Comment ais-je pu oublier l’opération de Tessa ? La culpabilité me ronge depuis des jours, les mots qu’elle a prononcés aussi. Quatre jours volés par l’alcool, quatre jours dont je ne garde que des souvenirs flous. Pourtant le souvenir de Lawrence venant me chercher dans ma chambre d’hôtel reste gravé dans ma mémoire. Le regard si déçu de Tessa aussi. Pire j’ai appris sa relation avec Andrew et plus j’y repense plus ça me dégoûte. Je suis dévoré par la culpabilité des mots que j’ai prononcé ce jour-là, je ne comprends pas comment j’ai pu me perdre à ce point-là. J’avais promis à Tessa d’être là et j’ai tout raté, brisant une énième promesse, faisant face au regard déçu de ma sœur, à une conversation qui ne cesse de tourner en boucle dans mon esprit. Je n’ai pas touché à une goutte d’alcool depuis, regardant les bouteilles avec dégoût, elles sont responsables de tous mes malheurs et je tente désespérément de les garder loin de moi. Je dors mal, incapable d’oublier ce qui s’est passé. Chaque heure est plus longue que la précédente, mon cœur battant trop vite,  mon corps de plus en plus souvent agité de tremblements.

L’été est à son apogée à Brisbane et la fête nationale aura lieu d’ici quelques jours. Comme chaque année, on a souvent prévu un barbecue avec Mia dans sur la plage.  Pourtant aujourd’hui j’appréhende de la voir. Je vais devoir lui dire pour Andrew et Tessa. Mais surtout je ne sais pas si elle sait que j’ai parlé de Jax à son père, si j’ai révélé les secrets qu’elle m’avait confié. Je m’y rends anxieux, terrifié, le cœur battant trop vite, je me bats avec moi-même pour ne pas boire une goutte d’alcool. C’est la première fois depuis des mois que je suis sobre depuis deux jours.   Lorsque j’arrive au point de rendez-vous elle n’est pas là, j’ai amené une nappe de pique-nique et de quoi faire le barbecue sur les appareils mis à disposition par la ville. Dans mon sac il y a une glacière avec une bouteille de bière. Je ne sais pas comment je vais résister à ne pas la boire. J’ai réussi à trouver un coin un peu isolé sur la plage et il n’y a pas grand monde aujourd’hui.  J’installe tout et je l’attends, me rongeant les ongles, incapable de rester en place, de penser à quoique ce soit d’autre qu’à la bouteille dans mon sac. Je m’allume une clope, espérant réussir à calmer mes nerfs. Quand je la vois au loin, je lui souris faiblement, pourtant, il n’y aucun sourire sur son visage en retour alors que je lui fais un signe de main.  

@Mia McKullan  

J’ai réussi à me dépatouiller comme j’ai pu de cette conversation avec mon père. Une conversation que je ne m’apprêtais pas du tout à avoir, que je ne pensais pas envisageable car Jax avait fait le choix de ne rien dire. Rien dire à mon père à propos du fait qu’il était son fils biologique, celui qu’il a abandonné trente cinq ans plus tôt. Ce matin, en effet, c’est des messages de mon père que j’ai reçu, me harcelant de question sur la véracité des propos tenues par Pete la veille. Pete ? fut ma réaction lorsque j’ai vu son nom au milieu de la conversation. Qu’est-ce qu’il venait faire là ? Et j’ai compris. J’ai compris que Pete a tout balancé, de but en blanc, sans rien demander à personne sur tout ça. Mon sang n’a fait qu’un tour, je ne comprends pas pourquoi il s’est permis de faire ça ! Comment il a pu faire ça à Jax même si les deux jeunes hommes ne sont plus aussi proche qu’avant. Pourquoi a-t-il tout balancé ? Plein de questions qui me taraude l’esprit et dont j’obtiendrai les réponses d’ici peu.

Car me voilà en effet entrain de me diriger vers lui à ce moment-même. En effet, comme chaque année, nous avons prévu de nous retrouver pour se faire un barbecue sur la plage. Sauf que si d’habitude, ce jour-là s’avère festif, aujourd’hui, il aura une saveur tout autant différente. Je le vois de loin, et je m’approche d’un pas décidé. Si lui a le sourire, ce n’est pas mon cas. Arrivé à sa hauteur, je ne le salue même pas, déposant ma glacière sur la nappe de pique-nique. Dans celle-ci j’ai prévu tout ce qu’il fallait pour notre pique-nique, dont notamment le fameux lamington que je me suis tracassée à faire la veille pour lui faire plaisir, car je sais qu’il adore ça. C’est sûrement sur sa tronche qu’il finira « Qu’est-ce qui t’a pris Pete ??? Pourquoi il a fallu que tu ouvres ta PUTAIN de gueule ? ». Je me suis approchée de lui je l’ai même bousculé de mes deux mains « Tu te rends compte de ce que tu as fait ???? ». Il a balancé une bombe en disant à mon père que Jax était son fils. Celui qu’il recherchait depuis des années. J’ai même dû avertir Jax suite à mon échange avec mon père pour le prévenir qu’il était au courant. Et à mon avis, Pete allait sûrement pas tardé à tomber aussi sur Jax qui lui arrangerait sûrement le portrait « T’es qu’un con ! Je peux pas te faire confiance ! ».

 Elle ne sourit pas.  Son visage est un masque de colère. Instinctivement je me suis relevé pour l’accueillir, incapable en vérité de rester en place. J’aimerais pourvoir prétendre que la journée d’hier n’est pas arrivée, j’aimerais tout effacer. Elle pose la glacière sur la nappe et j’ai l’impression d’avoir un volcan sur le point d’entrer en éruption en face de moi. « Qu’est-ce qui t’a pris Pete ??? Pourquoi il a fallu que tu ouvres ta PUTAIN de gueule ? ». Je grimace quand elle me bouscule, faisant quelques pas en arrière. « Mia… » J’essaye de parler mais je ne sais même pas par quoi commencer. « Tu te rends compte de ce que tu as fait ???? ». Et là je ne sais pas pourquoi c’est la colère qui prend le dessus, chaque parole une agression de plus quand je m’en prends plein à la gueule depuis hier.  Je serre les poings, tentant de calmer les battements de mon cœur.  J’ai l’impression d’être incapable de rester en place, m’éloignant instinctivement. « Il te l’a dit ? » Évidemment qu’il lui a dit sinon elle ne serait pas là à me gueuler dessus, mais j’ai dû mal à réfléchir à me concentrer sur elle et sur ses paroles, le besoin de boire omniprésent.

« T’es qu’un con ! Je peux pas te faire confiance ! » Elle a raison, ils ont tous raison. Les mots revenant facilement, con, pitoyable, égoïste. Ils me marquent au fer rouge, criant la vérité au monde entier. Je grimace, parce que je vois la trahison dans ses yeux, la même que j’ai vu dans ceux de Tessa la veille, la sensation d’avoir tout foiré et de ne pouvoir m’en prendre qu’à moi-même. Je tente d’abord de rester calme,  d’admettre mes torts en grimaçant, espérant que ça la calme. « Je suis désolé… Je sais que j’aurais pas dû lui dire… » Je souffle malgré tout.  Mais il y a un « mais », il y aura toujours un « mais » qui viendra gâcher chacune de mes excuses.

« Mais putain Mia ton père est un pauvre con ! » Je crache les mots, incapable de les retenir. « Il t’a dit ce que j’avais dit, est ce qu’il t’a dit aussi pour Tessa ? Est-ce qu’il t’a dit pourquoi je suis tombé sur lui Mia ?! » Je lance, le regard rempli de dégoût. Dégoût pour le père McKullan mais peut être surtout pour moi qui ait tout fait foirer ces derniers temps au point que ma sœur se décide à se reposer sur ce type.

J’ignore les raisons qui l’ont poussé à dire à mon père la vérité sur Jax. Surtout lui, qui sait ce que c’est d’être abandonné et qui est le mieux placé pour comprendre que Jax ne veuille pas avoir à faire à mon père. Il est le mieux placé aussi pour respecter ce choix et donc il n’aurait jamais dû le trahir. De même, je me suis confiée à lui à propos de Jax, lui faisant confiance à ce sujet. Mais je l’ai regretté à la seconde où mon père m’a accusé d’être au courant et de ne lui avoir rien dit et surtout lorsque Pete a été mêlé à la conversation. Alors oui, Mulligan a devant lui une amie qui a juste envie de lui en coller une et de le secouer pour comprendre pourquoi il a été raconté tout ça. Je le pousse alors que j’arrive à sa hauteur, ne lui laissant pas la possibilité d’en placer une « Mia… ». J’aimerai qu’il se rende compte de ce qu’il venait de faire, mettant en péril des relations qui étaient déjà bien fragile « Il te l’a dit ? ». Il s’éloigne, il ne semble pas tenir en place et ça m’énerve encore plus « Bien sûr qu’il me l’a dit ! Tu lui as balancé que sa fille était au courant, tu penses sincèrement qu’il allait faire quoi ? Ne pas m’appeler ? Je m’en suis pris plein la tronche, j’ai essayé de rattraper ta connerie comme j’ai pu, ne serait-ce que par rapport à Jax ! Tu y as pensé d’ailleurs à Jax ?! ». Ma voix s’élève de plus en plus au fil des mots prononcés, alors que je m’approche à nouveau de lui pour l’obliger à me regarder et assumer sa connerie.

« Je suis désolé… Je sais que j’aurais pas dû lui dire… » « J’en ai rien à foutre de tes excuses ! ». Clairement, parce que le mal était fait et il était trop tard pour revenir en arrière. J’en avais assez de son comportement puéril « Mais putain Mia ton père est un pauvre con ! Il te l’a dit ce que j’avais dit, est-ce qu’il t’a dit aussi pour Tessa ? est-ce qu’il t’a dit pourquoi je suis tombé sur lui Mia ?! ». Là je me fige, je ne comprends pas ce que sa sœur avait à voir dans l’histoire « Qu’est-ce que tu me racontes ? » Je lance alors d’un ton sec. « Qu’est-ce que ta sœur vient faire dans l’histoire ? Si c’est encore un moyen pour toi de te dédouaner de ta stupidité, ça ne sert à rien, ça ne changera rien ! ». Je lui en voulais à un point où je n’avais même pas envie d’essayer de le comprendre, de l’écouter.

  « Bien sûr qu’il me l’a dit ! Tu lui as balancé que sa fille était au courant, tu penses sincèrement qu’il allait faire quoi ? Ne pas m’appeler ? Je m’en suis pris plein la tronche, j’ai essayé de rattraper ta connerie comme j’ai pu, ne serait-ce que par rapport à Jax ! Tu y as pensé d’ailleurs à Jax ?! » Non Mia j’ai pas pensé à Jax. Je n’ai pensé qu’à ma petite personne. Je n’ai cherché qu’à blesser, qu’à contrebalancer les paroles infligées, qu’à renvoyer un peu de la colère qui m’était adressée. Je grimace, me forçant à rester calme ce qui me semble impossible. Je me force pourtant à m’excuser. Parce qu’au fond je le sais que j’ai fait une connerie. Je suis bouffé par la culpabilité, elle m’empêche de réfléchir, m’empêche de rester calme, crée une angoisse que les excuses prononcées n’effacent pas.

« J’en ai rien à foutre de tes excuses ! » C’est la goutte d’eau qui me pousse vers l’agressivité plutôt que le calme. Je ne pense pas pouvoir supporter plus de remontrances comme plus de déceptions, je ne peux pas me regarder en face et mon seul réflexe alors est de me protéger. M’entourer d’une colère agitée, laisser mes nerfs l’emporter. « Oh putain tu sais quoi, non j’suis pas désolé en fait ! J’en ai rien à foutre, Andrew a eu tout ce qu’il méritait ! » Je crache odieux.  Comme toujours je ne pense pas aux conséquences de mes actes, je creuse ma propre tombe, ça me semble plus facile que d’affronter mes erreurs. Je lui demande si elle sait, s’il lui a dit pourquoi j’ai tout balancé, pourquoi je me suis retrouvé face à Andrew en premier lieu.  Elle se fige et je comprends alors qu’il n’a rien dit. Mon sourire est mauvais et victorieux.

« Qu’est-ce que tu me racontes ? Qu’est-ce que ta sœur vient faire dans l’histoire ? Si c’est encore un moyen pour toi de te dédouaner de ta stupidité, ça ne sert à rien, ça ne changera rien ! » A ca j’éclate de rire, d’un rire froid et colérique, d’un rire qui n’apportera rien de bon. Mes mains tremblent et j’m’allume une cigarette pour tenter de calmer mon corps trop agité. « Qu’est ce que ma sœur vient faire dans cette histoire. Oh j’en sais rien peut être parce que ton père se tape ma sœur de 27 ans Mia ?! Peut être parce que ton père est un pauvre salopard qui en plus d’avoir réussi à abandonner deux gosses dans sa vie, décide que pour la crise de la cinquantaine il va se taper une fille plus jeune que sa propre fille ? » Je me marre de plus belle, appuyant mon doigt sur mon torse, avant de perdre tout faux sourire, mon regard colérique. « MA SŒUR MIA ! »  

Il tente de s’excuser, comme si cela allait tout effacer, que j’allais lui rétorquer que ça ne fait rien finalement qu’il est cafté, que c’est ce que je voulais même. Mon regard est mauvais sur lui, je lui balance que j’en ai rien à faire de ses excuses, il peut sérieusement se les garder et se les mettre même là où je pense. Parce que c’était trop tard et que maintenant, sa connerie allait avoir des répercussions autant sur Jax, sur mon père, sur moi. Créant encore des tensions dont nous n’avions pas besoin, se rajoutant déjà à des relations bien compliquées. Pete change alors de comportement, subitement. Lui qui était limite entrain d’implorer mon pardon quelques secondes plus tôt finit par exploser à son tour de colère « Oh putain tu sais quoi, non j’suis pas désolé en fait ! j’en ai rien à foutre, Andrew a eu tout ce qu’il méritait ! ». Et là, c’est plus fort que moi, je viens à le gifler. Son air odieux me met hors de moi, rien ne justifie qu’il ait pu s’en prendre à mon père de la sorte en allant tout lui balancer « Moi aussi alors ?? Jax également ? Parce que tu as eu besoin de quoi Peter hein en faisant ça ? Te prouver que tu n’étais pas le seul à faire de la merde de ta vie ? Ca t’a soulagé dis-moi ? ». Mon regard est méprisant, je suis écœurée de son comportement.

Alors il en vient à me parler de Tessa au milieu de la conversation, je ne sais pas pourquoi mon père et elle se retrouvent dans une même phrase. Je sens qu’il est prêt à tout pour se justifier, quitte à utiliser toutes les cartes possibles et inimaginables « Qu’est-ce que ma sœur vient faire dans cette histoire. Oh j’en sais rien peut-être parce que ton père se tape ma sœur de 27 ans Mia ?! Peut-être parce que ton père est un pauvre salopard qui en plus d’avoir réussi à abandonner deux gosses dans sa vie, décide que pour la crise de la cinquantaine il va se taper une fille plus jeune que sa propre fille ? » Je suis figée. Je ne bouge plus d’un millimètre, je le fixe du regard sans broncher, restant de marbre face à ce qu’il vient de me balancer. Il s’agite de nouveau, rigole même, comme si ce qu’il venait de dire était une plaisanterie et que ça l’amusait. Mais lorsque ce rire, ce sourire disparait, et que je lis sa colère dans son regard et qu’il crie « MA SŒUR MIA ! », je ne sais plus. Je ne sais plus s’il délire, s’il dit la vérité. « Tu deviens parano Pete ». Je m’écrie alors. Parce qu’évidemment, je ne peux imaginer mon père entiché de Tessa, qui est plus jeune que moi. Non, je ne veux même pas y penser non plus. « Tu te rends compte de ce que tu es en train de me dire ?! Tu cherches vraiment à foutre la merde partout c’est ça ?! Tessa ne ferait jamais ça, mon père non pl… » Et je me stoppe. Qu’est-ce que j’en sais au juste ? Ce n’est pas comme si je pouvais dire que je connaissais mon père à la perfection lui qui avait disparu pendant quinze ans de ma vie. « Je ne te crois pas ». Je ne veux pas, je ne peux pas le croire à ce moment-là.

La gifle part violente, me faisant tourner la tête sur côté, ma main venant toucher ma joue, surpris. Je la regarde légèrement choqué. « Moi aussi alors ?? Jax également ? Parce que tu as eu besoin de quoi Peter hein en faisant ça ? Te prouver que tu n’étais pas le seul à faire de la merde de ta vie ? Ca t’a soulagé dis-moi ? »

La colère est plus simple que la douleur.  « Ta gueule Mia. » Je crache entre mes dents, les poings serrées, refusant d’admettre qu’elle a raison. Bien sûr que j’ai cherché à blesser Andrew pour compenser le fait que j’avais foiré lamentablement avec ma sœur. Ni Jax ni Mia ne méritait d’en subir les conséquences et pourtant je n’y avais pas pensé sur le moment, ne pensant à vrai dire qu’au moment présent et à une façon comme une autre d’attaquer la personne en face de moi. Mais si j’accepte, si je m’écrase, j’ai l’impression que je vais me noyer dans ma honte, qu’il n’y aura plus aucune autre voie que d’accepter à quel point je suis égoïste et pitoyable et à quel point l’alcool est en train de me bouffer. Alors je choisis la colère,  trouvant toutes les justifications possibles et celle-ci me semble de taille. Tessa qui sort avec le père de Mia. Ce pauvre type qui se tape ma sœur. Elle s’est figée pendant que j’ai du mal à contrôler mon corps trop agité, le front brûlant. Je rêve d’un verre. Il devient plus nécessaire plus les minutes passent. « Tu deviens parano Pete ». Évidemment qu’elle ne me croit pas. Parce que comme pour moi cela lui semble absurde et improbable. « Tu te rends compte de ce que tu es en train de me dire ?! Tu cherches vraiment à foutre la merde partout c’est ça ?! Tessa ne ferait jamais ça, mon père non pl… »
Mon sourire se fait victorieux et cruel, je tire sur la clope que j’ai allumé, les mains tremblantes comme des feuilles. Parce qu’elle n’en sait rien. « Je te crois pas. » A ca je ris de nouveau. « Tu me crois pas ? Tu me crois pas Mia ? Va voir ma sœur à l’hôpital je suis sûr que tu le trouveras ! » Je m’approche d’elle, «  Ca fait des semaines que ton père de cinquante balais se tape ma petite sœur.  Ton père ferait jamais ça ? Ton père est un pauvre type Mia ! Il serait peut-être temps que tu t’en rendes compte non ? Ou alors tu veux continuer à enchaîner les déceptions toute ta putain de vie ? » Je crache. Qu’elle me gifle de nouveau, je n’attends que ça, creusant le précipice dans lequel je suis prêt à sauter à pieds joints.
« Je l’ai vu pour la première fois hier après son opération, et ma sœur m’a dit que au moins QUELQU’UN avait été là,  et que ce quelqu’un c’était Andrew.  Tu crois qu’il en a choppé combien des gamines fragiles ? » Je raconte que des conneries.  Ma sœur n’a rien de fragile elle ne l’a jamais été. Elle n’est pas une gamine non plus et ce depuis longtemps. Sans même m’en rendre compte je me vends, avouant que j’ai vu Tessa pour la première fois hier alors que Mia est parfaitement au courant que son opération était le vingt, soit il y a plusieurs jours

Il ne réagit pas lorsque la gifle part instinctivement. Mais parce qu’il a osé dire que mon père le méritait et que j’ai l’impression qu’il s’en prend aussi à Jax et à moi, son amie qui lui a fait confiance aveuglément en lui faisant part de toute cette histoire. Non, lui il prend tout ça à la légère, tout comme sa vie qu’il mène n’importe comment, comme s’il avait besoin de faire merder la vie des autres pour se sentir moins seul. « Ta gueule Mia » il me lance alors. Je suis écœurée de son comportement, de ce qu’il a fait, de comment il se comporte devant moi, osant en plus me parler de la sorte. Alors qu’il devrait plutôt aller se terrer quelque part, se faire tout petit.

Et puis il se met à justifier son choix d’avoir tout balancé parce qu’il semblerait que mon père fricote avec Tessa. Tessa, qui n’a que vingt sept ans, alors que mon père à la cinquantaine passée.  Je peine à y croire, je dis qu’il est tout simplement parano. Et pourtant, je laisse entendre que j’ai un doute sur le lorsque je parle de mon père qui ne serait pas capable de faire ça. Et je vois son sourire de petit con, celui qui se réjouit que j’en doute de la sorte. Mais je ne veux pas le croire et à ça il se marre « Tu me crois pas ? Tu me crois pas Mia ? Va voir ma sœur à l’hôpital je suis sûr que tu le trouveras ! ». Il s’approche, et je ne recule pas « Ca fait des semaines que ton père de cinquante balais se tape ma petite sœur. Ton père ferait jamais ça ? Ton père est un pauvre type Mia ! Il serait peut-être temps que tu t’en rendes compte non ? Ou alors tu veux continuer à enchaîner les déceptions toute ta putain de vie ? ». Ses mots me blessent, il appuie là où il sait qu’il peut me faire du mal. Et là ce sont les mots de trop que je ne veux pas entendre. Parce qu’il n’est pas le premier à me le dire, que ses mots font écho à ceux de Knox quelques semaines plus tôt « FERME LA ! NE ME JUGE PAS ! Pas quand toi tu ne vaux pas mieux ! ». Mon regard est planté dans le sien, empli de colère « Et t’es clairement une déception de plus. Tu me dégoutes ! ». Mes mots sont forts mais je ne veux pas entendre ce qu’il dit, je ne veux pas le croire, je me renferme en me disant que non, mon père ne peut pas avoir une relation avec Tessa. C’est impossible.

« Je l’ai vu pour la première fois hier après son opération, et ma sœur m’a dit que au moins QUELQU’UN avait été là, et que ce quelqu’un c’était Andrew. Tu crois qu’il en a choppé combien de gamines fragiles ? ». Je me suis retournée parce que je ne supporte plus de le voir, m’éloignant donc de lui. Et pourtant, quand je comprends et décrypte ce qu’il vient de me dire, je lui refais face « Attend ? Non mais t’es entrain de me dire qu’en plus tu n’as pas été foutu d’être présent pour ta sœur ? TA PROPRE SOEUR ? Et tu reproches à quelqu’un d’autre de l’avoir été ? ». Je l’applaudis alors m’approchant de lui à nouveau « Mais bravo de mieux en mieux Mulligan ! Ta sœur aurait pu y passer et tu étais aux abonnés absents ! Waouh, chapeau vraiment, tu pouvais pas tomber plus bas je crois ». Je ne l’épargne pas parce que je ne ressens que du dégoût et du mépris à son égard. Comment il a pu ne pas être là pour elle ? Lui qui pourtant prétendait s’inquiéter pour elle ? « Tu es une déception pour tout le monde, même pour ta propre famille ! ».

Je suis odieux, creusant un peu plus ce conflit sans vraiment le réaliser, cherchant simplement à me protéger de la déception que je vois dans ses yeux et de la honte que je ressens.

Je touche juste parce que je la connais bien, je connais ses doutes et ses regrets, je connais ces déceptions qui lui ont fait tant de mal, alors j’appuie là où je sais que cela fera mal. « FERME LA ! NE ME JUGE PAS ! Pas quand toi tu ne vaux pas mieux ! Et t’es clairement une déception de plus. Tu me dégoutes ! » Si mon corps ne réagit pas, mon regard lui me trahit. Les mots font plus mal que la gifle, s’ancrent en moi et appuient sur toutes mes insécurités. Mais je suis sur ma lancée à présent, bien décidé à révéler cette relation au grand jour, bien décidé à lui prouver que son père était en tort et pas moi, comme si sa relation avec ma sœur pouvait tout excuser. Elle s’est détournée de moi et pourtant lorsqu’elle se tourne à nouveau vers moi je comprends que j’ai révélé mes tors en même temps que ceux d’Andrew, clamant haut et fort que je n’étais pas là pour Tessa comme j’aurais dû l’être ces derniers jours, bien trop occupé à tout oublier au fond d’un verre de vodka.

« Attend ? Non mais t’es en train de me dire qu’en plus tu n’as pas été foutu d’être présent pour ta sœur ? TA PROPRE SOEUR ? Et tu reproches à quelqu’un d’autre de l’avoir été ? » A ca je grimace, fuyant son regard, reculant quand elle avance, ne souhaitant plus entendre les lents applaudissements de ma connerie, celle que je regretterai sans doute toute ma vie. Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu oublier son opération, comment j’ai pu me perdre à ce point-là.

« Mais bravo de mieux en mieux Mulligan ! Ta sœur aurait pu y passer et tu étais aux abonnés absents ! Waouh, chapeau vraiment, tu pouvais pas tomber plus bas je crois »  Mon corps tremble toujours et j’imagine le pire. Si j’étais arrivé trois jours après et que Tessa n’avait pas survécu à l’opération. Mon cœur se serre violemment.  « J’ai fait un blackout… je savais plus quel jour on était. » J’avoue lentement. Elle pense que je ne peux tomber plus bas et pourtant j’ai l’impression de n’être qu’au début de la chute, le précipice s’étendant devant mes yeux et leurs mots chaque jour un peu plus m’y poussent sans même m’en rendre compte, n’ayant pas l’effet recherché.

« Tu es une déception pour tout le monde, même pour ta propre famille ! ».  Le voit-elle les morceaux de ce qui reste de mon cœur s’écraser un peu plus alors qu’elle appuie sur une peur que j’ai toujours eu ? Ne pas être assez, les faire regretter de m’avoir adopté, ne pas être digne d’eux, les décevoir. Je ne sais pas pourquoi je prononce les mots suivants avec une désinvolture qui est complètement fictive, comme si cela allait m’aider. « C’est pas grave c’est pas ma famille. »  C’est faux bien sûr. Tellement faux que le simple fait de prononcer les mots me donne envie de vomir. J’ai de plus en plus de mal à avoir une respiration normale.  Je ne sais pas pourquoi je pensais que dire ça me permettrait de me détacher, de m’écarter de cette peur insidieuse qu’au fond je ne serais jamais complètement un des leurs. Mia a raison, je ne serais qu’une déception. Déception, égoïste, pitoyable. Les mots de Tessa et de Mia tournent en boucle dans mon esprit sans que je n’y échappe, j’ai planté mes ongles dans mes paumes et je lance pour la blesser autant que je le suis : « Et toi personne t’aimera jamais assez pour rester. »

Jamais nous n’avons pris de pincette pour se dire les choses. Jamais nous ne nous sommes mentis en prétextant que l’autre avait raison quand il avait complètement tort. Jamais je ne l’ai réconforté d’avoir merder dans sa vie. Non, jamais je n’ai mâché mes mots avec Pete, parfois ayant même des mots virulents à son égard. Il les avait toujours entendus mais il avait cette façon de réagir avec son sourire de crétin comme je le qualifiais bien souvent. Mais cette fois, c’est différent. Nos mots ont une connotation différente, les miens en tout cas à son égard. Parce que je suis déçue, qu’il a trahi ma confiance. Et c’est de pire en pire lorsque je vois qu’il n’a même pas été foutu d’être présent pour sa sœur qui s’est fait opérer du cœur quelques jours auparavant. Qu’il est le toupet en plus de reprocher à mon père d’avoir été à ses côtés, quelque soit la relation que Tessa et lui puissent entretenir. « J’ai fait un blackout… je savais plus quel jour on était ». Je me fige à nouveau. Parce que c’est bien plus pire que je n’aurai pu l’imaginer, pensant qu’il n’avait pas eu juste les couilles d’être là pour sa sœur. Mais non, à la place, il a eu la bonne idée visiblement de se saouler encore la tronche, au point de ne se réveiller que quelques jours plus tard. En plus de cette absence auprès de sa sœur, il jouait avec le feu. Mon sang se glace et pourtant ma colère est encore plus brûlante « T’es un moins que rien. Tu es entrain de te détruite à petit feu et tu entraînes tout le monde avec toi dans ta descente aux enfers ». Le mépris suinte dans mes paroles tout comme dans mon regard. « T’es qu’un déchet ! ». Mes mots sont fort, bien trop fort cette fois-ci par rapport à d’habitude, bien trop pensé d’une façon qui crée un fossé entre nous, dans notre amitié qui date depuis presque toujours.

J’enfonce le clou, je lui dis qu’il n’est qu’une déception pour tout le monde, pour moi, pour sa propre famille. Et sa réaction n’en est que pire « C’est pas grave c’est pas ma famille ». Je suis écœurée. Ecœurée d’entendre une chose pareille, qu’il dénigre autant cette famille qui l’a accueilli à bras ouverts, alors qu’il était orphelin. « Tu ne les mérites pas, tu ne mérites même pas de porter leur nom ». Je sais que ça va le blesser que je lui dise une chose pareille, surtout quand ça touche une partie de son passé qu’il préfère ignorer, dont il n’aime pas parler, avec moi ou avec quiconque. Mais là, il dépasse les bornes, il merde trop pour que je réussisse à garder mon calme et à prononcer des mots que je regretterai sûrement. Et encore, je ne suis même pas sûre de le regretter, surtout avec ce qu’il s’apprête à me balancer en pleine figure « Et toi personne t’aimera jamais assez pour rester ». Et venant de lui, bien que je sois habituée à ces vacheries, là, ses paroles me transpercent le cœur et me font mal. Bien trop mal. Au point que je viens à le repousser violemment, que mes yeux s’humidifient du fait de la haine que je peux ressentir contre lui pour ce qu’il vient de me dire. Surtout lorsque tout cela fait écho à une conversation similaire quelques semaines plus tôt avec Knox. « Je te déteste ! Tu peux tirer un trait définitivement sur notre amitié, je ne veux plus jamais t’avoir dans ma vie ! Tu mérites tout ce qu’il t’arrive ! ». Je le repousse à nouveau et finit par me figer alors qu’une larme tente de rouler sur ma joue, disparaissant d’un revers de main.

« T’es un moins que rien. Tu es entrain de te détruite à petit feu et tu entraînes tout le monde avec toi dans ta descente aux enfers ».

Cela ne devrait pas blesser autant. Cela ne devrait pas me donner envie de me replier en boule et de disparaître. J’aimerais que ça fasse moins mal, que les mots m’atteignent moins. Ils sont un écho de ceux que Tessa a prononcé. Dans la bouche de Mia qui n’a jamais été que pure honnêteté avec moi, ils font d’autant plus mal. « T’es qu’un déchet ! »  Mes poings se serrent. « LA FERME ! » je gueule cette fois, laissant une colère exploser alors que je n’ai rien à répliquer, aucune défense contre les poignards qu’elle enfonce dans mon cœur parce que je suis le seul responsable de tout ce qui arrive, elle a raison et c’est sans doute ça qui fait le plus mal. « TU SAIS RIEN PUTAIN ! TU SAIS QUE DALLE ! » Je crie de plus belle, le visage déformé par une colère mêlée de désespoir. Non elle ne sait rien, de tout ce que je ressens.

Lorsqu’elle me dit que je ne suis qu’une déception pour ma propre famille, cette fois la colère s’éteint pour laisser place à un ton vide d’émotion, à une désinvolture qui n’est qu’apparence. La colère n’a pas marché et à présent je cherche une autre manière de fuir la honte et la culpabilité, cherchant tout simplement à supporter la douleur qui me donne envie de vomir, la confirmation de toutes mes angoisses les plus profondes.

« Tu ne les mérites pas, tu ne mérites même pas de porter leur nom » Ca ne pouvait pas être pire et pourtant ça l’est.  Mon cœur se serre bien trop violemment et je recule d’un pas.  Non je ne les mérite pas. Comment pourrais-je mériter de porter leur nom quand je ne serais jamais leur chair et leur sang ? Comment pourrais-je les mériter quand je suis en train de tout faire foirer ? Quand je n’ai jamais su être là pour Link et que j’ai réussi à abandonner ma sœur au moment où elle avait le plus besoin de moi ?  Je ne veux plus rien ressentir, je veux que tout s’efface, je veux me noyer dans l’alcool jusqu’à ce qu’enfin je sois apaisé.

Je choisis de la blesser en retour parce que je n’ai pas l’impression d’avoir d’autres choix et je trébuche en arrière lorsqu’elle me pousse.  « Je te déteste ! Tu peux tirer un trait définitivement sur notre amitié, je ne veux plus jamais t’avoir dans ma vie ! Tu mérites tout ce qu’il t’arrive ! ». Elle me pousse de nouveau et une larme perle sur ses paupières et je l’ignore, choisissant d’être un peu plus odieux, de tirer ce trait définitif sur cette amitié, persuadé que tout détruire sera plus simple que d’essayer de tout réparer.  « Tant mieux Mia, parce que je ne veux plus jamais te voir non plus ! Retourne chouiner auprès de ton connard de père pour qu’il t’aime et que peut être qu’il ne t’abandonne pas cette fois. Retourner chouiner auprès de ton ex qui s’il t’aimait vraiment aurait mis toutes ses putains d’obligations de côté pour toi.  Même ton meilleur pote en a eu ras le bol de toi. Alors va donner des leçons aux autres Mia ! »  

Il m’annonce qu’il n’a pas été fichu d’être présent pour sa sœur, elle qui avait pourtant besoin de lui dans ce moment si important. Lui qui s’inquiétait pour elle, pour cette maladie cardiaque qui lui était tombée dessus. Son opération était à risque et il me dit qu’il a fait un blackout. Un blackout dû à son addiction à l’alcool. Il était en totale perdition et je n’imaginais pas que ça pouvait être à un point pareil. Je suis tellement en colère contre lui, non seulement pour ce qu’il a pu balancer à mon père mais aussi pour sa lâcheté que je ne pèse pas mes mots. Il détruit sa vie mais entraîne les autres avec lui dans sa chute. Parce que je n’ose imaginer l’état de Tessa en voyant que son frère a été aux abonnés absents alors qu’il lui avait promis d’être là. Qu’il aurait dû être là tout simplement pour elle, endosser son rôle de frère et laisser ses problèmes puérils de côté au moins le temps de quelques heures. « LA FERME ! ». il me répond alors que je viens de le traiter de déchet. Parce que même là, face à moi, il est dans un état lamentable et que je peine à retrouver mon calme en ayant accumulée cette colère contre lui depuis ce matin. « TU SAIS RIEN PUTAIN ! TU SAIS QUE DALLE ! ». Il me crie dessus, cela ne m’aidera pas à essayer de le comprendre. Au contraire « LA FAUTE A QUI HEIN ? » J’avance toujours, pour mieux le confronter « Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, qui te complaint à prétendre que tout va bien et que rien n’est GRAVE ! ». Il a toujours été comme ça et bien que je le connaisse par cœur, qu’on est toujours réussi à percevoir la moindre faille chez l’autre, j’ai l’impression que cette fois c’est différent. Différent parce qu’il a tout camouflé, et que nos dernières rencontres ne m’ont pas permis de voir à quel point il était au fond du trou, à quel point il était entrain de foutre sa vie en l’air, noyant tout cela dans l’alcool, beuverie dans laquelle j’ai pu l’accompagner d’ailleurs… Non je ne sais rien, je n’ai rien vu venir et la compassion n’est pourtant pas présente. Il n’y a que de la colère. Peut-être égoïstement parce que je ne fais que penser à la merde qu’il a pu mettre dans ma famille.

Les mots continuent de tomber, un ping pong incessant de paroles plus blessantes les unes que les autres jusqu’à ce qu’il me rétorque, sûrement par vengeance de ce que je venais de lui dire, que je ne parviendrai jamais à trouver personne qui m’aimera assez pour rester. Il me connait par cœur à son tour, sait très bien où il faut appuyer pour faire mal. Il sait que je suis détruite par cet aspect là de ma vie où j’ai l’impression d’être sans cesse abandonné, et pourtant c’est ce terrain là qu’il choisi pour me blesser davantage. Même si notre amitié n’a toujours été qu’honnêteté, que nous n’avons jamais pris de pincettes entre nous, cette fois c’est trop. Trop surtout lorsqu’il a tout à se faire pardonner et qu’il préfère se montrer odieux. Alors pour moi, c’est la goutte de trop, des paroles que j’ai déjà entendues quelque semaines plus tôt, que je n’ai pas besoin d’entendre à nouveau. Je le déteste, je le hais, je ne veux plus entendre parler de lui. Jamais. « Tant mieux Mia, parce que je ne veux plus jamais te voir non plus ! Retourne chouiner auprès de ton connard de père pour qu’il t’aime et que peut-être qu’il ne t’abandonne pas cette fois. Retourne chouiner auprès de ton ex qui s’il t’aimait vraiment aurait mis toutes ses putains d’obligations de côté pour toi. Même ton meilleur pote en a eu ras le bol de toi. Alors va donner des leçons aux autres Mia ! ». Mes larmes roulent d’une aisance déconcertante sur mes joues, parce qu’il égratigne encore plus cette blessure béante qui ne guérira jamais chez moi. Il le sait parfaitement et il en joue, il se permet d’en user pour me mettre plus bas que terre. Je ravale très difficilement, ma voix est saccadée et ce sera les derniers mots que j’ai pour lui « Va en enfer Pete ! Il ne te reste plus rien ni personne, tu as réussi à faire fuir le peu de personnes qui te tolérait dans leur vie. Quand tu t’en rendras compte, il sera bien trop tard ! Il peut t’arriver n’importe quoi, je ne veux plus rien savoir sur toi ! PLUS JAMAIS ». Je sors alors ce petit grigri qu’il m’avait offert d’un de ses nombreux voyages, qui représentait en quelque sorte notre amitié même si nous ne l’avions jamais avoué, trop fier autant l’un que l’autre pour dire que cette amitié était précieuse à nos yeux… qu’on s’aimait malgré toutes les vacheries que nous avions l’habitude de nous balancer. « Tu as tout perdu ». Je lui balance alors à la figure l’objet, attrape ma glacière et tourne les talons définitivement, mettant un point final à une amitié de plus d’une vingtaine d’années.

« LA FAUTE A QUI HEIN ? Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, qui te complaint à prétendre que tout va bien et que rien n’est GRAVE ! » J’ai envie d’hurler plus fort qu’elle. J’ai envie qu’elle se taise, qu’elle ne me connaisse pas aussi bien que ça. J’ai envie de l’oublier elle et les jours précédents. Peut-être que j’aurais pu me confier à elle, peut être qu’un jour j’aurais réussi réellement à parler de toutes ces choses que je suis incapable d’exprimer. Au lieu de ça je me ferme, je creuse ce précipice entre nous, l’attaquant de la même manière dont elle m’a attaqué pour blesser et détruire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien de l’amitié qui nous unit.

Les larmes roulent sur ses joues et pourtant je suis incapable de m’arrêter. J’en rajoute, je sors les poignards pour déchirer son cœur, j’appuie là où je sais que ça fera mal tout comme elle l’a fait pour moi un instant plus tôt. Je veux la blesser autant que je le suis, je veux qu’elle ait mal autant que moi j’ai mal. Rien ne semble suffisant pourtant et malgré mes paroles odieuses j’ai l’impression que ça ne sera jamais assez.

« Va en enfer Pete ! Il ne te reste plus rien ni personne, tu as réussi à faire fuir le peu de personnes qui te tolérait dans leur vie. Quand tu t’en rendras compte, il sera bien trop tard ! Il peut t’arriver n’importe quoi, je ne veux plus rien savoir sur toi ! PLUS JAMAIS ». Je la regarde sortir l’objet d’entre ses doigts, ce petit cadeau ridicule ramené d’un énième voyage, le genre de truc qu’on accroche à ses clés. « Tant mieux, dégage de ma vie Mia ! » Je crache les mots que je ne pense pas, ces mots que je regretterais sûrement dès l’instant où elle sera partie. Elle me balance l’objet à la figure que je rattrape in extremis. [color=#cc3366« Tu as tout perdu. [/color]» Elle s’en va et me laisse seul sur la plage. Je reste un long moment les bras ballants à regarder sa silhouette s’éloigner.

Les regrets viennent vite, je choisis de les étouffer en sortant la bouteille d’alcool de ma glacière, pour l’ouvrir et commencer à boire. Je lâche l’objet dans le sable qui sera vite enterré et laissé en cadavre sur cette plage, tout comme notre amitié en morceaux.

Tu as tout perdu Peter.