HALSEY & CLYDE soul stripper Then she made me say things I didn't want to say Then she made me play games I didn't want to play She was a soul stripper She took my heart She was a soul stripper And tore me apart

Décembre 2020. Lorsque ses paupières s’étaient lentement décollées et que la luminosité l’avait aveuglé, Clyde avait émis un grognement en tentant de lever un bras pour se protéger des rayons lumineux - tentative vaine qui s’était soldée par un échec alors même que les cathéters mêlés le long de son corps limitaient ses mouvements. Il ne fallut que quelques secondes pour que la douleur, assourdie par le lourd sommeil dans lequel il avait été plongé, resurgisse avant même qu’il n’ait réellement compris où il se trouvait. Sa vision se stabilisa enfin, alors que les murs blancs aseptisés et la présence de machines dans la chambre lui firent bien vite comprendre que les secours avaient fini par arriver, quand bien même il ne s’en souvenait pas. La dernière vision qu’il avait en tête était celle d’Halsey agenouillée à ses côtés au milieu de la route, tandis que tout le reste n’était que des images floues sur lesquelles il n’arrivait à mettre de mots.

Alors qu’il clignait des yeux en regardant tout autour de lui tandis qu’il était pris d’une agitation soudaine qui ne fit que le faire souffrir davantage, il se calma en apercevant les longs cheveux bruns éparpillés sur ses draps. Une inspiration de soulagement le parcourut en reconnaissant le visage d’Halsey qui dodelinait à ses côtés, dans ce qui semblait être un sommeil trop léger, ou un réveil qui était bien loin de l’être. Encore engourdis, ses doigts vinrent chercher les mèches les plus proches, ne voulant pas la brusquer ou l’inquiéter, tandis qu’un léger sourire étira ses lèvres quand il réalisa qu’elle devait être là depuis un certain temps, pour avoir fini par s’endormir à ses côtés. Il n’avait aucune conscience du temps, n’aurait su dire s’il se réveillait après deux heures ou deux jours. “Bonnie.” Sa voix était rauque mais avait retrouvé de sa vigueur, ce qui ne fit que le rassurer davantage sur son état, alors que les sons stridents qui lui vrillaient le crâne juste après l’accident s’étaient enfin évanouis.

Alors même que Clyde avait tenté de maîtriser sa voix rauque dénuée de toute douceur à cet instant, Halsey sursauta à son appel avant de relever les yeux vers lui, tandis que sa main se faisait un chemin dans la sienne. Le pouce du brun commença à dessiner sur sa peau alors qu’il serrait sa main comme la seule chose tangible à laquelle se raccrocher, puisqu’il ne savait même pas réellement ce qu’il foutait dans un lit d’hôpital, lieu qu’il n’avait pas fréquenté depuis de nombreuses années. La dernière fois qu’il avait été forcé de s’allonger entre quatre murs blancs du même genre, il venait de se briser une côte en chahutant un peu violemment avec un camarade - sous-entendre, avec un gosse qui l’avait un peu trop cherché et à qui il avait tenté de foutre une raclée, les envoyant tous deux à l’hosto. Nul doute qu’il l’avait cherché - cas bien différent de celui-là, où il peinait encore à réaliser qu’un simple aller en bécane supposé durer une dizaine de minutes lui avait valu de finir câblé de partout comme une putain d’antenne téléphonique. Alors que ses sens lui revenaient peu à peu, il réalisait qu’il était en position de faiblesse - chose qu’il n’aimait pas ressentir, et encore moins laisser paraître. Il se contenta donc de se racler la gorge en essayant de se redresser, ce qui lui tira une grimace de douleur alors qu’il laissait tomber l’idée de s’enfuir d’un coup d’un seul, préférant reporter son attention sur la brune qui ne semblait pas décidée à quitter son chevet. Sans doute était-ce la seule chose réconfortante au milieu de ce bordel sans nom et de la douleur qui lui revenait par vagues, de plus en plus intense. “Logan.” Et là, alors que le sourire de la brune se faisait narquois, le semblant de moue qu’il avait tenté d’afficher s'effaça instantanément de ses traits.

En d’autres circonstances, son cerveau aurait instantanément carburé pour tenter de trier toutes les possibilités et les éventualités par lesquelles la brune aurait découvert cette information - mais à cet instant-là, il lui était tout bonnement impossible d’ajouter autant de questions à celles qui occupaient déjà ses pensées. Ce prénom, le sien, représentait tout ce qu’il avait toujours tu à la brune, une partie de sa vie qui l’avait forgé mais ne le représentait plus aujourd’hui. Lui-même se considérait désormais bien plus comme Clyde que comme Logan, alors à quoi bon se laisser aller à des confidences qui ne seraient d’utilité à personne? Qui ne feraient qu’étaler un peu plus de ses états d’âme qu’il verrouillait pourtant au possible? A quoi bon ressasser le passé, cette chimère que la brune elle-même ne semblait pas désireuse de réveiller? Il se connaissaient tels qu’ils étaient aujourd’hui, la brune avait entrelacé les doigts de Clyde, et pourtant, son regard ne laissait aucun doute quant au fait qu’elle ne laisserait pas passer une telle information. Il pouvait tenter de nier - mais à en juger par son ton, elle n’émettait pas réellement de doute sur cette affirmation qui avait tout l’air d’une accusation - ou de tout avouer, mais il n’avait la force ni de l’un ni de l’autre. “Bonnie et Logan ça sonne pas aussi bien” qu’il railla en toussant légèrement alors qu’une douleur aiguë aux côtes le poussait à serrer les dents une fois de plus. “Je vais crever, c’est pour ça que tu me tiens la main?” Il allait crever de ses mains, s’il se confortait dans l’idée que l’attaque était la meilleure défense, chose qui finissait bien souvent par se retourner contre lui lorsqu’il se mettait la brune à dos. Malgré tout, la sensation de ses doigts au creux des siens restait la seule chose agréable sur laquelle il pouvait se concentrer désormais, alors qu’il exerçait une pression supplémentaire sur la main de la jeune femme.

Il était parfois bien mal aisé de mettre à jour les intentions que posait la jeune femme derrière ses mots, si bien que Clyde ne savait pas à quel point le prénom qu’elle venait de prononcer sonnait comme une accusation. Il n’avait jamais cru bon de lui faire part de cette information qui n’était pas cruciale à ses yeux, car il s’appelait bien officiellement Clyde, et c’était ainsi qu’elle l’avait toujours nommé. Ceux qui avaient encore le droit à Logan le connaissaient depuis bien trop d’années, ou n’étaient que des pions devant lesquels il se servait de ce prénom comme une couverture idéale, tant elle lui venait naturellement - et pour cause. Ce n’était pas tant qu’il ne voulait pas lui révéler ce qui était désormais son second prénom, mais davantage qu’il n’avait aucune envie de se lancer dans des explications qui finiraient ultimement par révéler un pan de son passé qu’il ne prenait aucun plaisir à excaver. Néanmoins, il réalisa bien vite que de son point de vue à elle qui n’avait pas connaissance du fait qu’il avait simplement interchangé ses deux prénoms, la nouvelle pouvait tout de même faire l’effet d’un choc - comme lui-même resterait pantois s’il se doutait qu’Halsey n’était en réalité pas son vrai prénom. “C’est pour ça que t’as décidé de changer? C’est quoi la suite, tu vas opter pour Barrow à la place de Wakefield?” Le brun voulut rire à l’idée qu’elle croit réellement qu’il avait volontairement choisi ce prénom, mais cela ne fit que lui tirer une quinte de toux supplémentaire - voilà que la jeune femme réussissait même à le faire souffrir à son insu, ce qui était sans doute bien plus que la vengeance qu’elle avait espérée. “C’est pas aussi facile de changer de nom” qu’il lâcha sur un ton qu’il voulut départi de gravité, alors qu’il s’agissait d’un point sur lequel il s’était réellement renseigné. Néanmoins, son nom ne lui portant pas un préjudice dommageable qu’il était en mesure de prouver, les démarches étaient mille fois plus complexes que le simple fait d’échanger des prénoms déjà présents sur son acte de naissance.

Pas le moindre du monde pressé de devoir fournir davantage d’explications à la brune - car laisser planer une part de mystère laissant libre au cours au doute était aussi toujours plaisant - il se contenta de resserrer son emprise sur sa main. Il se sentait déjà mieux, signe qu’il n’était pas à l’article de la mort - du moins l’espérait-il - mais le geste d’Halsey était suffisamment singulier pour qu’il le relève avec humour, non sans lui offrir néanmoins un sourire réellement touché. “Pas encore non. Je sais que tu n’aimais pas trop l’idée de m’emmener avec toi, mais t’étais pas obligé de nous planter dans le décor pour la cause.” Les images de l’accident lui revinrent en tête de manière décousue, mais il se rappelait avec précision le moment où il avait vu la tâche d’huile s’étaler devant eux, malheureusement bien trop tard pour tenter quoi que ce soit. “Y avait de l’huile sur la route…” Sans doute le savait-elle déjà, mais il se sentait redevable envers elle qui avait chuté elle-aussi, et ne pouvait donc s’empêcher de vouloir se justifier. “Pourquoi t’es pas dans un lit toi?” Soudain, son regard se fit plus inquisiteur alors qu’il tentait d’évaluer les blessures de la brune elle-même recouverte de bandages en tous genres, si bien qu’il fut inquiet qu’elle soit uniquement à ses côtés car elle n’avait pas respecté les consignes qui voulaient qu’elle soit elle aussi allongée.

“Pourquoi t’as opté pour Clyde? Et à quel moment?” Il avait tenté de se soustraire aux explications qui lui pendaient au nez, mais la patience de la brune envers lui n’avait jamais été une de ses grandes qualités - et pour cause, il était particulièrement agaçant lorsqu’il avait décidé de tourner autour du pot. Clyde finit donc par laisser sa tête retomber sur son oreiller un instant, tandis que ses prunelles se perdaient sur les légères fissures courant sur le plafond qu’il aurait préféré observer durant des heures plutôt que se laisser aller à l’exercice de la confession. “J’ai perdu ma bague à cause de toi, tu me dois bien ça.” Instantanément, ses yeux revinrent se poser sur elle tandis qu’elle mettait en avant la main portant cette fameuse bague, désormais manquante. Il fut tenté de la contrer sur ce sujet alors qu’il se rappelait vaguement de ses cris sur le lieu de l’accident lorsqu’elle avait réalisé avoir perdu ce bijou, mais il se contenta de plisser les yeux dans un regard sombre, dont l’origine était indéterminée. Si elle semblait désormais calmée, nul doute qu’ils ne tomberaient pas d’accord sur l’importance de ce morceau d’or, raison pour laquelle il soupira et préféra se laisser forcer la main à une explication superficielle, n’ayant pas la force de s’opposer à elle pour l’instant. “C'est mon deuxième prénom. Enfin, c'était. J’ai juste fait inverser les deux quand j’avais dix-huit ans.” Quant aux raisons qui l’avaient poussé à faire cela, elle devrait repasser à un moment ultérieur pour qu’il se laisse aller à un voyage sur le chemin de ses souvenirs.

Alors qu’il recouvrait de mieux en mieux ses esprits, les flashs de l’accident lui revenaient peu à peu. Le virage, l’huile, la glissade, les cris, l’odeur de gazole chaud, le coucher de soleil, la douleur, le sang, les bruits incessants, le noir. A travers la lumière criarde de la chambre d’hôpital, il tentait désormais d’évaluer l’ampleur des blessures de la brune, qui n’avait pas été épargnée par la chute et n’adoptait pourtant pas une posture de malade, assise à ses côtés. “Parce que moi j’avais un casque.” Clyde pinca à nouveau les lèvres plutôt que de s’insulter pour avoir été aussi imprudent, chose dont il n’avait pas l’habitude et qui lui servirait de leçon marquée de manière indélébile sur sa peau. Dans leur malheur, la seule chose qu’il ne regrettait pas était d’avoir donné son casque à Halsey, qui était sans doute la seule raison pour laquelle il n’était pas celui en train de la veiller - chose qu’il ne se serait pas pardonnée. Alors qu’il allait demander plus de détails à la brune qui semblait néanmoins avoir bien souffert à en juger par les pansements qui parsemaient son corps, une infirmière le coupa dans son élan alors qu’elle s’approchait de lui pour commencer à vérifier son dossier. “Monsieur Wakefield, vous êtes réveillé!” Avait-il vraiment besoin de répondre par autre chose qu’un hochement de tête à ce qui semblait pourtant comme une évidence? “Votre cousine vous a veillé toute la nuit, même si elle était supposée rester dans sa chambre à elle.” Clyde ne put s’empêcher de retenir un regard de surprise en direction de la brune, dont la signification réelle était bien loin des préoccupations de l’infirmière qui n’en fit rien. Elle se contenta de prendre ses constantes puis de lui annoncer que tout était stable, et qu’il pourrait sortir le lendemain. Il en aurait pour quelques semaines le temps que ses brûlures et ses deux côtes cassées se résorbent, mais rien ne l’empêchait de rentrer chez lui - à part la douleur qui risquait d’être gênante, mais supportable. Et joyeux Noël, surtout.

Lorsque la jeune femme s’éclipsa quelques instants plus tard de la chambre, Clyde fronça les sourcils en direction d’Halsey, lui offrant un regard noir que son sourire amusé rendait néanmoins plus léger. “Tu devrais rester dans ta chambre.” Non pas qu'il n'apprécie pas sa présence à ses côtés, mais qu’elle prenne des risques pour lui était bien la dernière chose qu’il souhaitait, d’autant plus que la responsabilité de cet accident n’avait pas fini de le suivre. “T’es sûre que ça va?” Son regard inquiet se transforma peu à peu, alors qu’il ajoutait d’un ton grave couplé d’un sourire amusé “Ça t'avait manqué de me regarder dormir, cousine?”

“T’as bien fait, Logan c’est pas terrible.” Considérant le fait qu’il avait tout de même porté ce prénom pendant dix-huit ans et qu’il n’avait en soit rien contre ce pauvre alignement de quelques lettres, Clyde ne pouvait lui donner totalement raison sans se lancer dans davantage d’explications, et se contenta donc d’étirer un sourire fatigué. Si la jeune femme ne le poussait pas dans ses retranchements et n’usait pas de sa faiblesse pour étancher sa curiosité - qu’il savait bien réelle - le brun n’avait aucune intention de lui livrer les réelles raisons de son changements de prénom. Sa mère, son père inconnu au bataillon, la maladie, les mauvais choix et les comportements qui l’étaient encore davantage, l’opposition, la coupure, les traumatismes. Ce package qu’il n’avait livré à personne, pas même à elle, quand bien même il s’attendait à devoir s’expliquer davantage sur ce prénom qu’elle ne lui connaissait pas jusque-là. Et il s’y plierait, un jour - mais pas celui-là, et elle semblait l’accepter.

L’infirmière qui avait débarqué dans la chambre avait alors servi de prétexte parfait pour renverser la vapeur, quand son regard à lui se faisait à la fois plus noir et plus amusé en sa direction à elle, qui ne savait jamais respecter les consignes. Rester au lit, se reposer, décliner sa réelle identité - autant de choses auxquelles elle semblait étrangère, même si le brun n’avouerait qu’à demi-mot que voir son visage au réveil était sans doute la seule chose qui l’avait empêché de se lever en furie, empli d’inquiétude et de questionnements. “Peut-être.” Si l’infirmière ne l’avait pas renvoyée de force dans sa chambre, Clyde n’allait pas être celui à le faire, même si l’état de la jeune femme le préoccupait davantage, maintenant qu’il réalisait qu’elle aussi était supposée être une malade dans cet hôpital. “Mais oui, j’ai juste des brûlures ici et là. Ça aurait pu être pire.” Elle faisait la fière comme à son habitude, mais Clyde le connaissait suffisamment pour reconnaître ce pincement de lèvres et cette grimace si légère qui trahissait pourtant sa douleur. “Je suis désolé…” S’était-il déjà excusé? Il ne s’en rappelait plus, mais à en juger par le nombre de pansements sur le corps de la jeune femme, peu importe que ses blessures soient superficielles ou non, il ne pouvait tout simplement pas couper court aux excuses qui lui brûlaient la gorge tant il s’en voulait. Pour lui, mais surtout pour elle - car il aurait dû s’opposer à elle encore plus durement que d’habitude, alors qu’ils n’étaient absolument pas équipés pour prendre la bécane. Il avait voulu lui faire plaisir, s’était laissé à un instant de faiblesse et de sentiments pour que la réalité les rattrape bien assez tôt - comme à chaque fois qu’il laissait tomber les murs qui l’entouraient, et qu’il avait pourtant érigés pour une raison. “J’aurais pas dû te faire monter dans cette tenue.” Je n’aurais pas dû te céder, te laisser avoir cette emprise qui ne mène jamais qu’au malheur. Et pourtant, c’est plus fort que moi, toujours.

Qu’elle se soit faite passer pour sa cousine dans le simple but de pouvoir le veiller était un rayon amusant au milieu de cette situation qui ne l’était pourtant pas, alors que la douleur les tiraillait encore tous deux, malgré leur fierté mutuelle qui ne les laissait pas aller à en dire autant. “J’aime pas dormir seule.” Il aurait pu se contenter de cette justification et apprécier le fait qu’elle préférait encore dormir sur une chaise à ses côtés que seule dans un lit - il aurait même dû. Mais l’éclair de jalousie mêlé de curiosité et de sarcasme fut plus fort que lui, franchissant la barrière de ses lèvres avant qu’il ne se morde les doigts de s’être sans doute planté un couteau dans le dos sans l’aide de personne. Les émotions, ces traîtres silencieux. “Tu dors pas seule en ce moment?” Chez elle, dans ce lit qu’il n’avait pas encore foulé et dans lequel il imaginait déjà pourtant bien d’autres corps que le sien. Ce ne serait que mérité, qu’une punition à la hauteur de sa traîtrise et de son absence qui lui coûtait désormais bien cher. “Tu sais bien qu’ils ne m’auraient pas laissée rester si j’avais pas prétendu être de ta famille. Et puis cousine c’était ce qu’il y avait de moins malsain, il n’était pas question que je me fasse passer pour ta sœur.” “C’est quand même malsain” qu’il répondit en souriant - car après tout, tout dans leur relation était malsain, et pourtant désespérément vital à ses yeux. Cette année passée n’avait fait que lui prouver qu’il s’était enfoncé dans un gouffre sans fond, fait de passion, de faux-semblants et de mensonges, duquel il ne savait pourtant pas comment s’échapper - ni ne le voulait, en réalité.

Clyde était un être de raison, et pourtant, lorsqu’Halsey entrait en jeu, il se perdait parfois entre les règles établies et les émotions qui surgissaient sans qu’il ne les contrôle tout à fait. Au fil des années, il avait baissé sa garde et laissé la brune s’infiltrer toujours plus loin dans sa vie, et même les secrets les plus lourds qu’il gardait encore enfouis ne suffisaient pas à amoindrir l’importance et le pouvoir qu’elle avait désormais sur lui, sans qu’elle ne réalise sûrement à quel point. Alors, même s’il savait que personne n’était à blâmer pour leur chute - ou qu’ils l’étaient tous deux pour l’avoir risquée dans ce genre de tenues - il se sentait éminemment responsable d’être celui qui avait blessé la brune, là où son rôle premier à ses yeux était pourtant de la protéger. “C’est moi qui ai insisté et surtout, t’avais perdu au stand de tir.” Le soupir fila entre ses lèvres en même temps qu’il laissa sa tête retomber une nouvelle fois sur l’oreiller - officiellement pour lui faire comprendre qu’ils ne tomberaient jamais d’accord sur ce point, officieusement parce qu’il était épuisé comme jamais, même s’il tentait de ne pas trop le laisser paraître.

Malgré la fatigue qui le guettait et la douleur qui se diffusait sournoisement dans ses veines, l’infirmière qui entra subitement dans la chambre pour vérifier ses constantes sembla satisfaite des résultats - ce qui le poussait à se demander dans quel état il pouvait vraiment s’être trouvé, lorsque les secours étaient arrivés sur les lieux de l’accident. Pour qu’Halsey ait passé la nuit à lui tenir la main - chose qui n’était pas avérée mais à laquelle il aimait songer - nul doute qu’il devait être arrivé dans un sale état, suffisamment pour qu’elle soit réellement inquiète à son sujet. Mais pas suffisamment pour qu’elle ne soit pas fidèle à elle-même, menteuse effrontée lorsqu’il s’agissait de révéler ses véritables révélations - et s’il ne pouvait que la rejoindre sur ce point, cela ne l’empêcha pas de ressentir une pointe de jalousie devant ses mots bien trop libres à interprétation. “J’ai des comptes à te rendre maintenant?” Elle était irritée, il était allé trop loin - une parfaite définition de leur relation en tous points bancale et indéfinissable. “Non.” Demander des comptes à Halsey était bien la dernière manière d’en obtenir, après tout. Alors, il avait neutralisé la pointe de jalousie dans sa voix, tenté de reprendre un air plus léger avant que cette discussion ne prenne une tournure qu’il souhaitait par-dessus tout éviter. “Je demandais juste comme ça.” Rien n’était comme ça avec eux, mais les faux-semblants étaient leur marque de fabrique, et Clyde savait s’y réfugier dès lors que les sentiments et les vérités se faisaient jour. Il n’avait qu’à mentir, elle à prétendre le croire - et le lendemain, ils se prêteraient à ce cycle infini en sens inverse.

Malgré tout, il lui était impossible de ne pas relever le fait que la brune avait prétendu être sa cousine, pensée qui suffisait à l’amuser autant qu’à le perturber. “Comme si t’étais du genre à te formaliser pour si peu.” Il sourit discrètement, se fichant en réalité très clairement qu’elle était prétendu être sa cousine ou sa femme, quoi qu’il l’aurait bien davantage embêtée si elle avait opté pour cette idée-là. Cependant, comme à son habitude, il se ferait un plaisir de s’en rappeler tout de même à l’avenir, l’ajoutant à la liste interminable d’idées bien à elle et de mensonges éhontés auxquels Halsey se laissait aller sans l’ombre d’un remords. “Si ça avait été moi, tu m’aurais laissée seule?” Il n’y avait pas l’ombre d’un doute, et il ne savait pas quoi penser du fait qu’elle ait besoin de lui demander confirmation. “Evidemment que non” qu’il lâcha d’un air tout ce qu’il y avait de plus sérieux. Il n’osait même pas imaginer l’état dans lequel il aurait été, si cela avait été elle, allongée sur ce lit d'hôpital. “Moi non plus j’aime pas dormir seul.” Une semi-vérité, c’était encore ce qu’il maîtrisait le mieux, alors qu’un sourire innocent reprenait place sur ses traits.

“D’accord.” Il devait avoir une sale tête inspirant presque de la pitié, pour que la brune même se radoucisse alors qu’elle avait pourtant toutes les cartes en main pour ne pas laisser passer ce qu’il venait de dire. Les mots avaient filé plus vite que son esprit embrumé, franchi la barrière de ses lèvres avant qu’il n’ait eu l’occasion de se raisonner en sachant pertinemment que cela ne lui ressemblait pas. Embêter la brune, s’y opposer et la voir s’agacer était un sport national pour lui, le genre dont il ne se lassait jamais et qui représentait sans doute aussi bien qu’autre chose leur relation. Pourtant, sa voix s’était cette fois teintée de jalousie, celle-là même qu’il camouflait - presque - bien depuis longtemps, laissant planer un doute constant sur l’étendue de la sincérité dont il faisait preuve à travers ses remarques. Dans ce cas précis, la fatigue, la peur et le choc avaient eu raison de lui, le poussant à prononcer les mots-même qu’il aurait en d’autres circonstances réfléchis plusieurs fois avant de considérer qu’ils n’étaient pas supposés sortir ainsi. Malgré tout, c’est ainsi qu’ils avaient été prononcés, et qu’Halsey même avait laissé passer ce qu’elle aurait pourtant eu la chance de retourner contre lui. Peu importe ce que cela pouvait réellement signifier, Clyde sentait sa vitalité s’échapper peu à peu, bien à mal de réfléchir davantage à la question, tout simplement content de compter la brune à ses côtés malgré les mensonges et les non-dits qui ne camouflaient pourtant plus qu’à moitié la vérité.

Sa tendance habituelle à privilégier le mensonge pour protéger ses réelles pensées aurait pu resurgir à cet instant, lui permettant de prétendre momentanément qu’il n’aurait pas enfreint toutes les règles possibles et inimaginables pour la rejoindre dans sa chambre si elle avait été mal en point - parce qu’il l’aurait fait, et le doute n’était pas permis. Il l’aurait bien formulé ainsi, mais s’était repris cette fois, tournant la vérité en sarcasme, telle une ultime barrière que son cerveau était encore capable de prétendre ériger alors que ses paupières se refermaient à une cadence bien trop élevée pour qu’il soit encore en pleine possession de ses moyens. “Il va falloir remédier à ça alors.” Si seulement son corps le lui permettait, il se serait levé pour approcher ses lèvres de celle de la brune et se serait laissé aller à ce qu’il espérait depuis si longtemps, et qu’elle lui avait refusé jusque-là, lui lâchant désormais du leste dont il ne pouvait pas se saisir. Alors son regard se teinta d’expectative, d’une lueur passionnée qu’elle n’était pas sans connaître quand bien même il ne pouvait la mettre en application à l’instant. Sa tête bougea presque imperceptiblement là où il aurait pourtant pu la hocher bien plus franchement, ne cachant plus le manque qui était le sien, mais qu’il gardait encore pour lui - dans le cas où la brune change d’avis, après avoir réalisé qu’elle ne le perdrait pas, et que la peur du lendemain n’avait plus loin d’être. Ou alors, peut-être avait-elle toujours lieu d’être, là où ils se privaient au nom d’idéaux et de barrières qu’ils avaient malgré tout franchies depuis longtemps déjà. “Mais là je pense que tu devrais te reposer.” “T'es tranquille un moment encore.” Il plaisantait à moitié, là où il aurait voulu sentir sa main contre la sienne plus longtemps, mais le sommeil l’emporta bien trop vite pour l’avoir même vue quitter la pièce.