut pas dire que je ne les aime pas au contraire. Sinon je ne sais pas quoi te dire de plus sur moi, je ne sais pas ce que tu voudrais savoir en fait. Peut-être que te parler de ma famille te semble inutile mais ça ne l’est pas pour moi parce qu’à mes yeux il n’y a rien de plus important que la famille et j’aurais tellement aimé que tu sois avec moi, Primrose aurait été ta tata-super-cool j’en suis sûr. Et je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça… Qu’est-ce que je peux te dire de plus ? Je suis 100% Australien, né le 20 Avril 1989. J’ai beaucoup voyagé en France et en Italie, j’y ai fait des stages de cuisine et c’est d’ailleurs en rentrant de mon année en Europe que j’ai racheté des locaux dans le centre-ville de Brisbane pour ouvrir mon propre restaurant. J’ai toujours été passionné de la cuisine spécialement la nourriture française. Est-ce que tu as déjà mangé un plat typiquement français ? Il n’y a pas beaucoup de restaurant par ici alors ça m’étonnerait que tu aies déjà eu l’occasion d’y goûter. C’est dommage. Mais je ne suis pas juste passionné par la cuisine, j’aime beaucoup lire aussi. D’ailleurs je pense que si je ne m’étais pas dirigé vers la cuisine pour en faire ma carrière professionnelle j’aurais certainement fait une fac de lettres. Je lis beaucoup depuis que je suis petit, chez moi j’ai une énorme étagère remplie de livres. Quand j’étais petit et jusqu’à mes quinze ans je bégayais beaucoup. Vraiment beaucoup. Je n’arrivais pas à faire une phrase complète sans buter sur au moins un mot. J’espère que tu n’as pas hérité ça de moi, parce que ça n’a pas été facile à vivre (et les filles ne sont vraiment pas attirées par un mec qui ne sait pas parler, alors j’espère vraiment que tu n’as pas eu ce problème.)

Est-ce que tu aimes cuisiner ? Est-ce que tu aimes lire ? Je te pose des questions et je n’en aurais jamais les réponses et ça me fait vraiment mal. Mais je pense que je vais m’arrêter là. Sache que je ne suis pas quelqu’un qui parle beaucoup (contrairement à ta mère) et que j’écris rarement autant aussi.

Je ne sais pas si j’ai répondu aux questions que tu te poses. Je ne sais même pas si tu as trouvé ma lettre intéressante. Mais j’ai envie de m’excuser encore une fois, parce que tu ne peux pas t’imaginer à quel point j’aurais aimé te voir grandir, entendre ton premier mot et voir tes premiers pas. J’aurais vraiment voulu être là. Alors je suis désolé. Je sais qu’on ne se connait pas et que tu ne me considères certainement pas comme ton père mais j’ai quand même envie de te dire que je pense beaucoup à toi et que je t’aime (encore une fois, je sais qu’on ne s’est jamais vu alors t’écrire ça peut paraître un peu bizarre, je ne m’en rends compte que maintenant.)

Je suis désolé. J’espère sincèrement que tu vas bien et que tu es heureux.

Caleb Anderson.

"Si à Poufsouffle vous allez,
Comme eux vous s'rez juste et loyal
Ceux de Poufsouffle aiment travailler
Et leur patience est proverbiale."

Fondatrice : Helga Poufsouffle.
La salle commune est située aux sous-sols, à côté des cuisines

Les valeurs de Poufsouffle sont la loyauté, la patience, la gentillesse, la modestie, le travail acharné, le fair-play, la persévérance, la justice, la sincérité, la tolérance, et l'amour de la nature.

C’est comme si ma vie venait de s’écrouler.
Et c’est le cas, ma vie n’a plus aucun sens.

Étape 1 : Le choc.

Pourtant je ne suis pas sûr de réaliser ce que le médecin qui vient de quitter ma chambre vient de m’annoncer.  « Votre femme est décédée. Je suis sincèrement désolé. Nous avons fait tout ce que nous avons pu. » Allongé dans ce lit d’hôpital, de l’oxygène qui m’aide à respirer un peu mieux. Mais au moins, moi, je suis en vie. Moi, je respire. Je n’ai pas encore bougé. Je n’ai pas encore parlé. Je n’ai pas encore réalisé l’impact des mots prononcés par ce médecin. J’ai même l’impression d’avoir rêvé. Oui c’est ça. C’est sûrement ça oui. Un cauchemar et je vais bientôt me réveiller. Mais en attendant, je ne bouge toujours pas.  « Votre femme est décédée. Je suis sincèrement désolé. Nous avons fait tout ce que nous avons pu. » Ces mots passent en boucle dans ma tête sans que je ne réalise vraiment ce qu’ils veulent dire. Dix minutes passent, et je bouge enfin. Juste un peu. Je me redresse dans mon lit, je regarde partout autour de moi mais je suis seul dans cette chambre d’hôpital. Seuls les bips de la machine à laquelle je suis relié se font entendre. J’entends les infirmiers bouger dans les couloirs. J’entends Victoria au loin. Je suis sûr que c’est bien elle que j’entends. Donc j’avais bien raison, tout ça n’était qu’un rêve, un cauchemar et elle va bien rire quand je vais lui raconter tout ça.

Son rire. Est-ce que je vais pouvoir l’entendre de nouveau un jour ? Est-ce que je vais pouvoir de nouveau l’embrasser ? Est-ce que je vais pouvoir la prendre dans mes bras ? Est-ce que je vais encore pouvoir me moquer d’elle quand elle fera une faute de grammaire, de conjugaison ou quand elle prononcera mal un mot ? Je crois que c’est elle que j’ai entendu parler dans les couloirs mais je ne comprends pas pourquoi elle attend derrière la porte, pourquoi elle n’entre pas. Parce qu’elle est morte. Mais si elle est morte, pourquoi est-ce que je suis persuadé de l’avoir entendu ? Elle est encore là, pas très loin, je le sens, elle est encore en vie.

Étape 2 : Le déni.

Victoria est encore là. Elle est encore en vie.
Je refuse d’y croire.

Parce que c’est plus simple comme ça. M’enfermer tout seul, chez moi. Chez nous. Dans notre appartement. Rester allongé dans notre lit. Sous nos draps. Parce que tout le monde me demande quand seront ses funérailles. Mais à quoi bon organiser des funérailles alors que pour moi, elle n’est pas partie ? Elle vit toujours, d’une certaine manière. Partout dans cet appartement décoré par nos soins, elle vit encore avec moi. Ses vêtements ont encore son odeur. Son oreiller aussi, d’ailleurs.

J’arrête tout. Je n’ouvre plus la porte à personne.
Je ne réponds plus au téléphone.

À quoi bon ? Je ne vis pas dans la même réalité que tout le monde. Ils ne cessent de m’envoyer leurs condoléances, ils me disent que je peux compter sur eux, mais ça ne m’intéresse pas. Moi c’est sur Victoria que je veux compter. Et je ne comprends pas comment ils font pour abandonner si vite ? La laisser mourir ainsi, sans se battre ? Moi je ne veux pas la laisser partir. Parce que la vie sans elle m’effraie.

Aujourd’hui Eve est passée à l’appartement et je ne lui ai pas ouvert. Parce que je ne veux pas y croire. Parce que je préfère me couper du monde, je ne suis pas prêt à affronter tout ça. Pas prêt à affronter les regards compatissants et plein de pitié de tout le monde.

Mais pourtant ses funérailles sont demain, et moi, je ne suis pas prêt à lui dire au revoir.
C’est trop tôt.
Trop dur.
Trop cruel.

Étape 3 : La colère.

Pourquoi ?
Pourquoi est-ce qu’elle est partie ?
Pourquoi est-ce que je passe mes journées à pleurer ?
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
Elle en tout cas, elle ne le méritait pas.

Parce que Victoria, elle était parfaite. Elle était incroyable. Était. Pourquoi est-ce que soudainement conjuguer un verbe au passé me fait aussi mal ?

Ça fait un mois, et maintenant je suis obligé de voir la vérité en face. Victoria est morte. Ce matin j’ai reçu un colis : une paire de chaussures qu’elle s’était commandée. Et ça m’a fait un mal de chien. Les chaussures ont fini à la poubelle avant même que je ne prenne la peine de les regarder. Hier j’ai mis Prim à la porte alors qu’elle était simplement venue avec une pizza. Mais elle me souriait. Elle voulait faire comme si rien ne s’était passé, et ça m’a énervé. Elle m’a énervé. Il y a une semaine j’ai raccroché au nez de ma mère alors qu’elle me disait qu’elle était inquiète pour moi.  Je ne me reconnais plus. J’ai changé. Mais je me sens toujours en colère depuis quelques jours. Comme cette rage qui bouillonne en moi et qui ne demande qu’à ressortir.

Mais je n’en veux pas à ma mère. Je n’en veux pas à Prim.

C’est à moi que j’en veux.
C’est contre moi que je suis en colère.

Je me déteste. Je ne mérite pas tout ça. Parce que c’est moi qui étais au volant de cette voiture. C’est moi qui l’ai tuée.

Étape 4 : Le marchandage.

Habituellement, on avance, on évolue.
Sauf que moi, je fais des pas en arrière.

Je refuse de croire à sa mort. Elle ne peut pas être partie. Pourquoi est-ce qu’elle m’aurait laissé quelques semaines avant notre mariage ? J’essaie de comprendre ce que j’aurais pu faire pour empêcher tout ça d’arriver. Parce que je suis le responsable. C’est moi qui conduisais, et personne ne m’en tient pour responsable. Alors je le fais pour tout le monde. Je me blâme. Je me déteste. Je m’empêche d’avancer, je reste bloqué sur cette soirée. Cette soirée durant laquelle je n’aurais pas dû prendre le volant. Et si je n’avais pas conduit est-ce qu’elle serait encore en vie ? Et si c’est elle qui avait pris le volant, est-ce que je me serais réveillé à ses côtés ce matin ? Et si je m’étais arrêté à ce putain de stop ? Et si nous n’avions pas été à cette soirée ? Et si je lui avais dit que j’étais trop fatigué pour conduire ? Et si j’avais fait une sieste cet après-midi-là – comme je le prévoyais –, j’aurais été moins fatigué ? Plus apte à conduire ? Et si nous avions pris la décision de rester dormir chez son amie comme elle nous l’avait proposé ? Et si je n’avais pas bu ? Je n’ai certes, bu qu’un seul verre d’alcool, mais si je n’avais pas bu ? Est-ce que ça aurait changé quelque chose ?

Et si, et si, et si… Mais une chose est sûre : je suis le seul et l’unique responsable de cet accident.

Étape 5 : La dépression.

Je ne mange plus.
Je ne sors plus de chez moi.
Je n’ai plus envie de rien.
J’ai mal. Toujours. Tout le temps.
Pourquoi devrais-je continuer à vivre si c’est pour faire ma vie sans toi ?

Les médecins me disent que cette gélule m’aidera à avoir une meilleure humeur. Ils me disent aussi que ce petit comprimé blanc apaisera mes angoisses. Apparemment je serais déprimé. Apparemment je fais une dépression. Ils étaient inquiets pour moi, c’est pour ça qu’ils m’ont hospitalisé. Ils avaient peur que je me refasse du mal.

Mais sincèrement, mourir, si c’est pour te rejoindre Victoria, c’est ma meilleure option.

Parce que j’ai mal. J’ai tellement mal. C’est tout ce que je ressens. De la douleur. Encore et toujours. Tout le monde me dit que je finirai par aller mieux, mais je n’en ai même pas vraiment envie. Tout ce que je veux c’est arrêter d’avoir mal. Arrêter de souffrir. Sauf que la vie sans elle n’a plus aucune saveur. Plus aucun intérêt. Alors peut-être que finalement les médecins ont raison, peut-être que je pourrais me faire du mal. Mais c’est la meilleure option pour moi, pas vrai ? Le matin je me réveille, je me lève pour aller prendre mes médicaments et je retourne me coucher. Je ne mange pas. Je n’ai pas faim. L’appétit finira par revenir, me disent les infirmières. Je prends ces médicaments depuis plusieurs jours et pourtant je ne vois toujours aucune amélioration, est-ce que c’est normal ?

Au bout de quelques semaines, j’ai fini par sortir de cet hôpital avec un programme de soins. Un suivi avec un psychiatre en cabinet libéral, on m’a conseillé aussi d’aller voir un psychologue mais je n’en vois pas vraiment l’intérêt. De toute façon tout ça, c’est pour ceux qui veulent s’en sortir. Moi ce n’est pas le cas. Donc je pourrais arrêter de prendre ces médicaments, je pourrais prendre toute la boîte de comprimés aussi. Tout d'un coup. Cette idée me tente, elle me trotte dans la tête. Mais je ne le fais pas. Parce qu’il y a mes sœurs, et puis mes parents aussi. Je n’ai pas envie qu’ils vivent ce que je suis en train de vivre depuis quelques mois.

Alors je m’accroche.
J’essaie de m’en sortir.
Pour eux. Pas pour moi.

Finalement, les médecins avaient raison. Je commence à me sentir un peu mieux. L’humeur est meilleure. Un peu. C’est franchement pas ouf, mais c’est déjà ça. Maintenant que j’arrive à me lever le matin sans trop de difficulté je pars travailler. J’ai enfin repris le chemin du travail. Pour me vider la tête. Pour penser à tout sauf à toi. Mais je ne souris toujours pas. Je ne sais pas si je vais réussir à sourire un jour. Parce que c’est toi, qui me faisais sourire, Victoria.

J’ai déménagé aussi.
Je loue un studio à Spring Hill.

Parce que je ne pouvais pas continuer à vivre dans cet appartement. Dans notre appartement. J’essaie d’avancer un peu tous les jours mais je n’arrête pas de me casser la gueule. Je ne souris toujours pas, non. Je ne rigole pas non plus. Je n’ai plus aucune ambition, aucun goût, aucune perspective d’avenir. Je pleure toujours beaucoup. Peut-être trop ? Quand je pense à elle. Quand je tombe sur quelque chose qui lui appartient. Ou même quelque fois sans raison. Je pleure encore et toujours. Je pleure pendant mes entretiens avec le psychiatre, quand je vois la psychologue. Parce que j’ai fini par les écouter et j’ai trouvé une psychologue. Je ne suis pas sûr que ça me fasse réellement du bien ceci dit. Mais je me décharge. Je déverse toutes mes émotions, je me mets à nue et je n’aurais jamais pensé le dire un jour mais ça me fait du bien. Quelque fois je me sens plus léger.

Mais pourtant oui, huit mois après ta mort, je pleure encore.
Parce que tu me manques, putain.
Parce que j’ai mal.
Parce que je me déteste, aussi.

Étape 6 : Acceptation.

C’est dur tu sais, Victoria.
Aujourd’hui ça fait un an et demi que tu n’es plus là.
Mais je pense que je peux vivre avec cette idée-là.

Je ne prends plus de médicaments depuis deux mois. Moralement je vais mieux. Beaucoup mieux. Mais ce n’est pas facile pour autant. Ça ne veut pas dire qu’elle ne me manque pas. Ça ne veut pas non plus dire que je ne l’aime plus. Non, parce que je l’aimerai toute ma vie. C’est une certitude. Pas une seule journée ne s’est terminée sans que je ne pense à elle au moins une fois. Je vais mieux mais pourtant je suis encore triste quelque fois en pensant à elle. En pensant à nous. Mais ce qui est nouveau c’est que maintenant je suis capable d’évoquer son souvenir sans pleurer, sans me sentir triste, sans ressentir cette douleur dans la poitrine. Je peux parler d’elle et de nos souvenirs mais pourtant accepter sa mort n’est pas une chose simple. C’est trop dur. Mais je sais que je peux y arriver. Parce que je ne suis pas seul.

Alors j’avance.
C’est pour moi que je le fais maintenant.
Parce que c’est ce que tu aurais voulu, ma chérie.
Je le sais.

Personnalité défenseur ISFJ-T

"L’amour ne naît que dans le partage. On ne peut en avoir plus pour soi qu’en le donnant aux autres."
Brain Tracy

Le type de personnalité des Défenseurs est tout à fait unique, car beaucoup de leurs qualités défient toute définition de leurs traits individuels. Bien que compréhensifs, les Défenseurs peuvent être farouches lorsqu’ils doivent protéger leur famille ou leurs amis. Bien que calmes et réservés, ils ont un sens solide du contact humain et des relations humaines approfondies. Bien qu’ils recherchent la stabilité et la sécurité, ils sont souvent réceptifs au changement et aux nouvelles idées. Comme tant de choses, les gens qui ont le type de personnalité « Défenseur » sont plus que la somme de leurs parties et c’est la manière dont ils utilisent ces points forts qui définit qui ils sont. Les Défenseurs sont de vrais altruistes. Ils répondent à la bonté par encore plus de bonté et ils accueillent le travail et les gens en lesquels ils croient avec enthousiasme et générosité.

Ils ont tendance à minimiser leurs accomplissements et, même si leur bonté est souvent respectée, des personnes plus cyniques et plus égoïstes sont susceptibles de profiter du dévouement et de l’humilité des Défenseurs en leur confiant un travail dont ils récolteront plus tard le mérite. Naturellement sociables, qualité étrange pour des introvertis, les Défenseurs utilisent leur excellente mémoire non pas pour retenir des données et des futilités mais pour se souvenir des gens et des informations relatives à leur vie. Quand on en vient au don de cadeaux, les Défenseurs n’ont pas leur pareil, car ils utilisent leur imagination et leur sensibilité naturelle pour exprimer leur générosité de façons qui touchent le coeur de leurs destinataires.

Forces et faiblesses

Supportive – Defenders are the universal helpers, sharing their knowledge, experience, time and energy with anyone who needs it, and all the more so with friends and family. People with this personality type strive for win-win situations, choosing empathy over judgment whenever possible.

Imaginative and Observant – Defenders are very imaginative, and use this quality as an accessory to empathy, observing others’ emotional states and seeing things from their perspective. With their feet firmly planted on the ground, it is a very practical imagination, though they do find things quite fascinating and inspiring.

Loyal and Hard-Working – Given a little time, this enthusiasm grows into loyalty – Defender personalities often form an emotional attachment to the ideas and organizations they’ve dedicated themselves to. Anything short of meeting their obligations with good, hard work fails their own expectations.

Humble and Shy – The meek shall inherit the earth, but it’s a long road if they receive no recognition at all. This is possibly Defenders’ biggest challenge, as they are so concerned with others’ feelings that they refuse to make their thoughts known, or to take any duly earned credit for their contributions. Defenders’ standards for themselves are also so high that, knowing they could have done some minor aspect of a task better, they often downplay their successes entirely.

Repress Their Feelings – People with the Defender personality type are private and very sensitive, internalizing their feelings a great deal. Much in the way that Defenders protect others’ feelings, they must protect their own, and this lack of healthy emotional expression can lead to a lot of stress and frustration.

Too Altruistic – This is all compounded and reinforced by Defenders’ otherwise wonderful quality of altruism. Being such warm, good-natured people, Defenders are willing to let things slide, to believe that things will get better soon, to not burden others by accepting their offers of help, while their troubles mount unassisted.

Relations amoureuses

When it comes to romantic relationships, Defenders’ kindness grows into a joy that is only found in taking care of their family and home, in being there for emotional and practical support whenever it’s needed. Home is where the heart is for people with the Defender personality type, and in no other area of their lives do they strive with such dedication to create the harmony and beauty they wish to see in the world.

Être parents

Defenders’ warmth and care make parenting something that often comes naturally to them. Many people with this personality type feel like parenting is the task they were born for, taking no small pleasure in the sense of personal importance and responsibility they feel in ensuring that their children grow up to be healthy, confident and successful. At the same time, Defenders are anything but arrogant, and will hardly take their natural skill in this department for granted.

Ce matin quand je me suis réveillé tu n’étais toujours pas là. Le lit me semble bien trop vide. La place que tu occupes habituellement est froide et comme tous les matins depuis cette dernière semaine, j’ouvre les yeux et je me rends compte que tu n’es pas là. Parce que tu n’es pas la première personne que je vois en me réveillant. Comme ça a été le cas ces cinq dernières années. Et le problème, c’est que je ne te verrais pas ce matin. Je ne pourrais plus jamais revoir ton visage. Parce que tu es morte, Victoria. J’ai dormi seulement deux heures cette nuit, pas beaucoup plus ni beaucoup moins que les autres nuits. Depuis que tu es partie je ne dors plus. Je n’y arrive pas. Pourtant j’aimerais bien m’endormir pour rêver et échapper à cette réalité qui est bien trop difficile pour moi.

Ce matin c’est encore plus dur que les autres journées déjà passées sans toi. Aujourd’hui ce sont tes funérailles, ma chérie et je ne suis pas sûr d’être capable d’y assister. Je n’ai pas envie d’affronter les regards de tout le monde alors je reste au lit. Je ne bouge pas, peut-être aussi parce que j’ai toujours l’impression que tu es encore là ? Quelque part. En quelque sorte. Et un enterrement rend les choses bien trop concrètes. Je ne suis pas prêt à voir la vérité en face. Je n’ai pas assez de force pour tout ça. Pas de force psychologique, mais physique non plus. Je n’ai pas mangé depuis deux jours, et mon dernier vrai repas date d’il y a bien plus longtemps que ça. Je n’ai même pas faim. Mon corps ne me réclame même pas à manger. Peut-être que je suis en train de me laisser mourir à petit feu ? C’est sûrement ce que je devrais faire, si c’est le seul moyen pour que je puisse te rejoindre. Mais j’entends quelqu’un toquer. Je ne me lève pas. Je ne réponds pas. On toque une deuxième fois. Je sais que c’est Prim, qu’elle vient me chercher pour m’emmener à tes funérailles mais pourtant, je ne bouge toujours pas. J’ai laissé la porte d’entrée ouverte, elle finira bien par s’en rendre compte. Mais je ne lui signifie pas. Je ne lui dis pas, sauf que je l’entends rentrer et me chercher partout dans l’appartement. Et moi, j’en suis toujours au même point. Allongé dans le lit, les volets toujours fermés me tenant à l’abris des regards de tous et de la lumière du jour. Me tenant à l’écart de la réalité à l’extérieur. Pour la première fois depuis plusieurs jours, il y a de la lumière dans notre chambre. C’est parce que Prim est en train d’ouvrir les volets, elle me demande de me lever. Elle ne prononce pas les mots funérailles ou enterrement mais pourtant c’est bien pour ça que tu me demandes de quitter le lit, Primrose ? « Je ne peux pas y aller. » Ou bien je ne le veux pas ? Je ne sais pas. Mais je n’ai pas la force.

Tous mes muscles me font encore mal.
L’accident est assez récent. C’était il y a une semaine.
Mais ça, ce n’est rien.
La douleur de mes côtes cassées n’est même pas comparable à cette pique que j’aie au cœur.
Parce que j’ai atrocement mal.
Parce que tu me manques tellement.
Parce que je ne vais plus jamais pouvoir te revoir.
C’est ça, ma vraie douleur.

Je ne prends même pas les antalgiques que les médecins m’ont prescrit. Je crois que c’est sûrement une manière de me punir. Pour me rappeler chaque minute, chaque seconde, que c’est à cause de ça, que je ne vais plus jamais te voir. À cause de moi.

Je peine à me lever, parce que je n’en ai pas la force mais aussi parce qu’avoir des côtes cassées, c’est foutrement douloureux et ça handicap bien plus qu’on ne pourrait le croire. Je passe à la douche rapidement, j’enfile le premier costume que je trouve et je suis ma sœur. Je la laisse me guider, mais sur le trajet je fonds en larmes. Je me mets à pleurer. Pour la première fois depuis l’accident, je m’autorise à pleurer devant quelqu’un. Mais c’est pas n’importe qui. C’est ma sœur. Le trajet se fait en silence je n’ai rien à dire, et je suis soulagé de voir qu’elle respecte ça. Qu’elle ne force pas pour trouver absolument un sujet de conversation. Durant toute la cérémonie j’ai les yeux perdus dans le vide, je n’écoute qu’à moitié ce qui se dit.

Je crois que j’ai encore beaucoup de mal à réaliser. Pourtant tu n’es plus là. C’est à tes funérailles auxquelles je suis en train d’assister. C’est pour toi que tout le monde s’est déplacé. C’est pour toi que tout le monde pleure. Sauf que moi, a milieu de toutes ces personnes je suis incapable de laisser une larme couler. Ils doivent me croire insensible. Croire que ta mort ne me fait rien. Mais si tu savais à quel point ça me fait mal, ma chérie. Je pense à toi tout le temps, j’ai envie de pouvoir te voire une dernière fois. Te prendre dans mes bras, t’embrasser. Pouvoir te dire à quel point je t’aime.

Mais rien de tout ça n’est possible. Par ma faute.

Ce sont tes parents qui viennent me voir à la fin de la cérémonie, en pleurs. Ils m’ont dit qu’ils ne m’en voulaient pas tout en me prenant dans leurs bras. Comment est-ce que c’est possible de ne pas me tenir compter de l’accident ? C’est de ma faute, ce qu’il s’est passé. J’ai tué quelqu’un. C’est toi que j’ai tué, la femme de ma vie. Il y a ton frère aussi qui a fait le voyage, il me déteste, il m’en veut, mais il a raison, moi aussi je me déteste, moi aussi je m’en veux. Mes parents sont inquiets pour moi, je le sais, je le vois. Ils me savent pas comment faire pour m’aider sauf que personne ne peut rien pour moi. Et puis de toute façon je n’ai pas envie qu’on m’aide. Je ne le mérite pas, j’ai juste envie d’en finir. Envie de pouvoir te rejoindre. Parce que le bonheur c’est auprès de toi que je l’ai trouvé. Sans toi la vie est terne, sans couleur et tellement triste.

Prim me raccompagne, et comme pour l’aller je ne dis rien. Je reste mutique. Comme pour l’aller, je pleure. Parce que cet enterrement a rendu les choses beaucoup trop concrètes et je n’étais pas prêt pour tout ça. Je ne propose pas à ma sœur de rentrer chez moi pour me tenir compagnie, j’ai envie de rester seul.

À l’instant même où tu es morte, ma chérie, une partie de moi est partie avec toi. Une partie de moi est morte en même temps que toi et je ne serai plus jamais la même personne. Je t’appelle plusieurs fois sûrement un peu dans l’espoir que tu décroches et aussi et surtout pour pouvoir entende ta voix sur ton répondeur. Entendre ta voix, juste une dernière fois.

L'interlude est un restaurant de gastronomie française. Situé dans le quartier de Spring Hill il a ouvert ses portes en Mai 2014, c'est le petit bébé de Caleb, la prunelle de ses yeux, le rêve de sa vie. Il est ouvert du mardi midi au dimanche soir et affiche complet à presque tous les services, les réservations sont nombreuses et maintenant le restaurant a sa petite réputation dans la ville. C'est un restaurant à l'ambiance assez romantique et raffinée. La salle peut accueillir quarante clients à chaque service. L'Interlude a gagné sa première étoile il y a un peu plus d'un an.

La carte change régulièrement selon les saisons mais elle n'aura toujours que quatre entrées, quatre plats et quatre desserts. Les plats changent donc régulièrement à l'exception de la tarte au citron meringuée. Il s'agissait du dessert préféré de Victoria, la défunte première fiancée de Caleb. Un peu pour lui rendre hommage, en son honneur, Caleb a pris l'engagement de ne jamais enlever ce dessert de la carte de son restaurant.

Vous pouvez également demander une carte des différents vins Français servis à l'Interlude pour accompagner chacun de vos plats. Celle-ci est régulièrement modifiée en fonction de la carte en collaboration avec  @Dani Hwang, sommelière au restaurant.

23.10.21

« C’est quelque chose que j’attends depuis longtemps, tu sais. T’attendre devant l’autel et, te voir avancer vers moi dans une robe blanche, et je ne suis pas déçu. Tu es tellement belle, aujourd’hui mais pas que, ce qui fait officiellement de moi l’homme le plus chanceux du monde. Mais ça je le sais depuis le jour où je t’ai vu pour la première fois, et je sais que je te l’ai déjà dit plusieurs fois mais je pense que c’est le genre de chose que tu ne te lasseras jamais d'entendre. Je suis tombé amoureux de toi depuis le premier jour et depuis il ne se passe pas une journée sans que je ne pense à tes yeux ou à ton sourire. Je sais que tu as pu en douter par le passé, mais je suis vraiment très heureux que ce soit toi qui porteras mon nom. Tu es une mère parfaite pour nos deux princesses et je sais que j’ai beaucoup de chance d’avoir une femme comme toi à mes côtés parce qu’avec toi je me sens heureux, tout simplement et c’est aussi grâce à toi que j’ai compris et accepté que j’avais encore le droit au bonheur et pour ça je t’en serais éternellement reconnaissant. Je te promets de faire tout mon possible pour être le meilleur mari du monde. Je te promets d’être à tes côtés, jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je te promets de t’écouter, de te soutenir coûte que coûte, de te chérir, de t’apporter tout ce dont tu auras besoin. Je te promets de tout mettre en œuvre pour être le meilleur père possible, pour Lucy et Lena, mais aussi pour nos futurs enfants à venir. Je te promets de te défendre face à tous les obstacles de la vie. Je te promets fidélité, loyauté et ça, jusqu’à la fin de ma vie. Je te promets de t’aimer même avec tes défauts, tes excentricités, et toutes ces petites choses qui peuvent me rendent complètement dingue mais qui font parties des raisons pour lesquelles je suis fou amoureux de toi. Je te promets de toujours essayer de te surprendre. Parce que je t’aime, Alexandra Mary Anderson. Je t’aime bien plus que tu ne peux l’imaginer. Tu as changé ma vie, tu l’as rendue plus belle et plus légère. Tu m’as donné le plus beaux des cadeaux il y a un an et depuis, mes sentiments pour toi se sont encore plus forts et plus intenses que jamais. Toi et moi, on n’a pas besoin de grand-chose, j’ai juste besoin que tu sois à mes côtés pour être heureux. Tu te souviens il y a dix ans quand on s’est rencontrés ? Aucun d’entre nous ne connaissait vraiment l’amour. Aucun d’entre nous n’était prêt à ressentir tout ça avec une telle intensité. Et je t’avais demandé de m’excuser parce que j’étais nul pour les relations amoureuses et tout ce qui s’en suit ? Tu m’avais répondue que tu étais nulle, toi aussi. Alors je suis prêt à être nul avec toi tout le reste de ma vie. Je t’aime. »



@Alexandra Anderson

Pour la première fois depuis de longs mois, je mets un pied dans le cimetière un bouquet d’orchidées en main. Ça doit être l’endroit que j’aime le moins sur terre et pourtant, quand j’ai besoin de lui parler, quand je pense à elle, c’est ici que je viens me réfugier de temps en temps. Il y a encore deux ans mes visites étaient régulières. Et puis Alex et moi nous nous sommes remis ensemble et mes visites se sont de plus en plus espacées. Victoria Lefebvre. 1991 – 2017. Je fixe ces écritures inscrites sur sa pierre tombale quelques secondes avant de prendre enfin la parole. « hey sweetie. » Je passe une main dans mes cheveux avant que celle-ci ne se pose sur ma nuque. « Je t’ai rapporté tes fleurs préférées. » Que je dis tout en posant avec délicatesse le bouquet de fleurs. Je jette un coup d’œil à droite, puis à gauche avant de m’asseoir en tailleurs en face de la pierre tombale. Je joue avec mes doigts nerveusement et si j’ai beaucoup de choses à lui dire, il n’y a pourtant aucun son qui ne sort d’entre mes lèvres pendant de longues minutes. Mais elle a l’habitude, Victoria, elle sait que je ne suis pas le plus grand parleur et quand il s’agit de parler pour s’ouvrir la communication se complique encore plus pour moi mais je prends mon courage à deux mains et j’ose enfin parler. « Je sais que je ne suis pas venu depuis longtemps, je suis désolé… J’ai été pas mal occupé ces dernières semaines, j’espère que tu ne m’en veux pas. » Je suis un homme marié alors est-ce que j’ai le droit de dire ce genre de chose à une autre femme ? Elle était ma fiancée avant qu’elle ne décède et même si j’aime Alex plus que tout au monde, Victoria est toujours dans un petit coin de ma tête. Mais non, je n’ai pas pensé à elle pendant notre lune de miel mais dire la même chose le jour du mariage serait mentir et je pense que c’est normal, non ? Puisqu’elle est morte deux mois avant le mariage que nous avions prévu. « Je ne t‘oublie pas, tu sais. C’est juste que… » Je me stoppe, je baisse les yeux sur mon alliance avec laquelle je joue. Nerveusement, certainement. Je n’ose pas relever les yeux vers sa tombe un peu comme si j’avais peur de la confronter visuellement. Sauf que ce n’est pas le cas. Parce qu’elle est morte. « Je me suis marié, je suis vraiment heureux. Je n’ai pas envie que tu penses que je te remplace ou que je t’ai vite oublié parce que c’est totalement faux. Ce qu’on avait toi et moi c’était spécial rien ne pourra jamais le remplacer. C’était différent. Pas en bien ou en mal. Juste…différent. » Une grimace prend place sur mon visage. « J’essaie de me trouver des excuses alors que j’en ai aucune, je suis désolé. » Le bruit de pas des personnes passant derrière moi ne me font pas lever la tête non plus. « Tu sais, même si je suis très heureux d’être marié et que je ne le regrette pas une seconde il y a toujours cette partie de moi qui culpabilise par rapport à toi. Parce que je ne sais pas si tu m’en veux. Si tu trouves que je suis passé à autre chose trop vite, si tu me détestes de m’être marié quatre ans après… » Allez Caleb, tu peux le dire. « …ta mort. » Je viens frotter mes paupières fermées et j’ose enfin remonter le visage vers cette pierre tombale que je regarde longuement sans un mot. Ce n’est peut-être pas grand-chose mais c’est dur pour moi, de voir son nom, son prénom suivis de son année de naissance et son année de mort. « Est-ce que tu m’en veux ? » Je laisse un blanc de quelques secondes comme si j’attendais réellement une réponse de sa part. « J’ai peur que tu puisses voir ça comme un manque de respect envers toi mais tu me connais, tu sais que c’est pas mon genre ? C’est bête, parce que j’ai besoin d’une réponse, j’ai besoin que tu me dises si tu m’en veux ou pas. Parce que en aucun cas je ne voudrais que tu sois en colère contre moi. » Elle est morte, Victoria, elle ne peut pas m’en vouloir mais à l’instant précis c’est comme si cette information ne me semble pas si importante. Je sens les larmes qui commencent à monter, je renifle, je relève les yeux vers le ciel un instant pour me permettre d’essayer de me contenir. « Je sais que c’est complètement con mais j’ai besoin de savoir que de là où tu es tu ne m’en veux pas. J’ai besoin de savoir que tu ne me détestes pas. J’ai besoin de ta bénédiction en quelque sorte. Que tu me dises que j’ai le droit d’être heureux et que tu ne vois pas tout ça d’un mauvais œil. » Tout au fond de moi je sais que Victoria ne voulait que mon bonheur mais j’ai besoin de l’entendre me le dire, ce qui me semble donc un peu compliqué. Je n’essaie même plus de retenir les larmes qui coulent le long de mes joues. Voilà pourquoi je n’aime pas cet endroit. « J’ai besoin que tu me dises que tu ne m’en veux pas pour notre accident. Parce que moi je m’en veux. Et il y a encore des jours où je reste persuadé ne pas avoir droit au bonheur. Pas après tout ça. Il faut que tu trouves un moyen de me dire tout ça, parce que la culpabilité me ronge encore tous les jours et j’ai l’impression que je n’en verrais jamais la fin. » Je crois que c’est la première fois que j’aborde l’accident avec elle au cimetière et peut-être que c’était un passage obligatoire que je remettais toujours au lendemain. Parce que c’est difficile, parce qu’avouer avoir commis une erreur qui a couté la vie de quelqu’un, c’est le genre de chose qui peut nous bouffer de l’intérieur et c’est d’ailleurs exactement ce qui est en train de se passer. « Je suis tellement désolé si tu savais… » Ma main vient essuyer les larmes qui coulent le long de ma joue tout en reniflant. Elle méritait mieux, Victoria et je n’ai pas été à la hauteur pour elle. Je ne lui ai pas offert la vie dont elle a toujours rêvé. À cause de moi elle s’est éloignée de sa famille, à cause de moi elle a perdu la vie bien trop tôt. Ça fait beaucoup d’éléments sur lesquels il est possible de me blâmer. Mais personne ne le fait, tout le monde est bien trop indulgent avec moi. Alors je le fais à leur place. « Birdie m’a dit que tu étais enceinte. » Une mort double, une culpabilité encore plus importante désormais et beaucoup de questions en tête qui n’auront jamais de réponse. « On allait se marier et avoir un bébé et moi, j’ai tout gâché. Tu peux même pas imaginer à quel point je m’en veux. Je ne te méritais pas de toute façon. Tu étais beaucoup trop gentille, généreuse beaucoup trop parfaite pour moi. » Une nouvelle fois j’essuie mes larmes et je relève enfin le regard vers cette pierre tombale qui me fait plus froid dans le dos qu’autre chose. « Je t’ai aimé tu sais. Je t’ai aimé tellement fort et je sais qu’il y aura toujours une petite partie de moi qui sera à toi. » Je ne sais pas si j’ai le droit de dire des choses pareilles alors que je suis maintenant marié. Mais pourtant j’aime ma femme plus que tout au monde et avec elle je suis heureux. La plupart du temps. Dans la mesure du possible. Tant que je n’ai pas trop en tête tous ces éléments de culpabilité et ces éléments de haine envers moi-même. « Je sais que pour être pleinement heureux il va falloir que je te laisse partir une bonne fois pour toute. Mais je ne sais pas encore comment faire. Je ne suis même pas sûr d’être prêt pour ça. » Ce sont peut-être des choses que je vais devoir comprendre avec mon psy, je suppose. Les yeux toujours remplis de larmes qui cette fois ne coulent pas, je me pince les lèvres baissant de nouveau les yeux vers mes mains. « Te perdre ça m’a changé, tu sais. » Il y a une partie de moi qui est morte en 2017 avec Victoria, ça c’est un fait et je ne pense pas pouvoir la récupérer et depuis ce jour. « En tout cas j’espère que là où tu es tu ne souffres pas. J’espère que tu vas bien et que tu es apaisée. » Je crois qu’elle ne m’aura jamais entendu autant parler, en tout cas. Mais j’attends, je ne dis plus rien, je reste silencieux encore de longues minutes. Deux, trois, cinq voire même dix minutes, je ne sais pas. J’ai besoin de calme et d’une certaine manière je cherche peut-être la connexion avec Victoria en venant ici. Mais rien ne vient. Alors je finis par poser mon regard sur la pierre tombale. « Je vais y aller, mais je te promets de venir plus souvent. » Une promesse que je lui fais mais que je me fais à moi-même aussi, certainement et c’est après avoir pris une longue inspiration que je me lève pour quitter le cimetière. Encore avec tout un tas de questions qui ne trouveront jamais de réponses précises, des incertitudes et une culpabilité grandissante.

Dialogues en italique = paroles prononcées en français

« On dirait que l’univers veut absolument qu’on se croise. » Je relève les yeux et c’est cette même femme qui m’a abordé il y a quelques jours qui se tient devant moi. Je lui souris doucement et elle reprend la parole. « Promis je t’ai pas suivi, mais je viens souvent manger ici. » Je pose mes couverts et la première réflexion que je me fais c’est sûrement sur son accent quand elle me parle anglais. C’est adorable, vraiment adorable.  « Je peux m’asseoir ? » Je n’ai même pas vraiment le temps de lui répondre qu’elle s’est déjà installée en face de moi.  « Tu te plais à Paris ? » On s’est croisés il y a quelques jours déjà, avec Victoria. Dans ce même restaurant elle m’a proposé d’aller boire un verre un soir ensemble, juste pour faire connaissance. Ce sont ses mots. Mais moi j’ai refusé. Ce n’est pas pour les filles que je suis venu ici, bien au contraire. J’ai quitté Brisbane pour me retrouver, parce que je n’aimais pas celui que j’étais en train de devenir. Si je suis en France aujourd’hui c’est pour la cuisine mais pourtant pour la deuxième fois en quelques jours Victoria m’aborde, elle s’installe avec moi et me parle comme si on se connaissait depuis des années. Sauf que bizarrement, il y a une partie de moi à qui ça ne déplait pas du tout.  « Oui, c’est une super ville. » C’est tout ce que je me contente de lui répondre. Je me pince les lèvres en la regardant un instant, je panique intérieurement parce que je sens qu’elle en attend plus de moi et je reste encore muet pendant une poignée de secondes.  « Et toi ? Tu…tu vis ici ? » Vu son accent adorable et les quelques fautes de grammaire qu’elle fait en me parlant je sais pour sûr qu’elle est Française. Un immense sourire vient illuminer son visage et c’est communicatif, parce que moi aussi je lui souris. « Oui, je suis née et j’ai toujours vécue à Paris. » Elle a de la chance, j’aurais aimé pouvoir en dire autant. Paris est une ville magnifique dans laquelle je me sens vraiment bien. La nourriture est incroyable, les paysages sont époustouflants et les filles sont plutôt jolies ici. « Tu viens d’où, toi ? Vu ton accent je dirais que tu es Américain. » Elle a toujours le sourire aux lèvres ce qui la rend encore plus belle. Moi je rigole un peu quand elle dit me penser Américain et je secoue la tête de droite à gauche pour lui faire comprendre qu’elle se trompe sur mes origines.  « Raté. Brisbane en Australie. » Les yeux de la belle blonde s’agrandissent et son sourire suit le mouvement. « OOOHH ! J’ai toujours voulu aller en Australie. C’est vrai qu’on trouve des araignées meurtrières partout chez vous ? » Elle me fait rire encore une fois et son enthousiasme me surprend. Je trouve ça drôle, elle m’envie de vivre en Australie alors que j’aimerais être à sa place et habiter en France.  « Non, pas partout. Rassure-toi. » Je me rends compte que depuis qu’elle s’est installée en face de moi je n’ai pas cessé de la regarder une seule seconde, et cette pensée me perturbe grandement. Elle non plus d’ailleurs, elle sourit tout le temps, elle n’arrête pas de jouer avec ses doigts et elle a passé ses mains dans ses cheveux un nombre incalculable de fois. Je ne comprends pas trop ce qui est en train de se passer mais dès l’instant où je me rends compte de tout ça je romps le contact visuel pour baisser mes yeux sur mon assiette et je recommence à manger un peu. « Tu parles français ? » Il ne me faut pas très longtemps pour relever les yeux sur elle et j’hausse doucement les épaules.  « Un peu oui. » Je grimace légèrement alors que je la vois qui se mords la lèvre en m’entendant parler dans sa langue maternelle.  « Pas aussi bien que tu parles anglais je pense. » Parce que si on oublie son french accent atrocement mignon et ses petites fautes de temps en temps, elle parle très bien anglais, Victoria. Et pourtant j’ai rapidement constaté que ce n’était pas le cas de beaucoup de français ici. Je ne sais pas s’ils ne veulent pas faire l’effort ou s’ils ne parlent vraiment pas bien anglais, mais Victoria est différente. Elle rit un peu, ce qui me fait sourire. « T’as pourtant l’air de bien te débrouiller. » Je souris un peu alors que ma main vient se perdre dans mes cheveux bouclés pour se poser sur ma nuque un instant.

« T’as quelque chose de prévu cet après-midi ? » Je me fige un instant, elle est de nouveau en train de me proposer un rendez-vous, non ? Je panique mais de toute façon :  « Oui, j’ai un cours de pâtisserie à quatorze heures. » Elle se redresse sur sa chaise, elle semble étonnée.  « Je suis venu ici pour un stage de cuisine. » Moyennement sûr que la prononciation de tous les mots soit bonne, je vois Victoria sourire toujours un peu plus et je me demande si elle se fout de moi ou si c’est simplement une réaction à ce que je viens de lui dire. « Ohhh un cuisinier. » J’acquiesce d’un signe de tête. « T’as vraiment fait tout ce chemin juste pour un stage de cuisine française ? On mange si mal que ça en Australie ? » Elle me fait rire encore une fois, même si au fond je trouve ça presque scandaleux qu’une française ne se rende pas compte que la gastronomie de son pays est la meilleure du monde et certainement la plus respectée. « Ce soir alors ? On pourrait aller boire un verre quelque part si tu veux. Ou bien je peux te faire découvrir Paris de nuit. C’est magnifique. » Je n’en doute pas mais encore une fois, je panique. Parce qu’elle m’invite ouvertement et non seulement ça me gêne mais non, je ne suis pas à Paris pour les filles. Je dois me concentrer sur ma cuisine. Le temps que je mets à lui répondre me semble interminable et pour elle aussi ça doit l’être.  « Désolé mais je... »  Je grimace un peu et cette fois je continu ma phrase mais en anglais.  « Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. » Pour la première fois depuis qu’elle s’est assise à ma table je vois son sourire s’effacer et là, je me déteste. « Oh. » La déception est visible sur son visage mais aussi dans le son de sa voix.  « Désolé, c’est pas toi le problème c’est moi. » Elle ne me regarde plus, ses yeux fixent la table qui nous sépare. « La phrase préférée des mecs. Tu aurais pu me le dire tout de suite si je ne te plaisais pas. » Je parle en anglais, elle me répond en français et je pense que mon cerveau a du mal à suivre ce changement linguistique et aussi, un peu de mal à bien comprendre ce que sa première phrase signifie. Mais ce dont je suis sûr c’est que je la déçois et le problème c’est sûrement même le contraire de ce qu’elle me dit, elle pourrait me plaire, je le sens.  « Non, non je t’assure que c’est pas ça. » Je lui réponds rapidement ne voulant pas qu’elle se fasse de fausses idées. Je ferme les yeux quelques secondes, j’essaie de faire des efforts pour cette fois lui parler en français.  « Je ressors d’une relation avec une fille, et je suis pas sûr d’être prêt à me relancer dans une histoire. » Oui, enfin ça fait un peu plus d’un an que ton ex et toi vous n’êtes plus ensemble, Caleb, peut-être qu’il est enfin le temps de tourner la page. Elle relève enfin le regard vers moi. « Je suis désolée pour ton ex. » Victoria passe une main dans ses cheveux pour replacer une mèche de cheveux derrière son oreille. « C’est pas grave. Désolée de t’avoir embêté. Passe un bon séjour à Paris en tout cas. » Elle me sourit mais ce n’est pas le même sourire que tout à l’heure. Plus par politesse. Et puis elle se lève, elle tourne les talons et elle commence à s’avancer vers la porte pour quitter le restaurant. Je ne la quitte pas des yeux, je la regarde faire paniqué et désemparé à l’idée de la savoir quitter le restaurant.  « Attends Victoria. » Je me lève d’un bon et quand j’arrive à son niveau elle se retourne vers moi. Et maintenant, Caleb ? Tu vas lui dire quoi ? Je ne réfléchis même pas à ce que je pourrais lui dire finalement et c’est tout naturellement – mais avec un peu de concentration pour repasser au français – que je continu.  « Peut-être que ce soir on pourrait aller au restaurant ? Pour apprendre à se connaître. » Je retrouve son joli sourire qui vient sublimer son visage et je l’imite parce que moi aussi je souris en la regardant. J’agis sans vraiment réfléchir parce que je ne me sens réellement pas prêt pour me relancer dans une nouvelle relation, mais il y a une petite voix dans ma tête qui me dit que si je la laisse partir, ça serait certainement la plus grosse erreur de ma vie. « Sans pression. On peut même y aller en tant qu’amis. » Mon regard perdu dans le sien et mon sourire ne disparaît pas. J’hoche positivement la tête et lui donne mon portable pour qu’elle me donne son numéro, ce qu’elle fait rapidement. « Je t’envoie l’adresse d’une petite brasserie trop mignonne pas très loin d’ici si ça te tente ? Je pourrais réserver pour ce soir… 20h si ça te va ? »  « Parfait. » Elle me sourit encore et elle se met sur la pointe des pieds pour m’embrasser sur la joue. « À ce soir, Caleb. » Je ne lui réponds pas et cette fois je la laisse partir. On peut même y aller en tant qu’amis. Oui, parfait, sauf que je sais très bien que je ne pourrais pas être juste ami avec Victoria et c’est ce qui me terrifie déjà. Peut-être que je vais trop vite. Mais elle est belle, et elle me fait rire, alors je n’ai rien à perdre à la rejoindre au restaurant ce soir. Au moins ce soir. Pour la suite, on verra.

Du premier au quatorze février, Caleb a préparé pour sa femme un calendrier de l'avent mais pour la Saint-Valentin. Chaque jour elle aura un nouveau cadeau dans une boîte

1er Février : Crème pour le corps
2 Février : Lubrifiant
3 Février : Chèque cadeau de 100$ chez Sephora
4 Février : Un collier de chez Tiffany & Co
5 Février : Soins/massage d’une heure chez une esthéticienne
6 Février : Jeu de gages hot/soft
7 Février : Un nouvel ensemble en dentelle de chez Victoria's Secret
8 Février : Une boîte des chocolats préférés d’Alex
9 Février : Huile de massage
10 Février : Deux places pour un événement sportif
11 Février : Une petite gâterie
12 Février : Un nouveau parfum
13 Février : Une séance photo chez un photographe professionnel, avec leurs filles
14 Février : Le tatouage dont Alex parle depuis quelque temps.


@Alexandra Anderson en espérant que Madame Anderson soit satisfaite, il a complètement explosé le budget cette année

Nathan a accepté de me rencontrer.

J’ai appris ça il y a quelques jours seulement. C’est angoissant. C’est stressant. C’est excitant. Il a dit à Rebecca il y a quelques jours qu’il acceptait de me rencontrer et c’est avec la boule au ventre que je me réveille aujourd’hui. C’est pourtant tout ce dont j’ai toujours rêvé de toute façon. Peut-être qu’il veut me voir pour se décharger, pour vider son sac, pour me dire qu’il me déteste moi et Alex et qu’il ne voudra plus jamais rien avoir à faire avec nous. Cette idée me panique, ça m’angoisse mais elle reste pourtant une vraie possibilité et j’essaie de m’armer et de ne pas y mettre trop d’espoir. Les résultats de ses dernières analyses sont très encourageants. Il a reçu la greffe il y a trois semaines et ses défenses immunitaires sont presque revenues à la normale. Il a intégré une chambre normale et m’y attend pour quinze heures. Je passe ma matinée à me ronger les ongles et à faire le ménage pour m’occuper l’esprit. Je commence par la cuisine que je récure tout de fond en comble, je m’attaque ensuite à notre chambre, notre salle de bain, celle des filles et ainsi toutes les pièces y passent.

Il est quinze heures. Je suis devant la chambre de Nathan depuis plus de cinq minutes. Je reste bloqué devant. Je fixe la porte, j’envoie des messages à Alex pour lui dire que je ne suis plus qu’à quelques centimètres de Nathan et c’est elle qui m’envoie de la force et motivation dans les mots qu’elle utilise et c’est aussi sûrement grâce à elle que je trouve la force mentale dont j’avais besoin pour toquer à la porte. J’attends. J’attends son autorisation pour me laisser rentrer. La main sur la poignée ce n’est que quand j’entends sa voix que je pousse la porte. La première chose que je remarque c’est la musique qui résonne dans sa chambre et c’est en relevant les yeux que mon regard se pose sur ce petit garçon allongé dans un grand lit d’hôpital. Il a l’air fatigué et affaibli, j’ai du mal à parler je reste mutique pendant quelques secondes. On se regarde en silence mais je me ressaisis et prend la parole pour la première fois. « Bonjour… » Nul. Nul. Mais qu’est-ce que je suis censé dire de plus en même temps ? Je le salue, je commence par ça et sans le quitter des yeux ma main quitte la poignée de la porte pour se poser sur mon torse. « Caleb. » Il l’avait sûrement compris, oui. Je l’observe, je l’analyse et si j’ai déjà pu voir quelques photos de lui ce n’est pas son cas. Je me rends d’autant plus compte de notre ressemblance physique maintenant que nous sommes dans la même pièce. Je reste là, planté devant la porte n’osant pas m’approcher de trop. Ma main remonte dans mes cheveux. On a les mêmes, je l’avais déjà vu sur les quelques clichés mais le voir en vrai est bien plus perturbant que je ne l’avais pensé. Je serre entre mes doigts et contre mon torse quelques BDs achetées par Alex et moi-même. J’observe rapidement son environnement et j’y aperçois un livre Harry Potter, le quatrième si je ne me trompe pas. « Tu as bien avancé dans ta lecture à ce que je vois. » Je lui dis tout en désignant le livre d’un signe de tête.  « Je l’ai commencé hier. » Je lui souris un peu bêtement.  «  J’avais presque ton âge quand j’ai lu ce livre. » J’avais onze ans pour être plus précis, mais il s’en fiche certainement. J’essaie simplement de faire la conversation et surtout créer un lien. Mais il ne me répond pas. Je me retourne un instant pour regarder la télé qui est allumée sur une chaine musicale. «  Je peux m’approcher un  peu ? » Il me regarde sans pour autant me répondre. Est-ce qu’il préfère que je reste en face de l’entrée ? Est-ce qu’il va me demander de sortir et de le laisser tranquille ? Peut-être qu’il regrette de m’avoir laissé entrer dans sa chambre, ce qui pourrait totalement se comprendre. Mais il baisse le son de la télé et il hoche la tête de haut en bas.

J’avance alors doucement vers lui. Il a fait un pas énorme en acceptant de me rencontrer et je vais tout mettre en œuvre pour qu’il ne le regrette pas. Avec beaucoup d’hésitation je m’assois sur le fauteuil à côté de lui. J’essaie de le regarder le plus discrètement possible, nous sommes maintenant à un mètre l’un de l’autre, je n’ai jamais été aussi proche de lui mais pourtant je nous sens si loin l’un de l’autre. Nous n’avons pas grand-chose à nous dire tant nos vies sont différentes. « Je t’ai ramené ça. » Je tends vers lui les BDs qui sont dans mes mains depuis tout à l’heure. « J’espère que tu ne les as pas déjà, sinon dis-le moi et je peux aller les échanger sans problème. » Nathan prend les comics avec lui et les feuillète, les regarde mais toujours sans un mot. C’est donc ça qu’on ressent quand on se retrouve en compagnie d’une personne peu loquace ? Je plains sincèrement Alex. « Je ne sais pas lequel est ton héro préféré. »  « Spider-man. » Ma tête se tourne vers lui et j’hoche positivement la tête tout en jouant avec mes mains nerveusement. « Je crois qu’il y en a un de spider-man. Enfin je suis pas sûr… » que je lui avoue en fronçant légèrement les sourcils. «… j‘y connais pas grand-chose. » Je lâche un petit rire, plus nerveux qu’autre chose.  « Merci. » C’est un petit sourire timide qui se dessine sur mes lèvres en le regardant. « De rien, ça me fait plaisir. » La paume de ma main vient frotter mon menton. « C’est aussi de la part d’Alex, je lui dirais que ça t’a fait plaisir. » J’hésite un peu quand je mentionne ma femme parce que je ne sais pas vraiment quels sont ses ressentis à propos d’elle.  « Merci pour ce que vous avez fait pour moi. » Il me vouvoie. C’est bête mais ça me fait extrêmement bizarre et je n’y avais pas pensé, mais j’essaie de ne pas me concentrer sur ce détail et de bien retenir ses remerciements qui ne me semblent même pas nécessaire. Je relève les yeux vers lui en souriant doucement. « Ne me remercie pas, c’est normal. Et tu peux me tutoyer. Enfin, si tu veux. » Mais après tout je suis un inconnu pour lui. « Oh et j’ai failli oublier... » Je me lève pour partir récupérer dans un sac un tupperware dans lequel se trouve quelques gâteaux que j’ai fait ce matin. « J’ai fait des cookies ce matin et je t’en ai pris quelques-uns. J’espère que tu aimes bien. » Tous les enfants aiment les cookies, non ? C’est une source sûre mais j’ai peur qu’il ait l’impression que je suis ici pour essayer de l’acheter avec les gâteaux et les comics. Mais il prend quand même la boîte et me remercie. Il ne fait pas que prendre la boîte avec lui mais il l’ouvre et en mange un premier gâteau. Et puis un deuxième. Je ne dis rien, je le laisse apprécier la nourriture tout en fixant la télé sans pour autant la regarder réellement.  « C’est les meilleurs cookies que j’ai mangé de ma vie. » Encore un nouveau sourire qui s’étire sur mes lèvres alors que Nathan essaie de refermer le tupperware. « Je pourrais t’apprendre à en faire un jour si tu veux. » Je m’arrête, je me stoppe et là j’ai envie de me claquer la tête contre le mur tant ma réponse est ridicule et déplacée. Je vois Nathan me regarder l’air un peu perdu, lui aussi il passe sa main dans ses cheveux. «… désolé je…j’aurais pas dû dire ça. »  « Je sais que dans quelques jours tu m’auras déjà oublié de toute façon. C'pas la peine de dire des trucs comme ça. » Mon cœur se stoppe et cesse de battre pendant quelques secondes. Qu’il puisse penser ça me fait beaucoup de mal mais cela me semble tout de même assez logique. « Non non je t’assure que c’est pas vrai… » Mais de toute façon je suis presque sûr que quoi que je puisse dire rien n’aura une réelle importance.

Je reste encore un long moment dans sa chambre. Bien qu’il reste sur la défensive il me semble le voir s’ouvrir petit à petit. Il accepte de me parler et les pics comme le précédent sont rares. Il accepte de me parler un peu de sa passion pour la musique et je suis presque sûr d’avoir aperçu une lueur d’espoir ou de bonheur dans ses yeux quand je lui ai dit que nous avons ce point commun.  Je lui ai laissé mon numéro écrit sur un bout de papier que j’ai laissé poser sur son adaptable en l’invitant à m’appeler s’il a besoin de quoi que ce soit d’autre. Je ne m’attends pas à ce qu’il saisisse cette occasion mais une partie de moi espère pouvoir le revoir un jour.