We rise by lifting others @Keith Weddington & Holden Atwood

Sur le campus universitaire, le soir du 02/02/2021

Je me laissais aller contre le dossier mobile de ma chaise de bureau et fis passer mes mains sur mes yeux et sur mon visage. Dehors, il faisait nuit noir. Ça devait bien faire cinq heures, sinon plus, que je travaillais. Mon dernier cours s’est achevé vers 17h30. J’ai ensuite discuté avec un petit groupe de mes étudiants pendant une trentaine de minutes puis je suis passé en vitesse en salle des professeurs pour voir si j’avais reçu du courrier dans ma boîte personnelle et je suis monté dans mon bureau. Là, je m’y étais enfermé non pas pour corriger des copies – le nouveau semestre n’était pas encore assez avancé pour que je donne des devoirs notés à mes élèves – mais pour travailler sur mes recherches. Celles-ci se portaient en ce moment sur l’étude approfondie des trous noirs et je pouvais passer des heures à lire une quantité monstre de théories à ce sujet, chacune se réfutant l’une l’autre. J’ai été tant pris par mes lectures que je n’avais pas vu le temps passer, le ciel s’assombrir et la luminosité diminuer. Pourtant, j’avais bien allumé la lumière dans mon bureau mais je n’ai pas eu le réflexe de me dire « Tiens, et si tu regardais l’heure qu’il est, Holden ? ». Au lieu de ça, je me retrouve là, appuyé contre le dossier de mon fauteuil, les yeux brûlants tant ils étaient secs et probablement le dernier membre du corps enseignant encore sur place à…21h30 passée…Et merde, lâchais-je en voyant l’heure tardive. J’envoyais en vitesse un texto à Freya, une de mes collocs, pour qu’elle excuse mon retard et qu’elle veuille bien vérifier que mon chien a encore suffisamment à boire et à manger jusqu’à mon retour. Puis je glisse mon portable dans une des poches de mon jean, je rassemble hâtivement mes affaires, éteins tout et ferme la porte de mon bureau à clé.

L’université, de nuit, a quelque chose d’étrange. C’était comme si on découvrait une autre facette du lieu. Ses couloirs semblaient plus larges et plus profonds. Ses salles de cours, plongées dans le noir, semblaient comme laissées à l’abandon alors qu’elles étaient remplies de vie quelques heures plus tôt. Il n’y avait pas un bruit, à part quelques craquements éparses qui me faisaient toujours un peu sursauter (oui je n’ai pas la conscience tranquille, je sais…). Je pris sur ma droite au bout du couloir et me dirigeais vers les escaliers lorsque je vis de la lumière émaner d’un des bureaux. Comme je n’entendais pas un bruit, je me suis de suite dit que la personne avait oublié d’éteindre la lumière en partant, ce qui faisait fulminer de contrariété mon côté légèrement écolo. Je lâchais un soupir un brin exaspéré et me dirigeais vers la porte entrouverte. Je l’ouvris en grand et sursautais, ne m’attendant pas à trouver encore quelqu’un d’autre que moi ici, à cette heure :

Oh bordel…jurais-je en mettant une main sur mon corps qui avait raté un battement. Keith..salut. Désolé, j’pensais qu’il n’y avait plus que moi ici, m’excusais-je devant l’un de mes collègues enseignant, Keith Weddington, qui n’avait d’ailleurs pas toujours été enseignant dans sa vie. Tu bosses tard ce soir, remarquais-je, mais il faut dire que ce n’était pas non plus dans mes habitudes de rester ici aussi tard. Qui sait…Peut-être que ça lui arrivait fréquemment, de ne rentrer chez lui qu’à une heure tardive