Elle en l'a pas lâché des yeux, lui-même a fait pareil. Au jeu des regards qui ne se détournent pas, ce soir elle vient de trouver un adversaire de taille, même adversaire à qui elle renvoie un sourcil haussé lorsqu'il ne lève pas son verre pour lui faire un cheers de politesse, accessoirement à distance. Elle ne sait pas trop qui il est et l'inverse est toute aussi vrai, la seule chose qu'elle a remarquée reste qu'il détone dans la foule des environs. Ils ont tous enfilé leur vêtements griffés, leurs chemises de marques et leurs souliers hors de prix, quand lui se contente d'une veste de cuir et de bottes de combat qu'elle jure avoir discernées dans la pénombre quelques fois illuminée des néons stroboscopiques de l'endroit.

Puis, le bar l'ennuie. C'est la même chose qu'elle s'impose, depuis des semaines maintenant. La même routine et les mêmes enjeux. Les mêmes dialogues de sourd qu'elle s'entend répéter de jour au boulot avec ses cas à traiter qui sont tristement du pareil au même, et le soir avec les conquêtes qui défilent sous ses yeux et parfois même dans ses draps sans qu'aucun ne reste aussi longtemps que Jet ces fois-là. Jet d'ailleurs qui est on ne sait où ce soir, et ce n'est certainement pas Chloe qui le lui demandera. Elle a bien mieux à faire que de rester pantoise à attendre un message d'un voisin qui passe sa vie chez elle autant qu'il disparaît en fumée. Ce soir, c'est elle qui a envie de s'envoler.

Le barman laisse une bouteille à portée de main. De la tequila bon marché, le truc qui donne un mal de tête assuré à la première gorgée. Elle n'aime même pas le goût, presqu'autant qu'elle en déteste l'odeur. Pourtant, c'est vers l'étiquette que ses doigts inquisiteurs se dirigent, c'est à même le goulot ouvert que son pouce se plante, de façon à refermer sa paume sur le verre de la bouteille une bonne fois pour toutes. Le vol serait bénin mais il resterait illégal, assez pour qu'elle sente des fossettes creuser ses joues de parts et d'autres de son visage de porcelaine. De l'autre côté du comptoir, là où l'inconnu la fixait et à qui elle rendait la pareille de son bord à elle, le voilà qui est disparu. Est-ce qu'il l'a vue?

Cela ne devait être qu’un coup d’œil circulaire pour m’imprégner des environs. Jusqu’à ce que mes prunelles rencontrent celle de la brunette assise à l’autre bout du bar. Perdue dans cette marée humaine, visiblement à des milliers de kilomètres de là dans un coin de sa tête. Elle détonne par l’ennui qui se dépeint dans chacun de ses gestes. Ce verre de vin qu’elle a choisi par dépit, qui la fait grimacer plus qu’apprécier. Mon regard qui oscille entre elle et son voisin. Gars bien trop collant qui prend un malin plaisir à lorgner sur son décolleté. Il pense être le roi du monde le dude quand en réalité, il m’inspire la pitié avec ses fringues hors de prix, sa montre de luxe. Il pense qu’il va pouvoir lui plaire quand il n’aura jamais les couilles de s’adresser à une femme qui en dégage tant. Un rire m’échappe alors que sa tentative s’avorte en quelques secondes. Next.

Le spectacle est bien plus amusant que la raison de ma présence dans ce bar empli de hipster guindé qui se pense cool quand ils ne sont que des boomers avant l’âge. Ma maison d’édition commence à s’impatienter tant je suis incapable de leur fournir, ne serait-ce qu’une trame qui tiens la route. Plonger sept ans en arrière, je me retrouve sans inspiration et pire encore avec cette sensation qui me colle au bide que l’écriture sera à jamais du passé pour un moi. Quelques succès et désormais des piges qui s’alignent sans goût et sans saveur. Des trucs basiques, écris sur le portable, tant que cela respecte le style poignant et mordant qui semble être devenu mien dans le milieu fermer du journalisme. Wyatt Parker n’a pas sa langue dans sa poche, il vous donnera une critique honnête et sans détour. Ouais… Et Wyatt Parker n’a plus les idées pour évoluer autrement. Alors, je fuis l’appartement et les machines à écrire. Les remarques de ma sœur et celle de mon éditeur. Les chapitres demandés n’avancent pas, les verres eux s’alignent sous mon nez.

Elle se pensait discrète la brunette, mais je l’ai remarqué à la seconde où ses doigts se sont renfermés sur la bouteille. Elle va se tirer. Je ne resterais pas ici. Se glisser dans la foule, attendre qu’elle s’échappe. À pas de loup, je me rapproche d’elle, mon corps soudainement bien trop proche du sien. « Tu partages ? » que je viens murmurer à son oreille. Je me mords la lèvre pour retenir un rire, alors que le barman commence à chercher sa bouteille. « Cap d’aller en tirer une autre ? » Une bouteille ne suffira pas, pour le reste de la soirée.

Il est là, et maintenant il ne l'est plus. Ce qu'il y avait d'amusant dans la scène s'est déjà envolé aux yeux de la brunette qui a presque oublié son visage au détriment des dizaines d'autres qui n'ont jamais attiré son attention à ce point. Elle aime être chassée Chloe, jamais l'inverse, et ne perdra pas une seule seconde à le chercher des prunelles quand son dû actuel lui convient parfaitement. C'est sans regarder l'étiquette qu'elle avait fait son choix, mais lorsque ses iris dérivent sur les appellations et l'année du millésime, elle laisse un sourire en coin peindre son visage, lui infuser une bonne poignée d'étoiles à même ses prunelles ravies que son subconscient se soit aussi facilement adapté à sa cause.

Son souffle le trahit bien avant qu'il ne dise le moindre mot.
« Tu partages ? »
« Cap d’aller en tirer une autre ? »

Pas une seule parole ne quitte les lèvres de Cohen qui détourne simplement sa tête par-dessus son épaule pour confirmer ce qu'elle sait déjà. S'assurer que c'est bel et bien lui et personne d'autre qui prend ses aises aussi abruptement dans sa bulle. D'un geste aussi vif qu'instinctif, la voilà qui plaque le vin sélectionné illégalement contre son torse à lui, renversant le verre d'une cliente par erreur pour attraper une bouteille de bulles à portée une seconde à peine après sa manoeuvre. Elle n'a rien de rusé Chloe, elle se fera attraper dans l'instant si elle ne presse pas le pas, prête à sacrifier le rouge au détriment du champagne qu'elle serre entre ses paumes au point où le froid du glas teinté lui gèle l'épiderme.

La foule se resserre, elle entend des interjections derrière, s'écrie le barman qu'elle fuit entre deux rires. Gamine prise sur le fait qui se nourrit d'adrénaline alors qu'elle prend le tournant vers les toilettes, voyant les vigiles de l'établissement qui se rapprochement dangereusement de la sortie pour lui en barrer le chemin. Il est là, lui qui a tout vu, lui qui est devenu le gardien du vin d'abord volé, lui à qui elle fait signe de suivre, quand elle s'engouffre dans la première salle de bain du bord, hilare. À voir si la cachette sera suffisante, ça par contre, elle l'ignore Chloe. C'est ce qui rend le jeu franchement bien plus amusant.


WIN : personne dans la salle de bain, ils peuvent souffler un peu
SO CLOSE : la salle de bain (des hommes) est bondée, tous se tournent vers eux tant ils sont vite repérés
FAIL : pas le temps de verrouiller la porte, le barman les rejoint avec deux vigiles

Tout se transforme en un jeu à l’instant où elle se tourne pour plonger son regard dans le mien. Deux inconnus, un bar empli de monde. Terrain de jeu parfait quand déjà elle a subtilisé une bouteille de vin. Je récupère son bien alors que son regard s’emplit d’un défi qui me plaît. Elle va jouer, je le sens. Je prends la direction opposée sans jamais la quitter du regard, elle qui se dirige d’un pas de chat vers le bar. Tourner dans le couloir qui mène aux sanitaires, observer de loin. Elle joue de son charme lorsqu’elle se penche au-dessus du comptoir. La bouteille de champagne est hors de prix. Son sourire victorieux semble tout aussi cher. « Eh reviens là toi. » Repérer. Je comptais bien tout abandonner et me tirer dans la ruelle. Chaque sa bataille après tout. Pourtant, la première bouteille ne quitte pas ma main quand elle arrive en courant vers moi. Je pourrais lui refourguer et la laisser gérer. C’est son rire enfantin qui me force à la suivre dans cette pièce. C’est celui-là même qui fait se retourner cinq hommes alors que la porte claque derrière nous. Pure scène d’animation tant leurs yeux s’écarquillent à la vue de la jeune femme. « Vous nous avez jamais vus. » que je martèle, alors que déjà, j’entraîne la brunette vers l’un des box. Je sens les regards de ses messieurs, certains envieux, certains vraiment incrédules. « Envie pressante. » que je clame avant de fermer la porte derrière nous. Elle rit encore la brunette et je viens plaquer ma main sur sa bouche alors que le barman entre dans la pièce. Et je retiens mon souffle.

« Vous avez pas vu une fille ? Elle a volé une bouteille. » « Non. » Soulagement, mais le silence dure. « Putain, on est en train de pisser mec, casse-toi. » Je me mords la lèvre pour ne pas éclater de rire. La porte qui claque en sens inverse et mon regard qui croise celui de l’inconnue alors que je pouffe. « Cheers. » Je prends une gorgée du vin et en levant la tête remarque un vasistas juste au-dessus de nos toilettes. « C’est notre seule issue. » que j’indique du doigt. Elle passera sans problème, l’opération risque d’être bien plus risqué pour ma personne. « Ou tu préfères lui repasser sous le nez ? » Cap ?

Elle vacille entre l'éclat de rire naïf et le froncement exaspéré de nez, Chloe bloquée dans l'entrée de la salle de bain des hommes, l'autre voleur sur ses talons. Son coeur bat contre ses tempes, son sang circule à une vitesse folle dans ses veines et elle se sent vivante, aussi stupide la course poursuite puisse-t-elle être. Ce sont les détails comme ceux-là qui aident à chasser l'ennui de nos jours, ce sont ces petits instants à faire tout sauf suivre les règles qu'elle s'est elle-même imposées qui la rendent plus à l'aise de respirer à plein poumons. Cohen visait la cabine tout de suite à sa gauche, mais le brun lui, l'entraîne vers le box du fond. Là où il la pousse sans la moindre délicatesse, refermant la porte derrière eux après s'être emporté dans des négociations qu'elle n'écoutait que d'une oreille, déjà à même de boire ue gorgée de la bouteille volée comme un autre affront de gamine (presque) prise la main dans le sac. Ses mains d'ailleurs, se retrouvent bloquées autour du goulot par les paumes de l'inconnu qui se resserrent contre sa peau. Il est bouillant, elle est glacée.

« Vous avez pas vu une fille ? Elle a volé une bouteille. » une fille, et un garçon. Pas une bouteille, deux. De l'index, elle le pointe lui puis l'alcool de plus qu'ils ont dérobés, rectifiant d'un sourire en coin les faits pour eux et pour leurs égos bien plus que pour le reste du monde. « Non. » « Putain, on est en train de pisser mec, casse-toi. » de grands génies de la parole et du charisme qu'elle pense la brune, roulant des yeux alors que le colocataire du moment n'en finit plus de s'éclater dans le plus raffiné des silences. On dirait qu'il a toujours fait ça. « Cheers. » il chuchote, elle pouffe derrière sa paume désormais libre, esquissant ce qui aurait pu avoir l'air d'une révérence s'ils n'avaient pas été coincés dans si petit espace carré. « C’est notre seule issue. » de ses prunelles acérées à lui, elle suit son regard des siennes à elle, découvrant la fenêtre au-dessus de leurs têtes qui en effet doit donner sur la ruelle derrière l'édifice. Remerciant ses envies de peu ce soir qui ne lui ont pas soufflé à l'oreille de passer un moment à boire un verre sur l'une des terrasses en toit de la ville, elle prend le temps de laisser son esprit cartésien faire le reste, calculant les gestes à poser dans leur ordre précis.

Mais le voilà qui la presse sans qu'elle n'ait rien demandé de plus qu'une seconde, une seule de calme. « Ou tu préfères lui repasser sous le nez ? » de l'index, elle scelle ses lèvres à lui en y appuyant fort, suffisamment pour que le seul bruit ambiant leur confirmant qu'ils ont semé le vigile reste les relents d'urine des autres mâles alpha s'éclatant comme des gamins à Noël de savoir qu'ils ont eux aussi pris part au méfait. L'un d'eux tape trois coups sur la porte de leur cachette, ajoutant en grognant que la voie est libre. Et c'est ça qui la motive à choisir la version ardue du carnage, et non l'issue dégagée. Elle n'en veut pas, de la voie libre. Elle veut le danger.

« Si je noie mes escarpins dans vos toilettes dégoûtantes, je t'envoie la facture. » bien sûr que la faute lui revient à lui et à toute sa populace masculine. Quand elle tapote son torse une seconde, grimpant sur la cuvette la suivante.



WIN : la fenêtre s'ouvre de suite, la voie est libre par là aussi
SO CLOSE : la fenêtre s'ouvre mais le passage est vraiment très étroit - Chloe passe de peine et de misère, Wyatt devra tirer le dé pour savoir s'il y arrive
FAIL : la fenêtre n'en est pas vraiment une, il s'agit simplement d'une faille pour aérer vers la ruelle qui n'a aucun engrenage pour s'ouvrir au complet

L’espace est minuscule tant est si bien que son souffle viens se heurter contre ma joue. De l’autre côté de la mince porte, on entend le patron entrer en trombe dans les toilettes. Elle rayonne de sa bêtise, tenant fièrement son butin entre ses mains. Couvert par nos nouveaux complices un brin éméché et incapable de faire la différence entre la voleuse et la brune qu’ils viennent de croiser, on peut alors commencer à savourer. L’endroit respire un vieux mélange de sueurs et de pisse loin d’être accueillant. L’envie de se tirer ne se fait que plus grande. Prendre la grande porte ou l’issue de secours. Pas le temps de lui poser la question que son index vient s’écraser sur mes lèvres. Yeux dans les yeux, le moment pourraient parfaitement apparaître dans un film de série B. Je retiens un rire. Le patron fouille encore, je retiens mon souffle à l’idée qu’il puisse regarder sous la porte, mais il se contente de râler qu’elle lui a tiré une bouteille de valeur. La déguster n’en sera que plus appréciable. Le silence se fait alors dans la pièce. Nos complices nous annoncent la liberté et je tente une petite danse de la joie, rapidement couper par le manque d’espace. On pourrait tenter le diable, ressortir de là comme si de rien était, passer devant le barman la tête haute et espérer pouvoir atteindre la porte sans problème. Brunette semble d’un autre avis tant elle ne cesse de fixer le vasistas. « Si je noie mes escarpins dans vos toilettes dégoûtantes, je t'envoie la facture. » Je ris avant de hocher la tête. « C’est noté madame. » Garde à vous approximatif alors que déjà, elle escalade la cuvette. Elle est pas très épaisse la demoiselle, mais son passage du côté de la liberté ne se fait pas sans peine. A mon tour, je grimpe sur la toilette, lui tendant notre butin. Il va falloir être malin pour se glisser là-dedans. Je tente de me hisser tant bien que mal, me sentant déjà mal parti dans cette affaire.

WIN : il se tape la tête en voulant passer par l'ouverture, mais il arrive a passer sans trop de souci
SO CLOSE : son pied glisse dans la cuvette des toilettes et il perds sa chaussure avant de réussir à se glisser par l'ouverture.
FAIL : il reste coincé a moitié dedans, à moitié dehors. il galère comme pas possible, en forçant il déchire son pantalon sur tout l'arrière  

« C’est noté madame. » il la fait rire, y'a déjà ça de bon. Quand pour d'autres elle se serait fort probablement déjà tirée, enfuie par la fenêtre avec un sérieux qu'on pourrait facilement lui coller à la peau. Chloe est passée depuis longtemps maître dans l'art de trouver d'un coup d'oeil un seul toutes les sorties de secours des endroits où elle dédie le moindrement son temps. Pour l'heure par contre, elle évalue les possibilités pour elle de passer, mais aussi pour lui.

Cohen donc, qui a fini envers et contre toutes attentes par mettre le pied sur le bitume humide de l'allée. Lui, il rage et il grogne, elle compte maintenant une bonne dizaines de jurons français qu'elle l'a entendu aligner avant de finir par voir tout le haut de son corps se dandiner par les carreaux entrouverts. Il perd toute sa crédibilité de grand gaillard fort et fier entre une gémissement et un autre, et même si elle a la possibilité de faire un pas de plus vers lui pour tendre sa main et tenter de l'aider à s'extirper de là, ce serait mentir de dire qu'elle n'apprécie pas le spectacle, bras croisés et sourire d'ingénue aux lèvres.

C'est avec une chaussure en moins et une grande part d'orgueil également perdue dans le processus qu'il finit par se poster devant elle. « J'ai presque cru que tu t'en sortirais jamais. » elle pouffe de rire de plus belle. Le temps se suspend une seconde et une autre alors qu'elle porte sa bouteille à elle à ses lèvres, lui fait signe du menton de faire de même avec la sienne. Ils ont presque l'air de revenir de la guerre. Des voix derrière eux attirent l'attention de la brune, un groupe de fêtards qui passe à côté de leur duo atypique sans même les regarder lui donne l'impression qu'ils sont peut-être devenus invincibles finalement. Invisibles aussi. Et ça ne lui déplait pas du tout, pas même un peu. « Quoi d'autre? » comme méfait, comme risque. Ils ne s'arrêteront pas en si bonne route, pas déjà. N'est-ce pas?

C’était censé être simple. Grimper sur le siège en porcelaine, se hisser par l’ouverture créée par le passage de la brune, se retrouver à l’extérieur. Rien de bien ingénieux, juste un brin de common sens. Je fais le malin en lui passant la bouteille, lui offrant par la même occasion un sourire à trois mille watts, celui qui a toujours eu du succès. Time to shine. C’était sans compter sur le fait que le toilette est en fait un enfer glissant, qu’en voulant faire le malin, je me trouve à déraper légèrement sur la gauche. Se rattraper au cadrant du vasistas semble une option bien trop commune pour mon abruti de cerveau qui préfère aller chercher un point d’appui contre le mur branlant. En quelques secondes, tout semble partir de travers alors que mon pied droit glisse en plein dans la cuvette, m’arrachant un cri un brin peu viril. « Mais fait chier putain de merde. » Et l’éternelle slave de jurons en français quand la colère prend le dessus et que mon égo se fait la malle. « Quelle conne celle-là. » que je fulmine alors que je sens son regard sur moi, je pourrais presque l’entendre ricaner et c’est ce qui me force à me hisser en dehors de ce cabinet moisi.

« J'ai presque cru que tu t'en sortirais jamais. »
« Je t’emmerde. »

Pas besoin de faire dans la dentelle, mes mots s’accompagnent d’un doigt d’honneur si infantile, mais signature même des Parker. Mes mains tentent de retirer la poussière de mon jean noir, alors que mon pied, désormais simplement vêtu d’une chaussette, vient se percher sur l’autre. J’ai l’air d’un flamant rose, incapable de garder son équilibre. Elle se moque et on trinque à tout cela. Deux idiots qui on ressentit le besoin de plonger tête première dans l’adrénaline. « Quoi d'autre? » Elle en redemande la brunette et c’est un sourire joueur qui s’étale sur mes lèvres. « Tu vas me trouver des chaussures. » Hors de question que j’aille pêcher la vans qui flotte désormais au fond de la cuvette. L’autre troué et défoncée finira sa vie dans la poubelle juste derrière nous. « Interdiction de payer. » Parce que c’est ce qu’elle cherche, elle veut pas retourner dans un quotidien. Je jette également mes chaussettes, ce n’est pas si rare de voir quelqu’un marcher pied nu dans les rues de cette ville. Un énième ourlet à mes chevilles et une gorgée de vin supplémentaire alors que mon regard croise le sien. « Surprends moi. »

« Je t’emmerde. »
« Tu parles français? »

Qu'elle pouffe, l'ingénue, le vin aux lèvres et le sourire avec. Elle connaît les bases, elle sait bien se mouler dans une langue qui n'est pas la sienne pour les besoins du métier, entre autres. La vraie raison, c'est qu'elle s'est autant amusée qu'appliquée à apprendre autant de mesures d'usage que d'insultes la dernière fois où on l'a envoyée pour quelques jours tourner en Alsace. Ça date, qu'elle pense, presque nostalgique. C'est que sa vie entière devant les caméras semble dater ces temps-ci, au final.

Lui, il chasse les remords comme les regrets, l'inconnu vulgaire aux baskets irrécupérables. « Tu vas me trouver des chaussures. » ah, voilà qu'elle l'avait vu venir. Son sourcil se hausse mais ses fossettes ne disparaissent pas encore, elle est attentive Chloe, elle attend la suite des instructions. Bien sûr qu'il ajoutera quelque chose de plus, bien sûr que le petit suspens exagéré qu'il aligne en plus n'est pas là que pour faire joli. « Interdiction de payer. » nous y voilà.

Elle n'est pas une grande voleuse Chloe, elle ne fait que piquer par ci par là sans grande conséquences. Elle a découvert que c'était l'une des idioties qui lui redonnait un peu l'impression d'avoir le contrôle de sa vie, l'a capté que tout récemment. Par réflexe et sans même le réaliser, ses doigts se resserrent sur la bouteille dérobée au bar comme s'il s'agissait du seul bien pr.cieux qui lui restait. « Surprends moi. » et si elle se tire avec l'alcool en le laissant bredouille, ça, ça le surprendra? Un rire de plus et elle acquiesce, non pas en hochant la tête de la positive mais en laissant ses prunelles noisettes détailler les environs à la recherche d'une boutique qui offrirait le genre de vitrines pouvant combler son besoin si vital. « C'est pas le meilleur quartier pour ça. » elle constate l'évidence, soupire, boit une gorgée pour la chance et une autre pour l'imagination.

« Oh à moins que - » la voilà créative maintenant, après avoir fait volteface sur elle-même et laissé son attention dériver vers...




WIN : un magasin de chaussures à défoncer, en diagonale, qu'elle n'avait pas vu de base parce que la devanture était cachée par l'ombre d'un arbre
SO CLOSE : un passant que Wyatt devra distraire le temps que Chloe s'affaire à trouver comment lui voler ses chaussures
FAIL : absolument rien, elle finit bredouille et hilare, statuant qu'ils devront changer de banlieue et remonter au moins cinq autres rues pour trouver leur dû

Qu’elle pouffe autant qu’elle veut la blondinette. Si elle a pu subtiliser quelques bouteilles, elle devra réitérer le talent pour me trouver une nouvelle paire de basket. L’annonce semble la ravir, mais l’éclat dans ses yeux trahirait presque un désir de fuite sans remplir sa part du marché. Mes doigts se resserrent sur le goulot de la bouteille qui est encore mienne, comme prise en otage d’une part de son butin. Sourire démoniaque aux lèvres, je la regarder observer les alentours à la quête de son prochain vol. « C'est pas le meilleur quartier pour ça. » « Juste un challenge supplémentaire. » que je balaye de la main, sautillant presque sur le goudron qui vient chatouiller la plante de mes pieds nus. La sensation tend à être agréable, mais pour rien au monde, je ne transmettrais l’information. Impatient, j’attends l’instant où elle fera le premier pas. Elle semble vouloir jouer encore un peu, le tout à mon avantage. Pourquoi s’en privé ?! « Oh à moins que - » Dans la seconde qui suit elle s’élance d’un pas ferme dans l’avenue bondée. Une inspiration et je décide de la suivre laissant quelques enjambées entre nous, lançant des sourires polis aux gens qui me dévisage, n’ont-ils jamais vu un véritable Australien dans ce coin ? Tête haute, je me contente de siroter ma bouteille innocemment alors que la blonde use de ses charmes, flirt vers les devantures de boutique et reviens à la charge, les mains vides et les lèvres teintées de carmin. On tente notre chance plus loin. Nos pas se poursuivent sans jamais s’entrechoquer. Chacun sa bouteille, chacun son destin. En un coin de rue, elle pourrait fuir, je pourrais décider de rentrer en taxi. C’est l’adrénaline de pas connaître le prochain mouvement qui me force à la suivre encore. Ce sont ses cheveux blonds et son sourire malicieuse qui m’attire toujours un peu plus loin d’une rue à l’autre.

Le décor change, mes pieds restent nus. « Clairement, j’ai surestimé tes capacités. » De voleuse, elle n’en avait que l’image. Sans doute une fille bien sous tout rapport qui voulait se faire mousser un peu. Les bouteilles se vident et l’excitation du moment avec. « Je te laisse encore une chance. » que je viens murmurer bien trop proche de sa joue, un léger sourire aux lèvres.

Fier de moi, me pensant malin, je m’éloigne de la jeune femme, reste de ma bouteille à la main.


WIN : il ne fait pas attention là où met les pieds et... #Merde
SO CLOSE : il trébuche sur de l'air, lâche sa bouteille et se coupe sous le pied avec les éclats de verres
FAIL : il ne regarde pas où il met les pieds et marche sur un clou