Yele qui fait sa vie dans son bel appartement de personne sérieuse et responsable. Yele qui fait la gueule surtout, comme un enfant gâté pourri, quand il s’assure de me laisser attendre comme une idiote pendant une heure de plus que celle que j’avais déjà mise au compteur pour ses éternels retards. « C’est bon, j’ai compris. » à force de toquer à sa porte à un moment faut pas non plus être maso. Mes phalanges sont belles depuis que le fait d’être mère me retient de les écraser sur les mâchoires de l’univers en entier – elles le sont encore plus quand elles se resserrent autour d’une pince à cheveux qui me servira à déverrouiller la porte d’entrée de la colocation de mon cher et tendre cadet.

Si les autres têtes qui habitent avec lui sont présentes ou pas, j’en ai rien à battre. Je leur souhaite d’avoir le karma assez positif par contre pour s’éviter une scène entre Parker, sachant très bien que ce n’est absolument pas aujourd’hui que l’espérance de vie des assiettes et autres tasses dans sa cuisine risque de monter en flèche. On sait pas faire les discussions doucement, dans la famille. On sait pas dire les choses avec des mots calmes et bienveillants, on a jamais appris à piler sur nos opinions et à tendre vers les compromis. Et ce ne sera certainement pas cet après-midi qu'on risque de commencer à tenir de meilleures résolutions, pas après avoir tapé du pied comme une idiote dans un café lambda en sachant très bien qu’il ne viendrait pas mais en lui laissant le bénéfice du doute que mon moral ira mieux.  

Et le voilà, le fils prodige, le petit prince qui tourne le coin d’un couloir dans un chez-lui que j’ai jamais visité (comprendre ici "envahi"). « Ça passait quand tu faisais ta vie pendant des années à Londres mais moi quatre mois en Europe et je suis la pire des traîtres? » parce que je sais très bien que c’est ça qui l’emmerde, qui l’enrage. Faut pas être diplômée en Yelahiah Parker pour savoir qu’il est autorisé à tout faire mais que du moment où le reste du monde, pauvre petit peuple de péons se retrouve à se tâter au même traitement qu’il leur réserve, là plus rien ne va. Anticipant qu’il ne dira rien, sachant qu’il va abuser de son statut de préféré jusqu’à la moelle le temps que je finisse à cause de je sais pas quelle manifestation du démon par m’excuser alors qu’en temps normal crever les yeux d’un inconnu ne m’arracherait même pas un haussement d’épaule, mes pas dévient de son entrée. Y’a même mes souliers et ma veste qui y restent, signe que je ne bougerai pas d’ici qu’il parle ou pas. Il rage de pas m’avoir vu pendant quatre mois? Il devrait être content que je sois là, non? Profite, petit chat. « Y’a rien à boire chez toi. » des placards je file au frigo, dégainant bouteilles et flacons en fronçant du nez, mes papilles de nouvelle mère libérée de l’alien qui se nichait au creux de son ventre et qui peut maintenant boire autre chose que de l’eau plate assaisonnée au désespoir.


@yelahiah parker

Il a trouvé un appartement, et il connait à peine sa colocataire. Elle n’est pas souvent là, et quand elle est là elle est léthargique. C’est réellement le type de personne que Yele a tendance à fuir. Il a reçu des dizaines de messages d’Ariane depuis quelques jours, et il n’y répond pas. Elle a décidé de s’enfuir et de vivre à 100% avec son autre famille. Elle l’a abandonné pour son bébé et il la déteste. « C’est bon, j’ai compris. » Elle toque à la porte depuis près d’une heure. Il a mis son casque sur ses oreilles pour ne plus l’entendre. Il ose croire qu’elle finira pas se lasser et qu’elle n’arrivera pas à ses fins. Ce serait mal connaître Ariane Parker.

Il enlève son casque quand le bruit de fond s’arrête, il marche et se retrouve au milieu du couloir quand il croise le regard de sa grande soeur. Il lève les yeux au ciel. “Porte fermée ça veut dire je veux pas te voir.” La porte aurait pu rester fermée pendant des heures, des jours même. Sa fierté est touchée, sa soeur lui a manqué et elle n’a pas été capable de s’en rendre compte. Elle a voyagé aux quatres coins de la planète en l’oubliant lui et tous les problèmes qu’il a ou qu’il a pu avoir. « Ça passait quand tu faisais ta vie pendant des années à Londres mais moi quatre mois en Europe et je suis la pire des traîtres? » Il se pose devant elle en croisant les bras sur sa poitrine. “Vas te faire foutre Ariane.” Il reste calme, il la fixe, il est énervé et il a déjà dit qu’il avait aucune envie de la voir. “J’aurais dû faire quoi ? Rester à Brisbane dans des écoles de merde en ayant autour de moi toutes les pires personnes de la ville, me marier une première fois, et attendre de trouver un mec riche pour avoir un gosse et pouvoir vivre ma petite vie tranquille en oubliant tout le reste ?” Il est méchant, il est mauvais, mais elle le connait et elle savait très bien à quoi elle devait s’attendre en arrivant par surprise. “Fais demi-tour, t’as sûrement un gosse à nourrir.” Il n’a encore jamais vu son neveu, parce qu’il n’en a pas eu l’occasion, parce qu’il travaille et qu’elle, elle a justement décidé de se barrer un peu partout dans le monde à chaque moment important. « Y’a rien à boire chez toi. » Y’a pas d’alcool chez lui parce que sinon il boit les bouteilles qui se trouvent à sa portée, et quand il n’y en a pas, il n’a pas d’autre choix que de se concentrer sur des dossiers ou de nouveaux apprentissages. “C’est calculé.” C’est réellement calculé. “Comme ça ça te donne pas envie de rester ici.” Un sourire mauvais nait sur son visage, le manque d’alcool n’était absolument pas calculé pour ça, mais ça lui fait plaisir de pouvoir énerver sa soeur autant que possible.

“Vas te faire foutre Ariane.” alors c’est ici qu’il habite.

Ça pue pas, les meubles bougent pas tout seul, y’a aucune trace de dégât d’eau ou de sinistre sur les murs, pas d’insectes crades qui crèvent dans le coin des pièces et les divisions des chambres ont l’air bien. Y’a de la lumière et – et à quoi tu t’attendais, vraiment? Il est pas con Yele, et il aime le luxe, un et un font deux. “J’aurais dû faire quoi ? Rester à Brisbane dans des écoles de merde en ayant autour de moi toutes les pires personnes de la ville, me marier une première fois, et attendre de trouver un mec riche pour avoir un gosse et pouvoir vivre ma petite vie tranquille en oubliant tout le reste ?” ouais bon, c’est pas le type le plus brillant du lot s’il pense qu’à m’insulter il va me chasser plus vite d’ici par contre. Débutant. « Ça me réussit bien tu trouves pas? » qu’il pique, qu’il arrête pas, que je puisse lui renvoyer ma voix mielleuse de cynisme à travers. À la fin de la journée, je suis quand même celle qui est mariée au foutu amour de ma vie et qui est la mère du pire/meilleur bébé de l’univers. Qu’il essaie donc, je disais.

Ses placards sont ma prochaine destination, quand bien même il me montre la porte de son regard noir, immobile comme un bon petit sbire prêt à mordre si besoin. C’est moi qui lui ai appris la tactique de s’ancrer les pieds au sol et de sauter à la gueule des autres quand ils s’y attendaient le moins. Il est où, mon merci? “Fais demi-tour, t’as sûrement un gosse à nourrir.” « Ouais pour le moment j’ai surtout un gosse gâté à gérer. » et aucune bouteille pour lui foutre un joli coup de pied dans ses nerfs tendus, ses bras croisés et ses soupirs amers. Conneries. “C’est calculé.” bien sûr. “Comme ça ça te donne pas envie de rester ici.” un haussement d’épaule plus tard et c’est l’artillerie lourde que je dégaine de mon sac à main, une flasque de scotch qui, douce ironie, était un cadeau que Yelahiah m’avait fait y’a quelques années de ça.

Gravée de son si précieux Union Jack. Dans ta gueule, frérot. « Par chance que j’ai de quoi faire avec ma réserve personnelle. » un battement de paupières plus tard et je m’installe sans grâce aucune dans son canapé, prunelles rivées vers lui et flasque haute levée. « Pour les grandes personnes matures d’entre nous. » cheers surtout. J’ai vu de l’eau et du jus de fruits dans son frigo, qu’il calcule ça. « T’as prévu bouder jusqu’à quand? Que je mette à mon agenda. » pendant que moi je m’occupe de calculer ça se compte en combien de jours, de semaines, de mois et d’années avant qu’il arrête de jouer au bébé. J'en ai déjà un qui m'attend à la maison, ma patience est limitée.