► how did we lost each other along the way? @JEAN ATWOOD & MATTHIAS CALLOWAY

C’est encore un désastre culinaire, un de plus parmi le compte interminable de mes tentatives pour faire quelque chose de mangeable. Si je suis quand même capable de faire des pâtes avec un steak haché, ou bien même un plat de riz, je ne suis clairement pas encore prêt ou qualifier pour faire des choses plus poussées. Une seule bouchée nous suffit, à Jean et moi, pour comprendre que ce soir ne sera pas encore le soir où je réussirais un plat de lasagnes. Sur le papier ca n’a pourtant pas l’air si difficile à faire, mais quand je m’y lance le résultat me prouve bien le contraire. Nous nous mettons à rire avant que de décider de commander à manger plutôt que perdre plus de temps à essayer de faire quelque chose de mangeable. Je crois que Jean est, de toute façon, tout aussi doué que moi aux fourneaux alors au moins nous ne prenons pas de risque. Elle vient m’enlacer rapidement pour me rassurer sur mes efforts de lui faire à manger avant de s’éclipser de longues minutes. J’en profite pour ranger la cuisine, et éviter un autre argument plus tard dans la soirée ou demain, et jeter le plat de lasagnes immangeable. J’ai le temps de tout ranger avant qu’elle ne revienne en m’informant que la commande qu’elle a passée serait là dans une dizaine de minutes. Je ne peux cependant m’empêcher de lui demander si tout va bien parce qu’elle vient de passer quand même un bon moment dans la salle de bain. “I’m okay, don’t worry… I just… zoned out...” Jean n’est pas très doué pour mentir, du moins pas aussi douée qu’elle ne le pense sûrement, ou alors c’est que je la connais bien, mais je vois bien qu’elle me ment. J’aurais sûrement pu lui faire la remarque, mais je n’ai clairement pas envie de gâcher le reste de notre soirée qui semble s’arranger un peu après notre dispute de début de soirée. J’hoche donc simplement la tête avec un petit sourire et vais me poser dans le canapé avec elle.

Bien sur la blonde assise à côté de moi tente alors un changement de sujet complet, sûrement pour ne pas que je la questionne sur la véritable raison du temps qu’elle a mis et je rentre dans son jeu. Si il y a bien une chose que je ne peux reprocher à Jean c’est qu’elle s’intéresse toujours grandement à ma carrière et qu’elle en suit même des fois plus les retomber que moi. “I obviously know what’s up with Lion, I’m reading every single article or comment about it. I’m super proud of you, you know, maybe I haven’t told you enough.” Je ne peux retenir le sourire tendre qui vient se placer sur mes lèvres. L’avis et le support de Jean a toujours été quelque chose qui compte beaucoup pour moi, quelque chose sur lequel je me base beaucoup et de savoir qu’elle est fière de moi me gonfle toujours le cœur de bonheur. “Thanks.” Je viens doucement prendre sa main et dépose mes lèvres quelques secondes dessus. Je sais que Jean adore lire tous les articles sur mes films, qu’elle prend grand soin de me faire partager son avis et qu’elle n’hésite d’ailleurs pas non plus à critiquer les journalistes avec qui elle n’est pas d’accord. Je ne peux pas nier qu’elle est passionnée ma femme, et c’est quelque chose que j’aime chez elle. Je lui parle ensuite rapidement du scénario que je suis en train d’écrire pour créer un dessin animé. C’est la première fois que je me lance dans quelque chose de si différent et je suis autant nerveux qu’excité de voir ce que cela va donner. “Of course, I can’t wait to read it and help you if needed… Is it taking shape yet ?” “Well, I have to full script in mind. I’m writing, and I have an idea of what the characters would look like, but I have to find someone to draw them for me.” Je lui réponds, oubliant bien notre dispute de quelques minutes plus tôt et le désastre culinaire. Lorsqu’on me lance sur un sujet qui me passionne, je peux en parler pendant des heures et ca, elle le sait Jean. “I don’t want so big ass professional, you know. I want someone that is passionate and maybe has never been doing a project this big.” Mais elle le sait Jean, que j’aime travailler avec des gens non connus, des gens passionnés. “I’m gonna have to start looking into it soon.” J’ajoute avec un léger sourire.

“Can we eat watching the movie ?” Me demande alors ma femme et j’hoche la tête. “Yeah, sure.” Je lui réponds alors qu’elle attrape la télécommande et recherche le film. Je prends une gorgée de vin et la sonnette retentit à ce moment-là. “I’ve got it.” Je me lève, dépose mon verre sur la table basse et vais ouvrir la porte au livreur. Je le paye et lui donne un pourboire en le remerciant avant de revenir sur le canapé. “It smells delishious.” Je pose les plats sur la table basse.

how did we lost each other along the way?  (ft. @Matthias Calloway )

Jean voit bien le regard dubitatif de Matthias quand elle prétexte avoir perdu la notion du temps dans la salle de bain. Il n’est pas dupe mais il ne dit rien, il fait beaucoup d’efforts pour préserver la paix entre eux ce soir. Et Jean s’en veut d’autant plus de s’être laissée happer par l’appel du travail, elle s’en serait probablement moins voulu si le coup de fil avait été fructueux mais ça c’est une autre histoire. Il la laisse donc détourner le sujet de conversation avec ses gros sabots, mais il est comme elle, toujours prompt à parler de son travail qui est aussi sa passion. Jean en profite pour lui rappeler à quel point elle est fière de lui et de son dernier film sorti, un vrai succès auprès de la critique et du public et il ne l’a pas volé. Leurs sourires se font tendres. “Thanks.” Il saisit sa main et y dépose amoureusement ses lèvres, puis, alors qu’ils abordent son nouveau projet de dessin animé, le poignet de Jean vient se déposer dans le creux de son épaule, ses doigts effleurant la nuque de son mari presque machinalement. Un geste d’affection répété mille fois, devenu habituel, anodin presque. Elle lui assure qu’elle a hâte de pouvoir enfin jeter un œil à ce nouveau projet et c’est vrai, elle s’enquit de son avancée. “Well, I have to full script in mind. I’m writing, and I have an idea of what the characters would look like, but I have to find someone to draw them for me.” Jean voit son mari s’animer, elle pourrait presque visualiser les engrenages s’activant sous son crâne tandis qu’il cogite à ses personnages et son ou sa future dessinatrice. « I’d like to help you, but I have a lot of talents, but drawing is not one of them… I probably draw even worst than I cook... » plaisante-t-elle avec un rire doux et discret. Elle ne pense plus au travail à ce moment là, elle ne pense plus à leurs  disputes non plus, ils ont une discussion intéressante, son mari a cette étincelle de passion dans l’œil et c’est comme s’ils se retrouvaient aux débuts de leur relation, quand ils apprenaient à se connaître et que chacune de ses qualités l’émerveillait tout autant que ses défauts lui paraissaient adorables. “I don’t want so big ass professional, you know. I want someone that is passionate and maybe has never been doing a project this big.” « I know you’ll find the perfect fit, you just need to be patient... » Le problème avec les gens aussi passionnés qu’eux, c’est qu’ils confondent souvent enthousiasme et impatience. Jean rage de ses enquêtes qui n’avancent pas, travailler seule est difficile et frustrant mais c’est la voie qu’elle a choisie et elle y trouve plus d’avantages que d’inconvénients. Si seulement, elle arrivait à se canaliser et limiter les sujets sur lesquels elle enquête en simultané, alors peut-être serait-elle plus efficace. Mais elle ne sait pas prioriser ou se limiter à un ou deux sujets, elle veut sauver le monde et il y a tellement de travail qu’elle s’éparpille. “I’m gonna have to start looking into it soon.” « I don’t think of anyone for now… But count on me to keep an eye out for talented artists… You never know... » Jean rencontre beaucoup de gens dans son métier, même en tant que serveuse, ou tout simplement parce qu’elle a beaucoup d’amis, alors elle pourrait bien l’aider dans sa recherche de la perle rare encore baignée d’anonymat. Sa main se pose plus franchement sur la nuque de son mari, l’enrobe et l’attire jusqu’à elle pour que leurs lèvres se rencontrent à nouveau. Si cela pouvait être si simple tout le temps entre eux, des conversations intéressantes, un peu de tendresse, du vin et un bon film, que demander de plus ?

Puis ils se détachent et elle attrape la télécommande pour rechercher le film, il acquiesce à sa proposition de manger devant la télé et la sonnette retentit deux secondes plus tard. “I’ve got it.” dit-il en se dirigeant vers la porte. « I found the movie ! » claironne-t-elle en le mettant sur pause le temps que son mari revienne les bras chargés d’un gros paquet qui contient un véritable festin libanais. “It smells delishious.” « Oh gosh, yes, sooo much ! » s’enthousiasme-t-elle en commençant déjà ouvrir les boites en carton recyclable qui contiennent les différentes préparations, avant même que Matthias ait touché à quoique ce soit, elle saisit un falafel, le plonge dans la sauce au yahourt de soja et l’engouffre dans sa bouche. Elle mâche avec une expression de bonheur bienheureux sur le visage et rajoute la bouche à moitié pleine : « It’s even better that I remembered, yummm. » Elle finit par engloutir le tout et se lève pour trottiner jusqu’à la cuisine : « I’ll be right back with some forks and plates, let’s be civilized ! » Alors que c’est elle qui a les doigts plein de gras de friture et de sauce. Elle revient quelques instants plus tard avec des serviettes en tissus, des fourchettes, couteaux, cuillères et un plat pour y disposer certains éléments et rendre le tout plus accessible. « You washed the dishes, honey. Are you feeling okay ? » plaisante-t-elle, il a laissé la cuisine impeccable, à croire qu’il a quelque chose à lui demander, se dit-elle en regrettant aussitôt de faire du si mauvais esprit.

Elle prend place à nouveau sur le canapé, saisit son verre de vin d’une mais et la télécommande de l’autre, elle appuie sur play. « Let’s see that movie ! I hope Leslie has good tastes ! » Elle boit une gorgée et commence à grignoter les différents plats présents devant eux, c’est délicieux et le film commence bien. Elle comprend bien vite qu’il s’agit d’une série de portraits de couples et que l’on va suivre leurs histoires en simultané, un peu comme dans Love Actually. Il y a un couple de seniors très attendrissants, le couple de trentenaires typiques qui ont l’air d’être les personnages principaux, puis soudain, un couple de femmes. Jean ne s’y attendait pas, le film est commencé depuis à peine une vingtaine de minutes et on découvre deux jeunes femmes d’une vingtaine d’années qui s’embrassent avec tellement d’entrain qu’on dirait qu’elles essayent de se faire un blanchissement mutuel des dents. « Oh… Why do they always need to zoom in like that ? » râle-t-elle en détournant le regard, gênée par cette image qui est venue la prendre par surprise, cette image qui a provoqué un fourmillement qu’elle n’assume dans un endroit de son corps que l’on ne nommera pas. Elle amène son verre de vin à ses lèvres et sans le réaliser le vide d’une traite. « We’re nearly out of wine, I’ll just grab another bottle quickly... » annonce-t-elle en fuyant le salon pour la cuisine. Elle prend son temps pour ouvrir la petite cave électrique, choisir une bouteille, la déboucher et rejoindre son mari sur le canapé, les personnages principaux sont désormais à l’écran et Jean se rassoit et sirote son nouveau verre de vin, elle regarde le film en se demandant à chaque scène quand les femmes réapparaîtront à l’écran. Étrangement, elle a presque aussi hâte de leur retour qu’elle en a peur.

► how did we lost each other along the way? @JEAN ATWOOD & MATTHIAS CALLOWAY

Il n’en faut jamais beaucoup après une dispute pour que les choses aillent mieux entre nous, que l’un de nous fasse le premier pas dans les excuses et que tout soit oublié. C’est sûrement ce qui rend la situation avec Jean si particulière et si compliqué. Nous nous disputons assez souvent, c’est vrai, mais on se réconcilie aussi très rapidement à chaque fois. Les fois ou nous nous sommes faits la tête pendant plus longtemps qu’une petite heure sont rare, très rares. Quand je sais que je n’y mets pas du mien et que c’est à cause de moi que l’on se dispute, je finis toujours par m’excuser, par trouver un moyen de me faire pardonner. Et la vérité est aussi dans l’autre sens, comme cela a été prouvé ce soir. Lorsque c’est Jean qui est responsable de la dispute, elle finit aussi par s’excuser et faire un effort. Je crois qu’aucun de nous ne veut jamais blesser l’autre, jamais au point ou cela ferait trop mal. Notre mariage pourrait marcher, parce que nous nous entendons vraiment bien mais il y a quelque chose, quelque chose qu’aucun de nous n’arrive à trouver. Il y a ce petite quelque chose qui fait que tout ne marche pas comme cela le devrait et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. A ce moment-là, après réconciliation, la dispute est donc oubliée et nous sommes lancés dans une conversation sur mon boulot, sur ce nouveau projet de dessins animés que je suis en train de construire doucement. Le script est clair pour moi, il ne manque en réalité qu’à l’écrire et à trouver quelqu’un pour bosser sur les dessins et donner vie à ma vision et aux personnages. “I’d like to help you, but I have a lot of talents, but drawing is not one of them… I probably draw even worst than I cook...” Mon rire se mêle au sien alors que je serre doucement sa main. Il est vrai qu’aucun de nous deux ne sait dessiner, du moins pas assez bien pour pouvoir construire un vrai cartoon du début à la fin. “ I know you’ll find the perfect fit, you just need to be patient...” J’hoche la tête. “Yeah, I know. I haven’t finish writing the script anyway, so I still have some time.” Je lui réponds en venant prendre une gorgée de vin. Je ne veux cependant pas trop trainer pour trouver quelqu’un qui serait capable de travailler avec moi. “I don’t think of anyone for now… But count on me to keep an eye out for talented artists… You never know...” “I know I can always count on you.” Je lui réponds avant de déposer mes lèvres sur sa joue.

“I found the movie !” S’exclame la blonde alors que je me lève du canapé pour aller récupérer notre commande de nourriture et payer le livreur. Le sachet que j’ai à la maison laisse échapper une odeur qui fait bruyamment gargouiller mon ventre. “Oh gosh, yes, sooo much !” Je laisse à nouveau échapper un rire et vais attraper les plats pour les sortir du sachets. Ca sera définitivement bien meilleur que ma tentative complètement rater de lasagnes. Avant même que j’ai fini de tout déballer Jean attrape un fallafel, le trempe dans la sauce et le fourre dans sa bouche. “It’s even better that I remembered, yummm. I’ll be right back with some forks and plates, let’s be civilized !” “Says the one who just put a whole falafel in her mouth with her fingers.” Je réponds avec un sourire amusé. ‘Faite ce que je dis mais pas ce que je fais’ comme on dit hein. Jean ne tarde pas a revenir avec un plateau ou son posé deux assiettes et des couverts. “You washed the dishes, honey. Are you feeling okay ?” Je lui tire la langue, comme un gamin de cinq ans. “Yeah, perfectly fine.” Je lui réponds alors que Nanka, attisé par l’odeur de la nourriture, vient s’assoir près de moi. “Of course you want some.” Je lui dis d’un sourire amuse, venant caresser le dessus de sa tête.

“Let’s see that movie ! I hope Leslie has good tastes !” Assiette pleine, verre plein, je m’installe un peu plus confortablement dans le canapé. Le film est un peu dans le même genre que Love Actually et le reste d’autre films ou l’on y retrouve des tonnes de couples de tout âge traversant des périodes différentes de leurs vies. Ce n’est pas du grand cinéma, bien loin de là, mais ca se laisse regarder. Je mange tranquillement devant, suivant un peu l’histoire tout en donnant, de temps en temps, un petit bout de falafel à ma chienne qui en est plus que ravie. “Oh… Why do they always need to zoom in like that ?” S’exclame Jean alors qu’à l’écran se trouve un couple de lesbiennes en train de s’embrasser fouguesement. Je tourney la tête vers son visage et j’y découvre une expression que je n’y ai pas vu depuis… Que je n’ai jamais vu je crois. Je ne sais pas à quoi elle pense, mais il y a quelque chose qui lui déplait (ou lui plait beaucoup) dans cette scène. Je fronce les sourcils, mais avant que je puisse dire quoi que ce soit elle se lève, la bouteille de vin vide dans la main. “We’re nearly out of wine, I’ll just grab another bottle quickly... ” Je la laisse faire, et la laisse nous resservir en regardant la fin du film. “So, did you like it as much as your friend did? ” Je demande à ma femme.

how did we lost each other along the way?  (ft. @Matthias Calloway )

Tous les deux sur le canapé, leur dispute dans le bureau paraît bien loin maintenant.  Pourtant, si tout a l’air parfait en apparence, dans le cœur de Jean, le doute et la culpabilité sont toujours là. Le doute vis à vis de ses sentiments, la culpabilité de ne jamais se sentir cent pour cent heureuse avec son époux alors qu’elle a tout pour être heureuse. Mais comme toujours, elle ravale ses états d’âme, les relègue dans un recoin bien au fond de son crâne et elle essaye à tout prix de profiter de l’instant présent et de la douceur de sa relation avec Matthias. Parce que leur amour a beau ne pas être parfait, ou peut-être même n’être qu’un mensonge, la tendresse et l’attention qu’ils se portent sont bien réelles. Ils rient en parlant du nouveau projet de film d’animation de Matthias, retrouvant une complicité dont il devient de plus en plus difficile de faire l’expérience dans leur quotidien routinier où leurs disputes sont devenues bien plus nombreuses que leurs fous rires. “I know I can always count on you.” dit-il en l’embrassant à nouveau. Il cherche toujours les baisers bien plus qu’elle, comme s’il en avait besoin pour survivre, comme s’ils étaient son oxygène. Jean les accueille toujours en abaissant doucement les paupières, un petit sourire sur les lèvres, ce n’est pas parce qu’elle ne les provoque pas qu’elle ne les apprécie pas, la plupart du temps elle n’y pense tout simplement pas, elle les oublie ces baisers et ces gestes tendres, prise dans son quotidien et ses mille choses à faire qui semblent tellement plus importantes.

Leur commande arrive, le film est prêt à être lancé mais Jean fait un sot par la cuisine pour ramener des couverts et assiettes, non sans avoir englouti un falafel à mains nues avant. “Says the one who just put a whole falafel in her mouth with her fingers.” « Oh you saw that ? » plaisante-t-elle avec un faux air embarrassé et elle contre-attaque en demandant à son mari s’il se sent bien car il a fait la vaisselle et que c’est un évènement qui mériterait d’être inscrit sur le calendrier. Il lui tire la langue comme un enfant : “Yeah, perfectly fine.” Le chien de Matthias vient se joindre à la fiesta, jamais bien loin quand il y a de la nourriture qui traîne celui-là. Pas de trace de Grumpy, le chat roux et borgne de Jean, ce qui n’est pas étonnant. Il doit probablement être terré dans son bureau, il n’aime pas grand monde à part sa maîtresse et même après trois ans (enfin, plutôt deux ans si l’on soustrait leur pause) de cohabitation, il feule systématiquement sur Matthias s’il s’approche trop près.

Finalement, elle lance le film et il se lovent chacun à une extrémité du canapé avec leur assiette pleine à ras bord de mets libanais. Jean se plonge dans le film avec intérêt, les histoire d’amour sont belles, parfois compliquées,  mais elles finiront toutes bien, c’est obligé dans ce genre de film. C’est ce qu’elle aime d’ailleurs Jean, c’est simple dans les comédies romantiques, les personnages surmontent tous les obstacles et trouvent l’amour de leur vie. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, cette promesse de conte de fées en laquelle Jean croit dur comme fer sans pourtant arriver à se sentir sur la bonne voie vers ce bonheur éternel. Puis, l’image sur l’écran semble sauter au visage de Jean, deux femmes qui s’embrassent  goulûment. Elle est gênée par ce que cette image produit en elle, et elle s’accroche à cette part de dégoût pour râler, comme si c’était voir de la bave et des langues qui la dérangeait vraiment. Elle fuit les lieux à la recherche d’une autre bouteille et revient se poser sur le canapé pour voir la suite du film. Elle boit beaucoup de vin pendant le film et dès que le couple de femmes revient à l’écran, elle détourne le regard, puis le reporte sur l’écran, entre curiosité et gêne. Elle ne veut pas que son mari se rende compte de son attitude étrange alors elle modère ses réactions. A un moment, il y a une scène de sexe entre elles et Jean commence à avoir chaud, elle met ça sur le dos du vin car elle commence à avoir vraiment abusé du breuvage, mais elle est excessivement gênée de regarder cela avec son mari à côté, comme si elle lui faisait une infidélité. Finalement, le film se termine sur un happy end pour tout le monde comme c’était attendu, ce n’est pas dans ce genre de film qu’on se fait surprendre par un plot twist. “So, did you like it as much as your friend did? ” Jean finit son énième verre de vin alors que le générique défile en musique. « Yeah, I don’t know… It’s good, yes. It was nice... » En réalité, c’est le genre de film qu’elle aurait adoré si la présence de ce couple de femmes ne l’avait pas hautement perturbée. Elle retourne la question à son mari comme pour se débarrasser de la patate chaude : « And you ? Did you like it ? » Il aura probablement trouvé l’histoire bateau et niaise, c’est loin d’être du grand cinéma et vu que c’est son métier il a probablement relevé tous les défauts de mise en scène, de cadrage, le manque d’inventivité et de style dans les plans, et Jean préférerait qu’il parle de ça plutôt qu’il relève sa réaction étrange au baiser des deux actrices. Puis, elle entreprend de se lever pour débarrasser la table basse, histoire de se donner une contenance, mais en se retrouvant debout, elle vacille, plus saoule qu’elle ne l’aurait cru. « Oopsie !  I’m tipsy ! » lâche-t-elle avec un gloussement en se laissant retomber sur le canapé, s’effondrant à moitié sur son mari. Allez savoir quelle mouche l’a piquée, mais elle se retrouve à embrasser son mari à pleine bouche. Probablement le vin qui fait son effet et le film qui lui a inconsciemment donné des envies. Elle l’embrasse avec fougue et se colle contre lui de manière inattendue, Jean n’a jamais été bien entreprenante pour ces choses-là, le sexe ça n’a jamais été sa passion, sa libido a toujours été plutôt endormie, mais ce soir elle semble s’être éveillée momentanément.

► how did we lost each other along the way? @JEAN ATWOOD & MATTHIAS CALLOWAY

Si il y a bien une chose que nous avons en commun avec Jean, et que nous apprécions tous les deux, c’est le fait que nous sommes gourmand. Quand on nous met un bon plat devant le nez je ne sais pas vraiment lequel pourrait résister le plus longtemps. C’est d’ailleurs lorsque je dépose les sachets remplis de nourriture et que je commence à peine à les sortir que Jean me le prouve encore une fois. Elle enfile un falafel dans sa bouche tout en prenant la parole alors qu’elle a la bouche encore à moitié pleine, ce qui ne manque d’ailleurs pas de me faire rire un peu. C’est une des choses que j’aime avec Jean, c’est que l’on s’accepte comme on est, qu’aucun de nous deux n’a besoin de devenir quelqu’un qu’il n’est pas. “Oh you saw that ?” Je relève les yeux vers elle. “Everybody would’ve seen it hon. ” Je réponds alors qu’elle s’éloigner pour aller chercher deux assiettes et des couverts. Elle remarque au passage que j’ai rangé la cuisine et me demande si je suis malade. Il est vraiment que faire la vaisselle et quelque chose que je n’apprécie pas vraiment et qu’il m’arrive souvent de laisser un trainer. Lorsqu’elle revient de la cuisine, Nanka s’est joint à nous, assises pas loin de moi, espérant sûrement que je lui donne quelques bouts de falafel.

Installé chacun de notre côté du canapé, assiette débordante presque, Jean lance le film. C’est un de ses films qu’elle aime, qui représente plusieurs couples dans leur vie de tous les jours. Je m’attarde cependant sur les ratés, mes angles qui ne sont pas bons et ce genre de choses. Malheureusement, avec le métier que je fais, il m’arrive souvent de remarquer ce genre de chose, de faire des commentaires sur le jeu des acteurs, même si je ne ferais absolument pas mieux moi-même, mais je suppose que c’est ma déformation professionnelle. Lorsque je regarde un film avec Jean je ne suis cependant pas du genre à commenter. Je sais qu’elle n’a pas le regard professionnel que j’ai moi et qu’elle apprécie simplement l’histoire et les personnages, et je respecte cela. Lorsque le générique de fin commence à défiler et que nos assiettes sont finies depuis un petit moment, je me tourne vers ma femme pour lui demander ce qu’elle a pensé du film. “Yeah, I don’t know… It’s good, yes. It was nice...” Je fronce un peu les sourcils. “You usually love that kind of movies.” Je lui fais remarque alors que je repère encore ce petit quelque chose dans son regard, ce petit reflet que je n’arrive pas à expliquer. “And you ? Did you like it ?” J’hausse les épaules. “Yeah, it was fine.” Ce n’est vraiment pas du grand cinéma, mais ca se laisse regarder. Ca permet de mettre son cerveau en pause comme je le dis souvent devant ce genre de film. Tout est trop romancé, mais au moins il n’y a pas besoin de réfléchir.

Mon regard se pose sur la blonde qui tente de se lever mais vacille et se met à rire comme une gamine de seize ans. Ma main la rattrape doucement, un peu par réflexe et je souris en la voyant être un peu saoul. “Oopsie! I’m tipsy !” “You know you can’t handle your alcohol.” Je lui réponds pour la taquiner un peu alors qu’elle se laisse à moitié tomber sur moi. Je repousse doucement une mèche de son front, et avant que je comprenne ce qu’il se passe elle vient m’embrasser. Pas un de ses petits baisers inhabituels, non, un baiser passionné, fougueux et cela me surprend venant d’elle. Jean n’a jamais trop été celle à initier ce genre de choses, du moins cela n’est pas arrivé depuis bien longtemps. Alors j’en profite, je réponds à son baiser et je viens doucement glisser mes doigts sous son t-shirt pour effleurer la peau de ses hanches. Je finis cependant par me séparer quelques secondes d’elles, juste le temps de lui demander : “Let’s move to the bedroom.” Je ne devrais peut être pas trop profiter de la situation, parce qu’elle a sûrement un peu trop bu, mais j’en ai envie, et elle aussi apparemment. Je me lève et prends sa main pour l’entraîner vers la chambre. C’est à mon tour de venir l’embrasser.