Ca faisait au moins dix ans que j’avais pas mis les pieds au centre des congrès de Brisbane et la dernière fois, si j’me souviens bien, c’était pour faire une action pour lutter contre le sida et j’étais habillée en capote géante au style de super héros qui distribuait à tout va des préservatifs en criant «  Protégez vous » à qui n’avait pas peur de se laisser approcher. Et remettre les pieds ici ne me faisait penser qu’à ça et me faisait bien rire. C’est avec donc un rictus sur le visage que je m’avançais vers la table des inscriptions pour me présenter et signer ma feuille d’émargement. Pour dire que j’étais bien venue suite à mon inscription et qu’à la prochaine conférence, comme une grande, j’aurai le droit de revenir, puisque je ne leur ai pas mis un lapin cette fois ci.
Le centre était immense et j’avoue avoir un peu de mal à m’y repérer. Troisième étage, escalier gauche, troisième porte. Hm, dit comme ça, ca semblait pas être compliqué, sauf qu’arriver à ce troisème étage et à cet escalier, je ne me souvenais déjà plus de la porte à laquelle j’étais censée me présenter. Et bien entendu, aucun fléchage, aucune autre indication pour me guider. Il me semble bien qu’elle m’avait dit quatrième porte… je m’arrête un instant pour réfléchir et si j’ai retenu le numéro 4, c’est que ça doit être ça. Je m’approche et entendu effectivement du bruit à l’interieur de la salle. J’ouvre alors, me rendant compte que tout le monde était déjà là et j’avais presque l’impression d’être en retard même. Tout le monde était très studieux et silencieux, mon entrée semblait être presque fracassante, je me fis alors toute petite en cherchant une place du regard et du bousculer trois, quatre personnes pour y accéder. « Nous pouvons à présent accueillir le professeur Taylor. » je n’avais pas bien relevé, tentant toujours de me frayer un chemin pour enfin m’assoir à ma place. Une nouvelle présentation débute et ce n’est que quand je me concentre vraiment que je comprends qui est actuellement entrain de prendre la parole devant moi, Liam Taylor. C’est une vanne ? J’suis absolument plus concentrée sur ce qu’il dit et j’me demande depuis quand il est spécialiste dans l’accompagnement social des patients du cancer tiens…
Il aura fallu moins d’un mois pour le recroiser alors que ça faisait plus de quinze ans qu’on ne s’était même pas vu…



toujours aussi originale dans mes titres désolée

@Liam Taylor

L’espace d’un instant, je me suis demandée si je ne m’étais pas trompée de salle en voyant Liam à cette table ronde, ayant du mal à comprendre sa place ici. Il faut dire que le centre des congrés est si grand, c’est pas impossible que j’me sois trompée d’étage, de porte, d’escalier ou je ne sais quoi. Je regarde autour de moi, tentant de comprendre si je suis bien au milieu de personnes de mon domaine – pas facile à capter d’un seul regard – ou si je me suis vraiment trompée, en plus d’être arrivée en retard et d’avoir fait une arrivée remarquée. J’avais plus qu’à repartir. Mais Liam prend la parole et je tends l’oreille, j’allais rapidement comprendre.
Conservateur au muséum, c’est bien ce qu’il me semblait, je n’ai pas encore déballée ma petite trousse et mon bloc note que je m’apprête à m’échapper d’ici, voulant me lever en toute discrétion, et c’est là que le mot cancer attire mon attention. Un programme de découverte ? Je n’y comprends rien, je me rassois bien en place et prête à écouter. Ca m’apprendra à arriver en retard et ne pas savoir où je suis. « …Ils pourront se mettre dans la peau d’historien, d’aventurier comme Indiana Jones ou autre archéologue. Il y aura des activités pour toutes et tous. On espère ainsi leur donner cette opportunité afin de leur faire découvrir les merveilles que peuvent bien contenir les musées tout en gardant un petit aspect pédagogique et culturel. »  être dans la peau d’Indiana Jones, l’expression m’avait fait sourire et je pense que ce programme pourrait être une bonne chose. C’est intéressant, effectivement, et pour le coup, à l’association Beauregard, on ne nous avais jamais proposé une telle activité interactive et qui se déroule à l’extérieur de nos locaux. C’est ce que souvent les patients nous reprochaient : qu’on ne fasse pas assez d’activité en dehors de l’association, que tout s’y passe en interne. « Vous avez des questions ? » J’ignore s’il m’avait remarqué, je pense que nous, je suis assez loin finalement. Le maitre de conférences jette un œil vers la salle avec son micro en main pour voir qui souhaite prendre la parole, visiblement, pas de question dans la salle. Je trouve toujours ça très gênant d’être face à un mur quand on s’adresse à une telle assemblée… J’ai bien envie de poser des questions, puisqu’intéressée par le programme, mais il s’agit quand même de Liam. Et j’ignore si j’ai vraiment envie de me faire remarquer maintenant, ici. J’avais pourtant pensée, après l’enterrement de Dani à me dire qu’il était sans doute temps de ravaler ma fierté. J’avais bien saisi que de son côté, il aurait souhaité qu’il en soit ainsi et pourtant, si j’avais longtemps pensé qu’il avait le bon rôle, je n’en suis plus si sûre… Je finis par lever la main pour attirer l’attention du Monsieur au micro qui fini par me voir et s’approcher de moi. « Bonjour, Monsieur Taylor. » rester pro, c’est important. « Noa Jacobs, directrice de l’association Beauregard. Je trouve ce programme plutôt intéressant, comment sont envisagés les compositions des groupes de participants ? La mixité est-elle envisagée ? » s’agissait-il de laisser les personnes malades entre elles ou de pouvoir constituer des groupes avec d’autres personnes avec d’autres difficultés sociales, par exemple.
Je saurais pas dire si j’avais pris la parole pour mon – réel – intérêt pour son projet ou pour signifiait que j’étais présente dans la salle…

J’ai l’impression que Liam a vu un mort quand il compris qui prend la parole pour le sortir de ce pétrin. Forcément, qu’il ne s’attendait pas à ce que je sois là tout comme je ne m’y attendais pas non plus. Et forcément, il s’attendait encore moins à ce que je l’interpelle pour lui poser une question. J’aurai simplement pu faire comme tout le monde : me taire et me faire discrète, le laisser terminer avec ce terrible vent et ne plus jamais le revoir. Mais il a fallu que j’ouvre la bouche, un peu en héroïne, n’importe quoi. Bon, ceci dit, la question me semblait pertinente et sa réponse me convenait bien. A voir ce que ce projet allait donner et comment il allait se mettre en place, mais c’est toujours intéressant de voir que la culture s’intéresse aussi aux personnes malades et qui peuvent s’isoler si on ne va pas à leur rencontre. Je le remercie d’un signe de la tête pour sa réponse clair, bien que ça mérite encore de la réflexion, tout comme il l’a souligné.
La conférence suit son court, des sujets plus ou moins intéressant, des interventions à mourir et d’autres qui attirent totalement mon attention, c’est toujours comme ça mais au moins, on a un peu ce sentiment de ne pas avoir totalement perdue sa journée. Je me rappelle de mes années d’étudiante où je venais à ces conférences seulement pour le buffet –quand il y en avait un – et pour pouvoir finir ma journée bien plus tôt que d’habitude et aussi échapper au quotidien des stages ou des cours… Aujourd’hui, avec du recul, je comprenais mieux la nécessité de ces tables rondes.
Prête à m’en aller, j’en avais presque oublié la présence de Liam plus tôt dans la journée. J’étais près de la porte de sortie, attendant que la salle de vide petit à petit quand sa voix m’interpella. « Merci de ne pas m’avoir laissé me ridiculiser devant tout le monde. J’ai l’habitude des conférences, mais pas dans ce genre-là. » Je me tourne alors vers lui, lui faisant un simple sourire compatissant. « Tu t’en es pas trop mal sortie. » que je fini quand même par dire pour le rassurer tout en continuant d’avancer petit pas par petit pas. « Un café ? » je sors de la salle dès que la sortie est bien libre et prends deux, trois secondes pour répondre avant qu’il ne soit à son tour sortie de là. Je me laisse un temps de réflexion aussi. « Juste le temps d’un café alors. » et à la machine, pas dans un bar. J’ai pas envie de me sentir obligée de me poser et me rendre compte que j’étais totalement mal à l’aise face à lui. « Il y a des machines en bas. » je l’invite alors à me suivre, prenant l’escalator qui menait au rez-de-chaussée pour aller vers la machine en question. Quelques personnes devant nous avaient soif aussi. C’est en silence que nous attendions notre tour, moment gênant à souhait, je finis par me tourner vers lui. « Je m’attendais pas à te voir. » sans blague ? Oui, mais j’ai rien d’autre sous la dent, là et j'ai décidé de pas être trop sauvage.

La conférence n’avait pas été celle à laquelle je m’attendais vraiment, et j’avoue que seule l’intervention de Liam avait attiré pleinement mon attention, professionnellement parlant. Ce projet de médiation culturelle était ce qu’il fallait pour l’association, alors j’avais montré mon intérêt, de manière très professionnelle aussi sans laisser l’ombre d’un doute sur ce qui pouvait lier Liam et moi, en dehors de tout ça. Personne n’avait pu s’interroger sur notre passé, parce que lui tout comme moi avons fait preuve d’objectivité.
Je ne m’attendais pas à ce qu’il me rattrape à la sortie, je m’attendais encore moins à ce qu’il me propose d’aller prendre un café, et c’est machinalement que je m’étais arrêté à la proposition de la machine plus bas. Et ce café express me suffisait, loin de moi l’envie réelle d’aller boire un verre dans un bar. Encore un peu secouée de l’avoir revu auprès de Leslie à l’enterrement, encore un peu secouée de les voir se comporter comme si rien n’avait changé, comme si depuis toutes ces années, nous étions toujours amis, ou presque.
Mais, il était sans doute temps de ne plus s’arrêter à ce genre de détail, de l’eau avait coulé sous les ponts depuis nos vingt ans, les premiers amours, les premières erreurs. Si son aventure avec Leslie m’avait blessé, aujourd’hui, c’est du passé. « Je dois t’avouer que moi aussi, ça fait longtemps que tu travailles pour une association ? » « un peu plus de trois ans. » et je me rends compte à quel point le temps passe vite « Si on m’avait dit qu’un jour ça serait le cas alors je ne l’aurais probablement pas cru. » sa remarque m’arrache un sourire. « à l’époque, je faisais encore mes études dans le tourisme. » et j’avais empoché mon diplôme haut la main, trouvé un travail rapidement, m’étais épanouis dans ce domaine, jusqu’à m’en lasser complétement et décidant de changer de carrière professionnelle. Un tournant important dans ma vie, aujourd’hui malgré les expériences douloureuses, je ne regrettais rien.
J’approchai le gobelet chaud de mes lèvres et senti la chaleur me chauffer les narines, je ne tentais pas le diable tout de suite, le café attendra. « Tu penses que ça pourrait intéresser l’association où tu travailles de collaborer avec le musée ? » je hochais la tête. « Ca intéresse l’asso. » parce que l’asso, en quelques sorte, c’est moi. « j’y veillerai personnellement. » et le point positif à ce projet, c’est qu’en tant que directrice, je n’avais qu’à suivre tout ça de loin, donner des directives à mes équipes qui prendraient contact avec le musée, ou Liam directement pour la partie opérationnelle. « Tu me donneras tes contacts… » je tentais à nouveau le café, peut être un peu trop pressée d’en finir, mais encore trop chaud. Il fallait combler. « Tu as des nouvelles des parents de Dani ? » lançais-je sans avoir conscience que je pourrais avoir totalement ruiné l’ambiance, déjà pas au top. « dire qu’il aura fallu qu’un de nous disparaisse pour se retrouver. » enfin, retrouver, un grand mot sans doute. « pour nous remettre sur le chemin des uns et des autres, j’veux dire. » et Leslie qui, elle aussi, avait fait sa grande réapparition. Et la plus belle des surprises ? Elle connaissait aussi Greg.